Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par une première demande, la société MCP Bâtiment a demandé au tribunal administratif de Paris :
- de condamner la Caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV) à lui verser la somme de 523 195,75 euros au titre des prestations réalisées avant la date de résiliation des lots
nos 01.1 et 01.2 qui lui ont été attribués dans le cadre du marché de rénovation des locaux de son siège social, augmentée des intérêts moratoires à compter de cette date, sans préjudice de leur capitalisation ;
- de condamner la CNAV à lui verser la somme de 1 702 193,72 euros au titre de la marge nette qu'elle pouvait escompter de l'exécution du marché jusqu'à son terme normal ;
- de condamner la CNAV à lui verser la somme de 1 000 000 d'euros en réparation du préjudice tiré de l'atteinte à sa réputation professionnelle.
Par une deuxième demande, la société MCP Bâtiment a demandé au tribunal administratif de Paris :
- d'enjoindre à la CNAV ou à son exploitant, de lui redonner accès à la plateforme
" E-projet " afin qu'elle puisse récupérer les derniers justificatifs travaux ;
- à titre principal, de condamner la CNAV à lui verser la somme de 408 740,65 euros TTC au titre de l'exécution des lots nos 01.1 et 01.2 à la date du 20 août 2020,
- à titre subsidiaire, de condamner la CNAV à lui verser au minimum la somme de
242 240,65 euros TTC au titre de l'exécution des lots nos 01.1 et 01.2 à la date du 20 août 2020, dès lors que les pénalités, à les supposer dues, doivent être limitées à la somme de 166 500 euros TTC au regard de l'article 4.2.1.2 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) ;
- d'assortir les sommes dues des intérêts moratoires au taux de 8% à compter du
7 décembre 2020 et jusqu'au complet paiement ;
- de condamner la CNAV à lui verser la somme de 40 euros correspondant à l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement.
Par un jugement n° 2015105, 2112705 du 12 septembre 2022, le tribunal administratif de Paris a condamné la CNAV à verser à la société MCP Bâtiment la somme de 42 333,71 euros TTC, assortie des intérêts moratoires à compter du 7 décembre 2020, sous réserve des sommes déjà acquittées, ainsi que la somme de 40 euros au titre de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement, et a rejeté le surplus des conclusions des demandes de la société MCP Bâtiment ainsi que les conclusions présentées par la CNAV sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 7 novembre 2022, la société MCP Bâtiment, représentée par Me Gaudement et Me Fumery, demande à la Cour :
1°) de réformer ce jugement en tant qu'il retient un solde définitif pour le lot n° 01.1 du marché qui excède la somme de 30 445,96 euros au profit de la CNAV ;
2°) d'arrêter le solde définitif du lot n° 01.1 du marché à la somme de 30 445,96 euros en faveur de la CNAV ;
3°) de mettre à la charge de la CNAV la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal a omis de statuer sur ses conclusions subsidiaires visant à limiter le montant des pénalités au plafond journalier prévu à l'article 4.2.1.2 du CCAP, après les avoir dénaturées dans ses visas ;
- l'application des pénalités de retard à l'occasion du décompte de liquidation ne peut que correspondre à des pénalités dites " définitives ", régies par l'article 4.2.1.2 du CCAP ;
- le montant des pénalités de retard aurait dû s'établir à 166 500 euros au lieu du montant initialement retenu par la CNAV de 257 213,19 euros, soit un différentiel de 90 713,19 euros ;
- le solde définitif du lot n° 01.1 aurait ainsi dû être de 30 445,96 euros en faveur de la CNAV, soit 121 159,15 euros (montant du solde tel qu'il résulte du point 53 du jugement)
-90 713,19 euros.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 février 2023, la Caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV), représentée par la SELARL HMS Avocats, Me de Bailliencourt, conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de la société MCP Bâtiment la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les premiers juges ont pleinement répondu à l'argumentation présentée à titre principal et subsidiaire par la société MCP Bâtiment ;
- le montant des pénalités a été régulièrement calculé sur la base de l'article 4.2.1.1 du CCAP relatif aux pénalités provisoires.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'arrêté du 8 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;
- le code de justice administrative.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Mantz,
- les conclusions de Mme Lipsos, rapporteure publique,
- les observations de Me de Bailliencourt, représentant la caisse nationale d'assurance vieillesse.
Considérant ce qui suit :
1. Dans le cadre d'une opération de réhabilitation des bâtiments du site abritant son siège social à Paris 19ème, la caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV) a notamment lancé un appel d'offres ouvert pour l'attribution de douze des 21 lots du marché de travaux. Les lots
n° 01.1 " Démolition - renforcement - gros-œuvre - charpente métallique " et n° 01.2 " Charpente bois " ont été attribués à la société MCP Bâtiment, par actes d'engagement datés respectivement des 6 mai 2019 et 26 juin 2019. Ces deux marchés ont été résiliés par décision de la CNAV du 20 juillet 2020. Par lettre du 2 octobre 2020 reçue le 8 octobre suivant, la CNAV a notifié à la société MCP Bâtiment les décomptes de liquidation des deux marchés résiliés, dont les soldes ont été arrêtés aux sommes respectives de 137 106,51 euros TTC en faveur de la CNAV pour le lot n° 01.1 et de 40 565,10 euros en faveur du titulaire pour le lot n° 01.2. La société MCP Bâtiment a saisi le tribunal administratif de Paris de deux demandes tendant, d'une part, à la réparation des préjudices qu'elle estimait avoir subis du fait de la résiliation illégale des marchés et, d'autre part, à la contestation des décomptes de liquidation précités, demandant notamment la condamnation de la CNAV à lui verser, à titre principal, la somme de 408 740,65 euros TTC au titre du solde de ces deux décomptes et, à titre subsidiaire, la somme de 242 240,65 euros. Par un jugement du 12 septembre 2022, le tribunal administratif de Paris a notamment, d'une part, arrêté le solde du lot n° 01.1 à la somme de 121 159,15 euros TTC en faveur de la CNAV et le solde du lot n° 2 à la somme de 42 333,71 euros TTC en faveur de la société MCP Bâtiment, d'autre part, condamné la CNAV à verser à la société la somme de
42 333,71 euros TTC, assortie des intérêts moratoires courant à compter du 7 décembre 2020, sous réserve des sommes déjà acquittées, ainsi que la somme de 40 euros au titre de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement et, enfin, rejeté le surplus des conclusions des demandes de la société MCP Bâtiment. La société MCP Bâtiment relève appel de ce jugement en tant qu'il retient un solde de 121 159,15 euros en faveur de la CNAV au titre du lot n° 01.1, estimant que ce solde doit être ramené à la somme de 30 445,96 euros en faveur de la CNAV, après rectification du mode de calcul des pénalités.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il ressort des pièces du dossier soumis au tribunal administratif que, ainsi qu'il a été dit, la société MCP Bâtiment a présenté des conclusions subsidiaires visant à limiter le montant des pénalités au plafond journalier prévu à l'article 4.2.1.2 du CCAP, relatif aux pénalités dites " définitives ", soit à la somme de 166 500 euros. A cet égard, il résulte en premier lieu du jugement contesté que les premiers juges se sont mépris sur ces conclusions en indiquant, dans les visas du jugement, que la société requérante avait demandé, " a minima ", la somme de 166 500 euros en application de l'article 4.2.1.1 du CCAP, alors que cette dernière avait en réalité demandé, s'agissant du mode de calcul des pénalités, l'application de l'article 4.2.1.2 du CCAP qui aurait permis, selon elle, la limitation de leur montant à la somme maximale de 166 500 euros. En second lieu et en tout état de cause, il résulte du point 51 du jugement que le tribunal, après avoir rejeté les conclusions présentées à titre principal par la société
MCP Bâtiment à l'encontre des pénalités mises à sa charge dans le décompte de liquidation, a omis de statuer sur ses conclusions subsidiaires. En outre, la CNAV ne saurait faire valoir qu'en estimant que les pénalités en cause relevaient des dispositions de l'article 4.2.1.1 plutôt que de celles de l'article 4.2.1.2, le tribunal aurait implicitement répondu, en les rejetant, à ces conclusions subsidiaires. Par suite, la société MCP Bâtiment est fondée à soutenir que le jugement est entaché d'irrégularité en tant qu'il n'a pas statué sur ses conclusions subsidiaires relatives aux pénalités et qu'il doit être annulé dans cette mesure.
3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions subsidiaires de la société MCP Bâtiment visant à arrêter le solde définitif du lot n° 01.1 du marché à la somme de 30 445,96 euros en faveur de la CNAV ;
Sur les pénalités :
4. D'une part aux termes de l'article 47.2.2 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux, dans sa version en vigueur à la date de la conclusion du marché : " Le décompte de liquidation comprend : a) Au débit du titulaire : (...) le montant des pénalités (...) ".
5. D'autre part, aux termes du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) du marché : " 4.1.1 Délai de réalisation / Le délai d'exécution contractuel comprend la période de préparation et la période d'exécution. Le délai d'exécution est de : voir planning de chantier, y compris période de préparation, intempéries prévisionnelles et congés payés. / La date prévisionnelle de démarrage des travaux est indiquée dans le règlement de la consultation. / - la période de préparation est de durée variable et par phase selon calendrier contractuel général, par dérogation à l'article 28-1 du CCAG travaux. Sa date de départ est celle de la notification à l'entrepreneur de la conclusion de son marché (...) / 4.1.2 Calendrier contractuel d'exécution / Le calendrier contractuel général joint au dossier de consultation a pour objectif, dans le cadre du délai contractuel, de fixer les étapes importantes des travaux et de permettre aux entreprises d'apprécier les moyens à mettre en œuvre pour y parvenir. / Pendant la période de préparation des travaux, le calendrier d'exécution détaillé est élaboré par l'OPC en accord avec les entreprises dans le cadre des objectifs fixés au planning général. / Ce calendrier d'exécution détaillé est mis au point à partir des éléments fournis par les titulaires des différents lots et qui comprendront, pour chaque titulaire : (...) durée et effectif de chaque tâche (...) / Le calendrier d'exécution détaillé est notifié par ordre de service à toutes les entreprises et devient alors contractuel pour chaque tâche indiquée. / 4.2.1.1 Pénalités provisoires / Au cas où une des tâches visées à l'article 4.1.2 ci-avant et définies au calendrier contractuel d'exécution ne serait pas terminée à la fin du délai qui leur est imparti, il peut être appliqué à l'entreprise responsable des retards une pénalité journalière de 1/1000 ème du montant hors taxes de son marché, par jour calendaire de retard (...). / Cette pénalité est applicable sans mise en demeure préalable par le seul fait de la constatation du dépassement du délai ou de la date prévue pour l'achèvement de la tâche et jusqu'à constatation contradictoire de l'achèvement effectif de l'ensemble des travaux de cette tâche (...) / Ces pénalités peuvent être provisoirement déduites du projet de décompte mensuel de travaux du mois où les retards sont constatés et ce, sans avertissement ni aucune formalité préalable. / Ces retenues provisoires pourront être levées si la fin du délai d'exécution du lot considéré, fixé au calendrier détaillé a été respectée. / 4.2.1.2 Pénalités définitives / Le montant des pénalités définitives, pour dépassement du délai contractuel, est fixé à 1 500 euros par jour calendaire pour les 15 premiers jours et à 3 000 euros pour les jours suivants. / Elles sont appliquées sur la base du décompte établi par l'OPC, constatant les retards, déduction faite des sommes retenues en cours de travaux pour les motifs indiqués au paragraphe précédent (...) ".
6. Ainsi qu'il a été dit au point 2, le tribunal a rejeté les conclusions principales de la société MCP Bâtiment tendant à l'annulation des pénalités inscrites au décompte de liquidation du lot n° 01.1 pour un montant de 257 213,19 euros. La société soutient toutefois, à titre subsidiaire, que ces pénalités ne peuvent correspondre qu'à des pénalités dites définitives, prévues à l'article 4.2.1.2 du CCAP, et non, comme le soutient la CNAV, à des pénalités dites provisoires, prévues à l'article 4.2.1.1 du CCAP. En conséquence, la société MCP Bâtiment soutient qu'au regard du mode de mode de calcul prévu à l'article 4.2.1.2, ces pénalités doivent être limitées à la somme de 166 500 euros.
7. Il résulte des stipulations contractuelles précitées du CCAP que les pénalités provisoires visent à sanctionner une méconnaissance du calendrier contractuel d'exécution défini à l'article 4.1.2 du CCAP alors que les pénalités définitives visent à sanctionner un dépassement du délai de réalisation contractuel tel que défini au point 4.1.1. Or il résulte de l'instruction, notamment des lettres du maître d'œuvre AIA Architectes du 3 février 2020 et de la CNAV du 19 février 2020 adressées à la société MCP Bâtiment, que les pénalités infligées à cette dernière pour un montant de 257 223,19 euros correspondent à un retard de 63 jours calendaires dans l'exécution de la tâche n° 27 " fin du gros œuvre - colonne montante ", dont la date d'achèvement était fixée par le calendrier contractuel d'exécution intitulé " Planning travaux phase 1 - PLT100 - Indice B du 15/10/2019 ", notifié à la société requérante par ordre de service n° 01.1.10 du 8 novembre 2019, au 29 novembre 2019. Ce retard d'exécution relève de l'hypothèse prévue à l'article 4.2.1.1 du CCAP précité dans laquelle une des tâches définies au calendrier contractuel d'exécution n'étant pas terminée à la fin du délai qui est imparti à l'entreprise, il peut être appliqué à cette dernière qui est responsable de ce retard une pénalité journalière de 1/1000ème du montant hors taxes de son marché par jour calendaire de retard. Par suite, la société MCP Bâtiment, qui ne soutient ni même n'allègue que les pénalités qui lui ont été infligées auraient sanctionné un retard au regard du délai d'exécution contractuel du marché tel que défini à l'article 4.1.1 du CCAP, n'est pas fondée à soutenir que les pénalités inscrites au décompte de liquidation correspondraient nécessairement à des pénalités dites définitives, du simple fait qu'elles seraient dues à la fin de l'exécution du contrat ou à l'occasion de l'établissement du décompte de liquidation.
8. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la société MCP Bâtiment n'est pas fondée à demander que le montant des pénalités retenu dans le décompte de liquidation soit ramené à la somme de 166 500 euros, ni davantage à demander que le solde définitif du lot
n° 01.1 du marché soit arrêté à la somme de 30 445,96 euros en faveur de la CNAV.
Sur les frais de l'instance :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la CNAV, qui n'est pas dans la présente instance partie perdante, le versement de la somme que la société MCP Bâtiment demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société MCP Bâtiment le versement de la somme que la CNAV demande sur le fondement des mêmes dispositions.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2015105, 2112705 du tribunal administratif de Paris du
12 septembre 2022 est annulé en tant qu'il n'a pas statué sur les conclusions subsidiaires de la société MCP Bâtiment relatives aux pénalités.
Article 2 : Les conclusions subsidiaires relatives aux pénalités présentées par la société
MCP Bâtiment devant le tribunal administratif de Paris sont rejetées.
Article 3 : Le surplus des conclusions d'appel des parties est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société MCP Bâtiment et à la caisse nationale d'assurance vieillesse.
Délibéré après l'audience du 26 janvier 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Heers, présidente,
- Mme Bruston, présidente assesseure,
- M. Mantz, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 9 février 2024.
Le rapporteur,
P. MANTZ
La présidente,
M. HEERS La greffière,
A. GASPARYAN
La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé et des solidarités, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22PA04754