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14/02/2024 | FRANCE | N°23PA03662

France | France, Cour administrative d'appel, 2ème chambre, 14 février 2024, 23PA03662


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 24 mai 2023 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné et a pris à son encontre une interdiction de circuler sur le territoire français pour une durée de deux ans.



Par un jugement n° 2306412 du 18 juillet 2023, le Tribunal administratif de

Montreuil a rejeté sa demande.



Procédure devant la Cour :



Par une requête enregi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 24 mai 2023 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné et a pris à son encontre une interdiction de circuler sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2306412 du 18 juillet 2023, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 10 août 2023, M. B..., représenté par

Me Jean-Baptiste Simond, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 18 juillet 2023 du Tribunal administratif de Montreuil ;

2°) d'annuler les décisions contestées devant ce tribunal ;

3°) à titre subsidiaire, de renvoyer l'affaire devant le Tribunal administratif de Montreuil ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 600 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier dès lors que sa demande ne relevait pas du juge unique en application des dispositions de l'article L. 251-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît le droit d'être entendu ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen sérieux de sa situation ;

- elle est entachée d'erreurs de fait dès lors qu'il a séjourné en Roumanie moins de trois mois avant la décision attaquée, qu'il justifie avoir récemment exercé une activité professionnelle et qu'il n'a pas été reconnu coupable des faits reprochés qui ne sont pas constitutifs d'une menace à l'ordre public ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire est entachée d'une erreur d'appréciation dès lors qu'il n'y a pas d'urgence à l'éloigner du territoire français ;

- elle porte atteinte à l'article 6§1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en l'empêchant d'assister à son procès ;

- l'interdiction de circulation sur le territoire français est illégale à raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- elle méconnaît l'article 6§1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'elle l'empêche d'assister à son procès.

Le requête de M. B... a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas produit en défense.

Par une ordonnance du 11 décembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 3 janvier 2024.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Topin a été entendu au cours de l'audience publique

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 24 mai 2023, le préfet de la Seine-Saint-Denis a fait obligation à M. B..., ressortissant roumain né le 24 octobre 1981, de quitter le territoire sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné et a pris à son encontre une interdiction de circuler sur le territoire français pour une durée de deux ans. M. B... relève appel du jugement du 18 juillet 2023 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 251-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable aux décisions d'éloignement prises à l'encontre des citoyens de l'Union européenne et des membres de leur famille : " Les décisions portant obligation de quitter le territoire français et les interdictions de circulation sur le territoire français prises en application du présent chapitre peuvent être contestées devant le tribunal administratif dans les conditions prévues au chapitre IV du titre I du livre VI. L'article L. 614-5 n'est toutefois pas applicable. ". Aux termes de l'article L. 614-5 du même code, figurant au chapitre IV du titre I du livre VI visé par l'article

L. 251-7 : " Lorsque la décision portant obligation de quitter le territoire français prise en application des 1°, 2° ou 4° de l'article L. 611-1 est assortie d'un délai de départ volontaire, le président du tribunal administratif peut être saisi dans le délai de quinze jours suivant la notification de la décision. L'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-7, notifiée postérieurement à la décision portant obligation de quitter le territoire français, peut être contestée dans les mêmes conditions. Le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il désigne à cette fin parmi les membres de sa juridiction ou parmi les magistrats honoraires inscrits sur la liste mentionnée à l'article L. 222-2-1 du code de justice administrative statue dans un délai de six semaines à compter de sa saisine. L'étranger peut demander au président du tribunal administratif ou au magistrat désigné à cette fin le concours d'un interprète et la communication du dossier contenant les pièces sur la base desquelles la décision contestée a été prise ". Aux termes de l'article L. 614-6 du même code figurant dans ce même chapitre IV : " Lorsque la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas assortie d'un délai de départ volontaire, le président du tribunal administratif peut être saisi dans le délai de quarante-huit heures suivant la notification de la mesure./ Il est statué sur ce recours selon la procédure et dans les délais prévus, selon le fondement de la décision portant obligation de quitter le territoire français, aux articles L. 614-4 ou L. 614-5. " Et aux termes de l'article L. 614-4 de ce même code : " Lorsque la décision portant obligation de quitter le territoire français prise en application des 3°, 5° ou 6° de l'article L. 611-1 est assortie d'un délai de départ volontaire, le tribunal administratif est saisi dans le délai de trente jours suivant la notification de la décision. L'étranger peut demander le bénéfice de l'aide juridictionnelle au plus tard lors de l'introduction de sa requête en annulation. Le tribunal administratif statue dans un délai de trois mois à compter de sa saisine. ".

3. Le litige en cause porte sur une obligation de quitter le territoire français notifiée à un ressortissant de l'Union européenne. Les dispositions de l'article L. 251-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile excluent l'application de l'article L. 614-5 du même code dans cette hypothèse et donc la compétence du président du tribunal administratif ou du magistrat qu'il a désigné pour juger du recours formé contre les décisions d'obligation de quitter le territoire français et d'interdiction de circuler sur le territoire français. Dans ces conditions, le jugement de l'affaire relevait, en application des dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, d'une formation collégiale du tribunal statuant dans un délai de trois mois à compter de sa saisine et non de la compétence du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil. Par suite, le jugement attaqué est irrégulier et doit, dès lors, être annulé.

4. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu d'annuler le jugement attaqué et, dans les circonstances de l'espèce, de renvoyer au Tribunal administratif de Montreuil le jugement de l'affaire.

Sur les frais liés à l'instance :

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. B... de la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Montreuil du 18 juillet 2023 est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée devant le Tribunal administratif de Montreuil.

Article 3 : L'Etat versera à M. B... la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 31 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- Mme Topin, présidente assesseure,

- Mme Jayer, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 février 2024.

La rapporteure,

E. TOPINLe président,

I. BROTONS

La greffière,

C. ABDI-OUAMRANE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23PA03662


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA03662
Date de la décision : 14/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: Mme Emmanuelle TOPIN
Rapporteur public ?: M. SEGRETAIN
Avocat(s) : SIMOND

Origine de la décision
Date de l'import : 18/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-14;23pa03662 ?
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