Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 9 juillet 2021 par laquelle l'inspecteur du travail de l'unité départementale de Seine-Saint-Denis a autorisé Me Soinne, en sa qualité de mandataire judiciaire de la société Norwegian Air Resources Limited (NARL), à le licencier pour motif économique.
Par un jugement n° 2111951 du 19 décembre 2022, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 16 février et 12 octobre 2023, M. B..., représenté par Me Rilov, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 19 décembre 2022 du tribunal administratif de Montreuil ;
2°) d'annuler la décision du 9 juillet 2021 de l'inspecteur du travail ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision contestée est insuffisamment motivée, en droit et en fait ;
- l'annulation de la décision du 25 mai 2021 du directeur régional et interdépartemental de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités d'Ile-de-France homologuant le document unilatéral fixant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi par le jugement du 27 décembre 2021 du tribunal administratif de Montreuil a nécessairement pour conséquence l'annulation de la décision autorisant son licenciement ;
- l'inspecteur du travail n'a pas régulièrement contrôlé l'existence du motif économique du licenciement ;
- il a commis une erreur de droit et une erreur d'appréciation en estimant que la réalité du motif économique du licenciement était établie ;
- l'inspecteur du travail n'a exercé aucun contrôle quant au respect par l'employeur de son obligation de reclassement ;
- les liquidateurs de la société NARL désignés par la High Court de Dublin le 8 février 2021 n'ont pas satisfait à l'obligation de reclassement qui leur incombait ; le mandataire judiciaire de la succursale française de la société NARL n'a pas procédé à des recherches sérieuses de reclassement alors qu'il y était tenu ;
- il n'a pas été informé par la société NARL des résultats de la recherche des possibilités de reclassement ;
- l'inspecteur du travail n'a pas contrôlé l'existence éventuelle d'un lien entre la mesure de licenciement et l'exercice de son mandat ;
- la demande d'autorisation de licenciement est en lien avec l'exercice de son mandat.
La requête a été communiquée à Me Soinne, agissant en qualité de liquidateur de la société Norwegian Air Resources Limited, et au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion, qui n'ont pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de commerce ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Larsonnier,
- les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique,
- et les observations de Me Rilov, avocat de M. B....
Considérant ce qui suit :
1. La société Norwegian Air Resources Limited (NARL) est une société de droit irlandais qui a pour activité le transport aérien. Elle appartient au groupe Norwegian dont la société mère est la société Norwegian Air Shuttle Asa, qui a son siège en Norvège. La société NARL détient en France une succursale située au sein de la zone aéroportuaire de Paris-Charles de Gaulle. Le 5 février 2021, la société NARL a déposé une demande d'ouverture d'une procédure de liquidation devant la juridiction compétente irlandaise, la High Court de Dublin. Par une ordonnance du 8 février 2021, cette juridiction a ouvert une procédure de liquidation judiciaire de la société et a nommé deux liquidateurs provisoires. Par une ordonnance du 1er mars 2021, elle a confirmé la liquidation judiciaire de la société NARL et la nomination des liquidateurs. Saisi par la procureure de la République, le tribunal de commerce de Bobigny a, par un jugement du 6 mai 2021, ouvert une procédure de liquidation judiciaire immédiate sans maintien de l'activité à l'égard de la succursale française de la société NARL, entrainant la suppression de ses 271 emplois, et a nommé la société d'exercice libéral par actions simplifiées (SELAS) MJS Partners, prise en la personne de Me Soinne, en qualité de mandataire liquidateur. Par une décision du 25 mai 2021, le directeur régional et interdépartemental de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités d'Ile-de-France a homologué le document unilatéral fixant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi élaboré par le mandataire liquidateur. Par un arrêt n os 22PA00811, 22PA00861 du 12 mai 2022, la cour a annulé le jugement du 27 décembre 2021 du tribunal administratif de Montreuil annulant la décision d'homologation du 25 mai 2021 et a rejeté les conclusions à fin d'annulation de cette décision présentées par le syndicat de l'Union des navigants de l'aviation civile (UNAC) CFE-CGC. Le 4 juin 2021, le mandataire liquidateur de la succursale française de la société NARL a sollicité de l'inspecteur du travail l'autorisation de licencier pour motif économique M. B..., qui occupait le poste de commandant de bord et qui, par ailleurs, exerçait les mandats de membre du comité social et économique, de délégué du syndicat national des pilotes de ligne et de représentant des salariés. Par une décision du 9 juillet 2021, l'inspecteur du travail a accordé l'autorisation sollicitée. Par un jugement du 19 décembre 2022, dont M. B... relève appel, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
Sur la légalité externe de la décision de l'inspecteur du travail :
2. Il résulte des dispositions des articles R. 2421-5 et R. 2421-12 du code du travail que la décision de l'inspecteur du travail doit être motivée.
3. D'une part, la décision contestée vise les articles L. 1233-58, L. 1233-61, L. 1233-63 et L. 1233-65 du code du travail relatifs à la procédure de licenciement pour motif économique dans le cadre d'une liquidation judiciaire de l'entreprise ainsi qu'à l'élaboration et à la mise en œuvre d'un plan de sauvegarde de l'emploi et les articles L. 2411-1, L. 2411-8 et L. 2411-13 du même code concernant la protection des salariés investis d'un ou plusieurs mandats représentatifs. Elle vise les articles L. 641-4 et L. 642-5 du code de commerce ainsi que le jugement du 6 mai 2021 par lequel le tribunal de commerce de Bobigny a ouvert une procédure de liquidation judiciaire immédiate sans maintien de l'activité à l'égard de la succursale française de la société NARL et a nommé en qualité de mandataire liquidateur la SELAS MJS Partners en la personne de Me Soinne. Elle mentionne que la mesure de licenciement pour motif économique est incluse dans un licenciement collectif qui requiert l'élaboration d'un plan de sauvegarde de l'emploi et que, par une décision du 25 mai 2021, le directeur régional et interdépartemental de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités d'Ile-de-France a homologué le document unilatéral fixant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi de cet établissement. M. B... ne peut reprocher à l'inspecteur du travail de ne pas avoir tenu compte, dans les visas de sa décision du 9 juillet 2021, du jugement du 27 décembre 2021 qui est postérieur à celle-ci et par lequel le tribunal administratif de Montreuil a annulé la décision du 25 mai 2021 du directeur régional et interdépartemental de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités d'Ile-de-France. Au vu de ces éléments, et alors même que l'inspecteur du travail n'a pas visé les dispositions des articles L. 1233-2 et L. 1233-3 du code du travail selon lesquelles, notamment, constitue un licenciement pour motif économique un licenciement ayant pour motif une suppression d'emplois due à la cessation d'activité de l'entreprise et qu'il doit être " justifié par une cause réelle et sérieuse ", le requérant était en mesure de comprendre les considérations de droit pour lesquelles l'inspecteur du travail a estimé que la réalité du motif économique de la mesure de licenciement était établie. Contrairement à ce que soutient le requérant, l'inspecteur du travail n'avait pas à viser les dispositions de l'article L. 1233-5 du code du travail qui définissent les critères à mettre en œuvre pour fixer l'ordre des licenciements, qui ne sont pas applicables dans le cadre d'une cessation totale et définitive de l'activité de l'entreprise. En outre, la décision contestée vise les articles L. 1233-24-1 à L. 1233-24-4 du code du travail selon lesquels, notamment, l'employeur ne peut déroger, dans le cadre du plan de sauvegarde de l'emploi, à l'obligation de reclassement lui incombant en application de l'article L. 1233-4, ainsi que les articles L. 1233-57-2 et L. 1233-57-3 de ce code. Si l'inspecteur du travail n'a pas visé l'article L. 1233-4 du code du travail, auquel, au demeurant, renvoie l'article L. 1233-24-2 du même code, relatif au contenu du plan de sauvegarde de l'emploi, sa décision mentionne les considérations de droit pour lesquelles l'inspecteur du travail a estimé que le mandataire liquidateur judiciaire avait respecté l'obligation de reclassement vis-à-vis du salarié, à savoir le fait qu'aucune offre de reclassement ne lui a été communiquée à la suite de ses courriers du 18 mai 2021 adressés, d'une part, aux liquidateurs en Irlande de la société NARL et, d'autre part, à la direction de la société mère du groupe en vue d'obtenir la communication d'éventuelles offres de reclassement et le fait qu'il a également entrepris des démarches, au titre du reclassement externe, auprès d'entreprises exerçant une activité similaire ou connexe à celle de la société NARL, de la fédération de l'aviation marchande et de la commission paritaire nationale. Le requérant était, ainsi, en mesure de comprendre les considérations de droit pour lesquelles l'inspecteur du travail estimait que le mandataire liquidateur judiciaire avait satisfait à son obligation de reclassement. Dans ces conditions, l'inspecteur du travail a suffisamment motivé en droit sa décision autorisant le licenciement pour motif économique du salarié.
4. D'autre part, la décision contestée mentionne le jugement du 6 mai 2021 du tribunal de commerce de Bobigny prononçant la liquidation judiciaire immédiate sans poursuite d'activité de la succursale française de la société NARL qui emporte ainsi la fermeture totale de cet établissement et la suppression de la totalité des emplois et précise que, dans ces conditions, eu égard à l'autorité de la chose jugée par le tribunal de commerce, le motif économique du licenciement est avéré. Elle indique les démarches effectuées par le mandataire judiciaire au titre des recherches de reclassement interne et de reclassement externe des salariés et précise qu'aucune solution de reclassement n'a pu être identifiée et par voie de conséquence proposée. Dans ces conditions, dès lors qu'aucune offre de reclassement personnalisée ne pouvait être adressée au requérant, l'inspecteur du travail a suffisamment précisé les éléments qu'il a pris en considération pour apprécier le caractère sérieux et personnalisé de la recherche de reclassement du salarié par le mandataire liquidateur judiciaire. Par suite, et même si elle ne mentionne pas le jugement du 8 février 2021 de la High Court de Dublin portant ouverture de la liquidation judiciaire de la société NARL, la décision en litige énonce de manière suffisamment précise les considérations de fait sur lesquelles l'inspecteur du travail s'est fondé pour estimer que la réalité du motif économique du licenciement est établie et que le mandataire liquidateur judiciaire a satisfait à son obligation de moyens de reclassement à l'égard de M. B....
5. Il résulte des points 3 et 4 que le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision de l'inspecteur du travail doit être écarté.
Sur la légalité interne de la décision du 9 juillet 2021 :
6. En premier lieu, si M. B... entend soulever le moyen tiré de ce que l'annulation de la décision du 25 mai 2021 du directeur régional et interdépartemental de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités d'Ile-de-France homologuant le document unilatéral fixant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi, par le jugement du 27 décembre 2021 du tribunal administratif de Montreuil, emporterait nécessairement l'annulation de la décision de l'inspecteur du travail autorisant son licenciement, ce moyen déjà développé dans sa demande de première instance, n'est pas assorti en appel d'éléments nouveaux. Par suite, il y a lieu, par adoption des motifs retenus à juste titre par les premiers juges, d'écarter ce moyen repris en appel par M. B....
7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 1233-3 du code du travail : " Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment : (...) / 4° A la cessation d'activité de l'entreprise. /La matérialité de la suppression, de la transformation d'emploi ou de la modification d'un élément essentiel du contrat de travail s'apprécie au niveau de l'entreprise. (...) ".
8. En vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande d'autorisation de licenciement présentée par l'employeur est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement du salarié. A ce titre, lorsque la demande est fondée sur la cessation d'activité de l'entreprise, celle-ci n'a pas à être justifiée par l'existence de mutations technologiques, de difficultés économiques ou de menaces pesant sur la compétitivité de l'entreprise. Il appartient alors à l'autorité administrative de contrôler, outre le respect des exigences procédurales légales et des garanties conventionnelles, que la cessation d'activité de l'entreprise est totale et définitive, que l'employeur a satisfait, le cas échéant, à l'obligation de reclassement prévue par le code du travail et que la demande ne présente pas de caractère discriminatoire.
9. Aux termes de l'article L. 640-1 du code de commerce : " (...) La procédure de liquidation judiciaire est destinée à mettre fin à l'activité de l'entreprise ou à réaliser le patrimoine du débiteur par une cession globale ou séparée de ses droits et de ses biens ". Dans le cas où le tribunal de commerce n'a pas autorisé de maintien de l'activité dans les conditions prévues à l'article L. 641-10 du même code, le jugement ouvrant la liquidation judiciaire a pour effet la cessation totale et définitive de l'activité de l'entreprise. Il incombe toutefois à l'inspecteur du travail, saisi d'une demande d'autorisation de licenciement motivée par l'intervention d'un jugement de liquidation judiciaire, de tenir compte, à la date à laquelle il se prononce, de tous les éléments de droit ou de fait recueillis lors de son enquête qui seraient de nature à faire obstacle au licenciement envisagé. Si, notamment, la cession des droits et biens de l'entreprise s'est accompagnée d'une reprise, même partielle, de l'activité, dans des conditions impliquant un transfert du contrat de travail du salarié à un nouvel employeur en application de l'article L. 1224-1 du code du travail, une telle circonstance fait obstacle au licenciement demandé. Lorsque l'entreprise appartient à un groupe, la circonstance qu'une autre entreprise du groupe ait poursuivi une activité de même nature ne fait pas, par elle-même, obstacle à ce que la cessation d'activité de l'entreprise soit regardée comme totale et définitive.
10. Il ressort des pièces du dossier que par un jugement du 6 mai 2021, dont il est constant qu'il est devenu définitif, le tribunal de commerce de Bobigny, après avoir retenu que la société NARL, qui a son siège en Irlande, a fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire par une ordonnance du 8 février 2021 de la High Court de Dublin, s'est déclaré compétent pour statuer sur l'ouverture d'une procédure collective à l'égard de l'établissement français de la société NARL et a relevé que cet établissement n'était ni ouvert, ni exploité, que les salariés ne percevaient plus leurs salaires depuis soixante-six jours, que leurs cotisations retraites n'étaient pas versées au titre du dernier trimestre 2020 et qu'ils ne recevaient aucune directive quant à une éventuelle reprise d'activité, que les représentants des liquidateurs judiciaires de la société NARL ne faisaient pas état de l'existence d'un actif disponible ou d'une trésorerie permettant d'assurer une poursuite d'activité dans le cadre d'une période d'observation et que, par suite, aucune perspective de redressement ou de cession n'existant, l'établissement français était justiciable d'une procédure de liquidation judiciaire sans maintien d'activité. Pour considérer que la réalité du motif économique du licenciement était établie, l'inspecteur du travail a estimé que le jugement du tribunal de commerce de Bobigny emportait la fermeture totale de la succursale française de la société SARL et la suppression de la totalité des emplois. La circonstance que l'inspecteur du travail se soit fondé sur ce jugement alors que seul le jugement du 8 février 2021 de la High Court de Dublin prononce la liquidation judiciaire de la société NARL n'est pas de nature à remettre en cause le motif retenu, tiré de la cessation totale et définitive de l'activité de la succursale française de la société NARL. M. B... ne soutient pas que la cession des droits et biens de la succursale de la société NARL ou même de celle de la société NARL se serait accompagnée d'une reprise, même partielle, de l'activité, notamment en France, dans des conditions impliquant un transfert du contrat de travail du salarié à un nouvel employeur en application de l'article L. 1224-1 du code du travail. Dans ces conditions, et même si d'autres sociétés du groupe Norwegian ont poursuivi une activité de même nature en Europe, l'inspecteur du travail, qui a contrôlé si la cessation d'activité de l'établissement français de la société NARL était totale et définitive, n'a pas commis d'erreur de droit, ni d'erreur d'appréciation en estimant que la réalité du motif économique du licenciement était établie.
11. En troisième lieu, aux termes du dernier alinéa de l'article L. 641-4 du code de commerce : " Les licenciements auxquels procède le liquidateur en application de la décision ouvrant ou prononçant la liquidation, le cas échéant au terme du maintien provisoire de l'activité autorisé par le tribunal, sont soumis aux dispositions de l'article L. 1233-58 du code du travail. (...) ". Aux termes de l'article L. 1233-58 du code du travail : " I.-En cas de redressement ou de liquidation judiciaire, l'employeur, l'administrateur ou le liquidateur, selon le cas, qui envisage des licenciements économiques, met en œuvre un plan de licenciement dans les conditions prévues aux articles L. 1233-24-1 à L. 1233-24-4. (...) / II.-Pour un licenciement d'au moins dix salariés dans une entreprise d'au moins cinquante salariés, l'accord mentionné à l'article L. 1233-24-1 est validé et le document mentionné à l'article L. 1233-24-4, élaboré par l'employeur, l'administrateur ou le liquidateur, est homologué dans les conditions fixées aux articles L. 1233-57-1 à L. 1233-57-3, aux deuxième et troisième alinéas de l'article L. 1233-57-4 et à l'article L. 1233-57-7. (...) /Les délais prévus au premier alinéa de l'article L. 1233-57-4 sont ramenés, à compter de la dernière réunion du comité social et économique, à huit jours en cas de redressement judiciaire et à quatre jours en cas de liquidation judiciaire. /L'employeur, l'administrateur ou le liquidateur ne peut procéder, sous peine d'irrégularité, à la rupture des contrats de travail avant la notification de la décision favorable de validation ou d'homologation, ou l'expiration des délais mentionnés au quatrième alinéa du présent II. (...). Aux termes de l'article L. 1233-57-3 du même code : " En l'absence d'accord collectif (...), l'autorité administrative homologue le document élaboré par l'employeur mentionné à l'article L. 1233-24-4, après avoir vérifié la conformité de son contenu aux dispositions législatives et aux stipulations conventionnelles relatives aux éléments mentionnés aux 1° à 5° de l'article L. 1233-24-2, la régularité de la procédure d'information et de consultation du comité social et économique, le respect, le cas échéant, des obligations prévues aux articles L. 1233-57-9 à L. 1233-57-16, L. 1233-57-19 et L. 1233-57-20 et le respect par le plan de sauvegarde de l'emploi des articles L. 1233-61 à L. 1233-63 en fonction des critères suivants : 1° Les moyens dont disposent l'entreprise, l'unité économique et sociale et le groupe ; /2° Les mesures d'accompagnement prévues au regard de l'importance du projet de licenciement ; /3° Les efforts de formation et d'adaptation tels que mentionnés aux articles L. 1233-4 et L. 6321-1. /Elle s'assure que l'employeur a prévu le recours au contrat de sécurisation professionnelle mentionné à l'article L. 1233-65 ou la mise en place du congé de reclassement mentionné à l'article L. 1233-71 ". Aux termes de l'article L. 1233-61 du même code : " Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, lorsque le projet de licenciement concerne au moins dix salariés dans une même période de trente jours, l'employeur établit et met en œuvre un plan de sauvegarde de l'emploi pour éviter les licenciements ou en limiter le nombre. /Ce plan intègre un plan de reclassement visant à faciliter le reclassement sur le territoire national des salariés dont le licenciement ne pourrait être évité, notamment celui des salariés âgés ou présentant des caractéristiques sociales ou de qualification rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile. (...) ".
12. L'article L. 1233-4 du code du travail dispose : " Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l'entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l'entreprise fait partie et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel. /Pour l'application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce. /Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure. /L'employeur adresse de manière personnalisée les offres de reclassement à chaque salarié ou diffuse par tout moyen une liste des postes disponibles à l'ensemble des salariés, dans des conditions précisées par décret. /Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises ".
13. Il résulte des dispositions de l'article L. 1233-4 du code du travail que, pour apprécier si l'employeur ou le liquidateur judiciaire a satisfait à son obligation en matière de reclassement, l'autorité administrative saisie d'une demande d'autorisation de licenciement pour motif économique d'un salarié protégé doit s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, qu'il a procédé à une recherche sérieuse des possibilités de reclassement du salarié dans les entreprises dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation permettent, en raison des relations qui existent avec elles, d'y effectuer la permutation de tout ou partie de son personnel. Toutefois, lorsque le licenciement projeté est inclus dans un licenciement collectif qui requiert l'élaboration d'un plan de sauvegarde de l'emploi, lequel comprend, en application de l'article L. 1233-61 du code du travail, un plan de reclassement, et que ce plan est adopté par un document unilatéral, l'autorité administrative, si elle doit s'assurer de l'existence, à la date à laquelle elle statue sur cette demande, d'une décision d'homologation du plan de sauvegarde de l'emploi, à défaut de laquelle l'autorisation de licenciement ne peut légalement être accordée, ne peut ni apprécier la validité du plan de sauvegarde de l'emploi ni, plus généralement, procéder aux contrôles mentionnés à l'article L. 1233-57-3 du code du travail qui n'incombent qu'au directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi compétemment saisi de la demande d'homologation du plan. Il ne lui appartient pas davantage, dans cette hypothèse, de remettre en cause le périmètre du groupe de reclassement qui a été déterminé par le plan de sauvegarde de l'emploi pour apprécier s'il a été procédé à une recherche sérieuse de reclassement du salarié protégé.
14. Il ressort des pièces du dossier, ainsi qu'il a déjà été dit, que par un jugement du 6 mai 2021, devenu définitif, le tribunal de commerce de Bobigny, après avoir relevé que la société NARL a fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire par une ordonnance du 8 février 2021 de la High Court de Dublin, a ouvert une procédure de liquidation judiciaire immédiate sans maintien de l'activité de la succursale française de la société NARL, entrainant la suppression de ses 271 emplois, et a nommé la société d'exercice libéral par actions simplifiées (SELAS) MJS Partners, prise en la personne de Me Soinne, en qualité de mandataire liquidateur. Il résulte notamment de ce jugement que l'obligation de mettre en œuvre le plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) de la succursale française de la société NARL et de procéder à la recherche des possibilités de reclassement de ses salariés incombait à Me Soinne quand bien même la société NARL, basée en Irlande était l'employeur et que, par voie de conséquence, l'obligation de reclassement de ces salariées pesait sur les liquidateurs de la société NARL nommés le 8 février 2021 par la High Court de Dublin.
15. En exécution du jugement du tribunal de commerce de Bobigny du 6 mai 2021, la succursale française de la société NARL a, ainsi qu'il a déjà été dit, cessé son activité de manière totale et définitive. Dans ces conditions, aucune possibilité de reclassement des salariés au sein de cet établissement n'était possible. Par ailleurs, la société NARL ne disposant pas d'autre établissement ni de société en France, aucun emploi au sein du groupe Norwegian situé sur le territoire national n'était disponible. Le 18 mai 2021, Me Soinne, mandataire liquidateur de la succursale française de la société NARL, a adressé des courriers aux liquidateurs judiciaires de la société NARL en Irlande, la société KPGM Dublin, et aux dirigeants de la société-mère du groupe, la société Norwegian Air Shuttle Asa, afin qu'ils lui communiquent les offres de reclassement existant au sein de la société NARL, des sociétés qu'elle contrôle et de l'ensemble des sociétés du groupe Norwegian. Si M. B... soutient que de telles lettres circulaires ne sauraient attester du sérieux de la recherche des possibilités de reclassement par le mandataire liquidateur, il ressort de la lecture de ces courriers qu'ils précisaient que devaient être communiquées dans les plus brefs délais au liquidateur judiciaire les offres de postes disponibles auprès de ces sociétés de manière écrite, précise et individualisée et qu'ils comprenaient en pièce jointe la liste des emplois occupés par les salariés de l'établissement français de la société NARL. Dans ces conditions, ces lettres circulaires étaient suffisamment personnalisées. Le 20 mai 2021, une réponse négative a été apportée à ces demandes. En vue d'un reclassement externe des salariés prévu par le PSE, Me Soinne a effectué en vain des démarches auprès d'entreprises exerçant une activité similaire ou connexe à celle de la société NARL ainsi qu'auprès de la fédération nationale de l'aviation marchande et de la commission paritaire nationale de l'emploi correspondant à la convention collective appliquée dans l'entreprise. M. B... soutient que le groupe Norwegian a poursuivi ses activités en France, après la liquidation judiciaire de la société NARL, ce qui, selon lui, offrait pour les salariés de cette société des possibilités de reclassement que le liquidateur n'a pas recherchées. Il verse au soutien de ces affirmations deux articles de presse datés des 30 juin et 1er septembre 2021 faisant état de l'amélioration de la situation économique de la société Norwegian Air Schuttle Asa, société mère du groupe Norwegian basée en Norvège, qui a mis fin à son activité long courrier, et du maintien des vols de la compagnie au départ ou à l'arrivée de la France ainsi que des copies d'écran de vols de la compagnie Norwegian au départ de l'aéroport Paris-Charles-de-Gaulle. Toutefois, ces éléments ne sont pas de nature à établir que des emplois seraient disponibles sur le territoire national dans une entreprise du groupe. Enfin, au vu de l'ensemble de ces éléments, la seule circonstance que les liquidateurs judiciaires de la société NARL en Irlande ont fait valoir, lors de la réunion du comité social et économique du 15 avril 2021, c'est-à-dire avant de recevoir le courrier du 18 mai 2021 adressé par Me Soinne, qu'en raison du contexte très difficile dans lequel évoluaient les compagnies aériennes du fait de la pandémie de Covid, ils ne rechercheraient pas des possibilités de reclassement au sein de compagnies aériennes appartenant au groupe ou extérieures à celui-ci, est insuffisante pour établir que l'obligation de reclassement des salariés de la succursale française de la société NARL aurait été méconnue. Dans ces conditions, l'inspecteur du travail, qui a contrôlé le respect par le mandataire liquidateur judiciaire de son obligation en matière de reclassement, n'a pas commis d'erreur de droit, ni d'erreur d'appréciation en estimant que celui-ci avait satisfait à son obligation de recherche sérieuse et personnalisée de reclassement des salariés.
16. En quatrième et dernier lieu, il ressort des pièces du dossier que l'inspecteur du travail a contrôlé l'absence de lien entre la demande d'autorisation de licenciement et le mandat détenu par M. B.... En outre, ce dernier ne se prévaut d'aucune circonstance de nature à établir l'existence d'un tel lien.
17. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Sur les frais liés à l'instance :
18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande M. B... au titre des frais liés à l'instance.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à la société d'exercice libéral par actions simplifiées (SELAS) MJS Partners, prise en la personne de Me Soinne, agissant en qualité de mandataire judiciaire de la succursale française de la société Norwegian Air Resources Limited, et à la ministre du travail, de la santé et des solidarités.
Copie en sera adressée à MM. Kieran Wallace et Andrew O'Leary, en leur qualité de co-liquidateurs en Irlande de la société Norwegian Air Resources Limited.
Délibéré après l'audience du 15 janvier 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Menasseyre, présidente de chambre,
- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,
- Mme Larsonnier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 février 2024.
La rapporteure,
V. LARSONNIER La présidente,
A. MENASSEYRE
Le greffier
P. TISSERAND
La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé et des solidarités en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 23PA00668 2