Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 16 mars 2023 par lequel le préfet de police l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 2307370/8 du 23 mai 2023, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de police du 16 mars 2023.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 13 juin 2023, Mme B..., représentée par Me Keufak Tameze, demande à la Cour :
1°) de l'admettre à l'aide juridictionnelle provisoire ;
2°) d'annuler le jugement n° 2307370/8 du 23 mai 2023 du Tribunal administratif de Paris ;
3°) d'annuler l'arrêté du préfet de police en date du 16 mars 2023 ;
4°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, à défaut, de réexaminer sa situation administrative dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et de lui délivrer, dans l'attente de ce réexamen, une autorisation provisoire de séjour ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que la somme de 1 000 euros, à verser à son conseil, au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Elle soutient que :
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée et entachée d'un défaut d'examen ;
- elle a été prise en méconnaissance des articles L. 611-1, L. 711-2 et L. 752 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que la demande d'asile présentée par sa fille mineure, qui est placée sous sa garde, n'était pas encore examinée à la date à laquelle la mesure d'éloignement a été prise à son encontre ;
- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elle a été prise en méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
La requête a été communiquée au préfet de police, qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal judiciaire de Paris du 13 septembre 2023.
Par un courrier du 9 janvier 2024, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt à intervenir était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de ce que l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, si elle est décidée par la Cour, entraînera l'annulation, par voie de conséquence, de la décision fixant le pays à destination duquel Mme B... pourra être éloignée d'office.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Zeudmi Sahraoui a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante ivoirienne née le 1er janvier 1993, est entrée en France le 10 août 2020, selon ses déclarations. Elle a présenté une demande d'asile qui a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides en date du 29 juillet 2022, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile en date du 30 décembre 2022. Par un arrêté du 16 mars 2023, le préfet de police a obligé Mme B... à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme B... relève appel du jugement du 23 mai 2023 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Sur l'aide juridictionnelle provisoire :
2. Par une décision du 13 septembre 2023, le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal judiciaire de Paris a accordé à Mme B... l'aide juridictionnelle totale. Dès lors, il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requérante tendant à son admission à l'aide juridictionnelle provisoire.
Sur la légalité de l'arrêté attaqué et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
3. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / (...) / 4° La reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2, à moins qu'il ne soit titulaire de l'un des documents mentionnés au 3° ; / (...) ". Aux termes de l'article L. 521-3 du même code : " Lorsque la demande d'asile est présentée par un étranger qui se trouve en France accompagné de ses enfants mineurs, elle est regardée comme présentée en son nom et en celui de ses enfants. ". Aux termes de l'article L. 531-23 du même code : " Lorsqu'il est statué sur la demande de chacun des parents, présentée dans les conditions prévues à l'article L. 521-3, la décision accordant la protection la plus étendue est réputée prise également au bénéfice des enfants. Cette décision n'est pas opposable aux enfants qui établissent que la personne qui a présenté la demande n'était pas en droit de le faire ".
4. Il appartient à l'étranger présent sur le territoire français et souhaitant demander l'asile de présenter une demande en son nom et, le cas échéant, en celui de ses enfants mineurs qui l'accompagnent. En cas de naissance ou d'entrée en France d'un enfant mineur postérieurement à l'enregistrement de sa demande, l'étranger est tenu, tant que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou, en cas de recours, la Cour nationale du droit d'asile, ne s'est pas prononcé, d'en informer cette autorité administrative ou cette juridiction. La décision rendue par l'Office ou, en cas de recours, par la Cour nationale du droit d'asile, est réputée l'être à l'égard du demandeur et de ses enfants mineurs, sauf dans le cas où le mineur établit que la personne qui a présenté la demande n'était pas en droit de le faire. Ces dispositions ne font pas obstacle à ce que les parents d'un enfant né après l'enregistrement de leur demande d'asile présentent, postérieurement au rejet définitif de leur propre demande, une demande au nom de leur enfant. Il résulte toutefois de ce qui a été dit au point précédent que la demande ainsi présentée au nom du mineur doit alors être regardée, dans tous les cas, comme une demande de réexamen au sens de l'article L. 723-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
5. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... a donné naissance à sa fille C... le 3 janvier 2023 postérieurement à la décision du 30 décembre 2022 par laquelle la Cour nationale du droit d'asile a définitivement statué sur sa demande d'asile et que l'intéressée a présenté une demande d'asile pour sa fille le 17 janvier 2023 alors que la demande d'asile du père de l'enfant était en cours d'examen par la Cour nationale du droit d'asile. Par une note du 6 février 2023, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a informé la CNDA de la naissance de cet enfant. A la date de l'arrêté attaqué, la Cour nationale du droit d'asile n'avait pas encore statué sur le droit de la jeune C... à bénéficier d'une protection internationale. Il ne ressort d'aucune pièce du dossier que cet enfant, âgée de 2 mois à la date de l'arrêté attaqué, ne serait pas sous la garde de ses parents et notamment de sa mère, Mme B.... Dès lors, Mme B... bénéficiait du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la date de lecture de la décision de la Cour nationale du droit d'asile statuant sur la demande de sa fille. Ainsi, la requérante est fondée à soutenir que le préfet de police ne pouvait prononcer à son encontre une mesure d'éloignement.
6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande et à demander l'annulation de l'arrêté du 16 mars 2023 par lequel le préfet de police l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
7. Aux termes de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si la décision portant obligation de quitter le territoire français est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues aux articles L. 721-6, L. 721-7, L. 731-1, L. 731-3, L. 741-1 et L. 743-13, et l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas. ".
8. Le présent arrêt implique seulement que le préfet de police procède au réexamen de la situation de Mme B... dans le délai de trois mois et lui délivre, dans l'attente de ce réexamen et sans délai, une autorisation provisoire de séjour. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique :
9. Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, une somme de 1 000 euros à verser à Me Keufak Tameze, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat. Il n'y a, en revanche, pas lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 500 euros à Mme B... qui, ayant bénéficié de l'aide juridictionnelle totale, ne justifie pas avoir exposé d'autres frais que ceux relatifs à sa défense.
D É C I D E :
Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur l'admission de Mme B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.
Article 2 : Le jugement n° 2307370/8 du 23 mai 2023 du Tribunal administratif de Paris et l'arrêté du préfet de police du 16 mars 2023 sont annulés.
Article 3 : Il est enjoint au préfet de police de réexaminer la situation de Mme B... dans le délai de trois mois suivant la notification du présent arrêt et de lui délivrer, dans l'attente de ce réexamen et sans délai, une autorisation provisoire de séjour.
Article 4 : L'Etat versera à Me Keufak Tameze la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B..., au préfet de police et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Délibéré après l'audience du 23 janvier 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Auvray, président de chambre,
- Mme Hamon, présidente-assesseure,
- Mme Zeudmi Sahraoui, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 février 2024.
La rapporteure,
N. ZEUDMI-SAHRAOUI
Le président,
B. AUVRAY
La greffière
C. BUOT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 23PA02586 2