Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société à responsabilité limitée (SARL) LG Services a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 31 mars 2011, 2012, 2013 et 2014 ainsi que des pénalités de retard correspondantes.
Par un jugement n° 2003161 du 16 novembre 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de la société.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, deux mémoires complémentaires et un mémoire en réplique enregistrés les 17 janvier, 13 et 14 avril 2022 et 29 juin 2023, la SARL LG Services, représentée par le cabinet Briard, avocats au Conseil d'Etat, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2003161 du 16 novembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 31 mars 2011, 2012, 2013 et 2014 ;
2°) de prononcer la décharge sollicitée ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La société LG Services soutient que :
- le jugement est irrégulier dès lors que la minute du jugement n'est pas signée ;
- la provision pour dépréciation du prêt de 100 000 euros consenti à M. A... le 31 mars 2003 est justifiée par les difficultés financières du débiteur et la circonstance que cette créance était prescrite depuis le 31 mars 2008, en application de la loi du 17 juin 2008 ;
- la provision pour risques et charges d'un montant de 117 940 euros, constituée au titre de l'exercice clos le 31 mars 2014, est justifiée par le probable non-recouvrement d'une partie de l'avance sur trésorerie d'un montant de 525 000 euros, consentie à la société civile de construction vente " Les Jardins de Lumière ", au sein de laquelle elle détient des participations et par le résultat déficitaire de cette société ;
- c'est à tort que l'administration a remis en cause la provision pour dépréciation des titres de participation détenus au sein de la SARL Genty Danielle Investissement, qu'elle a constituée au titre de l'exercice clos en 2013, dès lors qu'il s'agit d'une société à prépondérance immobilière et qu'elle était fondée à déduire immédiatement cette provision en vertu des dispositions combinées du 5° du 1 de l'article 39 du code général des impôts et du a du I de l'article 219 sexies 0 bis du même code.
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er juillet 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par la société LG Services ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Boizot ;
- les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public ;
- et les observations de Me Chauvelier, pour la société LG Services.
Considérant ce qui suit :
1. La société à responsabilité limitée (SARL) Colombey, qui exerce une activité d'acquisition et de gestion d'immeubles, fait partie d'un groupe fiscalement intégré dont la société tête de groupe est la SARL LG Services. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité de ses exercices clos entre 2011 et 2014, à l'issue de laquelle l'administration, par une proposition de rectification du 26 novembre 2014, a remis en cause le caractère déductible de provisions pour risques et charges et de provisions pour dépréciation qu'elle estimait avoir été constituées à tort par la société. Saisie du litige, la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires a émis, à l'issue de sa séance du 23 novembre 2015, un avis favorable aux rehaussements envisagés. Les impositions résultant des rectifications notifiées à la SARL Colombey ont été mises à la charge de la SARL LG Services, en sa qualité de société mère en application des dispositions des articles 223 A et suivants du code général des impôts. Par un jugement n° 2003161 du 16 novembre 2021 dont la SARL LG Services interjette régulièrement appel, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à prononcer la décharge, en droits et intérêts de retard, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 31 mars 2011, 2012, 2013 et 2014.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " (...) la minute est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ".
3. Il ressort des pièces du dossier de première instance transmis à la Cour que la minute du jugement attaqué comporte l'ensemble des signatures prévues par les dispositions précitées de l'article R. 741-7 du code de justice administrative. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de cet article manque en fait.
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne la provision pour dépréciation du prêt consenti à M. A... :
4. Aux termes du 1 de l'article 39 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, (...) notamment : (...) 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice. (...) ". Il résulte de ces dispositions qu'une entreprise peut valablement porter en provisions et déduire des bénéfices imposables d'un exercice des sommes correspondant à des pertes ou charges qui ne seront supportées qu'ultérieurement par elle, à la condition que ces pertes ou charges soient nettement précisées quant à leur nature et susceptibles d'être évaluées avec une approximation suffisante, qu'elles apparaissent comme probables eu égard aux circonstances constatées à la date de clôture de l'exercice et qu'elles se rattachent aux opérations de toute nature déjà effectuées, à cette date, par l'entreprise.
5. Il résulte de l'instruction que la SARL Colombey, qui exerce une activité d'acquisition et de gestion d'immeubles, a comptabilisé au titre des exercices clos 2011 à 2014, une provision pour dépréciation des autres immobilisations financières pour les montants respectifs de 111 411 euros, porté à 112 711 euros en 2012, à 114 026 euros en 2013 et à 232 441 euros en 2014 correspondant à un prêt à court terme (7 mois), assortis des intérêts prévus au contrat, accordé en 2003 pour une durée de sept mois à M. A... qui était le gérant minoritaire de la SARL GDI détenue alors à hauteur de 40 % par la SARL Colombey, qui n'a fait l'objet d'aucun remboursement, l'intéressé ne disposant pas des ressources nécessaires pour ce faire. Le service a remis en cause la déductibilité de ces provisions sur le fondement de l'article 39-1 5° du code général des impôts précité, en l'absence de production par la société de justification du risque d'irrécouvrabilité de la créance concernée ou de documents relatifs aux diligences mises en œuvre pour son recouvrement. La société LG Services conteste ces rectifications en faisant valoir que le prêt a été consenti régulièrement et qu'il se justifiait sur un plan économique, M. A... assurant la maîtrise d'ouvrage dans la conduite des opérations immobilières de la société Colombey réalisées sous l'égide de la société GDI qui lui appartenait et que le prêt consenti était prescrit depuis 2011. Toutefois, en tout état de cause, il résulte de l'argumentation mentionnée que la société requérante, titulaire d'une créance devenue prescrite à la clôture de l'exercice 2009, ne disposait plus, à la date de clôture des exercices en litige, d'un élément d'actif dont le recouvrement était susceptible de présenter un risque probable. Elle ne démontre dès lors pas le risque d'irrécouvrabilité de cette créance, alors qu'au demeurant elle ne justifie pas de ses démarches tendant à ce que le prêt en cause puisse être recouvré malgré l'échec d'une tentative amiable et la rupture des relations entre M. A... et la SARL Colombey. Dès lors, c'est à bon droit que la provision en cause a été réintégrée par l'administration dans les résultats imposables de la société requérante.
En ce qui concerne la provision pour risques et charges :
6. Il résulte de l'instruction que la société Colombey a comptabilisé au titre de l'exercice clos le 31 mars 2014 sous le libellé " Provision prêt Jardins de Lumière ", une provision pour dépréciation des autres immobilisations financières pour un montant de 117 940 euros (et non 217 940 euros comme le mentionne la requérante de manière erronée), calculée au prorata de sa participation au capital de ladite société, soit 23,3 %. La société SCCV " Les jardins de Lumière " ayant dégagé une perte au 30 septembre 2013, la société Colombey a constaté une provision pour risques et charges pour un montant qui a été calculé sur la base de la perte déclarée au prorata de sa participation au capital de la société " Les jardins de Lumière ", soit 117 940 euros. Le service ayant constaté que la provision avait été constituée au regard d'un prêt en compte courant consenti et non d'une perte déclarée, il a remis en cause la déductibilité sur le fondement de l'article 39-1 5° du code général des impôts, en l'absence de production par la société de tout justificatif permettant de considérer comme probable la perte de tout ou partie de cette avance. La société Colombey fait valoir qu'elle a choisi de comptabiliser une provision plutôt que de constater cette perte par un traitement extra-comptable au motif que la mauvaise situation financière de la société SCCV " Les Jardins de Lumière ", sa débitrice, dont les capitaux propres étaient négatifs à la clôture de l'exercice 2014 et dont l'endettement était conséquent, rendait probable le non-recouvrement de la créance. Dans ces conditions à supposer cette perte avérée et définitive, il appartenait à la société non pas de constituer une provision au prorata de sa participation au capital de la SCCV " Les Jardins de Lumière ", mais de constater une perte. En outre, la société requérante ne démontre pas que la société Colombey se trouvait dans une situation financière notoirement difficile et que, malgré un actif net négatif ressortant des déclarations de résultat produites au titre des exercices 2013 et 2014, son insolvabilité était probable dans la mesure où notamment elle n'établit pas que le programme immobilier réalisé par la SCCV " Les Jardins de Lumière " sur le territoire de la commune de Clichy (Hauts-de-Seine) aurait généré des pertes commerciales. Dès lors, c'est à bon droit que la provision en cause a été réintégrée par l'administration dans les résultats imposables de la société requérante.
En ce qui concerne la provision pour dépréciation des titres de participation détenus au sein de la SARL GDI :
7. D'une part, aux termes de l'article 219 du code général des impôts : " I. (...) Le taux normal de l'impôt est fixé à 33,1/3 %. Toutefois : a. Le montant net des plus-values à long terme fait l'objet d'une imposition séparée au taux de 19 %, dans les conditions prévues au 1 du I de l'article 39 quindecies et à l'article 209 quater. Pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2005, le taux fixé au premier alinéa est fixé à 15 %. Pour les exercices ouverts à compter du 1er décembre 2007, le montant net des plus-values à long terme afférentes aux titres des sociétés à prépondérance immobilière définies au a sexies-0 bis cotées est imposé au taux prévu au IV. (...) a sexies-0 bis Le régime des plus et moins-values à long terme cesse de s'appliquer à la plus ou moins-value provenant des cessions de titres de sociétés à prépondérance immobilière non cotées réalisées à compter du 26 septembre 2007. Sont considérées comme des sociétés à prépondérance immobilière les sociétés dont l'actif est, à la date de la cession de ces titres ou a été à la clôture du dernier exercice précédant cette cession, constitué pour plus de 50 % de sa valeur réelle par des immeubles, des droits portant sur des immeubles, des droits afférents à un contrat de crédit-bail conclu dans les conditions prévues au 2 de l'article L. 313-7 du Code monétaire et financier ou par des titres d'autres sociétés à prépondérance immobilière. Pour l'application de ces dispositions, ne sont pas pris en considération les immeubles ou les droits mentionnés à la phrase précédente lorsque ces biens ou droits sont affectés par l'entreprise à sa propre exploitation industrielle, commerciale ou agricole ou à l'exercice d'une profession non commerciale. Les provisions pour dépréciation afférentes aux titres exclus du régime des plus et moins-values à long terme en application du premier alinéa cessent d'être soumises à ce même régime (...) ".
8. D'autre part, en vertu du dix-septième alinéa du 5° du 1 de l'article 39 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " (...) la provision pour dépréciation qui résulte éventuellement de l'estimation du portefeuille est soumise au régime fiscal des moins-values à long terme défini au 2 du I de l'article 39 quindecies ". Aux termes du premier alinéa du 2 du I de l'article 39 quindecies du même code : " L'excédent éventuel des moins-values à long terme ne peut être imputé que sur les plus-values à long terme réalisées au cours des dix exercices suivants ".
9. Il résulte de ce qui précède que, selon les dispositions de l'article 39-1 5° du code général des impôts précitées, la provision pour dépréciation résultant éventuellement de l'estimation du portefeuille est soumise au régime fiscal des moins-values à long terme défini au 2 du I de l'article 39 quindecies du même article. Toutefois, ce régime fiscal ne s'applique pas en cas de détention de titres de participations de sociétés à prépondérance immobilière, au sens de l'article 219-I a sexies-0 bis précité du code général des impôts.
10. Il résulte de l'instruction qu'en situation de capitaux propres négatifs au 30 septembre 2012, la SARL Genty Danielle Investissements (GDI) a procédé à une annulation de son capital de 7 622,45 euros puis à une augmentation de 465 000 euros entièrement souscrite par la société Colombey. Cette participation a fait l'objet d'une provision au titre de l'exercice clos au 31 mars 2013 à hauteur de 462 184,86 euros, déduite du résultat de la SARL Colombey, calculée à hauteur de la différence entre le prix de revient et le montant du capital de la société GDI.
11. Au regard des principes susmentionnés, le service a procédé au calcul du pourcentage d'actifs immobiliers de la SARL GDI en appréciant le rapport entre la valeur des titres de participations de la SARL GDI et la valeur réelle des éléments de son actif social et a constaté que le seuil des 50 % d'actifs immobiliers n'était pas atteint. Aux fins de contester cette rectification, la SARL LG Services fait valoir que la SARL GDI est une société à prépondérance immobilière dès lors que la valeur des participations qu'elle détient, notamment à hauteur de 99,9 % dans la SNC Les Hérissons, titulaire d'un programme immobilier en cours de commercialisation à L'Haÿ-les-Roses (Val-de-Marne), doit tenir compte de la valeur de cet élément d'actif pour l'appréciation de son caractère de société à prépondérance immobilière, et qu'eu égard à la valeur de cet élément d'actif, d'un montant de 6 974 000 euros, le seuil de 50 % prévu à l'article 219 I a-sexies-0 bis précité du code général des impôts est dépassé.
12. A supposer que la SNC Les Hérissons, eu égard aux éléments mentionnés ci-dessus, constitue une société à prépondérance immobilière au sens des dispositions précitées de l'article 219 I a-sexies-0 bis précité du code général des impôts, il résulte de l'instruction que le bien immobilier en litige est inscrit à l'actif de la SNC Les Hérissons et non à celui de la SARL GDI et qu'au regard des dispositions précitées, l'appréciation de la valeur réelle des titres détenus par cette dernière dans la société s'effectue en fonction de l'évaluation et de la comptabilisation des titres à l'actif du bilan de la société détentrice de ces titres, soit au regard de la valeur retenue dans les écritures de la SARL GDI, eu égard à son pourcentage de détention de ces titres. Par suite, eu égard à la part que représente la valeur de ces titres, ainsi retenue à bon droit par le service pour la somme de 2 109 euros, dans le total des actifs immobiliers de la SARL GDI, d'une valeur non contestée de 6 795 586 euros, à la clôture de l'exercice 2013, c'est à bon droit que le vérificateur a remis en cause le caractère de société à prépondérance immobilière de la SARL GDI et, estimant que la provision pour dépréciation des titres de 462 194 euros relevait du régime des moins-values à long terme, a réintégré cette dernière au bénéfice de la SARL Colombey au titre de cet exercice.
13. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL LG Services n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la société LG Services est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée LG Services et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à l'administrateur des finances publiques chargé de la direction régionale des finances publiques d'Île-de-France et de Paris (service du contentieux d'appel déconcentré - SCAD).
Délibéré après l'audience du 2 février 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Carrère, président,
- Mme Boizot, première conseillère ;
- Mme Lorin, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 27 février 2024.
La rapporteure,
S. BOIZOTLe président,
S. CARRERE
La greffière,
C. DABERT
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 22PA00232 2