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04/03/2024 | FRANCE | N°23PA02368

France | France, Cour administrative d'appel, 8ème chambre, 04 mars 2024, 23PA02368


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société Distribution Chiki a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 24 mars 2021 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a mis à sa charge la contribution spéciale pour un montant de 73 000 euros alors prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail ainsi que la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement, pour un montant de 8 496 euros, d'annuler la décision du 10

juin 2021 par laquelle cet office a rejeté le recours gracieux formé contre cette décisi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Distribution Chiki a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 24 mars 2021 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a mis à sa charge la contribution spéciale pour un montant de 73 000 euros alors prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail ainsi que la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement, pour un montant de 8 496 euros, d'annuler la décision du 10 juin 2021 par laquelle cet office a rejeté le recours gracieux formé contre cette décision et de la décharger du paiement de ces contributions et à titre subsidiaire, de réduire le montant total des contributions dues à la somme totale de 37 696 euros.

Par jugement n° 2117207/3-3 du 25 avril 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par requête enregistrée le 26 mai 2023, la société Distribution Chiki, représentée par Me Monconduit, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2117207 du 25 avril 2023 du tribunal administratif de Paris ;

2°) de ramener à de plus justes proportions le montant des sanctions financières prononcées à son encontre avec un plafond de 37 696 euros ;

3°) d'enjoindre au directeur général de l'OFII de ramener à de plus justes proportions le montant des sanctions financières prononcées à son encontre en les plafonnant à 37 696 euros ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le montant des sanctions doit être diminué par application de l'article R. 8253-2 du code du travail dès lors que les salariés concernés par le contrôle ayant démissionnés et n'ayant pas été licenciés, il n'était pas obligatoire pour leur employeur de procéder au paiement des indemnités prévues par le 2° de l'article L. 8252-2 2° du code du travail ; ;

- le montant de la sanction doit être ramené à 2 000 euros par salarié dès lors que, par ailleurs, elle s'est acquittée des salaires dus et de l'ensemble des obligations qui lui incombaient au titre de l'article L. 8252-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 décembre 2023, l'OFII, représenté par Me de Froment, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société Distribution Chiki la somme de 2 000 euros, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par la société Distribution Chiki ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Collet,

- les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique,

- et les observations de Me Cabral de Brito, avocate de la société Distribution Chiki.

Considérant ce qui suit :

1. Le 4 août 2020, les services de police ont contrôlé la supérette exploitée par la société Distribution Chiki et ont constaté la présence de quatre ressortissants étrangers dépourvus de titre les autorisant à séjourner et à exercer une activité salariée en France. Un procès-verbal d'infraction a été dressé et transmis à l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) en application de l'article L. 8271-17 du code du travail. Par une décision du 24 mars 2021, le directeur général de l'OFII a appliqué à la société Distribution Chiki, à raison de l'emploi de ces quatre ressortissants étrangers, la contribution spéciale alors mentionnée à l'article L. 8253-1 du code du travail pour un montant de 73 000 euros et la contribution forfaitaire alors prévue par l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour un montant de 8 496 euros. Par décision du 10 juin 2021, le directeur général de l'OFII a rejeté le recours gracieux formé contre cette décision. Par jugement du 25 avril 2023, dont la société Distribution Chiki relève appel en limitant sa demande d'annulation à la seule décision précitée du 10 juin 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions des 24 mars et 10 juin 2021 et à la décharge du paiement deces contributions.

Sur les conclusions tendant à la réduction du montant des contributions :

2. D'une part, selon le premier alinéa de l'article L. 8251-1 du code du travail : " Nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France ". En application du premier alinéa de l'article L. 8253-1 du même code, dans sa rédaction en vigueur du 1er janvier 2018 au 28 janvier 2024, applicable au présent litige : " Sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251 1 acquitte, pour chaque travailleur étranger non autorisé à travailler, une contribution spéciale. Le montant de cette contribution spéciale est déterminé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Il est, au plus, égal à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 3231 12 (...) ". Ce montant est fixé de manière forfaitaire, par l'article R. 8253 2 du même code, à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 3231 12, à la date de la constatation de l'infraction. Il est réduit à 2 000 fois le taux horaire du minimum garanti lorsque le procès-verbal d'infraction ne mentionne pas d'autre infraction commise à l'occasion de l'emploi du salarié étranger en cause que la méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 ou lorsque l'employeur s'est acquitté des salaires et indemnités mentionnés à l'article L. 8252-2 dans les conditions prévues par les articles R. 8252-6 et R. 8252-7 du même code.

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 8252-2 du code du travail, " Le salarié étranger a droit au titre de la période d'emploi illicite : / 1° Au paiement du salaire et des accessoires de celui-ci, conformément aux dispositions légales, conventionnelles et aux stipulations contractuelles applicables à son emploi, déduction faite des sommes antérieurement perçues au titre de la période considérée. A défaut de preuve contraire, les sommes dues au salarié correspondent à une relation de travail présumée d'une durée de trois mois. Le salarié peut apporter par tous moyens la preuve du travail effectué ; / 2° En cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à trois mois de salaire, à moins que l'application des règles figurant aux articles L. 1234-5, L. 1234-9, L. 1243-4 et L. 1243-8 ou des stipulations contractuelles correspondantes ne conduise à une solution plus favorable. (...) ". En vertu de l'article R. 8252-6 du même code : " L'employeur d'un étranger non autorisé à travailler s'acquitte par tout moyen, dans le délai mentionné à l'article L. 8252-4, des salaires et indemnités déterminés à l'article L. 8252-2. / Il remet au salarié étranger sans titre les bulletins de paie correspondants, un certificat de travail ainsi que le solde de tout compte. Il justifie, auprès de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, par tout moyen, de l'accomplissement de ses obligations légales ". Le juge administratif peut décider, après avoir exercé son plein contrôle sur les faits invoqués et la qualification retenue par l'administration, soit de maintenir la sanction prononcée au montant fixé de manière forfaitaire par les dispositions citées au point 2, soit d'en diminuer le montant jusqu'au minimum prévu par l'article L. 8253-1 du code du travail, soit d'en décharger l'employeur, mais ne peut moduler l'application du barème fixé par les dispositions précitées.

4. La société Distribution Chiki soutient que le montant de la contribution spéciale mise à sa charge doit être ramené, par application des dispositions alors en vigueur de l'article L. 8253-1 du code du travail, à 2 000 fois le taux horaire du minimum garanti dès lors qu'elle s'est acquittée des salaires des quatre ressortissants étrangers dépourvus de titre les autorisant à séjourner et à exercer une activité salariée en France. Elle précise que M. E... a cessé de travailler dès le 5 août 2020 et a présenté sa démission le 10 août 2020, que Mme D... a cessé de travailler dès le 5 août 2020 et a présenté sa démission le 31 août 2020, que M. A... C... a présenté sa démission au moment de la liquidation le 30 février 2021 et que M. B... est resté dans les effectifs de la société jusqu'à son rachat par la société Nhoa et a été intégré dans les effectifs de cette société à compter du 11 janvier 2021 et en déduit que, les salariés étant démissionnaires, l'indemnité forfaitaire prévue par le 2° de l'article L. 8252 2 du code du travail n'était pas due. Toutefois, l'irrégularité de la situation d'un travailleur étranger, qui interdit à l'employeur, en application de l'article L 8251-1 du code du travail, dont les dispositions sont d'ordre public, de conserver le salarié à son service constitue nécessairement une cause objective justifiant la rupture de plein droit de son contrat de travail, la " démission " postérieure des salariés se trouvant donc sans effet sur un contrat qui est déjà résolu de plein droit. Par suite, la circonstance que les trois salariés concernés aient démissionné n'est pas de nature, contrairement à ce que soutient la société Distribution Chiki à l'exonérer du paiement de l'indemnité forfaitaire égale à trois mois de salaire prévue par l'article L. 8252-2 du code du travail, laquelle doit être versée en cas de rupture de la relation de travail. Dès lors qu'il est constant que cette indemnité n'a pas été versée à ces salariés, la société ne peut être regardée comme s'étant acquittée, dans le délai de trente jours prévu par l'article L. 8252-4 du code du travail, de l'intégralité des salaires et indemnités prévus par l'article L. 8252-2 du même code. En conséquence, en présence d'un cumul d'infractions et du défaut de preuve du paiement aux salariés concernés de l'ensemble des salaires, accessoires et indemnités de rupture prévus par le code du travail, le montant de la contribution spéciale fixé à 5 000 fois le taux horaire minimum garanti applicable à la date de commission de l'infraction doit être maintenu.

5. Il résulte de tout ce qui précède que la société Distribution Chiki n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 10 juin 2021 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a rejeté le recours gracieux formé contre la décision du 24 mars 2021 mettant à sa charge la contribution spéciale pour un montant de 73 000 euros ainsi que la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement, pour un montant de 8 496 euros. Les conclusions de sa requête d'appel tendant à la réduction des contributions mises à sa charge et aux fins d'injonction ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

6. L'OFII n'étant pas la partie perdante à l'instance, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à sa charge la somme demandée par la société Distribution Chiki au titre de ces dispositions. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Distribution Chiki la somme de 2 000 euros à verser à l'OFII sur le fondement des mêmes dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la société Distribution Chiki est rejetée.

Article 2 : La société Distribution Chiki versera à l'Office français de l'immigration et de l'intégration la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Distribution Chiki, et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

Délibéré après l'audience du 5 février 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Menasseyre, présidente,

- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,

- Mme Collet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 4 mars 2024.

La rapporteure,

A. COLLET La présidente,

A. MENASSEYRE

Le greffier,

P. TISSERAND

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23PA02368


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA02368
Date de la décision : 04/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MENASSEYRE
Rapporteur ?: Mme Aude COLLET
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : LEXGLOBE

Origine de la décision
Date de l'import : 10/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-04;23pa02368 ?
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