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27/02/2024 | FRANCE | N°22PA01136

France | France, Cour administrative d'appel, 9ème chambre, 27 février 2024, 22PA01136


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société par actions simplifiée (SAS) Makatea France a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des exercices 2013 et 2014 ainsi que des pénalités correspondantes.



Par un jugement n° 1921010 du 20 janvier 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.



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Procédure devant la Cour :



Par une requête enregistrée le 10 mars 2022, la SAS Makatea France, rep...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Makatea France a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des exercices 2013 et 2014 ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1921010 du 20 janvier 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 10 mars 2022, la SAS Makatea France, représentée par Me Bouquet, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1921010 du 20 janvier 2022 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des exercices 2013 et 2014, ainsi que des pénalités correspondantes ;

2°) de prononcer la décharge des impositions en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.

La société soutient que :

- le tribunal a renversé la charge de la preuve en imposant d'une part, à la société Makatea d'apporter la preuve certaine des contrats et conventions entre les parties et, d'autre part, en exonérant l'administration d'apporter la preuve contraire à savoir que les intentions des parties et les contrats étaient fictifs ;

- l'administration n'est pas fondée à remettre en cause la réalité du contrat de

sous-concession passé entre les sociétés Makatea France et Makatea LLC et, par voie de conséquence, le versement des redevances prévues au contrat au regard du principe de sincérité des conventions ; il n'existe aucune obligation d'enregistrement des contrats de droit privé ; en conséquence, c'est à tort que l'administration a refusé la déduction des redevances versées en 2013 et 2014 par la société Makatea France à la société Makatea LLC pour l'exploitation de la marque " Carpet care ".

Par un mémoire en défense enregistré le 7 juin 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la propriété intellectuelle ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Boizot ;

- et les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La SAS Makatea France a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014, à l'issue de laquelle l'administration a mis à sa charge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des cotisations supplémentaire d'impôt sur les sociétés. Par un jugement n° 1921010 du 20 janvier 2022 dont elle interjette régulièrement appel, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des impositions précitées et des pénalités afférentes.

Sur la régularité du jugement :

2. Dans le cadre de l'effet dévolutif, le juge d'appel, qui est saisi du litige, se prononce non sur les motifs du jugement de première instance mais directement sur les moyens mettant en cause la régularité et le bien-fondé des impositions en litige. Par suite, la SAS Makatea France ne peut utilement soutenir que les premiers juges auraient inversé la charge de la preuve, pour demander l'annulation du jugement attaqué.

Sur le bien-fondé des impositions :

3. D'une part, aux termes de l'article 39 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : 1° Les frais généraux de toute nature (...) ". Si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du même code que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. Le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite à l'administration, si elle s'y croit fondée, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive. En vertu de ces principes, lorsqu'une entreprise a déduit en charges une dépense réellement supportée, conformément à une facture régulière relative à un achat de prestations ou de biens dont la déductibilité par nature n'est pas contestée par l'administration, celle-ci peut demander à l'entreprise qu'elle lui fournisse tous éléments d'information en sa possession susceptibles de justifier la réalité et la valeur des prestations ou biens ainsi acquis.

4. D'autre part, aux termes de l'article 271-II du code général des impôts : " Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est, selon le cas : a) Celle qui figure sur les factures établies conformément aux dispositions de l'article 289 et si la taxe pouvait légalement figurer sur lesdites factures (...) ". En vertu des dispositions de l'article 271-II du code général des impôts, la taxe dont le redevable peut opérer la déduction est en principe celle qui figure sur les factures d'achat qui lui ont été délivrées par ses fournisseurs. La déduction ne peut être opérée que si le redevable est en possession de la facture correspondante au moment où il opère la déduction.

5. Il ressort de la proposition de rectification du 2 novembre 2015 qu'un contrat de licence a été conclu le 29 octobre 2013 pour une durée de cinq ans à compter du 1er janvier 2013 entre les sociétés Makatea LLC et Makatea France au terme duquel la société Makatea LLC a concédé à la société Makatea France le droit non exclusif d'utiliser la marque Carpet Care pour l'exploitation des produits et des prestations de services moyennant une redevance égale à 6 % de la facturation nette HT relative à la vente de produits et de services. En application de ce contrat, la société Makatea LLC qui est domiciliée en Floride et dirigée par M. A..., propriétaire de la marque Carpet Care, a facturé à la société Makatea France, filiale à 100 % depuis le 15 octobre 2013 de la société Makatea LLC, 50 400 euros en 2013 et 58 680 euros en 2014 au titre de la redevance.

6. Au cours de la procédure contradictoire de vérification, le service a constaté d'une part, que le propriétaire de la marque Carpet Care est M. A..., qui l'a déposée, le 10 janvier 2007, auprès de l'INPI et, d'autre part, que les statuts constitutifs de la SAS Makatea France en date du 12 janvier 2011 et déposés le 11 mars 2011 disposent que la société Carpet Care, concessionnaire de la marque Carpet Care suivant le contrat de licence de marque conclu entre elle-même et M. A... le 21 décembre 2007, en a concédé une sous-licence à titre gratuit à la SAS Makatea France en cours de constitution, suivant un contrat conclu le 6 décembre 2010 avec l'agrément de M. A.... Au regard de ces éléments, l'administration fiscale a remis en cause la déductibilité des redevances facturées par la société Makatea LLC au motif que le contrat de concession de la marque Carpet Care concernait uniquement la société Carpet Care et non la société Makatea LLC. En conséquence, le service a réintégré aux bénéfices imposables à l'impôt sur les sociétés les charges déduites correspondant à cette redevance à hauteur de 50 400 euros et 58 680 euros respectivement au titre des années 2013 et 2014.

7. Face à ces éléments, la SAS Makatea France fait valoir que, suite à l'arrêt de l'activité de la société Carpet Care, un contrat de licence de marque a été conclu entre M. A..., propriétaire de la marque et la société Makatea LLC daté du 5 janvier 2013, annulant et remplaçant le contrat du 21 décembre 2007 mentionné au point précédent et autorisant la société Makatea LLC à concéder à titre onéreux une sous-licence à la société Makatea France. Elle souligne, par ailleurs, qu'il n'existe aucune obligation d'enregistrement des contrats de droit privé et, qu'en conséquence, l'administration n'est pas fondée à remettre en cause la réalité du contrat de sous-concession conclu le 29 octobre 2013 entre les sociétés Makatea France et Makatea LLC.

8. Toutefois, comme il a été indiqué au point 6, les statuts de la SAS Makatea France qui ont été dûment enregistrés le 11 mars 2011 précisent bien que la société Carpet Care a concédé, à titre gratuit, une sous-licence de cette marque à la société Makatea France avec l'agrément de M. A... par contrat du 6 décembre 2010. En outre, le contrat de licence de marque en date du 5 janvier 2013 conclu entre les sociétés Makatea LLC et Makatea France ne mentionne aucunement qu'il " annule et remplace la convention datée du 21 décembre 2007 avec Carpet Care. De surcroît, la société Carpet Care n'ayant été radiée du registre du commerce et des sociétés qu'à compter du 8 juin 2015, le contrat de sous-licence était toujours applicable au titre de la période vérifiée. Si, à l'appui de sa contestation, la société requérante produit une copie d'un courrier de M. A..., daté du 4 janvier 2013, résiliant le contrat de licence de marque signé avec la société Carpet Care et, par voie de conséquence, la sous-licence de la marque entre la société Carpet Care et la SAS Makatea France, ainsi que du contrat conclu entre les sociétés Makatea LLC et Makatea France, et soutient qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'impose de faire enregistrer un contrat de licence de marque, il n'en demeure pas moins qu'elle n'apporte pas la preuve lui incombant, par la production, postérieurement au fait générateur des impositions en litige, de conventions dont il n'est pas justifié qu'elles auraient été établies antérieurement, de la correction des écritures de charge correspondant aux paiements des redevances en litige. Par suite, c'est à bon droit que le service a refusé d'admettre en déduction du résultat imposable des exercices clos 2013 et 2014 lesdites redevances.

9. Par ailleurs, l'administration ayant remis en cause la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée acquittée sur les dépenses engagées en matière de redevances, au motif que ces frais avaient été engagés à des fins étrangères à l'entreprise, il résulte de ce qui a été dit précédemment que ces frais n'ont pas été engagés pour les besoins de l'entreprise. Dès lors, c'est à tort que la SAS Makatea France a déduit la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé ces frais. C'est donc à bon droit que le service lui a notifié les rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période litigieuse.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS Makatea France n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que la société requérante demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SAS Makatea France est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée (SAS) Makatea France et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à l'administrateur des finances publiques chargé de la direction régionale des finances publiques d'Île-de-France et de Paris (service du contentieux d'appel déconcentré - SCAD).

Délibéré après l'audience du 2 février 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Carrère, président,

- Mme Boizot, première conseillère,

- Mme Lorin, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 27 février 2024.

La rapporteure,

S. BOIZOTLe président,

S. CARRÈRE

La greffière,

C. DABERT

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22PA01136 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA01136
Date de la décision : 27/02/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. CARRERE
Rapporteur ?: Mme Sabine BOIZOT
Rapporteur public ?: M. SIBILLI
Avocat(s) : BOUQUET

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-27;22pa01136 ?
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