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14/02/2024 | FRANCE | N°23PA00646

France | France, Cour administrative d'appel, 2ème chambre, 14 février 2024, 23PA00646


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision par laquelle le gouverneur de la Banque de France a implicitement rejeté sa demande du 10 février 2020 tendant d'une part à sa nomination au grade de cadre de niveau 4 et d'autre part au versement d'une indemnité de 70 000 euros à raison des préjudices qu'elle estime avoir subis, d'enjoindre à la Banque de France de la nommer au grade de cadre de niveau 4 avec effet au 7 mai 2020, et de condamner

la Banque de France à lui verser la somme de 70 000 euros, assortie des intérêts au...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision par laquelle le gouverneur de la Banque de France a implicitement rejeté sa demande du 10 février 2020 tendant d'une part à sa nomination au grade de cadre de niveau 4 et d'autre part au versement d'une indemnité de 70 000 euros à raison des préjudices qu'elle estime avoir subis, d'enjoindre à la Banque de France de la nommer au grade de cadre de niveau 4 avec effet au 7 mai 2020, et de condamner la Banque de France à lui verser la somme de 70 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 10 février 2020 et de la capitalisation de ces intérêts.

Par un jugement n° 2008097/5-2 du 15 décembre 2022, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 16 février et 8 août 2023, Mme B..., représentée par Me Marc Bellanger, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 15 décembre 2022 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler la décision contestée devant ce tribunal ;

3°) d'enjoindre à la Banque de France de la nommer au grade de cadre de niveau 4 avec effet au 7 mai 2020, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de condamner la Banque de France à lui verser la somme de 70 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis, assortie des intérêts au taux légal à compter du 10 février 2020 et de la capitalisation de ces intérêts ;

5°) de mettre à la charge de la Banque de France la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier car la minute du jugement n'est pas signée ;

- le refus de l'inscrire au tableau d'avancement au grade de cadre de niveau 4 au titre de l'année 2020 est discriminatoire dès lors que l'accès à ce grade est subordonné notamment à la qualité de la contribution, appréciée sur la base de l'évaluation annuelle et de la densité du dernier poste détenu, alors que la Banque de France n'évalue pas ce critère pour les agents détachés à temps plein auprès d'une organisation syndicale ;

- la Banque de France a commis des fautes dans la gestion de sa carrière en ne lui ayant pas fait bénéficier d'un entretien professionnel annuel durant sa mise à disposition auprès du syndicat, en méconnaissance de la note du 7 mai 2015, en ne prévoyant pas d'entretien de fin de mandat, en méconnaissance de l'accord du 16 octobre 2018, en ne lui proposant pas de poste de reclassement sur une période de trois ans et en ne lui accordant pas la promotion au grade supérieur entre le 1er juillet 2016 et l'année 2019 ;

- ces fautes ont occasionné un préjudice matériel de 50 000 euros, des troubles dans les conditions d'existence de 10 000 euros et un préjudice moral de 10 000 euros.

Par un mémoire en défense enregistré le 19 mai 2023, la Banque de France, représentée par la société d'avocats Delvolvé-Trichet, conclut au rejet de la requête et demande qu'il soit mis à la charge de la Mme B... la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par un mémoire en intervention enregistré le 15 septembre 2023, le syndicat national du personnel des cadres et de la maîtrise CFE-CGC de la Banque de France, représenté par Me Marc Bellanger, demande qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par

Mme B....

Il reprend à son compte les moyens de la requête dirigés contre le refus de la Banque de France de nommer la requérante au grade de cadre de niveau 4.

Par un courrier du 8 novembre 2023, les parties ont été informées que la Cour est susceptible de fonder sa décision sur le moyen relevé d'office tiré de ce que les conclusions tendant à l'annulation de la décision implicite de refus d'inscription sur le tableau d'avancement au niveau 4 de la catégorie cadre au titre de l'année 2020, qui doivent être regardées comme dirigées contre la décision du 7 mai 2020 portant tableau d'avancement en tant que la requérante n'y figure pas, sont irrecevables en raison du caractère indivisible de ce tableau qui comporte un nombre limité d'inscrits en application des dispositions de l'article 3 de la décision 2018-24 du 27 décembre 2018 relative à la procédure d'avancement du personnel titulaire.

Par un mémoire enregistré le 20 novembre 2023, la Banque de France a présenté des observations en réponse au moyen d'ordre public.

Par une ordonnance du 20 novembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 6 décembre 2023.

Un mémoire en réponse au moyen d'ordre public, présenté pour Mme B..., a été enregistré le 11 janvier 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la décision n° 2019-03 du 30 janvier 2019 du gouverneur de la Banque de France relative à l'avancement et à la mobilité ;

- la décision n° 2018-24 du 27 décembre 2018 relative à la procédure d'avancement du personnel titulaire ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Topin,

- les conclusions de M. Segretain, rapporteur public,

- et les observations de Me Bellanger, représentant Mme B..., et de Me Delvové, représentant la Banque de France.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... a été recrutée par la Banque de France en tant que titulaire, le 5 septembre 1983, au grade de secrétaire comptable. A la suite de plusieurs affectations au sein de cet établissement, elle a, à sa demande, bénéficié d'une mise à disposition à temps plein auprès de la CFE-CGC à compter du 9 février 2009, puis a occupé le poste de secrétaire générale adjointe de ce syndicat à compter d'octobre 2010 avant d'occuper le poste de secrétaire générale de septembre 2012 à septembre 2016 et d'être élue au poste de vice-présidente de ce syndicat en octobre 2019. Par un courrier du 10 février 2020, elle a sollicité auprès du gouverneur de la Banque de France, d'une part, son accession au niveau 4 du grade de cadre au titre de l'année 2020 et, d'autre part, l'indemnisation des préjudices qu'elle estime avoir subis à raison de diverses fautes commises par cet établissement. Mme B... relève appel du jugement du 15 décembre 2022 du Tribunal administratif de Paris qui a rejeté ses demandes.

Sur l'intervention du syndicat national du personnel des cadres et de la maîtrise CFE-CGC de la Banque de France :

2. Le syndicat national du personnel des cadres et de la maîtrise CFE-CGC de la Banque de France justifie d'un intérêt pour intervenir au soutien de la requête de Mme B.... Son intervention est admise.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. La minute du jugement attaqué, produite devant le juge d'appel, a été signée par le président, le rapporteur et le greffier d'audience. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ne peut donc qu'être écarté.

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision implicite de refus d'inscription au tableau d'avancement et sur les conclusions à fin d'injonction :

4. Aux termes de l'article 3 de la décision n° 2018-24 du 27 décembre 2018 relative à la procédure d'avancement du personnel titulaire : " La direction générale des Ressources humaines détermine annuellement le nombre maximum de cadres de direction et le nombre maximum de cadres, sur la base du nombre de proposables, qui pourront bénéficier d'un changement de niveau ". Aux termes de l'article 7 de cette même décision : " Les listes complètes de promotion par catégorie et par niveau sont proposées au gouverneur qui arrête, en tenant compte le cas échéant des agents bénéficiant d'un avancement à la médiane, les tableaux d'avancement correspondant en vue d'une promotion au 1er septembre ".

5. Mme B..., qui demande l'annulation de la décision implicite de rejet de sa demande de promotion au niveau 4 du grade de cadre au titre de l'année 2020, doit être regardée comme contestant la décision du 7 mai 2020 portant tableau d'avancement à ce niveau pour l'année 2020 en tant qu'elle n'y figure pas. Or il résulte des dispositions de l'article 3 de la décision du 27 décembre 2018 que ce tableau d'avancement comporte un nombre maximum d'agents de la Banque de France. Il présente ainsi un caractère indivisible, les dispositions sus-rappelées de l'article 7 ne prévoyant pas expressément que les agents bénéficiant d'un avancement à la médiane seraient hors quota alors qu'en outre, l'avancement à la médiane n'a pas été appliqué pour l'accession au niveau 4 du grade de cadre. Par suite les conclusions de Mme B... tendant à l'annulation de ce tableau d'avancement, en tant qu'elle n'y figure pas, sont irrecevables. Elles ne peuvent, dès lors qu'être rejetées, ensemble, par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction sous astreinte présentées en appel par la requérante.

Sur les conclusions indemnitaires :

6. En premier lieu, la circonstance que Mme B... ait été détachée auprès d'un syndicat faisait obstacle à son évaluation par son employeur. Elle n'est donc pas fondée à soutenir que la Banque de France a commis une faute en ne procédant pas à son évaluation.

7. En deuxième lieu, d'une part la note du 7 mai 2015 relative à la conciliation du parcours syndical et de la carrière professionnelle, laquelle n'est pas signée, se réfère de manière générale à la loi du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail ainsi qu'à celle du 5 mars 2014 et présente des fiches récapitulatives dénommées " reconnaître le fait syndical ", " accompagner le parcours syndical ", " reconnaître les acquis de l'expérience syndicale " et " former les partenaires du dialogue social ". Cette note ne comporte dès lors aucune disposition dont Mme B... pourrait utilement se prévaloir. D'autre part, il résulte des dispositions de l'accord-cadre d'entreprise du 16 octobre 2018 que les divers entretiens prévus au bénéfice d'un agent détaché, en début et au cours de son mandat, destinés à faire le point sur ses compétences et ses évolutions professionnelles, sont facultatifs.

8. En troisième lieu, l'accord-cadre d'entreprise du 16 octobre 2018 prévoit " un droit au retour des représentants du personnel ou des agents mis à disposition sur leur poste ou un poste équivalent dans leur unité d'origine (...) ". Il ne résulte toutefois pas de l'instruction que le poste de " cadre bilan sociaux en services entreprise ", proposé à Mme B... par son employeur en août 2017 n'était pas équivalent au poste de responsable d'une section du service des entreprises que l'intéressée occupait en 2009. Si Mme B... soutient que ses candidatures à différents postes auxquels elle a postulé entre septembre 2016 et décembre 2019, qui relèvent au demeurant de domaines d'activité différents de ceux du poste qu'elle occupait en 2009 et, pour la majorité d'entre eux, de responsabilités supérieures, ont été écartées pour un motif discriminatoire en lien avec ses activités syndicales, cela ne résulte d'aucune pièce du dossier alors que la Banque de France justifie de l'adéquation des profils des candidats retenus sur ces postes. Il n'est par ailleurs pas contesté que Mme B... s'est abstenue de postuler à une trentaine d'offres d'emploi correspondant à son champ de compétences durant cette période. Elle n'est dans ces conditions pas fondée à soutenir que son droit au retour aurait été méconnu ou qu'elle aurait été victime de discrimination à raison de ses activités syndicales.

9. En quatrième lieu, l'article 14 de décision règlementaire 2019-03 du 30 janvier 2019 relative à l'avancement et à la mobilité prévoit que, pour être promu cadre de niveau 4, il faut être " positionné au 30 septembre de l'année n- 1, sur les indices suivants : (...) vers le niveau 4, les indices 840 et 870 du niveau 3 ". L'article 19 dispose que : " Pour accéder au niveau 4 les cadres doivent avoir effectué une mobilité supplémentaire depuis l'accès au niveau 3 " et que " Aucun critère de fonctionnalité de poste ne conditionne l'accès à ce niveau ". Enfin, l'article 8 de cette même décision prévoit que : " Les changements de niveaux reposent sur : /- la qualité de la contribution, appréciée sur la base de l'évaluation annuelle et la densité du dernier poste tenu, / - la diversité du parcours professionnel, notamment les mobilités détaillées dans les articles suivants ".

10. Si Mme B... se plaint du défaut d'inscription au tableau d'avancement du grade de chef de bureau principal, devenu en 2019 niveau 4 du grade de cadre, à compter de la date à laquelle elle remplissait les conditions de détention de l'indice nécessaire et de mobilité, soit le 1er juillet 2016, il résulte de l'instruction que, pour les années 2017 et 2018, elle ne fait valoir aucun élément précis de nature à caractériser la faute de son employeur, alors que le seul fait de réunir les conditions prévues aux articles 14 et 19 de la décision du 30 janvier 2019 pour être promue ne suffisait pas à lui ouvrir le droit d'être inscrite au tableau d'avancement. Si elle soutient qu'un " constat semblable " peut être fait concernant son défaut d'inscription au tableau d'avancement de l'année 2019, qu'elle avait pourtant sollicité, il résulte de l'instruction que, d'une part, contrairement à ce qu'elle soutient, ni le compte rendu de la commission du personnel du 27 juin 2019 relative au projet d'accord sur l'exercice du droit syndical qui rapporte le refus exprimé par le directeur général des ressources humaines de la Banque de France de promouvoir un agent occupant des fonctions syndicales à ce grade par tirage au sort, ni les propos, rapportés par un tiers, qu'aurait tenus ce dernier sur le refus d'appliquer aux personnes détachées dans des fonctions syndicales une évaluation médiane compte tenu des caractéristiques de cet avancement particulièrement sélectif, ne permettent de conclure que sa candidature aurait été écartée du seul fait de l'absence d'évaluation durant sa période de détachement dans des fonctions syndicales, caractérisant ainsi une discrimination syndicale comme elle le soutient, alors que, d'autre part, la Banque de France n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des mérites des candidats retenus au titre de l'avancement au niveau 4 du grade de cadre en 2019, au regard de ses propres mérites, compte tenu des critères relatifs à la densité du dernier poste détenu et à la diversité du parcours professionnel. Mme B... n'est ainsi pas fondée à soutenir que les décisions ne l'inscrivant pas au tableau d'avancement de cadre de niveau 4 au titre des années 2017, 2018 et 2019 seraient fautives.

11. En l'absence de fautes commises par la Banque de France ainsi qu'il vient d'être dit aux points 6. à 10. du présent arrêt, Mme B... n'est pas fondée à solliciter l'indemnisation des préjudices qu'elle invoque.

12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet de sa demande de promotion au niveau 4 du grade de cadre au titre de l'année 2020 ainsi que ses conclusions à fin d'injonction et ses conclusions indemnitaires. Sa requête d'appel ne peut, en conséquence, qu'être rejetée, ensemble ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B... la somme réclamée par la Banque de France au titre des frais de procès.

DECIDE:

Article 1er : L'intervention du syndicat national du personnel des cadres et de la maîtrise

CFE-CGC de la Banque de France est admise

Article 2 : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de la Banque de France présentées sur le fondement de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., au syndicat national du personnel des cadres et de la maîtrise CFE-CGC de la Banque de France et à la Banque de France.

Délibéré après l'audience du 31 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- Mme Topin, présidente assesseure,

- Mme Jayer, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 février 2024.

La rapporteure,

E. TOPIN

Le président,

I. BROTONSLa greffière,

C. ABDI-OUAMRANE

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23PA00646 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA00646
Date de la décision : 14/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: Mme Emmanuelle TOPIN
Rapporteur public ?: M. SEGRETAIN
Avocat(s) : SCP DELVOLVE-TRICHET

Origine de la décision
Date de l'import : 18/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-14;23pa00646 ?
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