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04/03/2024 | FRANCE | N°23PA01281

France | France, Cour administrative d'appel, 8ème chambre, 04 mars 2024, 23PA01281


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La SASU Chicken Time's a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 22 octobre 2020 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) lui a appliqué la contribution spéciale alors prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail et la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement d'un étranger dans son pays d'origine pour un montant total de 18 898 euros, et la décision du 26 ja

nvier 2021 rejetant son recours gracieux.



Par jugement n° 2101778 du 17 févri...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SASU Chicken Time's a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 22 octobre 2020 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) lui a appliqué la contribution spéciale alors prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail et la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement d'un étranger dans son pays d'origine pour un montant total de 18 898 euros, et la décision du 26 janvier 2021 rejetant son recours gracieux.

Par jugement n° 2101778 du 17 février 2023, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par requête enregistrée le 27 mars 2023, la SASU Chicken Time's, représentée par Me Sanchez, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2101778 du 17 février 2023 du tribunal administratif de Melun ;

2°) d'annuler la décision du 22 octobre 2020 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) lui a appliqué la contribution spéciale alors prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail et la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement d'un étranger dans son pays d'origine pour un montant total de 18 898 euros, et la décision du 26 janvier 2021 rejetant son recours gracieux ;

3°) de mettre à la charge de l'OFII la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les faits qui lui sont reprochés ne sont pas établis par le procès-verbal sur lequel se fonde l'OFII ;

- il n'y a pas deux mais un seul salarié concerné ;

- la société requérante et le gérant ont été relaxés par le tribunal correctionnel de Melun le 31 mai 2021 de sorte que l'autorité de la chose jugée s'impose au juge administratif.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 novembre 2023, l'OFII conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la SASU Chicken Time's ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Collet,

- et les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Le 2 octobre 2018, les services de police ont contrôlé un restaurant exploité par la société Chicken Time's et ont constaté la présence en action de travail de deux ressortissants sri-lankais dépourvus de titre les autorisant à séjourner et à exercer une activité salariée en France. Un procès-verbal d'infraction a été dressé et transmis à l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) en application de l'article L. 8271-17 du code du travail. Par une décision du 22 octobre 2020, le directeur général de l'OFII a appliqué à la société Chicken Time's pour l'emploi de ces deux ressortissants étrangers la contribution spéciale alors mentionnée à l'article L. 8253-1 du code du travail pour un montant de 14 280 euros et la contribution forfaitaire prévue par l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur, pour un montant de 4 618 euros. Le 22 décembre 2020, la société Chicken Time's a formé un recours gracieux contre cette décision, rejeté par l'OFII le 26 janvier 2021. Par jugement n° 2101778 du 17 février 2023, dont la société Chicken Time's relève appel, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux décisions.

2. D'une part, aux termes du premier alinéa de l'article L. 8251-1 du code du travail : " Nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France. ". L'article L. 8253-1 du même code, dans sa rédaction en vigueur du 1er janvier 2018 au 28 janvier 2024, applicable au présent litige, prévoit que : " Sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 acquitte, pour chaque travailleur étranger non autorisé à travailler, une contribution spéciale. Le montant de cette contribution spéciale est déterminé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Il est, au plus, égal à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12 (...) ". D'autre part, aux termes de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Sans préjudice des poursuites judiciaires qui pourront être engagées à son encontre et de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail, l'employeur qui aura occupé un travailleur étranger en situation de séjour irrégulier acquittera une contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine. (...) ".

3. En premier lieu, si les faits constatés par le juge pénal et qui commandent nécessairement le dispositif d'un jugement ayant acquis force de chose jugée s'imposent à l'administration comme au juge administratif, la même autorité ne saurait s'attacher aux motifs d'un jugement de relaxe tirés de ce que les faits reprochés ne sont pas établis ou de ce qu'un doute subsiste sur leur réalité. Il appartient, dans ce cas, à l'autorité administrative d'apprécier si les mêmes faits sont suffisamment établis et, dans l'affirmative, s'ils justifient l'application d'une sanction administrative. Il n'en va autrement que lorsque la légalité de la décision administrative est subordonnée à la condition que les faits qui servent de fondement à cette décision constituent une infraction pénale, l'autorité de la chose jugée s'étendant alors exceptionnellement à la qualification juridique donnée aux faits par le juge pénal.

4. Par un jugement du 31 mai 2021, la chambre correctionnelle du tribunal judiciaire de Melun a relaxé la société Chicken Time's et son gérant, prévenus des chefs d'exécution d'un travail dissimulé commis à l'égard de plusieurs personnes, d'emploi d'un étranger non muni d'une autorisation de travail salarié, d'aide à l'entrée, à la circulation ou au séjour irréguliers d'un étranger en France entre le 1er janvier 2014 et le 2 octobre 2018. Toutefois, il ne résulte pas des motifs de ce jugement correctionnel que les faits reprochés à la société Chicken Time's ne sont pas établis. Ainsi, et alors que ni les dispositions de l'article L. 8253-1 du code du travail ni celles de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne subordonnent la mise à la charge de l'employeur de la contribution spéciale et de la contribution forfaitaire à la condition que les faits qui les fondent constituent une infraction pénale, l'autorité de la chose jugée au pénal ne fait pas obstacle à ce que les contributions litigieuses soient mises à la charge de la société Chicken Time's.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 8271-8 du code du travail " Les infractions aux interdictions du travail dissimulé sont constatées au moyen de procès-verbaux qui font foi jusqu'à preuve du contraire. Ces procès-verbaux sont transmis directement au procureur de la république ".

6. Il résulte de l'instruction, en particulier des procès-verbaux établis le 2 octobre 2018 dont les mentions font foi jusqu'à preuve du contraire, que M. C... qui était occupé à la préparation de sandwichs en cuisine au moment du contrôle par les services de police était dépourvu de tout titre l'autorisant à séjourner et à exercer une activité salariée en France. Il a également été constaté que son collègue, occupé à la même tâche au moment du contrôle, M. B... qui s'est présenté sous l'identité de M. A... a fourni le titre de séjour dont celui-ci était titulaire et il est apparu que le cliché photographique ne correspondait pas à la personne contrôlée qui a usurpé cette identité lors de son embauche. Contrairement à ce que soutient la société requérante, d'une part, l'emploi de deux étrangers non munis d'une autorisation de travail salarié, et pas uniquement d'un seul étranger, a été relevé et, d'autre part, il lui appartenait en application des dispositions précitées du code du travail de vérifier la régularité de la situation des intéressés au regard de la réglementation en vigueur avant de les embaucher. Par suite, en l'absence de preuve contraire apportée par la société Chicken Time's, il est établi qu'elle a employé les deux ressortissants étrangers précités dépourvus de tout titre les autorisant à séjourner et à exercer une activité salariée en France. Ainsi, c'est à bon droit que les contributions litigieuses ont été mises à sa charge.

7. Il résulte de tout ce qui précède que la SASU Chicken Time's n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 22 octobre 2020 par laquelle le directeur général de l' OFII lui a appliqué la contribution spéciale alors prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail et la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement d'un étranger dans son pays d'origine pour un montant total de 18 898 euros et de la décision du 26 janvier 2021 rejetant son recours gracieux.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SASU Chicken Time's est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SASU Chicken Time's et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

Délibéré après l'audience du 5 février 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Menasseyre, présidente,

- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,

- Mme Collet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 4 mars 2024.

La rapporteure,

A. Collet La présidente,

A. Menasseyre

Le greffier,

P. Tisserand

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23PA01281


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA01281
Date de la décision : 04/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MENASSEYRE
Rapporteur ?: Mme Aude COLLET
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : SANCHEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 10/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-04;23pa01281 ?
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