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20/12/2019 | FRANCE | N°18PA02265

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 20 décembre 2019, 18PA02265


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme D... ont demandé au Tribunal administratif de Paris la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2013, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1602469/1-2 du 7 mai 2018, le Tribunal administratif de Pa ris a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 4 juillet 2018, le

1er aout 2018, le 15 mai 2019, le 25 juillet 2019 et le 30 août 2019, M. et Mme D..., représent...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme D... ont demandé au Tribunal administratif de Paris la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2013, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1602469/1-2 du 7 mai 2018, le Tribunal administratif de Pa ris a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 4 juillet 2018, le 1er aout 2018, le 15 mai 2019, le 25 juillet 2019 et le 30 août 2019, M. et Mme D..., représentés par Me A... C..., demandent à la Cour, dans le dernier état de leurs écritures :

1°) d'annuler le jugement n° 1602469/1-2 du 7 mai 2018 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu contestées, en droits et pénalités, à concurrence de 2 916 630 euros, à titre principal, ou de 1 256 962 euros, à titre subsidiaire ;

3°) d'assortir d'intérêts moratoires les remboursements dus sur les impositions en litige acquittées à tort ;

4°) de condamner l'Etat aux dépens de l'instance ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- ni les participations de 25 % et 99,95 % que détenait la société Swiss Life Banque Privée dans le capital des société Prigest et Swiss Life Gestion Privée à la date d'acquisition des titres cédés par M. D... en 2013, ni celle de 34,51 % que détenait la société Swiss Life Assurance et Patrimoine dans le capital de la société Swiss Life Banque Privée, n'empêchaient la société Prigest de répondre à la définition des petites et moyennes entreprises (PME) au sens donné par le règlement (CE) n° 800/2008 de la Commission du 6 août 2008 ; le service ne pouvait donc lui refuser l'exonération d'impôt sur le revenu de la plus-value dégagée à l'occasion de la cession des 5 072 actions de M. D... en novembre 2013, au motif que la société Prigest n'était pas une PME ;

- à supposer même que la société Prigest n'ait pas eu cette qualité, la société Swiss Life Banque Privée aurait dû être considérée comme un investisseur institutionnel au sens du c) du deuxième alinéa du paragraphe 2 de l'article 3 de l'annexe au règlement (CE) n° 800/2008 du 6 août 2008, de sorte qu'il n'y avait pas lieu, pour apprécier l'éventuel franchissement des seuils permettant de qualifier une PME au sens du droit de l'Union, d'ajouter aux données chiffrées de la société Prigest celles correspondant à la participation de 25 % de la société Swiss Life Banque Privée dans son capital ;

- à titre subsidiaire, ils avaient au moins droit à l'abattement renforcé de 85 % prévu par le a) du 1° du B du 1 quater de l'article 150-0 D du code général des impôts, qui a commencé à s'appliquer pour les gains réalisés à compter du 1er janvier 2013.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 25 mars 2019, le 25 juin 2019 et le 29 août 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. et Mme D... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- le règlement (CE) n° 800/2008 de la Commission du 6 août 2008 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- l'arrêt du 27 février 2014, HaTeFo GmbH c/ Finanzamt Haldensleben (C-110/13) ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de Mme Stoltz-Valette, rapporteur public,

- et les observations de Me A... C..., représentant M. et Mme D....

Considérant ce qui suit :

1. Le 1er juin 2011, la société Swiss Life Banque Privée a acquis de façon ferme et définitive 2 025 actions de la société Prigest auprès d'actionnaires autres que M. D..., portant sa participation dans son capital à 25 %. Par protocole d'accord du même jour signé avec M. D..., la société Swiss Life Banque Privée s'est engagée, au plus tard le 31 octobre 2013, soit à acquérir auprès de M. D... et de l'actionnaire Focal les actions lui permettant de détenir une participation dans la société Prigest de plus de 50 % et une action, soit, au contraire, de céder à M. D... l'intégralité des 2 025 actions acquises en 2011, sous réserve d'obtenir l'autorisation de l'autorité des marchés financiers. Finalement, au moment de son départ à la retraite, le 19 novembre 2013, M. D... a cédé à la société Swiss Life Banque Privée les 5 072 actions qu'il détenait dans la société Prigest. A la suite du contrôle sur pièces du dossier fiscal de M. et Mme D... selon la procédure de rectification contradictoire, l'administration fiscale a remis en cause l'exonération à l'impôt sur le revenu de la plus-value de 17 893 158 euros réalisée à cette occasion. Renonçant dans le dernier état de leurs écritures à leurs conclusions portant sur la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus, M. et Mme D... relèvent appel du jugement du 7 mai 2018 du Tribunal administratif de Paris en tant qu'il a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été subséquemment assujettis au titre de l'année 2013, ainsi que des pénalités correspondantes.

Sur le bien-fondé des impositions contestées :

2. Aux termes de l'article 150-0 D ter du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " I. -L'abattement prévu à l'article 150-0 D bis, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012, s'applique dans les mêmes conditions, à l'exception de celles prévues au V du même article, aux gains nets réalisés lors de la cession à titre onéreux d'actions (...) si les conditions suivantes sont remplies : / (...) 3° La société dont les titres ou droits sont cédés répond aux conditions suivantes : / a) Elle emploie moins de deux cent cinquante salariés au 31 décembre de l'année précédant celle de la cession ou, à défaut, au 31 décembre de la deuxième ou de la troisième année précédant celle de la cession ; / b) Elle a réalisé un chiffre d'affaires annuel inférieur à 50 millions d'euros au cours du dernier exercice clos ou a un total de bilan inférieur à 43 millions d'euros à la clôture du dernier exercice ; c) Son capital ou ses droits de vote ne sont pas détenus à hauteur de 25 % ou plus par une entreprise ou par plusieurs entreprises ne répondant pas aux conditions des a et b, de manière continue au cours du dernier exercice clos. Pour la détermination de ce pourcentage, les participations de sociétés de capital-risque, des fonds communs de placement à risques, des fonds professionnels spécialisés relevant de l'article L. 214-37 du code monétaire et financier dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2013-676 du 25 juillet 2013 modifiant le cadre juridique de la gestion d'actifs, des fonds professionnels de capital investissement, des sociétés de développement régional, des sociétés financières d'innovation et des sociétés unipersonnelles d'investissement à risque ne sont pas prises en compte à la condition qu'il n'existe pas de lien de dépendance au sens du 12 de l'article 39 entre la société en cause et ces dernières sociétés ou ces fonds. Cette condition s'apprécie de manière continue au cours du dernier exercice clos (...) ".

3. Il résulte des termes de l'article 150-0 D ter du code général des impôts, dont la portée doit être éclairée par l'examen des travaux préparatoires de l'article 29 de la loi de finances rectificative pour 2005 du 30 décembre 2005 dont il est issu, que le législateur a entendu réserver le régime de faveur qu'il prévoit aux dirigeants qui procèdent à la cession des titres de sociétés satisfaisant aux conditions de seuils retenues pour la définition des petites et moyennes entreprises par le règlement (CE) n° 70/2001 de la Commission du 12 janvier 2001 concernant l'application des articles 87 et 88 du traité CE aux aides d'Etat en faveur des petites et moyennes entreprises, auquel a succédé le règlement (CE) n° 800/2008 de la Commission du 6 août 2008 applicable à l'époque du litige, déclarant certaines catégories d'aides compatibles avec le marché commun en application des articles 87 et 88 du traité.

4. D'une part, en vertu de l'article 3 de l'annexe au règlement (CE) n° 800/2008 de la Commission du 6 août 2008 : " 1. Est une " entreprise autonome " toute entreprise qui n'est pas qualifiée comme entreprise partenaire au sens du paragraphe 2 ou comme entreprise liée au sens du paragraphe 3. / 2. Sont des " entreprises partenaires " toutes les entreprises qui ne sont pas qualifiées comme entreprises liées au sens du paragraphe 3 et entre lesquelles existe la relation suivante : une entreprise (entreprise en amont) détient, seule ou conjointement avec une ou plusieurs entreprises liées au sens du paragraphe 3, 25 % ou plus du capital ou des droits de vote d'une autre entreprise (entreprise en aval)./ Une entreprise peut toutefois être qualifiée d'autonome, donc n'ayant pas d'entreprises partenaires, même si le seuil de 25 % est atteint ou dépassé, lorsque qu'on est en présence des catégories d'investisseurs suivants, et à la condition que ceux-ci ne soient pas, à titre individuel ou conjointement, liés au sens du paragraphe 3 avec l'entreprise concernée : / (...) c) investisseurs institutionnels, y compris fonds de développement régional ; / (...). / 3. Sont des " entreprises liées " les entreprises qui entretiennent entre elles l'une ou l'autre des relations suivantes : / a) une entreprise a la majorité des droits de vote des actionnaires ou associés d'une autre entreprise ; / b) une entreprise a le droit de nommer ou de révoquer la majorité des membres de l'organe d'administration, de direction ou de surveillance d'une autre entreprise ; / c) une entreprise a le droit d'exercer une influence dominante sur une autre entreprise en vertu d'un contrat conclu avec celle-ci ou en vertu d'une clause contenue dans les statuts de celle-ci ; d) une entreprise actionnaire ou associée d'une autre entreprise contrôle seule, en vertu d'un accord conclu avec d'autres actionnaires ou associés de cette autre entreprise, la majorité des droits de vote des actionnaires ou associés de celle-ci. / Il y a présomption qu'il n'y a pas d'influence dominante, dès lors que les investisseurs énoncés au paragraphe 2, deuxième alinéa, ne s'immiscent pas directement ou indirectement dans la gestion de l'entreprise considérée, sans préjudice des droits qu'ils détiennent en leur qualité d'actionnaires ou d'associés. Les entreprises qui entretiennent l'une ou l'autre des relations visées au premier alinéa à travers une ou plusieurs autres entreprises, ou avec des investisseurs visés au paragraphe 2, sont également considérées comme liées. / (...) ".

5. Il résulte de ces dispositions que pour que deux entreprises puissent être considérées comme liées, il convient soit que l'une détienne la majorité des droits de vote des actionnaires ou associés de l'autre, soit qu'elle ait le droit de nommer ou de révoquer la majorité des membres de son organe d'administration, de direction ou de surveillance, soit qu'elle ait le droit d'exercer sur elle une influence dominante, en vertu d'un contrat conclu avec celle-ci ou en vertu d'une clause contenue dans ses statuts, soit, enfin, qu'elle contrôle seule, en vertu d'un accord conclu avec d'autres actionnaires ou associés, la majorité des droits de vote de ses actionnaires ou associés. Lorsque des entreprises entretiennent l'une ou l'autre de ces relations à travers une ou plusieurs autres entreprises, notamment au sein d'un groupe, elles doivent également être considérées comme liées.

6. D'autre part, aux termes de l'article 4 de l'annexe au règlement (CE) n° 800/2008 de la Commission du 6 août 2008 : " 1. Les données retenues pour le calcul de l'effectif et des montants financiers sont celles afférentes au dernier exercice comptable clôturé et sont calculées sur une base annuelle. Elles sont prises en compte à partir de la date de clôture des comptes. Le montant du chiffre d'affaires retenu est calculé hors taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et hors autres droits ou taxes indirects. / (...) ". L'article 6 de la même annexe dispose que : " 1. Dans le cas d'une entreprise autonome, la détermination des données, y compris de l'effectif, s'effectue uniquement sur la base des comptes de cette entreprise. / 2. Les données, y compris l'effectif, d'une entreprise ayant des entreprises partenaires ou liées, sont déterminées sur la base des comptes et autres données de l'entreprise, ou - s'ils existent - des comptes consolidés de l'entreprise, ou des comptes consolidés dans lesquels l'entreprise est reprise par consolidation. / Aux données visées au premier alinéa sont agrégées les données des éventuelles entreprises partenaires de l'entreprise considérée, situées immédiatement en amont ou en aval de celle-ci. / (...) 3. Pour l'application du paragraphe 2, les données des entreprises partenaires de l'entreprise considérée résultent de leurs comptes et autres données, consolidés s'ils existent, auxquelles sont ajoutées 100 % des données des entreprises liées à ces entreprises partenaires, sauf si leurs données ont déjà été reprises par consolidation. / Pour l'application du paragraphe 2, les données des entreprises liées à l'entreprise considérée résultent de leurs comptes et autres données, consolidés s'ils existent. A celles-ci sont agrégées proportionnellement les données des éventuelles entreprises partenaires de ces entreprises liées, situées immédiatement en amont ou en aval de celles-ci, si elles n'ont pas déjà été reprises dans les comptes consolidés dans une proportion au moins équivalente au pourcentage défini au paragraphe 2, deuxième alinéa. / (...) ".

7. Il résulte de ces dispositions que pour apprécier les seuils permettant de caractériser une PME, il y a lieu d'agréger les données chiffrées de la société dont les titres sont cédés avec celles des sociétés qui lui sont liées, à concurrence de 100 %, et avec celles qui sont pour elles des partenaires, à hauteur de leur participation dans son capital, ainsi qu'avec celles des sociétés liées à ces mêmes partenaires à concurrence de cette même participation. En revanche, il n'y a pas lieu de tenir compte dans cet ensemble agrégé des données chiffrées du partenaire d'une société seulement partenaire de celle dont les titres sont cédés.

8. Il résulte de l'instruction que pour estimer que la société Prigest n'était pas une PME au 31 décembre 2012, dernier exercice clôturé avant la cession des titres de M. D... ayant généré la plus-value en litige, le service, outre les données chiffrées propres à cette société, a retenu, d'une part, 25 % de celles de la société Swiss Life Banque Privée, qui était pour la société Prigest une société partenaire au sens de la définition donnée par le paragraphe 2 de l'article 3 de l'annexe au règlement (CE) n° 800/2008 du 6 août 2008, et, d'autre part, 25 % des données chiffrées de la société Swiss Life Gestion Privée, dont la société Swiss Life Banque Privée détenait 99,95 % du capital et était pour elle une société liée au sens de ce même texte. Si M. et Mme D... admettent le bien-fondé de la prise en compte de ces données dans le calcul des seuils définis par le 3° du I de l'article 150-0 D ter du code général des impôts, ils contestent en revanche que le service ait retenu en plus celles de la société Swiss Life Assurance et Patrimoine. Ils estiment en effet que cette société, qui détenait seulement 34,51 % du capital de la société Swiss Life Banque Privée, était seulement pour celle-ci une société partenaire, donc une partenaire de second rang pour la société Prigest.

9. A l'appui de son analyse selon laquelle les sociétés Swiss Life Assurance et Patrimoine et Swiss Life Banque Privée étaient en réalité liées de fait en raison de leur appartenance au groupe Swiss Life, le ministre se prévaut de ce que le capital de la société Swiss Life Banque Privée était détenu par les sociétés Swiss Life France et Swiss Life Assurance et Patrimoine à concurrence de 25,49 % et 34,51 % respectivement, soit une participation conjointe excédant celle de 40 % de la société Viel et Cie, de ce que la société Swiss Life France, associée de la société Swiss Life Banque Privée, détenait également 60 % de la société Swiss Life Assurance et Patrimoine, de ce que les comptes des sociétés Swiss Life Assurance et Patrimoine et Swiss Life Banque Privée faisaient partie du périmètre du groupe fiscal constitué autour de la société Swiss Life France, et, enfin, de ce que la société Swiss Life Gestion Privée, dans ses comptes sociaux des exercices clos en 2011 et 2012, a estimé être une partie liée à la société Swiss Life Assurance et Patrimoine. Toutefois, en se bornant à ces constats purement factuels, le ministre ne justifie pas en quoi, selon lui, une ou plusieurs des conditions prévues par l'article 3, paragraphe 3, premier alinéa, sous a) à d) de l'annexe au règlement (CE) n° 800/2008 de la Commission du 6 août 2008, auraient été remplies et auraient par suite permis, au sens de ce texte, de caractériser une liaison plutôt qu'un partenariat entre les sociétés Swiss Life Assurance et Patrimoine et Swiss Life Banque Privée. A cet égard, il ne résulte pas de l'instruction qu'avec une participation de 34,51 % seulement, la société Swiss Life Assurance et Patrimoine aurait exercé une influence dominante dans la gestion de la société Swiss Life Banque Privée, alors, d'une part, que la société Viel et Cie disposait comme elle d'une minorité de blocage, et, d'autre part, que seule la société Swiss Life France, mère du groupe portant son nom, pouvait le cas échéant être regardée, en raison de ses niveaux de participation, comme ayant exercé à travers la société Swiss Life Assurance et Patrimoine une influence dominante dans la gestion de la société Swiss Life Banque Privée.

10. Certes, dans son arrêt du 27 février 2014 (C-110/13), HaTeFo GmbH contre Finanzamt Haldensleben, la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que le non-respect formel des conditions énumérées à l'article 3, paragraphe 3, premier alinéa, sous a) à d) de la recommandation 2003/361/CE de la Commission du 6 mai 2003, reprise à l'annexe au règlement (CE) n° 800/2008 de la Commission du 6 août 2008 applicable en l'espèce, ne s'opposait pas, dans tous les cas, au constat du caractère lié des entreprises, notamment lorsqu'en raison des rapports juridiques et économiques noués entre elles, des entreprises se coordonnent pour exercer une influence sur les décisions des entreprises constituant avec elles une entité économique unique. Toutefois, s'il est constant que la participation de la société Swiss Life Assurance et Patrimoine dans la société Swiss Life Banque Privée lui conférait une minorité de blocage et qu'elle pouvait se coordonner avec sa société mère Swiss Life France pour mettre en minorité la société Viel et Cie, il ne résulte pas pour autant de l'instruction, et d'ailleurs le ministre ne s'en prévaut pas, que quand bien même la société Swiss Life France aurait inclus les sociétés Swiss Life Assurance et Patrimoine et Swiss Life Banque Privée dans le périmètre d'un même groupe fiscal, elles auraient constitué ensemble une entité économique unique. Dans ces conditions, comme le soutiennent M. et Mme D..., la société Swiss Life Assurance et Patrimoine ne peut être considérée comme ayant été liée de fait à la société Swiss Life Banque Privée.

11. Il résulte de ce qui vient d'être dit que c'est donc à tort que pour apprécier les seuils définis au 3° du I de l'article 150-0 D ter du code général des impôts, le service a retenu les données chiffrées de la société Swiss Life Assurance et Patrimoine, qui n'était qu'une partenaire de second rang de la société Prigest, en sus de celles de cette société et des sociétés Swiss Life Banque Privée et Swiss Life Gestion Privée. Dès lors qu'il résulte de l'instruction qu'en retenant les données chiffrées de ces trois seules sociétés, la société Prigest pouvait être qualifiée de PME au sens du règlement (CE) n° 800/2008 de la Commission du 6 août 2008, M. et Mme D... sont fondés à soutenir qu'ils avaient droit à l'exonération de la plus-value réalisée par M. D... à l'occasion de la cession en 2013 des 5 072 titres de cette société à la société Swiss Life Banque Privée.

12. Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, M. et Mme D... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2013, ainsi que des pénalités correspondantes.

Sur la demande tendant à l'octroi d'intérêts moratoires :

13. Aux termes de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales : " Quand l'Etat est condamné à un dégrèvement d'impôt par un tribunal ou quand un dégrèvement est prononcé par l'administration à la suite d'une réclamation tendant à la réparation d'une erreur commise dans l'assiette ou le calcul des impositions, les sommes déjà perçues sont remboursées au contribuable et donnent lieu au paiement d'intérêts moratoires dont le taux est celui de l'intérêt de retard prévu à l'article 1727 du code général des impôts. Les intérêts courent du jour du paiement. Ils ne sont pas capitalisés (...) ".

14. En l'absence de litige né et actuel avec le comptable public responsable du remboursement à M. et Mme D... des impositions contestées, en droits et pénalités, dont ils sont déchargés par le présent arrêt, leurs conclusions tendant à ce que l'Etat soit condamné à assortir d'intérêts moratoires les sommes devant leur être remboursées à ce titre sont sans objet. Elles doivent par suite être rejetées.

Sur les dépens de l'instance :

15. M. et Mme D... n'établissent pas avoir engagé de dépens dans la présente instance. Leur demande tendant à ce qu'ils soient mis à la charge de l'Etat ne peut donc, en tout état de cause, qu'être rejetée.

Sur les frais de justice :

16. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le somme de 2 000 euros au titre des conclusions de M. et Mme D... présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1602469/1-2 du 7 mai 2018 du Tribunal administratif de Paris est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de M. et Mme D... tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2013, ainsi que des pénalités correspondantes.

Article 2 : M. et Mme D... sont déchargés des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2013, ainsi que des pénalités correspondantes.

Article 3 : L'Etat versera à M. et Mme D... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme D... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme D... et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée à l'administrateur des finances publiques chargé de la direction nationale des vérifications de situations fiscales.

Délibéré après l'audience du 10 décembre 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président de chambre,

- Mme Hamon, président assesseur,

- Mme B..., premier conseiller,

Lu en audience publique, le 20 décembre 2019.

Le rapporteur,

C. B...Le président,

C. JARDIN

Le greffier,

C. MONGISLa République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18PA02265


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA02265
Date de la décision : 20/12/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-08-01 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Plus-values des particuliers. Plus-values mobilières.


Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: Mme Christelle ORIOL
Rapporteur public ?: Mme STOLTZ-VALETTE
Avocat(s) : EL ARJOUN

Origine de la décision
Date de l'import : 26/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-12-20;18pa02265 ?
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