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14/02/2024 | FRANCE | N°23PA01375

France | France, Cour administrative d'appel, 2ème chambre, 14 février 2024, 23PA01375


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... Champion a demandé au Tribunal administratif de la Polynésie française qui a transmis sa demande au Tribunal administratif de Paris par ordonnance du 17 juin 2021, d'annuler la décision du 21 mai 2021 par laquelle la ministre du gouvernement de la Polynésie française en charge de la fonction publique a refusé de lui octroyer une décharge totale d'activité pour exercer une activité syndicale.



Par un jugement n° 2113021/2-1 du 7 février 2023, le

Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.



Procédure devant la Cour :



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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... Champion a demandé au Tribunal administratif de la Polynésie française qui a transmis sa demande au Tribunal administratif de Paris par ordonnance du 17 juin 2021, d'annuler la décision du 21 mai 2021 par laquelle la ministre du gouvernement de la Polynésie française en charge de la fonction publique a refusé de lui octroyer une décharge totale d'activité pour exercer une activité syndicale.

Par un jugement n° 2113021/2-1 du 7 février 2023, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 5 avril 2023, M. Champion, représenté par

Me Teremoana Hellec, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 2113021/2-1 du 7 février 2023 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler la décision du 21 mai 2021 de la ministre du gouvernement de la Polynésie française en charge de la fonction publique ;

3°) de mettre à la charge de la Polynésie française une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que le service auquel il appartient était en situation de sous-effectif et que son syndicat pouvait choisir un autre agent, la situation de vacance de postes n'étant pas caractérisée dans un contexte de surdimensionnement tel que souligné par la chambre territoriale des comptes en 2018 et par la direction de la modernisation et des réformes de l'administration dans son audit de la délégation de la Polynésie française (DFP) réalisé en 2022 ; si tel avait le cas le cas, sa cheffe de bureau n'aurait pas supprimé l'intégralité de ses attributions mais lui en aurait attribué de nouvelles suite à ses demandes ; par ailleurs, en sa qualité de secrétaire général de son syndicat, élu, il ne pouvait être remplacé par un simple adhérent ;

- dans un contexte de " placardisation ", de total désœuvrement et d'obstruction à toutes ses demandes, avant et après la demande de décharge, à l'origine d'arrêts de maladie, c'est également à tort que le tribunal a estimé qu'il était indispensable au service et que la décharge demandée portait atteinte à la continuité du service ainsi qu'à la sauvegarde de l'intérêt général ;

- c'est enfin encore à tort qu'il a considéré que l'administration n'était pas tenue d'envisager une transformation des postes de catégories B, C et D en catégorie A, qui ne se heurte à aucune difficulté technique de l'aveu même de la collectivité et est conforme aux recommandations de la chambre territoriale des comptes et au droit constitutionnel relatif au droit syndical.

Par une ordonnance du 5 juillet 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au

4 septembre 2023.

Un mémoire, présenté pour la Polynésie française, a été enregistré le 27 janvier 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ;

- la délibération n° 95-223 AT du 14 décembre 1995 modifiée ;

- l'arrêté n° 980 CM du 24 juillet 2015 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Jayer,

- les conclusions de M. Segretain, rapporteur public,

- et les observations de M. Champion.

Une note en délibéré, présentée par M. Champion, a été enregistrée le 2 février 2024.

Considérant ce qui suit :

1. M. Champion conseiller des services administratifs et qui relève du cadre d'emplois des attachés d'administration, exerçait, depuis le 3 février 2020, les fonctions de chef du bureau de l'administration, des finances et des moyens généraux au sein de la délégation de la Polynésie française (DPF) à Paris. Suite à sa désignation, le 12 mars 2021, en tant que secrétaire général du syndicat de la fonction publique (SFP), par courrier du 18 mars suivant, son syndicat a demandé au gouvernement de la Polynésie française le bénéfice à son profit d'une décharge totale d'activité de service, à compter du 22 mars 2021. Après avis défavorable de sa cheffe de service et avis favorable de la commission administrative paritaire compétente, la ministre du gouvernement de la Polynésie française en charge de la fonction publique a rejeté cette demande par décision du 21 mai 2021. M. Champion relève appel du jugement du 7 février 2023 du Tribunal administratif de Paris portant rejet de sa demande d'annulation de cette décision.

Sur la légalité de la décision attaquée :

2. Aux termes de l'article 16 de la délibération n° 95-223 AT du 14 décembre 1995 modifiée relative à l'exercice du droit syndical dans la fonction publique : " Les décharges d'activité de service peuvent être définies comme étant l'autorisation donnée à un agent public d'exercer, pendant ses heures de service, une activité syndicale aux lieu et place de son activité administrative normale. Les décharges d'activité de service peuvent être totales ou partielles. Lorsqu'un représentant syndical a été déchargé partiellement de service, il convient que sa charge administrative soit allégée en proportion de l'importance de la décharge dont il est bénéficiaire. Les agents déchargés partiellement de service peuvent également bénéficier des autorisations spéciales d'absence prévues par la présente délibération ". Aux termes de l'article 17 de la même délibération : " Les décharges d'activité de service ne modifient pas la situation statutaire des fonctionnaires concernés. Ceux-ci demeurent en position d'activité dans leur emploi ou cadre d'emplois, et continuent à bénéficier de toutes les dispositions concernant cette position " et l'article 21 dispose que : " Les bénéficiaires des décharges de service partielles ou totales sont désignés par les organisations syndicales conformément aux dispositions de l'article 18 (...) Si la désignation d'un agent est incompatible avec la bonne marche du service, l'autorité territoriale après avis de la commission administrative paritaire, invite l'organisation syndicale à porter son choix sur un autre agent ". Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à l'administration d'exercer son contrôle sur les demandes de décharge d'activité de service qui lui sont faites par les syndicats, notamment sur la compatibilité de ces décharges avec la bonne marche du service.

3. Il ressort des pièces du dossier que c'est en raison des nécessités du service que la demande du syndicat de la fonction publique (SFP) tendant à ce que M. Champion bénéficie d'une décharge totale d'activité de service a été rejetée, au motif que son poste de responsable du bureau de l'administration des finances et des moyens généraux de la délégation était " hautement stratégique " et que son expertise et ses compétences professionnelles étaient indispensables pour le suivi des dossiers, la conduite des procédures applicables en matière de commande publique, ainsi que l'élaboration et le suivi du budget annuel du service. Ont également été prises en considération les compétences informatiques reconnues à l'intéressé, de nature à simplifier les traitements et à permettre la mise en place d'une comptabilité analytique. M. Champion conteste cette appréciation en faisant valoir que, dans un contexte hautement conflictuel, sa cheffe du service l'avait " placardisé " en lui retirant plusieurs de ses attributions et, qu'ainsi, " in concreto ", son absence aurait été sans effet sur le fonctionnement du service alors, au surplus, qu'il était souvent en arrêt de maladie à compter de décembre 2020 en raison de ce contexte. Il se prévaut également du caractère structurellement surdimensionné du service du personnel de la délégation tel que relevé par la chambre territoriale des comptes dans son rapport de 2018.

4. Il résulte des articles 4, 5, 6, 7 et 8 de l'arrêté n° 980 CM du 24 juillet 2015 relatif à la dénomination, aux missions et à l'organisation de la délégation de la Polynésie française à Paris que celle-ci est dirigée par un(e) chef(fe) de service qui prend les dispositions utiles pour que l'exécution des missions de la délégation soit assurée et qui est assisté(e) à cette fin par trois bureaux, dont celui de l'administration, des finances et des moyens généraux, dirigé par M. Champion à la date de la décision attaquée. Il ressort des pièces du dossier que ce bureau est plus précisément chargé du budget, des ressources humaines, de la comptabilité, de la logistique et de l'informatique, ainsi que de la gestion des allocations de la Polynésie française attribuées aux étudiants polynésiens en métropole et de l'organisation logistique des missions des personnalités de la Polynésie française ; il veille, enfin, au suivi et à l'entretien des biens mobiliers et immobiliers de la Polynésie française en France métropolitaine. Dans son rapport de 2018, la chambre territoriale des comptes a qualifié la nature de la DPF à Paris de " complexe " en raison des missions confiées et a considéré que le principal obstacle à leur bon accomplissement en termes de compétences et d'expertise était, dès l'origine, la qualification du personnel dans un contexte de grande volatilité des organes de direction. Elle a ainsi estimé que la délégation était structurellement fragilisée par un déficit de compétences pour remplir les missions dévolues, notamment s'agissant de la maitrise des techniques de la commande publique. Afin d'y remédier, les magistrats financiers ont recommandé à la délégation de transformer des postes de catégorie B, C et D au profit de postes d'encadrement, de catégorie A. Dès lors, ainsi qu'il a été dit, qu'il ressort des pièces du dossier que M. Champion a été recruté dans un tel contexte de pénurie et postérieurement à ce rapport, en raison de ses compétences propres et difficilement remplaçables, primordiales au sein de la délégation pour y diriger un bureau d'importance stratégique, et nonobstant les circonstances, d'une part, qu'une partie de ses attributions lui aient été retirées, notamment la gestion des bourses attribuées aux étudiants, d'autre part, qu'il ait été sous-occupé et parfois en arrêt maladie, le motif tiré des nécessités de service opposé par la Polynésie française à la demande de décharge d'activité de l'intéressé doit être regardé comme justifié. Par ailleurs, le moyen tiré de ce que la transformation de postes vacants de catégories B, C et D en catégorie A était facilement réalisable n'est pas utilement invoqué faute d'éléments au dossier de nature à établir que le remplacement de M. Champion par d'autres agents présentant les mêmes compétences que les siennes était envisageable dans un délai assez bref, à la date de la décision attaquée. C'est par suite sans commettre d'erreur d'appréciation, qu'en tenant compte de l'intérêt du service, la Polynésie Française lui a opposé la décision litigieuse qui, par elle-même, ne privait pas le syndicat de ses moyens d'actions et ne portait pas une atteinte grave et illégale à la liberté syndicale.

5. Il résulte de ce qui précède que M. Champion n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 21 mai 2021 lui refusant une décharge totale d'activité pour exercer une activité syndicale.

Sur les frais liés à l'instance :

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la Polynésie française, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande M. Champion au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. Champion est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... Champion et au président de la Polynésie française.

Copie en sera adressée au haut-commissaire de la République en Polynésie française ainsi qu'à la délégation de la Polynésie française à Paris.

Délibéré après l'audience du 31 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- Mme Topin, présidente assesseure,

- Mme Jayer, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 février 2024.

La rapporteure,

M-D. JAYERLe président,

I. BROTONS

La greffière,

C. ABDI-OUAMRANE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23PA01375 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA01375
Date de la décision : 14/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: Mme Marie-Dominique JAYER
Rapporteur public ?: M. SEGRETAIN
Avocat(s) : HELLEC

Origine de la décision
Date de l'import : 18/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-14;23pa01375 ?
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