La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/02/2024 | FRANCE | N°22PA01599

France | France, Cour administrative d'appel, 7ème chambre, 07 février 2024, 22PA01599


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au Tribunal administratif de la Polynésie française d'annuler l'arrêté du 1er juin 2021 par lequel le maire de la commune de Moorea-Maiao l'a affecté au service des ordures ménagères en qualité d'agent polyvalent.



Par un jugement no 2100371 en date du 8 février 2022, le Tribunal administratif de la Polynésie française a annulé cet arrêté.



Procédure devant la Cour :



Par une requête,

enregistrée le 8 avril 2022, la commune de Moorea-Maiao, représentée par la SELARL ManaVocat, demande à la Cour :



1...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au Tribunal administratif de la Polynésie française d'annuler l'arrêté du 1er juin 2021 par lequel le maire de la commune de Moorea-Maiao l'a affecté au service des ordures ménagères en qualité d'agent polyvalent.

Par un jugement no 2100371 en date du 8 février 2022, le Tribunal administratif de la Polynésie française a annulé cet arrêté.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 8 avril 2022, la commune de Moorea-Maiao, représentée par la SELARL ManaVocat, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2100371 du 8 février 2022 du Tribunal administratif de la Polynésie française ;

2°) de rejeter la demande de M. A... ;

3°) de mettre à la charge de M. A... une somme de 150 000 francs CFP au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, la mutation de M. A... n'a entraîné aucune modification de sa situation, de sorte que la commission administrative paritaire n'avait pas à être saisie ;

- cette mutation a été décidée dans l'intérêt général et suivant les recommandations de la trésorerie des Iles au Vents, des Australes et des Archipels et ne constitue pas une sanction disciplinaire.

La requête a été communiquée le 19 avril 2022 à M. A..., qui n'a pas présenté d'observations.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ;

- la loi du Pays n° 2020-34 du 8 octobre 2020 ;

- l'ordonnance n° 2005-10 du 4 janvier 2005 ;

- le décret n° 2011-1551 du 15 novembre 2011 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Zeudmi Sahraoui ;

- et les conclusions de Mme Jurin, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., agent de la commune de Moorea-Maiao a été affecté, par un arrêté du 1er juin 2021, au service des ordures ménagères en qualité d'agent polyvalent, à compter de la même date. La commune de Moorea-Maiao fait appel du jugement du 8 février 2022 par lequel le Tribunal administratif de la Polynésie française a annulé cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article 76 du décret du 15 novembre 2011 portant diverses dispositions relatives à la fonction publique des communes et des groupements de communes de la Polynésie française ainsi que de leurs établissements publics administratifs : " Outre les décisions d'ordre individuel mentionnées à l'article 28 de l'ordonnance du 4 janvier 2005 susvisée, les commissions administratives paritaires sont obligatoirement consultées sur les décisions relatives : / a) A la mutation impliquant un changement de domicile ou une modification de la situation de l'intéressé ".

3. Pour annuler l'arrêté du 1er juin 2021 affectant M. A... au service des ordures ménagères en qualité d'agent polyvalent, les premiers juges ont retenu que l'intéressé avait été affecté, sans son avis, au service des ordures ménagères à un poste d'agent polyvalent alors qu'il occupait les fonctions de chef du service intervention et que sa situation devait être regardée comme ayant été modifiée au sens et pour l'application de l'article 76 du décret du 15 novembre 2011 précité, de sorte que la commission administrative paritaire eût dû être saisie pour avis de ce changement d'affectation. La commune conteste le motif d'annulation retenu par le tribunal administratif en soutenant que le changement d'affectation de l'agent n'a entraîné aucune modification de sa situation. Il résulte des écritures de première instance de M. A... que celui-ci affirmait avoir occupé, entre le mois de mars 2005 et le mois de mars 2007, les fonctions de responsable du service d'intervention dans les voiries, puis en mars 2007 avoir été affecté au sein du service entretien propreté, d'abord en qualité d'agent d'entretien, puis en qualité de " chauffeur de BOM " avant d'intégrer le service de la régie en qualité d'agent de recensement et de recouvrement sur le terrain. La circonstance que l'intéressé ait occupé des fonctions de " responsable du service intervention " entre 2005 et 2007 est sans incidence sur le changement d'affectation qui a été décidé par le maire de la commune de Moorea-Maiao par l'arrêté du 1er juin 2021 alors que l'intéressé n'occupait plus les fonctions de responsable, mais était affecté sur le poste d'agent de recensement et de recouvrement sur le terrain avant l'affectation litigieuse. Or, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que ce changement d'affectation, qui a eu pour objet de nommer M. A... en qualité d'agent polyvalent au sein du service des ordures ménagères, ait engendré une modification dans la situation de l'agent et notamment une diminution de ses responsabilités. Dès lors, la commune de Moorea-Maiao est fondée à soutenir que le changement d'affectation dont a fait l'objet M. A... pouvait être décidé sans saisine préalable de la commission administrative paritaire et que c'est à tort que les premiers juges ont retenu l'absence de saisine préalable de cette commission pour annuler l'arrêté du 1er juin 2021. La commune est ainsi fondée à demander l'annulation du jugement du 8 février 2022 du Tribunal administratif de la Polynésie française.

4. Toutefois, il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant le Tribunal administratif de la Polynésie française.

5. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que la décision portant affectation de M. A... au sein du service des ordures ménagères a été prise au vu des dysfonctionnements rencontrés par le service de la régie liés à l'absence prolongée, à compter du mois d'avril 2021, du chef du service, de la régisseuse principale et de M. A... qui était chargé de se rendre auprès des habitants de la commune afin de mettre à jour les informations relatives aux administrés redevables des différentes taxes récoltées par le service. Ces difficultés ont conduit à la fermeture totale du service de la régie pendant quelques jours. Il ne ressort d'aucune pièce du dossier que la mesure litigieuse ait été prise dans le but de sanctionner l'agent. Dès lors, le changement d'affectation de l'agent décidé par l'arrêté du 1er juin 2021 constitue une mutation dans l'intérêt du service. M. A... n'est dès lors pas fondé à soutenir que cette mesure a été prise pour des motifs étrangers à l'intérêt du service.

6. En deuxième lieu, M. A... soutient que l'arrêté litigieux n'est pas motivé. Toutefois, ainsi qu'il a été dit précédemment, cette mutation, qui ne revêt aucun caractère disciplinaire, a été prise dans l'intérêt du service. Or, une telle mesure n'est pas au nombre de celles qui doivent, en application des dispositions de l'article Lp. 18 de la loi du 8 octobre 2020 relative aux relations entre l'administration de la Polynésie française et ses usagers, être obligatoirement motivées.

7. En troisième lieu, si M. A... soutient que l'arrêté a été pris en méconnaissance de la loi du 13 juillet 1983, il n'assortit pas ce moyen des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé. Ce moyen ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté.

8. En quatrième lieu, aux termes de l'article 40 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " La nomination aux grades et emplois de la fonction publique territoriale est de la compétence exclusive de l'autorité territoriale. (...) ".

9. M. A... ne peut utilement invoquer les dispositions précitées de l'article 40 de la loi du 26 janvier 1984 qui ne sont pas applicables aux agents relevant de la fonction publique communale de la Polynésie française. En tout état de cause, l'arrêté du 1er juin 2021 affectant M. A... au service des ordures ménagères de la commune de Moorea-Maiao a été pris par le maire de cette commune et ne contrevient pas aux dispositions de l'article précité.

10. Enfin, il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral.

11. M. A... soutient qu'il est victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral depuis l'année 2015, que cette situation s'est aggravée à compter du mois de février 2021 lors de la nomination de la nouvelle directrice des ressources et des moyens et qu'il a subi, de la part de cette directrice, des comportements méprisants, des critiques permanentes, des persécutions et chantages. Toutefois, le requérant se borne à produire, à l'appui de ses allégations, ses avis d'arrêt de travail, un certificat médical établi le 30 avril 2021 indiquant qu'il présente un " épuisement et envie de tout laisser tomber en tombant dans le vide " et des troubles de l'endormissement et qu'il rencontre un conflit au travail, un certificat de consultation auprès d'un psychiatre daté du 4 mai 2021 ainsi que le procès-verbal de son audition, en qualité de témoin, établi par la gendarmerie départementale des Iles-du-Vent-Faaa. Ces pièces ne sont pas suffisantes pour établir la réalité des agissements dont l'intéressé se prévaut. Dès lors, celui-ci n'est pas fondé à soutenir que la décision de mutation litigieuse aurait été prise dans un contexte de harcèlement moral.

12. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Moorea-Maiao est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de la Polynésie française a annulé l'arrêté du 1er juin 2021. Il y a lieu d'annuler ce jugement et de rejeter la demande présentée par M. A... devant le Tribunal administratif de la Polynésie française tendant à l'annulation de cet arrêté, sans qu'il soit besoin d'examiner sa recevabilité.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de M. A... la somme sollicitée par la commune de Moorea-Maiao au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2100371 du 8 février 2022 du Tribunal administratif de la Polynésie française est annulé.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la commune de Moorea-Maiao est rejeté.

Article 3 : La demande présentée par M. A... devant le Tribunal administratif de la Polynésie française est rejetée.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Moorea-Maiao et à M. B... A....

Copie en sera adressée au haut-commissaire de la République en Polynésie française.

Délibéré après l'audience du 23 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Auvray, président de chambre,

- Mme Hamon, présidente-assesseure,

- Mme Zeudmi Sahraoui, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 février 2024.

La rapporteure,

N. ZEUDMI SAHRAOUILe président,

B. AUVRAY

La greffière,

C. BUOT

La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Polynésie française en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA01599


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA01599
Date de la décision : 07/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. AUVRAY
Rapporteur ?: Mme Nadia ZEUDMI-SAHRAOUI
Rapporteur public ?: Mme JURIN
Avocat(s) : SELARL MANAVOCAT

Origine de la décision
Date de l'import : 11/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-07;22pa01599 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award