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04/03/2024 | FRANCE | N°22PA05498

France | France, Cour administrative d'appel, 8ème chambre, 04 mars 2024, 22PA05498


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La SARL Compagnie maritime des îles a demandé au tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie d'annuler la décision du 28 janvier 2022, par laquelle l'inspecteur du travail a rejeté la demande d'autorisation de licenciement pour motif disciplinaire de M. A... D....



Par jugement n° 2200129 du 29 septembre 2022, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une

requête enregistrée le 26 décembre 2022, la Compagnie maritime des îles, représentée par Me Kozlowski, demande à la co...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Compagnie maritime des îles a demandé au tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie d'annuler la décision du 28 janvier 2022, par laquelle l'inspecteur du travail a rejeté la demande d'autorisation de licenciement pour motif disciplinaire de M. A... D....

Par jugement n° 2200129 du 29 septembre 2022, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 26 décembre 2022, la Compagnie maritime des îles, représentée par Me Kozlowski, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2200129 du 29 septembre 2022 du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie ;

2°) d'annuler la décision du 28 janvier 2022 par laquelle l'inspecteur du travail a rejeté la demande d'autorisation de licenciement pour motif disciplinaire de M. D... ;

3°) de mettre à la charge de la Nouvelle-Calédonie la somme de 600 000 francs CFP et la somme de 300 000 francs CFP à la charge de M. D... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision du 28 janvier 2022 est entachée d'un vice de procédure dès lors que l'inspecteur du travail ne s'est pas prononcé dans le délai de huit jours prévu par de l'article R. 353-3 du code du travail de Nouvelle-Calédonie lorsque le salarié est mis à pied, et a prolongé le délai sans que les nécessités de l'enquête le justifient ;

- elle est entachée d'une erreur d'appréciation dès lors que les faits reprochés à M. D... qui entravent le bon fonctionnement de l'entreprise, qui sont contraires à l'obligation de loyauté sont matériellement établis et qu'ils sont, dans le contexte dans lequel ils sont intervenus, tenant à un comportement général de l'intéressé marqué par des attitudes inadaptées et caractérisant une défiance vis-à-vis de l'employeur, et compte tenu des antécédents de ce dernier d'une gravité suffisante pour justifier l'autorisation de licenciement sollicitée ;

- les premiers juges n'ont pas pris en compte le fait que M. D... n'exerce pas loyalement son mandat représentatif et crée volontairement un climat de tension en se livrant à des manœuvres destinées à déstabiliser et à discréditer la direction générale, qui troublent le bon fonctionnement de l'entreprise ;

- l'inspecteur du travail a dénaturé la demande d'autorisation de licenciement dont il a été saisi en minimisant les faits qui étaient reprochés et a entaché la décision attaquée d'une erreur de droit.

Par un mémoire enregistré le 15 janvier 2024, M. A... D... représenté par Me Elmosnino, conclut au rejet de la requête de la Compagnie maritime des îles et à ce que soit mise à la charge de la Compagnie maritime des îles la somme de 350 000 francs CFP sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par la Compagnie maritime des îles ne sont pas fondés.

La requête a été transmise au gouvernement de la Nouvelle-Calédonie qui n'a pas produit d'observations en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi organique n° 99-209 et la loi n° 99-210 du 19 mars 1999 ;

- le code du travail de la Nouvelle-Calédonie ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Collet,

- et les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par courrier du 10 janvier 2022, la SARL Compagnie maritime des îles a saisi la direction du travail et de l'emploi de Nouvelle-Calédonie d'une demande d'autorisation de licenciement pour motif disciplinaire de M. D..., salarié de la société depuis le 1er juillet 2010, exerçant les fonctions de chaudronnier, soudeur et coursier en contrat à durée indéterminée. M. D... était, à la date de la demande, délégué du personnel titulaire et membre titulaire du comité d'entreprise. Le 23 décembre 2021, il a été entendu dans le cadre de l'entretien préalable à son éventuel licenciement. Par décision du 28 janvier 2022, l'inspecteur du travail a rejeté la demande d'autorisation de licenciement. Par jugement du 29 septembre 2022, dont la Compagnie maritime des îles relève appel, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Hormis dans le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel, non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative contestée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Par suite, la Compagnie maritime des îles ne peut, en tout état de cause, utilement se prévaloir, pour contester la régularité du jugement attaqué, de ce qu'il serait entaché d'une erreur d'appréciation.

Sur la légalité de la décision du 28 janvier 2022 :

3. En premier lieu, aux termes de l'article Lp. 353-1 du code du travail de Nouvelle-Calédonie : " La demande d'autorisation de licenciement d'un des salariés mentionnés aux articles Lp. 351-1 à Lp. 352-3 est adressée à l'inspecteur du travail. / Cette demande énonce les motifs du licenciement envisagé. ". Selon l'article R. 353-6 du code du travail de la Nouvelle-Calédonie : " Si le chef d'entreprise utilise la procédure de mise à pied mentionnée à l'article Lp. 351-1, la demande d'autorisation de licenciement prévue à l'article Lp. 353-1 est présentée au plus tard dans les quarante-huit heures suivant la délibération du comité d'entreprise. / Lorsqu'il n'existe pas de comité d'entreprise, le délai de quarante-huit heures est porté à huit jours et court à compter de la date de mise à pied. ". Aux termes de l'article R. 353-3 de ce code : " L'inspecteur du travail procède à une enquête contradictoire au cours de laquelle le salarié peut, sur sa demande, se faire assister d'un représentant de son syndicat. / Il statue dans un délai de quinze jours qui est réduit à huit jours en cas de mise à pied. Ce délai court à compter de la réception de la demande motivée prévue à l'article Lp. 353-1. Le délai ne peut être prolongé que si les nécessités de l'enquête le justifient. L'inspecteur du travail avise de la prolongation du délai les destinataires mentionnés à l'alinéa suivant. / La décision est motivée. Elle est notifiée à l'employeur et au salarié ainsi que, lorsqu'il s'agit d'un représentant syndical au comité d'entreprise, à l'organisation syndicale concernée, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. ". Les délais, fixés par ces dispositions, dans lesquels l'inspecteur du travail doit se prononcer sur la demande d'autorisation de licenciement d'un salarié mis à pied, ne sont pas prescrits à peine de nullité de la procédure de licenciement.

4. Il ressort des pièces du dossier qu'à la suite de la mise à pied conservatoire de M. D... le 20 décembre 2021, le comité d'entreprise a été consulté sur le projet de licenciement de l'intéressé le 10 janvier 2022 et la demande d'autorisation de licenciement a été présentée à l'inspection du travail par un courrier du 10 janvier 2022 reçu le lendemain. Ensuite, l'inspecteur du travail a rendu sa décision le 28 janvier 2022 soit au-delà du délai de huit jours qui lui était imparti compte tenu de la mise à pied dont a fait l'objet M. D.... Toutefois, et à supposer même que l'inutilité de cette prolongation soit établie par la Compagnie maritime des îles, ce dépassement, qui s'explique par le fait que l'inspecteur du travail a prolongé, le 12 janvier 2022, le délai pour les nécessités de l'enquête, ce qui a conduit à l'audition individuelle de M. D... et de M. C..., est, en tout état de cause, sans incidence sur la légalité de la décision contestée.

5. En deuxième lieu, d'une part, en vertu des dispositions du titre V du code du travail de la Nouvelle-Calédonie, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au président du gouvernement, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi.

6. D'autre part, aux termes de l'article Lp. 132-6 du code du travail de la Nouvelle-Calédonie : " Aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales. ". L'employeur ne peut pas fonder une demande d'autorisation de licenciement sur des faits prescrits en application de cette disposition, sauf si ces faits procèdent d'un comportement fautif de même nature que celui dont relèvent les faits non prescrits donnant lieu à l'engagement des poursuites disciplinaires. Enfin, aux termes de l'article Lp 122-33 de ce code : " (...) le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. / Si un doute subsiste, il profite au salarié. ".

7. A l'appui de sa demande d'autorisation de licenciement du 10 janvier 2022 reçue le lendemain par l'inspecteur du travail, la Compagnie maritime des îles faisait grief à M. D... d'avoir eu un comportement professionnel inadapté dans le cadre de l'exécution de son contrat de travail comme l'illustrent, selon elle, les faits survenus, lors de la réunion de service de l'atelier du 29 juin 2021, au cours de laquelle il aurait accusé à tort et sur un ton agressif le directeur général d'avoir envoyé un contrôle de la CAFAT à son domicile alors qu'il était en arrêt maladie, et d'avoir ainsi perturbé le déroulement de cette réunion en mettant en cause la loyauté de la direction et sa bonne foi dans le nouveau dispositif d'absence mis en place. La Compagnie maritime des îles fait valoir que par son comportement l'intéressé a injustement et volontairement perturbé cette réunion de service ce qui caractérise, selon elle, une faute compte tenu du contexte dans lequel elle a été commise et des antécédents disciplinaires de l'intéressé.

8. Elle se prévalait également d'un autre grief tiré de l'exercice abusif de son mandat représentatif par M. D... lequel ne l'exercerait pas loyalement et créerait volontairement un climat de tensions en opérant des manœuvres destinées à déstabiliser et discréditer la direction générale depuis plusieurs mois ce qui troublerait le bon fonctionnement de l'entreprise, son comportement étant à l'origine, selon elle, de deux agressions survenues les 25 janvier 2021 et 2 juillet 2021. Il aurait soutenu auprès de son collègue que les règles relatives à la gestion des absences dans l'entreprise seraient irrégulières, ce qui l'a conduit à adopter une position ferme d'obstruction vis-à-vis de sa hiérarchie allant jusqu'au chantage en menaçant la direction de se trouver en arrêt maladie si le congé sollicité ne lui était pas accordé. La Compagnie maritime des îles lui reprochait un comportement abusif, une incitation à ne pas respecter les règles de l'entreprise et un soutien aux salariés, un comportement inadapté vis-à-vis de la direction générale. Elle ajoute que la volonté de M. D... de générer un conflit avec la direction générale en faisant supporter au directeur général le dysfonctionnement du service de l'atelier en proférant des accusations mensongères ou sans preuve ne peut entrer dans l'exercice normal de la fonction représentative. Elle met enfin en avant le fait que les nombreuses périodes d'absence de l'intéressé durant les quatre dernières années rendent impossible le suivi de la maintenance dans l'entreprise, qu'il tente de monter les salariés contre le directeur général, qu'il a la volonté de nuire au fonctionnement de l'entreprise sans tenir aucunement compte des menaces que ses agissement génèrent pour les emplois de l'ensemble des salariés et que son maintien dans l'entreprise ne peut se faire sans mise en danger de son fonctionnement et sans courir le risque de nouvelles agressions cautionnées voir organisées par le comportement de M. D....

Sur le grief tenant à un comportement professionnel inadapté fautif dans l'exécution du contrat de travail :

9. Il ressort de la lecture de la décision attaquée que l'inspecteur du travail, qui n'a pas dénaturé les termes de la demande d'autorisation de licenciement, a considéré qu'il entrait dans les prérogatives de l'employeur de faire diligenter une contre-visite médicale au domicile du salarié par un médecin de son choix, et que l'exercice, par l'employeur, d'une telle prérogative n'était nullement susceptible de le discréditer. Il a relevé que la réunion au cours de laquelle M. D... avait imputé à tort à son employeur l'organisation d'une telle contre-visite à son domicile avait été menée à terme sans perturbation majeure. Il en a déduit que la matérialité des faits tenant à un comportement professionnel tendant à jeter le discrédit sur la direction en perturbant une réunion de service n'était pas établie.

10. Il ressort des pièces du dossier que M. D... a effectivement abordé sa situation personnelle, pendant une durée d'une dizaine de minutes selon le directeur général, lors de la réunion qui s'est tenue le 29 juin 2021 pendant quarante minutes à une heure, au sein du service de l'atelier en imputant à tort à ce dernier l'organisation d'un contrôle à son domicile pour apprécier le bien-fondé de son arrêt maladie. Toutefois, et ainsi que l'a relevé l'inspecteur du travail, il n'apparaît pas que le déroulement de la réunion en cause, qui a été menée à son terme dans un délai qui n'est pas excessif, s'en soit trouvé gravement perturbé ni qu'un quelconque discrédit ait été jeté sur l'employeur, même s'il n'était pas à l'origine de ce contrôle. Au demeurant, ces faits, sur lesquels est fondée la demande d'autorisation de licenciement sollicité, ne sont, en tout état de cause, pas de nature à caractériser à eux seuls un comportement fautif dans l'exécution du contrat, lié au discrédit jeté sur l'employeur contrairement à ce que fait valoir la Compagnie maritime des îles. Par ailleurs, si cette dernière se prévaut des agissements répétitifs antérieurs de l'intéressé visant à nuire au bon fonctionnement de l'entreprise et de plusieurs antécédents disciplinaires, ces faits, qui ne fondaient pas la demande d'autorisation de licenciement soumise à l'inspecteur du travail, étaient seulement destinés à éclairer le contexte dans lequel s'est tenue la réunion du 29 juin 2021. Par suite, l'inspecteur du travail a pu, sans se méprendre, considérer que la matérialité de ce premier grief tenant à un comportement professionnel inadapté dans l'exécution de son contrat de travail n'était pas établie au vu des seuls éléments rapportés par l'employeur.

Sur le grief tenant à l'abus dans l'exercice du mandat représentatif :

11. Il ressort de la lecture de la décision attaquée que l'inspecteur du travail a considéré que les faits commis le 25 janvier 2021 ne pouvaient plus donner lieu à poursuite compte tenu du délai écoulé, que son implication dans des faits déroulés le 2 juillet 2021 n'était pas établie, que la gêne apportée dans l'accomplissement du travail des salariés le 23 juillet 2021 n'était pas établie et que la matérialité des déclarations imputées à M. D... le 2 juillet 2021 n'était pas établie.

12. La Compagnie maritime des îles ne saurait se prévaloir à l'appui du grief selon lequel M. D... n'exerce pas loyalement son mandat représentatif de faits prescrits en application de l'article Lp. 132-6 du code du travail de la Nouvelle-Calédonie. Par suite, l'agression survenue le 25 janvier 2021 dont l'employeur a eu connaissance dès le 27 janvier 2021 et qui a donné lieu à une enquête interne qui s'est terminée le 9 février 2021 ne peut plus servir de fondement à la demande d'autorisation de licenciement adressée par la Compagnie maritime des îles le 10 janvier 2022 à l'inspecteur du travail qui l'a reçue le lendemain. S'agissant des faits survenus le 2 juillet 2021, la Compagnie maritime des îles reproche à M. D..., à savoir le fait d'avoir le 29 juin 2021 incité un collègue M. B... à ne pas respecter les règles relatives à la gestion des absences dans l'entreprise et l'avoir soutenu dans sa démarche irrégulière de refus de présentation d'un justificatif à l'issue d'un congé demandé au dernier moment et accordé par l'entreprise et dans le chantage instauré par ce dernier qui aurait menacé la direction de se trouver en arrêt maladie si le congé sollicité ne lui était pas accordé. Si M. B... a eu ensuite une attitude très agressive et des gestes brusques envers le directeur général le 2 juillet suivant, il ressort du rapport rédigé par le directeur général que M. D... n'était pas physiquement présent lors de cet incident. De plus, il ressort du courrier du 6 juillet 2021 adressé par le directeur général au secrétaire général du commerce et divers du syndicat " solidarité NC " que M. B... n'a " absolument besoin de personne pour le pousser à bout " et qu'il a " déjà agressé " un délégué syndical le 25 janvier 2021. Il s'ensuit que l'implication de M. D... dans l'agression du directeur général du 2 juillet 2021 n'est pas établie. La Compagnie maritime des îles se prévaut ensuite de l'attestation sur l'honneur préétablie qui a été signée à l'initiative de M. D... le 23 juillet 2021 par sept salariés indiquant que le directeur général serait responsable de la mauvaise ambiance dans l'entreprise entraînant des problèmes de santé, des dépressions, des démissions, des provocations, des tensions. Elle se prévaut également de la contre attestation sur l'honneur signée le jour même par quatre de ses sept salariés indiquant qu'ils ont été pris au dépourvu par M. D... puis le 30 novembre 2021 indiquant qu'ils ont signé dans la précipitation et que cette demande de signature a interrompu et perturbé leur travail et enfin de l'attestation d'un autre salarié mentionnant que l'action de M. D... a fortement perturbé son travail. Toutefois lors de l'audition des salariés concernés, l'inspecteur du travail a relevé que l'intervention de M. D... n'a duré qu'entre 30 secondes et 10 minutes ce qui ne peut être regardé comme ayant occasionné une perturbation importante du travail en cours sauf pour l'activité d'un des salariés. Il est, par ailleurs, apparu lors de l'enquête menée par l'inspecteur du travail que les " contre-attestations " ont été sollicitées ou présentées par un responsable de l'entreprise. Il s'ensuit que, alors qu'un doute subsiste sur ce point, il ne peut être tenu pour établi que l'action de M. D... le 23 juillet 2021 ait gêné de manière importante l'accomplissement du travail des salariés concernés et que ces faits ne peuvent être regardés comme caractérisant un abus dans l'exercice par M. D... de son mandat syndical amenant un trouble grave dans l'entreprise. Par ailleurs, s'il est reproché à M. D... le contenu irrespectueux des propos envers le directeur qu'il aurait tenus devant un autre salarié le 2 juillet 2021, l'intéressé les conteste et aucun témoin autre que cet interlocuteur ne peut en attester de sorte qu'ils ne peuvent davantage être considérés comme établis. Enfin, si la Compagnie maritime des îles se prévaut de la circonstance que les nombreuses périodes d'absence de l'intéressé durant les quatre dernières années rendent impossible le suivi de la maintenance dans l'entreprise, elle ne rattache pas ces considérations générales, au demeurant non évoquées dans la décision attaquée, à des éléments de faits précis et datés.

13. Par suite, en prenant la décision du 28 janvier 2022, l'inspecteur du travail n'a ni dénaturé la demande d'autorisation de licenciement dont il a été saisi, ni entaché sa décision d'une erreur de droit ou d'une erreur d'appréciation.

14. Il résulte de tout ce qui précède que la Compagnie maritime des îles n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 28 janvier 2022, par laquelle l'inspecteur du travail a rejeté la demande d'autorisation de licenciement pour motif disciplinaire de M. A... D.... Ses conclusions tendant à l'annulation de ce jugement et de cette décision ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais d'instance :

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la Nouvelle-Calédonie et de M. D..., qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, les sommes demandées par la Compagnie maritime des îles au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu de condamner la Compagnie maritime des îles, par application des mêmes dispositions, à verser à M. D... une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la Compagnie maritime des îles est rejetée.

Article 2 : La Compagnie maritime des îles est condamnée à verser à M. D... la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la Compagnie maritime des îles, à la Nouvelle-Calédonie, et à M. A... D....

Délibéré après l'audience du 5 février 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Menasseyre, présidente,

- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,

- Mme Collet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 4 mars 2024.

La rapporteure,

A. Collet La présidente,

A. Menasseyre

Le greffier,

P. Tisserand

La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA05498


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA05498
Date de la décision : 04/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MENASSEYRE
Rapporteur ?: Mme Aude COLLET
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : JURISCAL

Origine de la décision
Date de l'import : 10/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-04;22pa05498 ?
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