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05/03/2024 | FRANCE | N°23PA01038

France | France, Cour administrative d'appel, 3ème chambre, 05 mars 2024, 23PA01038


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 14 novembre 2022 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an et a procédé à son signalement aux fins de non admission dans l'espace Schengen.



Par un jugement n° 2216833 du 8 février 2023, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 14 novembre 2022 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an et a procédé à son signalement aux fins de non admission dans l'espace Schengen.

Par un jugement n° 2216833 du 8 février 2023, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 12 mars 2023, M. B..., représenté par Me Taj, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 8 février 2023 du tribunal administratif de Montreuil ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Hauts-de-Seine du 14 novembre 2022 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les dépens.

Il doit être regardé comme soutenant que :

En ce qui concerne la régularité du jugement :

- le tribunal a omis de répondre au moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ce qu'il pouvait être assigné à résidence.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire et la décision portant refus de délai de départ volontaire :

- cette décision est insuffisamment motivée et entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il justifie disposer d'un passeport en cours de validité et d'une résidence stable ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 730-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ce qu'il pouvait être assigné à résidence ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

- cette décision est insuffisamment motivée et entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur d'appréciation ;

- il encourt des persécutions en cas de retour au Pakistan.

Par un mémoire enregistré le 12 janvier 2024, le préfet des Hauts-de-Seine conclut au rejet de la requête.

Il renvoie à ses écritures de première instance.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Mme Julliard a présenté son rapport au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant pakistanais né le 12 février 1986, est entré en France le

12 septembre 2013 selon ses allégations. Par un arrêté du 14 novembre 2022, le préfet des Hauts-de-Seine lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. Par un jugement du 8 février 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. M. B... relève appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Si M. B... soutient que le tribunal a omis de répondre au moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile " en ce qu'il pouvait être assigné à résidence ", cet article qui est relatif au droit des bénéficiaires de la qualité de réfugié ou de la protection subsidiaire d'être rejoints au titre de la réunification familiale est inopérant dès lors que M. B... ne bénéficie pas de cette qualité. Il s'ensuit que le tribunal n'a pas entaché son jugement d'irrégularité en omettant de répondre à un moyen inopérant.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne le moyen commun à l'ensemble des décisions attaquées :

3. En premier lieu, les décisions contestées visent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions applicables du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elles indiquent que la demande d'asile de M. B... a été rejetée en dernier lieu le 3 août 2016. Elles précisent en outre qu'il n'est pas porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale, dès lors notamment que s'il se déclare marié avec un enfant à charge, les membres de sa famille sont en situation irrégulière. L'arrêté mentionne en outre que le requérant ne justifie d'aucune circonstance particulière pour s'être maintenu sur le territoire français en dépit de la mesure d'éloignement prononcée par le préfet de la Seine-Saint-Denis le 29 octobre 2015. Les décisions en litige comportent ainsi les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Cette motivation révèle en outre que le préfet a procédé à un examen particulier de la situation personnelle du requérant. Par suite, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation et du défaut d'examen doivent être écartés.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire et celle portant refus de délai de départ volontaire :

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : / 1° Le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; / 2° L'étranger s'est vu refuser la délivrance ou le renouvellement de son titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour au motif que sa demande était manifestement infondée ou frauduleuse ; / 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". Aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / (...) / 5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; / (...). ".

5. Contrairement à ce que soutient M. B..., le refus du préfet de lui accorder un délai de départ volontaire n'est pas motivé par le fait qu'il constituerait une menace pour l'ordre public mais par le risque qu'il se soustraie à la mesure d'éloignement, risque résultant, en l'espèce, de l'existence non-contestée d'une précédente mesure d'éloignement non-exécutée du 29 octobre 2015, notifiée le 9 novembre 2015, conformément aux dispositions de l'article L. 612-3 5° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dans ces conditions, les moyens tirés de l'erreur de droit et de l'erreur manifeste d'appréciation, dès lors que l'intéressé dispose d'un passeport en cours de validité et d'une adresse en Seine-Saint-Denis, ne peuvent qu'être écartés.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 730-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut, dans les conditions prévues au présent titre, assigner à résidence l'étranger faisant l'objet d'une décision d'éloignement sans délai de départ volontaire ou pour laquelle le délai de départ volontaire imparti a expiré et qui ne peut quitter immédiatement le territoire français ". Aux termes de l'article L. 731-1 du même code : " L'autorité administrative peut assigner à résidence l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, dans les cas suivants : / 1° L'étranger fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, prise moins d'un an auparavant, pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé (...) ".

7. M. B... ne saurait se prévaloir des dispositions précitées à l'appui de ses conclusions dirigées contre les décisions portant obligation de quitter le territoire français et de refus d'octroi d'un délai de départ volontaire dès lors qu'en tout état de cause, le préfet n'était pas tenu de l'assigner à résidence.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...) ".

9. M. B... soutient être présent sur le territoire français depuis dix ans accompagné de sa femme et de leurs deux enfants, justifier d'une véritable insertion et n'avoir aucune attache familiale dans son pays d'origine. Toutefois, il ne produit aucune preuve de présence entre 2012 et 2018 et ne peut, dès lors, se prévaloir que d'une présence à compter de 2018. Il ne ressort pas des pièces du dossier et n'est pas même allégué que son épouse se trouverait en situation régulière. Par ailleurs, la circonstance qu'il ait signé un contrat à durée indéterminée le 28 novembre 2022 avec la société " TMT BAT " est sans incidence sur la légalité de l'arrêté litigieux dès lors que cet élément est postérieur à cet arrêté. Ainsi, eu égard aux conditions du séjour en France de M. B... qui n'établit l'existence d'aucun obstacle à ce que sa vie familiale se poursuive dans son pays d'origine, les décisions en litige n'ont pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elles ont été prises. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Les décisions en litige ne sont pas davantage entachées d'une erreur manifeste d'appréciation de leurs conséquences sur la situation de M. B....

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

10. En premier lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".

11. Il ressort de ces dispositions que, lorsque le préfet prend, à l'encontre d'un étranger, une décision portant obligation de quitter le territoire français ne comportant aucun délai de départ, il lui appartient d'assortir sa décision d'une interdiction de retour sur le territoire français, sauf dans les cas où des circonstances humanitaires y feraient obstacle. Seule la durée de cette interdiction de retour doit être appréciée au regard des quatre critères énumérés au III de l'article L. 511-1, à savoir la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, la nature et l'ancienneté de ses liens avec la France, l'existence ou non d'une précédente mesure d'éloignement et, le cas échéant, la menace pour l'ordre public que constitue sa présence sur le territoire.

12. Le préfet des Hauts-de-Seine a pu légalement prononcer une interdiction de retour à l'encontre de M. B... dès lors qu'aucun délai de départ ne lui a été accordé pour se conformer à l'obligation de quitter le territoire national prononcée à son encontre. Contrairement à ce que soutient M. B..., il ne justifie pas de circonstances humanitaires de nature à y faire obstacle. Le préfet des Hauts-de-Seine a pu, sans commettre d'erreur d'appréciation, décider de prononcer une interdiction de retour d'une durée de douze mois eu égard aux conditions de son séjour en France, à sa situation familiale et à l'absence de liens suffisamment forts et caractérisés en France.

13. En deuxième lieu, eu égard à la situation de M. B... telle qu'exposée au point 9 du présent arrêt, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

14. En troisième lieu, M. B... ne peut utilement se prévaloir de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales à l'encontre de la décision interdisant le retour sur le territoire français. En tout état de cause, il n'établit pas qu'il serait personnellement exposé à des risques réels et sérieux pour sa liberté ou son intégrité physique en cas de retour dans son pays d'origine.

15. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 novembre 2022 du préfet des Hauts-de-Seine. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice ne peuvent qu'être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet des Hauts-de-Seine.

Délibéré après l'audience publique du 1er février 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Ivan Luben, président de chambre,

- Mme Marianne Julliard, présidente-assesseure,

- Mme Labetoulle, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 mars 2024.

La rapporteure,

M. JULLIARD

Le président,

I. LUBEN

La greffière,

N. DAHMANILa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23PA01038


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA01038
Date de la décision : 05/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LUBEN
Rapporteur ?: Mme Marianne JULLIARD
Rapporteur public ?: Mme DÉGARDIN
Avocat(s) : TAJ

Origine de la décision
Date de l'import : 10/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-05;23pa01038 ?
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