La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/03/2024 | FRANCE | N°22PA01309

France | France, Cour administrative d'appel, 8ème chambre, 04 mars 2024, 22PA01309


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. E... G... et Mme H... D..., épouse G..., ont demandé au tribunal administratif de la Polynésie française de constater que la Polynésie française empiète sur leur propriété sur une superficie de 319,25 m², de condamner la Polynésie française à leur verser la somme de 16 069 130 F CFP à titre d'indemnisation pour emprise irrégulière jusqu'au 31 décembre 2020, ainsi que la somme de 321 393 F CFP par an à compter du 1er janvier 2021 jusqu'à la cessation de l'emprise,

et d'enjoindre à la Polynésie française de cesser toute emprise irrégulière.



Par u...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... G... et Mme H... D..., épouse G..., ont demandé au tribunal administratif de la Polynésie française de constater que la Polynésie française empiète sur leur propriété sur une superficie de 319,25 m², de condamner la Polynésie française à leur verser la somme de 16 069 130 F CFP à titre d'indemnisation pour emprise irrégulière jusqu'au 31 décembre 2020, ainsi que la somme de 321 393 F CFP par an à compter du 1er janvier 2021 jusqu'à la cessation de l'emprise, et d'enjoindre à la Polynésie française de cesser toute emprise irrégulière.

Par un jugement n° 2100094 du 25 janvier 2022, le tribunal administratif de la Polynésie française a constaté que la Polynésie française a commis une emprise irrégulière constituée par une portion de route lui appartenant sise sur la propriété de M. et Mme G... située à Faa'a, sur une superficie de 315,25 m², l'a condamnée à verser à M. et Mme G... une indemnité de 226 980 F CFP au titre de l'emprise irrégulière, a mis à sa charge le versement à M. et Mme G... d'une somme de 150 000 F CFP au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 19 mars 2022, 5 octobre 2022 et 25 octobre 2023. M. et Mme G..., représentés par Me Eftimie-Spitz, demandent à la cour, dans le dernier état de leurs écritures :

1°) d'annuler les articles 2 et 4 du jugement n° 2100094 du 25 janvier 2022 du tribunal administratif de la Polynésie française ;

2°) de condamner la Polynésie française à leur payer la somme de 5 441 520 F CFP à titre d'indemnisation pour emprise irrégulière due du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2022, ainsi que la somme de 1 074 000 F CFP par an à compter du 1er janvier 2023 jusqu'à la cessation de l'emprise, avec les intérêts au taux légal à compter du 1er janvier 1972 et la capitalisation des intérêts échus ;

3°) de mettre à la charge de la Polynésie française la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la superficie de l'emprise de la route, propriété de la Polynésie française, sur leur propriété, est de 319,25 m² ;

- la valeur vénale de la superficie de l'emprise est de 6 427 852 F CFP et l'indemnité de jouissance peut être évaluée à 5 % de cette valeur, soit 321 393 F CFP par an depuis l'année 1971.

Par un mémoire en défense enregistré le 11 octobre 2022, la Polynésie française, représentée par la Selarl Jurispol, agissant par Me Quinquis, demande à la cour :

1°) à titre principal, de rejeter la requête de M. et Mme G... ;

2°) à titre subsidiaire, par la voie de l'appel incident, de réformer le jugement en tant qu'il n'a pas statué sur la possibilité de procéder à la régularisation de l'emprise irrégulière et de statuer sur les possibilités de régularisation appropriées de l'ouvrage public ;

3°) à défaut, de confirmer le rejet de la demande de démolition de l'ouvrage public et de fixer de manière définitive et forfaitaire le montant de l'indemnité accordée par le tribunal à M. et Mme G... à la somme de 226 980 F CFP ;

4°) de mettre à la charge de M. et Mme G... le versement de la somme de 200 000 F CFP au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les conclusions de la requête de M. et Mme G... aux fins d'annulation, d'indemnisation sont irrecevables en l'absence de moyens d'appel ;

- les conclusions tendant au paiement d'intérêts au taux légal et de capitalisation de ces intérêts, ne peuvent qu'être rejetées en ce qu'elles fixent un point de départ antérieur aux dates respectives des 18 novembre 2020 et 18 novembre 2021 ;

- l'action en démolition de l'ouvrage public est prescrite ;

- le jugement attaqué est irrégulier en ce qu'il est insuffisamment motivé et entaché d'une erreur de droit en tant qu'il statue sur les conclusions à fin de démolition de l'ouvrage ;

- dès lors que l'emprise irrégulière peut être régularisée, il n'y a pas lieu d'ordonner la démolition de l'ouvrage public ;

- M. et Mme G... ne sont pas fondés à demander une indemnité supérieure à celle qui a été fixée par le tribunal.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ;

- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

- le code civil ;

- la décision du Conseil constitutionnel n° 2014-3 LOM du 11 septembre 2014 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Vrignon-Villalba,

- et les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme G... ont acquis le 23 juillet 1970 un terrain situé à Faa'a comprenant un chemin de servitude dont ils soutiennent qu'il a fait l'objet d'une emprise irrégulière en raison des travaux d'élargissement d'une portion de la route de Saint-Hilaire. Par courrier du 16 novembre 2020, M. et Mme G... ont sollicité le versement par la Polynésie française d'une indemnité d'occupation. En l'absence de réponse de la Polynésie française, M. et Mme G... ont saisi le tribunal administratif lui demandant notamment de condamner la Polynésie française à leur payer une somme globale de 16 069 130 F CFP au titre des préjudices causés par l'emprise irrégulière de leur terrain, ainsi que la somme de 321 393 F CFP par an correspondant au loyer annuel de leur terrain, et ce jusqu'à la cessation de l'emprise irrégulière. Par un jugement du 25 janvier 2022, le tribunal administratif de la Polynésie française a constaté, à l'article 1er de son jugement, que la Polynésie française a commis une emprise irrégulière constituée par une portion de route lui appartenant sise sur la propriété de M. et Mme G... située à Faa'a, sur une superficie de 315,25 m². Il a, par l'article 2 de son jugement, condamné la Polynésie française à payer à M. et Mme G... une somme totale de 226 980 F CFP, soit, pour les créances non prescrites nées à compter du 1er janvier 2016 et jusqu'au 31 décembre 2020, la somme de 189 150 F CF, ainsi que, pour l'année 2021, une somme de 37 830 F CFP correspondant au paiement du loyer de leur propriété grevée par l'emprise. Il a en revanche, à l'article 4 du jugement, rejeté les conclusions à fin d'injonction, tendant à faire cesser l'emprise irrégulière. M. et Mme G... contestent le jugement en tant qu'il n'a que partiellement fait droit à leur demande indemnitaire. La Polynésie française conclut à titre principal au rejet de la requête mais demande à titre subsidiaire, par la voie de l'appel incident, la réformation du jugement en tant que le tribunal n'a pas statué sur la possibilité de procéder à la régularisation de l'emprise irrégulière.

Sur les conclusions d'appel principal :

Sur les fins de non-recevoir opposées par la Polynésie française :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours ".

3. La requête d'appel enregistrée le 19 mars 2022, qui comporte une critique du jugement attaqué, ne se borne pas à reproduire intégralement et exclusivement les écritures de première instance ni à se référer purement et simplement à elles. Il s'ensuit qu'elle satisfait aux exigences de motivation prévues par l'article R. 411-1 du code de justice administrative. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par la Polynésie française, s'agissant des conclusions aux fins de réformation de l'article 2 et d'annulation de l'article 4 du jugement attaqué et aux fins d'indemnisation, doit être écartée.

4. En second lieu, la Polynésie française, d'une part, soutient que les intérêts ne sont dus, le cas échéant, qu'à compter de la date de réception de la demande indemnitaire préalable et, d'autre part, que l'action en démolition de l'ouvrage public est prescrite. Toutefois, de telles circonstances sont en tout état de cause sans incidence sur la recevabilité des conclusions de la requête de M. et Mme G... tendant au versement d'intérêts sur la somme au paiement de laquelle ils demandent la condamnation de la Polynésie française, les intéressés ayant par ailleurs et en tout état de cause abandonné en appel les conclusions qu'ils avaient formulées devant les premiers juges et tendant et à ce qu'il soit enjoint à la Polynésie française de cesser toute emprise irrégulière.

Sur l'existence d'une emprise irrégulière :

5. La réalisation, par une personne publique, de travaux dans le sol et le sous-sol d'une propriété privée, qui dépossède les propriétaires de la parcelle concernée d'un élément de leur droit de propriété, ne peut être régulièrement réalisée qu'après, soit l'accomplissement d'une procédure d'expropriation pour cause d'utilité publique, soit l'institution de servitudes légales, soit l'intervention d'un accord amiable avec les propriétaires de cette parcelle.

6. Il ressort notamment des énonciations non contestées de la note d'analyse du 1er juillet 2020 rédigée par M. A..., urbaniste consultant, qu'une route a été construite, avec l'aide de l'armée, en 1969 ou 1970, sur le chemin de servitude de la terre Vaiteatou, appartenant à des personnes privées dont Mme F... B..., pour faciliter l'accès au site de la crête du mont Marau sur lequel ont été placées, notamment, des antennes de télécommunications. La servitude a, à cette occasion été élargie de trois à huit mètres, afin de permettre le croisement de véhicules. Il est constant que ces travaux ont été réalisés sans autorisation ni indemnisation des propriétaires. Il résulte de l'instruction que la portion de route, objet du présent litige, a été réalisée avant même l'acquisition de la propriété par M. et Mme G... le 23 juillet 1970, sur une superficie de 315,25 m² (et non pas de 319,25 m² comme indiqué par M. et Mme G... suite à une erreur dans la superficie du terrain qu'ils ont vendu en 1996 à Mme C... B..., qui est de 596 m² selon l'acte de vente et non pas de 592 m²). Toutefois, il ne résulte ni de l'acte de vente notarié, ni de tout autre document, que les requérants ont consenti au maintien de cette emprise pour l'avenir sur leur propriété, laquelle constitue une atteinte à leur droit de propriété qui, étant susceptible d'être régularisée, n'a pas entraîné l'extinction définitive de celui-ci. Par ailleurs, cette portion de route qui a fait l'objet de travaux par la Polynésie française en 2011 et qui n'a pas été transférée à la commune de Faa'a, doit être regardée comme appartenant à la Polynésie française.

7. Par suite, la portion de route de 315,25m² appartenant à la Polynésie française, située sur la propriété des requérants, constitue une emprise irrégulière.

Sur les conclusions indemnitaires :

En ce qui concerne l'exception de prescription quadriennale :

8. Aux termes du premier alinéa de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit de l'État, des départements et des communes (...) toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis ". Selon l'article 2 de cette loi : " La prescription est interrompue par : Toute demande de paiement ou toute réclamation écrite adressée par un créancier à l'autorité administrative, dès lors que la demande ou la réclamation a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance (...) ". Et selon l'article 11 de la loi : " (...) / III. - En Polynésie française : (...) / 2° Les dispositions de la présente loi en vigueur en Polynésie française à la date de publication de l'ordonnance n° 2009-536 du 14 mai 2009 portant diverses dispositions d'adaptation du droit de l'outre-mer demeurent applicables aux administrations de la Polynésie française et de ses établissements publics jusqu'à leur modification par la Polynésie française dans les conditions fixées à l'article 12 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 précitée ", lequel dispose que : " Lorsque le Conseil constitutionnel a constaté qu'une loi promulguée postérieurement à l'entrée en vigueur de la présente loi organique est intervenue dans les matières ressortissant à la compétence de la Polynésie française, en tant qu'elle s'applique à cette dernière, cette loi peut être modifiée ou abrogée par l'assemblée de la Polynésie française(...) ". En l'absence de délibération de l'assemblée de la Polynésie française quant à la prescription des créances de la Polynésie française et de ses établissements publics, la loi n° 68-1250 reste applicable aux créances détenues sur la Polynésie française.

9. Lorsque la responsabilité d'une personne publique est recherchée, les droits de créance invoqués en vue d'obtenir l'indemnisation des préjudices doivent être regardés comme acquis, au sens de l'article 1er de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968, à la date à laquelle la réalité et l'étendue de ces préjudices ont été entièrement révélées, ces préjudices étant connus et pouvant être exactement mesurés. La créance indemnitaire relative à la réparation d'un préjudice présentant un caractère continu et évolutif doit être rattachée à chacune des années au cours desquelles ce préjudice a été subi. Pour l'application de ces règles, la créance du propriétaire d'un bien immobilier relative à l'indemnisation des préjudices résultant pour lui de l'occupation irrégulière, sans extinction du droit de propriété, de ce bien par une personne publique présente un caractère continu et évolutif et doit, en conséquence, être rattachée à chacune des années au cours desquelles ces préjudices ont été subis.

10. Il résulte de l'instruction que M. et Mme G... ont saisi l'administration d'une demande indemnitaire en mars 2020, qui a interrompu le cours de la prescription quadriennale. En conséquence, les créances nées antérieurement à l'année 2016 sont prescrites, et ne peuvent donner lieu à indemnisation. Par suite, c'est à juste titre que les premiers juges ont estimé que les intéressés pouvaient prétendre à une indemnisation pour les préjudices résultant de l'emprise irrégulière seulement à compter du 1er janvier 2016.

En ce qui concerne l'évaluation du préjudice :

11. En l'absence d'extinction du droit de propriété, la réparation des conséquences dommageables résultant de la décision d'édifier un ouvrage public sur une parcelle appartenant à une personne privée ne saurait donner lieu à une indemnité correspondant à la valeur vénale de la parcelle, mais uniquement à une indemnité moindre d'immobilisation réparant le préjudice résultant de l'occupation irrégulière de cette parcelle.

12. M. et Mme G... demandent le versement d'une indemnité d'immobilisation réparant le préjudice résultant de l'occupation irrégulière de la bande de terre de 315,25 m² dont ils restent uniquement propriétaires en son état actuel, après les ventes du reste de leur terrain intervenues en 1984 et 2016. S'ils font valoir, à l'appui de leurs conclusions, que l'emprise irrégulière a eu pour conséquence de les priver de la possibilité de vendre l'intégralité de leur terrain, ils n'établissent pas la réalité du préjudice, distinct, qui en résulterait pour eux, notamment un prix de vente inférieur à celui qu'ils auraient pu obtenir, et ne formulent en tout état de cause pas de conclusions en ce sens.

13. Ainsi qu'il a été dit, l'emprise irrégulière due à l'implantation de la portion de route sur la propriété des requérants porte sur une superficie de 315,25 m². M. et Mme G... produisent, en appel, une étude réalisée par un expert judiciaire en évaluation immobilière près la cour d'appel de Papeete, qui retient un prix de vente au m² pondéré de 38 000 F CFP en 2016 et de 56 000 F CFP en 2022, à partir de " l'expérience " de l'expert et " des références de transactions immobilières relevées à la Direction des affaires foncières (...) pour des terrains nus sur l'Ile de Tahiti sur la commune de Faa'a (quartier Pamataï) ". Toutefois, en l'absence de toute précision sur le nombre des transactions prises en compte et la nature des biens concernés, il n'est pas établi que les prix ainsi retenus seraient plus pertinents que le prix de 20 134 F CFP au m² proposé initialement par M. et Mme G... au regard notamment des ventes qu'ils ont réalisées en 2016, et qui a été retenu par le tribunal. Par suite, et alors qu'il n'est pas établi que le terrain dont les époux G... restent propriétaires pourrait être construit ou être le lieu d'exercice d'une quelconque activité, sur la surface correspondant à l'élargissement de 4 à 8 mètres du chemin de servitude dont le terrain était initialement grevé et dont il n'est pas plus établi par les intéressés, qui se bornent à renvoyer la charge de la preuve contraire à la Polynésie française, qu'il ne serait pas indispensable à sa desserte, c'est par une juste appréciation que le tribunal a fixé à 4 000 F CFP le prix du mètre carré et à 120 F CFP sa valeur locative, et qu'il a en conséquence fixé à 37 830 F CFP par an l'indemnité à laquelle les intéressés peuvent prétendre pour les créances non prescrites nées à compter du 1er janvier 2016.

14. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme G... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de la Polynésie française a condamné la Polynésie française à lui verser une indemnité totale de 226 980 F CFP au titre des années 2016 à 2021 incluse.

15. Dès lors qu'il résulte de l'instruction que l'emprise n'a toujours pas été régularisée, la Polynésie française n'indiquant d'ailleurs pas avoir entamé des démarches à cette fin, M. et Mme G... ont droit, en plus de la somme de 226 980 F CFP au versement de laquelle la Polynésie française a été condamnée par le jugement du 25 janvier 2022 du tribunal administratif de la Polynésie française, au titre des années 1996 à 2021, au versement de la somme de 37 830 F CFP au titre de l'année 2022 et de la même somme au titre de l'année 2023, correspondant à la réparation de la dépossession de leur propriété grevée par l'emprise irrégulière.

Sur les intérêts :

16. Les époux G... ont droit aux intérêts au taux légal correspondant aux indemnités dues pour les années 2016 à 2019 à compter du 18 novembre 2020, date de réception de leur demande du 16 novembre 2020 par la Polynésie française. Pour les années 2020 à 2023, les intérêts afférents à l'indemnité annuelle de 37 830 F CFP doivent courir à compter du 31 décembre de l'année à laquelle cette indemnité se rapporte.

Sur les intérêts des intérêts :

17. La capitalisation des intérêts a été demandée le 19 mars 2022. A cette date, il était dû au moins une année d'intérêts. Dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande.

Sur les conclusions d'appel incident présentées à titre subsidiaire par la Polynésie française :

18. En premier lieu, M. et Mme G... n'ont pas repris, en cause d'appel, leurs conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à la Polynésie française de faire cesser l'emprise irrégulière, qui ont été rejetées par le tribunal administratif de la Polynésie française. Par suite, celle-ci ne peut pas utilement soutenir que les premiers juges n'ont pas statué sur la possibilité de procéder à la régularisation de l'emprise irrégulière, entachant selon elle leur jugement de défaut de motivation et d'erreur de droit, alors au surplus que les conclusions par lesquelles elle demande en conséquence l'annulation du jugement, qui ne sont pas dirigées contre le dispositif du jugement mais contre ses motifs, ne sont pas recevables.

19. En second lieu, tant que l'emprise irrégulière n'aura pas été régularisée, M. et Mme G... auront droit au versement d'une indemnité correspondant à la réparation de la dépossession de leur propriété grevée par l'emprise irrégulière. Par suite, les conclusions par lesquelles la Polynésie française demande à la cour, à défaut d'avoir fait droit à ses conclusions subsidiaires, de fixer de manière définitive et forfaitaire le montant de l'indemnité accordée à M. et Mme G... à la somme de 226 980 F CFP, ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

20. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la Polynésie française, qui n'a pas la qualité de partie perdante pour l'essentiel, verse à M. et Mme G... une somme que ceux-ci réclament au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.

21. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. et Mme G... le versement à la Polynésie française d'une somme que celle-ci réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : L'indemnité de 226 980 F CFP que la Polynésie française a été condamnée à verser à M. et Mme G... est portée à 302 640 F CFP.

Article 2 : Les indemnités dues au titre des années 2016 à 2019 porteront intérêts à compter du 18 novembre 2020. A compter de l'année 2020, l'indemnité due pour chacune des années en cause portera intérêts au taux légal à compter du 31 décembre de l'année à laquelle elle se rapporte.

Article 3 : Le jugement du 25 janvier 2022 du tribunal administratif de la Polynésie française est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme G... est rejeté.

Article 5 : Les conclusions d'appel incident de la Polynésie française et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... G..., à Mme H... D..., épouse G..., et à la Polynésie française.

Délibéré après l'audience du 5 février 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Menasseyre, présidente de chambre,

- Mme Vrignon-Villalba, présidente-assesseure,

- Mme Jayer, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la cour, le 4 mars 2024.

La rapporteure,

C. Vrignon-VillalbaLa présidente,

A. Menasseyre

La greffière,

N. Couty

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA01309


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA01309
Date de la décision : 04/03/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme MENASSEYRE
Rapporteur ?: Mme Cécile VRIGNON-VILLALBA
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : EFTIMIE-SPITZ

Origine de la décision
Date de l'import : 10/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-04;22pa01309 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award