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27/02/2024 | FRANCE | N°22PA05423

France | France, Cour administrative d'appel, 9ème chambre, 27 février 2024, 22PA05423


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. et Mme B... ont demandé au tribunal administratif de Melun de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2014.



Par un jugement n° 1902513 du 4 novembre 2022, le tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande.





Procédure devant la Cour :



Par une requête enregistrée le 20 décembre 2022

et un mémoire en réplique enregistré le 15 janvier 2024 non communiqué, M. et Mme B..., représentés par Mes Adda et Dalmasso, avoca...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B... ont demandé au tribunal administratif de Melun de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2014.

Par un jugement n° 1902513 du 4 novembre 2022, le tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 20 décembre 2022 et un mémoire en réplique enregistré le 15 janvier 2024 non communiqué, M. et Mme B..., représentés par Mes Adda et Dalmasso, avocats, demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1902513 du 4 novembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2014 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le jugement est entaché d'une erreur de droit et d'une erreur de fait ;

- les premiers juges ont omis de soulever un moyen d'ordre public tiré de l'inapplicabilité des dispositions de l'article 111 c du code général des impôts ;

- l'administration fiscale ne rapporte la preuve ni de l'existence d'une rémunération ou d'un avantage, ni du caractère occulte des " prétendus " avantages ou rémunérations au sens de l'article 111 c du code général des impôts ; elle n'a pas versé au dossier les pièces permettant de justifier de l'existence de ces avantages ;

- l'administration ne pouvait pas, au moment du contrôle, se référer aux écritures passées dans la comptabilité de la société, examinées au titre de la taxe sur la valeur ajoutée, ni aux déclarations concernant un exercice non clôturé, pour opérer les rectifications notifiées sur le fondement de l'article 111 c du code général des impôts.

Par un mémoire en défense enregistré le 3 mars 2023 le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Boizot ;

- et les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société à responsabilité limitée (SARL) Eco Vision, dont M. B... était gérant et associé, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre de la période du 7 mai 2014 au 31 août 2015. Un procès-verbal d'opposition à contrôle fiscal a été rédigé le 13 novembre 2015. Les rectifications résultant de la vérification de comptabilité ont été notifiées à la société le 16 décembre 2015, selon la procédure d'évaluation d'office prévue à l'article L. 74 du livre des procédures fiscales. Par un courrier du 28 décembre 2015, une proposition de rectification a été adressée à M. et Mme B..., au titre des revenus qu'ils ont perçus en 2014. Les requérants n'ont pas fait part d'observations en réponse à cette proposition. Le 30 avril 2016, les impositions supplémentaires en découlant ont été mises recouvrement. M. et Mme B... ont contesté le bien-fondé de ces impositions par des réclamations contentieuses du 26 mai 2016, du 8 décembre 2016, du 20 mars 2017, du 16 novembre 2017 et du 19 décembre 2018, lesquelles ont fait l'objet de décisions de rejet du 10 octobre 2016, du 16 janvier 2017, du 11 septembre 2017, du 14 février 2018 et du 21 janvier 2019. Par un jugement n° 1902513 du 4 novembre 2022 dont ils interjettent régulièrement appel le tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2014.

Sur la régularité du jugement :

2. Hormis le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative attaquée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Par suite, M. et Mme B... ne soutiennent pas utilement que le tribunal a entaché son jugement d'erreur de droit ou d'erreur de fait.

3. Par ailleurs, c'est sans entacher leur jugement d'irrégularité que les premiers juges ont exercé leur office en considérant que l'administration avait, à bon droit, imposé entre les mains de M. B... sur le fondement du c de l'article 111 du code général des impôts les sommes prélevées par ce dernier sur le compte de la société Eco Vision, sans invoquer d'office une disposition qui n'aurait pas été retenue comme fondement de l'imposition.

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne la charge de la preuve :

4. Aux termes de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales : " Lorsque, ayant donné son accord au redressement ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la notification de redressement, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de redressement, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré (...) ".

5. M. et Mme B... n'ayant pas répondu à la proposition de rectification du 28 décembre 2015, ils supportent en conséquence la charge de la preuve du caractère exagéré des suppléments d'imposition mis à leur charge et notamment de l'absence d'avantage occulte ou d'appréhension entre leurs mains.

En ce qui concerne les revenus distribués :

6. Aux termes de l'article 111 c du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : (...) c. Les rémunérations et avantages occultes ; (...) ".

7. En l'espèce, en premier lieu, l'administration s'est fondée sur les circonstances non contestées que M. B... détenait 50 % des parts sociales et était le gérant statutaire de la société Eco Vision depuis l'assemblée générale extraordinaire du 2 juin 2014, qu'il était également titulaire de la signature sur les comptes détenus par la société auprès de la Banque postale et du CIC Est comme en attestent les cartons de signatures obtenus dans le cadre de l'exercice du droit de communication. L'examen des relevés bancaires sur la période vérifiée a permis de mettre en évidence des débits opérés au profit de M. B... pour un montant total de 449 315 euros. Il est apparu que 21 retraits d'espèces ont été opérés à son initiative et sous sa signature dans l'agence CIC située près de son domicile et que 432 retraits ont été opérés auprès de distributeurs automatiques au moyen des trois cartes bancaires adossés au compte ouvert auprès du CIC pour le compte de la société Eco Vision dont deux cartes au nom de M. B.... L'examen des relevés bancaires a permis au service de retracer l'identité du bénéficiaire de ces retraits grâce aux quatre derniers chiffres du numéro de la carte utilisée figurant en libellé de l'opération réalisée.

8. En outre, il est constant que les sommes litigieuses, qui correspondaient à des prélèvements effectués sur le compte bancaire de la société Eco Vision sur la période du 19 juin 2014 au 19 décembre 2014, n'avaient fait l'objet d'aucune inscription en comptabilité, un procès-verbal pour défaut de comptabilité ayant été dressé à l'encontre de la société enregistré le 8 octobre 2015. Par suite, M. B..., qui ne remet pas en cause la nature d'avantage occulte des mouvements d'espèces ainsi reconstitués à son profit, en se bornant à faire valoir que son beau-frère était titulaire de l'une des trois cartes bancaires de la société et disposait d'une procuration sur son compte et en l'absence de toute justification de l'objet des retraits en litige, n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que l'administration a qualifié les sommes en cause d'avantage occulte taxable au titre de l'article 111 c du code général des impôts, sans qu'il soit besoin d'ordonner la production par l'administration des documents bancaires ayant permis d'identifier le bénéficiaire des retraits en cause.

9. En second lieu, alors qu'il résulte de l'instruction que les documents bancaires justifiant des retraits mentionnent le nom du requérant, et que ce dernier doit, eu égard à sa qualité de gérant et d'associé à 50 % et à ses prérogatives comme titulaire du compte de la société et propriétaire de deux de ses trois cartes bancaires, être regardé comme ayant la qualité de maître de l'affaire, M. B... n'apporte pas la preuve lui incombant que les avantages occultes en litige n'ont pas été appréhendés par lui.

10. Enfin, les requérants ne peuvent utilement faire valoir que l'administration n'a pas fait état des retraits litigieux dans la proposition de rectification adressée le 16 décembre 2015 à la société Eco Vision, portant sur des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, dès lors que rien ne fait obstacle à ce que l'administration tire par la voie d'un contrôle sur pièces la conséquence de constatations qu'elle a pu opérer dans le cadre d'une vérification de comptabilité d'une société, même sans notifier de redressements à cette dernière, et que la proposition de rectification qui leur a été adressée personnellement expose de façon détaillée les retraits effectués par M. B... sur le compte bancaire de la société ainsi que la teneur et l'origine des renseignements sur lesquels l'administration a fondé ces rehaussements. En outre, si M. B... fait valoir que le service ne pouvait se référer aux déclarations concernant un exercice non clôturé, l'administration a imposé entre les mains de ce dernier, au titre de l'année 2014, l'ensemble des sommes distribuées par la société Eco Vision avant le 31 décembre de cette année.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande.

Sur les frais liés à l'instance :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d'une somme au titre des frais exposés par M. et Mme B... en lien avec la présente instance et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. et Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à l'administrateur des finances publiques chargé de la direction régionale des finances publiques d'Île-de-France et de Paris (service du contentieux d'appel déconcentré - SCAD).

Délibéré après l'audience du 2 février 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Carrère, président,

- Mme Boizot, première conseillère,

- Mme Lorin, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 27 février 2024.

La rapporteure,

S. BOIZOTLe président,

S. CARRERE

La greffière,

C. DABERT

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22PA05423 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA05423
Date de la décision : 27/02/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. CARRERE
Rapporteur ?: Mme Sabine BOIZOT
Rapporteur public ?: M. SIBILLI
Avocat(s) : ADDA

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-27;22pa05423 ?
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