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15/02/2024 | FRANCE | N°22PA00579

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 5ème chambre, 15 février 2024, 22PA00579


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. et Mme A...X... ont demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2013, ainsi que des pénalités correspondantes.



Par un jugement n° 1602469 du 7 mai 2018, le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.



Par un arrêt n° 18PA02265 du 20 décembre 2019, la Cour adm

inistrative d'appel de Paris a, sur l'appel de M. et Mme X... portant sur les seuls suppléments d'impôt sur le r...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A...X... ont demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2013, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1602469 du 7 mai 2018, le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.

Par un arrêt n° 18PA02265 du 20 décembre 2019, la Cour administrative d'appel de Paris a, sur l'appel de M. et Mme X... portant sur les seuls suppléments d'impôt sur le revenu en droits et pénalités, annulé le jugement du tribunal en tant qu'il a rejeté leurs conclusions tendant à la décharge de ces suppléments, prononcé cette décharge et rejeté le surplus de leur requête tendant au versement des intérêts moratoires.

Par une décision n° 438922 du 2 février 2022, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux sur un pourvoi présenté par le ministre de l'action et des comptes publics, a annulé les articles 1er à 3 de cet arrêt et a renvoyé, dans cette mesure, l'affaire à la Cour.

Procédure devant la Cour :

Par des mémoires enregistrés, après renvoi de l'affaire par le Conseil d'Etat, les 3 mars 2022 et 9 mai 2022, M. et Mme X..., représentés par Me El Arjoun demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1602469 du 7 mai 2018 du tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu contestées, à concurrence de 2 916 630 euros, à titre principal, ou de 1 256 962 euros, à titre subsidiaire ;

3°) d'assortir d'intérêts moratoires les remboursements dus sur les impositions en litige acquittées à tort ;

4°) de condamner l'Etat à leur verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- ainsi que l'admet implicitement l'administration après le renvoi de l'affaire par le Conseil d'Etat, la société anonyme (SA) Prigest, dont M.X... était président et qui était détenue à hauteur de 25 % par la société Swiss Life Banque Privée (SLBP), appartenait, pour l'application des dispositions de l'article 150-0 D ter du code général des impôts, à la catégorie des petites et moyennes entreprises (PME), dès lors qu'il est constant qu'elle remplissait les conditions posées aux a) et b) du 3° du I de cet article et qu'il résulte de la décision n° 438922 rendue le 2 février 2022 par le Conseil d'Etat que, pour l'appréciation de la condition posée au c) du même 3, il n'y a pas lieu de prendre en compte la situation de la société Swiss Life Assurance et Patrimoine (SLAP), qui détient 34,5 % du capital de la SLBP ;

- la demande de substitution légale présentée par l'administration est infondée, dès lors que les dispositions du c) du 2° de l'article 150-0 D ter du code général des impôts imposaient seulement à M.X... de cesser, comme il l'a fait, toute fonction dans la société Prigest, dont les titres ont été cédés, sans lui interdire de cumuler le bénéfice de sa retraite avec l'exercice des fonctions de président du conseil d'administration de la société Swiss Life Gestion Privée (SLGP), quand bien même celle-ci a absorbé la SA Prigest ; la doctrine administrative exprimée au BOI-RPPM-PVBMI-20-20-20-40 du 12 septembre 2012 confirme d'ailleurs que dans le cadre d'un cumul emploi-retraite, le cédant peut exercer toute fonction au sein de toute société autre que la société cédée sans réserver le cas des sociétés faisant partie du groupe du cessionnaire ;

- dès lors que toutes les conditions posées à l'article 150-0 D ter du code général des impôts sont remplies, ils ont droit à la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu, d'un montant total, en droits et pénalités, de 2 916 630 euros, auxquels ils ont été assujettis au titre de l'année 2013 ;

- à titre subsidiaire, ils sont fondés à demander le dégrèvement des mêmes impositions pour un montant de 1 256 962 euros, résultant de l'application de l'abattement de 85% prévu par les dispositions de l'article 150-0 D, 1 quater du code général des impôts, sur la cession des 4 172 titres de la SA Prigest qui étaient détenus depuis plus de huit ans à la date à laquelle ils ont été cédés.

Par des mémoires en défense enregistrés, après renvoi de l'affaire par le Conseil d'Etat, les 26 avril 2022 et 13 juillet 2022, ce dernier non communiqué, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête de M. et Mme X....

Il soutient que :

- il résulte de la décision n° 438922 rendue le 2 février 2022 par le Conseil d'Etat que, pour l'appréciation de la condition posée au c) du 3° du I de l'article 150-0 D ter du code général des impôts, il n'y a pas lieu d'agglomérer les données de la SA Prigest dont les titres ont été cédés avec celles des sociétés qui lui sont liées et, à hauteur de leur participation dans son capital, avec celles qui sont pour elle des partenaires, pour apprécier si les conditions de seuil maximal d'effectif, de chiffre d'affaires ou de bilan annuels étaient respectées ;

- par conséquent, l'administration demande le maintien des impositions en litige, par voie de substitution de base légale, sur le fondement des dispositions du c) du 2° du I de l'article 150-0 D ter du code général des impôts, dès lors qu'il est établi que M.X... a exercé, au-delà du délai de 24 mois suivant la cession des titres de la SA Prigest, les fonctions de président du conseil d'administration de la société SLGP, qui a absorbé ladite société ;

- M. et Mme X... ne sont pas fondés à demander, à titre subsidiaire, le bénéfice de l'abattement de 85 % prévu par les dispositions de l'article 150-0 D, 1 quater du code général des impôts.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Marjanovic ;

- les conclusions de M. Perroy, rapporteur public ;

- et les observations de Me El Arjoun, représentant M. et Mme X....

Considérant ce qui suit :

1. M.X..., président de la société anonyme Prigest, a cédé le 19 novembre 2013, lors de son départ en retraite, les parts qu'il détenait dans cette société à la société Swiss Life Banque Privée (SLBP), qui en était déjà actionnaire à hauteur de 25 %. A la suite d'un contrôle sur pièces, l'administration fiscale a remis en cause le bénéfice de l'abattement de 100 % sur la plus-value réalisée à cette occasion, dont M. et Mme X... avaient estimé pouvoir bénéficier en application de l'article 150-0 D ter du code général des impôts. Par un jugement du 7 mai 2018, le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande en décharge des cotisations supplémentaires

d'impôt sur le revenu et de contribution sur les revenus exceptionnels auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2013 en conséquence de cette rectification. Par un arrêt n° 18PA02265 du 20 décembre 2019, la Cour administrative d'appel de Paris a, sur l'appel de M. et Mme X... portant sur les seuls suppléments d'impôts sur le revenu en droits et pénalités, annulé ce jugement en tant qu'il a rejeté leurs conclusions tendant à la décharge de ces suppléments, prononcé cette décharge et rejeté le surplus de leur requête tendant au versement des intérêts moratoires. Par une décision n° 438922 du 2 février 2022, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux sur un pourvoi présenté par le ministre de l'action et des comptes publics, a annulé les articles 1er à 3 de cet arrêt et a renvoyé, dans cette mesure, l'affaire à la Cour.

Sur le bien-fondé des impositions :

2. Aux termes du I de l'article 150-0 D ter du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " L'abattement prévu à l'article 150-0 D bis, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012, s'applique dans les mêmes conditions, à l'exception de celles prévues au V du même article, aux gains nets réalisés lors de la cession à titre onéreux d'actions (...) si les conditions suivantes sont remplies : / (...) 2° Le cédant doit : (...) c) Cesser toute fonction dans la société dont les titres ou droits sont cédés et faire valoir ses droits à la retraite dans les deux années suivant ou précédant la cession ; / 3° La société dont les titres ou droits sont cédés répond aux conditions suivantes : / a) Elle emploie moins de deux cent cinquante salariés au 31 décembre de l'année précédant celle de la cession ou, à défaut, au 31 décembre de la deuxième ou de la troisième année précédant celle de la cession ; / b) Elle a réalisé un chiffre d'affaires annuel inférieur à 50 millions d'euros au cours du dernier exercice clos ou a un total de bilan inférieur à 43 millions d'euros à la clôture du dernier exercice ; / c) Son capital ou ses droits de vote ne sont pas détenus à hauteur de 25 % ou plus par une entreprise ou par plusieurs entreprises ne répondant pas aux conditions des a et b, de manière continue au cours du dernier exercice clos (...) ".

3. Le ministre de l'action et des comptes publics, dans le dernier état de ses écritures devant la Cour, après renvoi de l'affaire par le Conseil d'Etat, ne conteste plus que la SA Prigest, à la date à laquelle M.X... a cédé ses parts de cette société, remplissait l'ensemble des conditions posées au 3° des dispositions du I de l'article 150-0 D ter du code général des impôts rappelées au point précédent, mais sollicite le maintien des impositions litigieuses par voie de substitution de base légale, en faisant valoir que la condition posée au c) du 2° des mêmes dispositions n'est pas remplie, dès lors que M.X... a exercé les fonctions de président du conseil d'administration de la société Swiss Life Gestion Privée (SLGP) jusqu'au 24 juin 2016, soit au-delà du délai de 24 mois suivant la cession des titres de la SA Prigest.

4. Il résulte de l'instruction qu'à la suite de la transmission universelle de son patrimoine à la société SLGP, décidée par une délibération du 29 avril 2014 du conseil d'administration de cette dernière société, filiale de la société SLBP, la SA Prigest a été dissoute et radiée du registre du commerce et des sociétés à compter du 19 juin 2014. Dans ces conditions, M.X... doit être réputé avoir cessé, au plus tard à cette date, toute fonction dans la SA Prigest. Par suite, même si l'intéressé a exercé les fonctions de président du conseil d'administration de la société absorbante SLGP jusqu'au 24 juin 2016, la condition posée au c) du 2° du I de l'article 150-0 D ter du code général des impôts est remplie. Il s'ensuit que le ministre de l'action et des comptes publics n'est pas fondé à solliciter le maintien des impositions litigieuses par le biais de la substitution de base légale qu'il demande.

5. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de leur requête, M. et Mme X... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2013, ainsi que des pénalités correspondantes.

Sur la demande tendant à l'octroi d'intérêts moratoires :

6. Aux termes de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales : " Quand l'Etat est condamné à un dégrèvement d'impôt par un tribunal ou quand un dégrèvement est prononcé par l'administration à la suite d'une réclamation tendant à la réparation d'une erreur commise dans l'assiette ou le calcul des impositions, les sommes déjà perçues sont remboursées au contribuable et donnent lieu au paiement d'intérêts moratoires dont le taux est celui de l'intérêt de retard prévu à l'article 1727 du code général des impôts. Les intérêts courent du jour du paiement. Ils ne sont pas capitalisés (...) ".

7. En l'absence de litige né et actuel avec le comptable public responsable du remboursement à M. et Mme X... des impositions contestées, en droits et pénalités, dont ils sont déchargés par le présent arrêt, leurs conclusions tendant à ce que l'Etat soit condamné à assortir d'intérêts moratoires les sommes devant leur être remboursées à ce titre sont sans objet. Elles doivent par suite être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. et Mme X... d'une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1602469 du 7 mai 2018 du tribunal administratif de Paris est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de M. et Mme X... tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2013, ainsi que des pénalités correspondantes.

Article 2 : M. et Mme X... sont déchargés des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2013, ainsi que des pénalités correspondantes.

Article 3 : L'Etat versera à M. et Mme X... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme X... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...X... et Mme B...X..., au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction nationale des vérifications de situations fiscales.

Délibéré après l'audience du 11 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Vinot, présidente de chambre,

- M. Marjanovic, président assesseur,

- M. Dubois, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 15 février 2024.

Le rapporteur,

V. MARJANOVICLa présidente,

H. VINOT

La greffière,

E. VERGNOL

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA00579


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA00579
Date de la décision : 15/02/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme VINOT
Rapporteur ?: M. Vladan MARJANOVIC
Rapporteur public ?: M. PERROY
Avocat(s) : EL ARJOUN

Origine de la décision
Date de l'import : 23/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-15;22pa00579 ?
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