La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/02/2024 | FRANCE | N°22PA03165

France | France, Cour administrative d'appel, 8ème chambre, 05 février 2024, 22PA03165


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner la Banque de France à lui verser la somme de 26 191, 02 euros au titre des salaires pour la période de mars 2017 à décembre 2019 ou, à titre subsidiaire, la somme de 17 135, 37 euros qu'il a initialement demandée, la somme de 2 619 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés pour cette même période sur lesdits rappels de salaires ou, à titre subsidiaire, la somme de 1 713,53 euros qu'il

a initialement demandée, la somme de 1 122, 74 euros au titre du 13ème mois pour l'anné...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner la Banque de France à lui verser la somme de 26 191, 02 euros au titre des salaires pour la période de mars 2017 à décembre 2019 ou, à titre subsidiaire, la somme de 17 135, 37 euros qu'il a initialement demandée, la somme de 2 619 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés pour cette même période sur lesdits rappels de salaires ou, à titre subsidiaire, la somme de 1 713,53 euros qu'il a initialement demandée, la somme de 1 122, 74 euros au titre du 13ème mois pour l'année 2019 ou, à titre subsidiaire, la somme de 1 237, 89 euros qu'il a initialement demandée, la somme de 7 275, 36 euros au titre de l'indemnité de précarité ainsi que la somme de 727, 53 euros au titre des congés payés afférents à cette indemnité, ou à défaut, s'il est tenu compte du montant du salaire qu'il a perçu, la somme de 4 656, 20 euros ainsi que la somme de 465, 62 euros au titre des congés afférents et, à titre subsidiaire, les sommes de 6 002, 27 euros et 600, 22 euros qu'il a initialement demandées, la somme de 13 472, 90 euros au titre de l'indemnité pour irrégularité de la signature de son contrat à durée déterminée, ou à défaut, s'il est tenu compte du salaire qu'il a perçu, la somme de 8 622, 60 euros, la somme de 5 000 euros au titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale de son contrat de travail et d'enjoindre à la Banque de France de lui remettre une attestation Pôle emploi et un solde de tout compte rectifié.

Par jugement n° 2021991/3-2 du 12 mai 2022, le tribunal administratif de Paris a condamné la Banque de France à verser la somme de 4 500 euros à M. A... et a mis à sa charge le versement de la somme de 1 500 euros à M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 11 juillet 2022, M. A..., représenté par Me Bachelet, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2021991 du 12 mai 2022 du tribunal administratif de Paris ;

2°) de condamner la Banque de France à lui verser :

- la somme globale de 26 191,02 euros au titre des salaires qui lui sont dus entre les mois de mars 2017 et décembre 2019, ou à titre subsidiaire, la somme globale de 17 135,37 euros ;

- la somme de 2 619 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur les rappels de salaire, qui lui est due pour la même période ou, à titre subsidiaire, la somme de 1 713,53 euros ;

- la somme de 1 122, 74 euros au titre du 13ème mois pour l'année 2019 ou, à titre subsidiaire, la somme de 1 237,89 euros ;

- la somme de 7 275,36 euros au titre de l'indemnité de précarité ainsi que la somme de 727, 53 euros au titre des congés payés afférents à cette indemnité, ou à titre subsidiaire, les sommes respectives de 4 656,20 euros et 465,62 euros ou, à titre encore subsidiaire, les sommes de 6 002, 27 euros et de 600,22 euros au titre des congés payés afférents ;

- la somme de 13 472,90 euros au titre de l'indemnité pour irrégularité de la signature de son contrat à durée déterminée, ou à défaut, s'il est tenu compte du salaire qu'il a perçu, la somme de 8 622,60 euros,

- la somme de 5 000 euros au titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale de son contrat de travail ;

3°) à titre infiniment subsidiaire de confirmer le jugement du tribunal administratif de Paris ;

4°) d'enjoindre à la Banque de France de lui remettre une attestation Pôle emploi et un solde de tout compte rectifiés ;

5°) de mettre à la charge de la Banque de France la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

6°) de mettre à la charge de la Banque de France les dépens.

Il soutient que :

- ses conclusions indemnitaires tendant à la réparation des préjudices nés de l'exécution déloyale de son contrat de travail étaient recevables dès lors qu'elles se rattachent au même fait générateur que celui invoqué dans sa réclamation préalable et qu'elles ont été soumises à la Banque de France dans le cadre du litige primitivement introduit devant le conseil des prud'hommes ;

- ses conclusions tendant à la réparation des préjudices résultant du non-respect du délai de transmission des contrats de travail sont recevables dès lors qu'elles sont en lien avec la demande indemnitaire préalable fondée sur les faits générateurs d'irrégularité de ses contrats et d'exécution déloyale ;

- la Banque de France a méconnu le principe " à travail égal, salaire égal " qui découle de l'article L. 3221-2, du 8° de l'article L. 2271-1 et de l'article R. 2261-1 du code du travail, le principe d'égalité de traitement des salariés effectuant un même travail ou un travail de valeur égale ainsi que l'article L. 1242-15 du code du travail et l'article 11 de la convention collective nationale des gardiens, concierges et employés d'immeubles ;

- il aurait dû être rémunéré sur la base d'un travail à temps plein à égalité avec la personne remplacée et avec la personne qui lui a succédé dès lors, d'une part, que l'annexe à son contrat de travail, qui n'est pas signée, n'engage pas la Banque de France, d'autre part, son contrat de travail ne respecte pas l'article 18 de la convention collective dans la mesure où il ne prévoit aucun décompte des unités de valeur et les tâches visées représentent plus qu'un travail à temps partiel, enfin, il effectuait des tâches qui ne sont pas prévues à son contrat ;

- il sollicite le versement de la somme globale de 26 191,02 euros au titre des salaires qui lui sont dus entre les mois de mars 2017 et décembre 2019, ou à titre subsidiaire, la somme globale de 17 135,37 euros, la somme globale de 26 191,02 euros au titre des salaires qui lui sont dus entre les mois de mars 2017 et décembre 2019, ou à titre subsidiaire, la somme globale de 17 135,37 euros, la somme de 2 619 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur les rappels de salaire, qui lui est due pour la même période ou, à titre subsidiaire, la somme de 1 713,53 euros et la somme de 1 122, 74 euros au titre du 13ème mois pour l'année 2019 ou, à titre subsidiaire, la somme de 1 237,89 euros ;

- la Banque de France a méconnu l'article L. 1243-8 du code du travail et l'article 26 de la convention collective des gardiens, concierges et employés d'immeuble (1043) en ne lui versant pas la prime de précarité au terme de son contrat de remplacement d'un salarié absent et il est fondé à solliciter le versement à ce titre de la somme de 7 275,36 euros au titre de l'indemnité de précarité ainsi que la somme de 727, 53 euros au titre des congés payés afférents à cette indemnité si la cour retient comme base de calcul le montant du salaire qu'il aurait dû percevoir soit 2694,58 euros mensuel, ou à défaut 4 656,20 euros d'indemnité, outre 465,62 euros au titre des congés payés afférents si l'on retient comme base de calcul le montant du salaire qu'il a perçu soit 1724,62 euros mensuel ou, à titre subsidiaire, les sommes de 6 002, 27 euros et de 600,22 euros au titre des congés payés afférents ;

- la Banque de France a méconnu l'article L. 1242-13 du code du travail en ne lui remettant pas ses contrats à durée déterminée dans un délai de deux jours avant leur prise d'effet lui causant un préjudice qui doit être réparé par le versement d'une somme correspondant à cinq mois de salaire soit 13 472,90 euros au titre de l'indemnité pour irrégularité de la signature de son contrat à durée déterminée, ou à défaut, s'il est tenu compte du salaire qu'il a perçu, 8 622,60 euros ;

- la Banque de France n'a pas exécuté loyalement le contrat en méconnaissance de l'article L. 1221-1 du code du travail dès lors qu'elle n'a pas respecté le principe " à travail égal, salaire égal " et ne lui a pas versé l'indemnité de précarité ce qui est à l'origine d'un préjudice moral et économique dont il est fondé à demander réparation à hauteur de 5 000 euros.

Par un mémoire en défense enregistré le 20 décembre 2022, la Banque de France représentée par Maîtres Delvolvé et Trichet, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code monétaire et financier ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code du travail ;

- la convention collective nationale des gardiens, concierges et employés d'immeubles ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Collet,

- les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique,

- les observations de Me Bachelet, avocate de M. A...,

- et les observations de Me Delvolvé, avocat de la Banque de France.

Considérant ce qui suit :

1. La Banque de France a recruté M. A... en qualité de gardien concierge remplaçant pour occuper du 28 février 2017 au 1er juin 2019 un emploi dans ses immeubles situés 4-6 rue Saint-Antoine et 4 rue de la Bastille dans le 4ème arrondissement de Paris. Un contrat à durée déterminée a été signé avec l'intéressé le 4 mars 2017, renouvelé le 13 septembre 2017 pour lui confier une partie des fonctions de l'agent titulaire du poste, sa mère, qui était alors en arrêt de travail. La Banque de France a, ensuite, conclu un nouveau contrat à durée déterminée avec une autre personne pour assurer le remplacement provisoire de Mme A... à compter du 3 juin 2019. Par courrier électronique du 27 mars 2020, puis par lettre du 16 juin 2020, M. A... a demandé à la Banque de France de lui verser les sommes correspondant à la différence entre la rémunération qu'il a perçue et celles de la personne qu'il a remplacée et celle qui lui a succédé au terme de son contrat. En l'absence de réponse à sa demande, M. A... a saisi le conseil de prud'hommes de Paris, lequel a décliné la compétence de l'ordre judiciaire. Par jugement du 12 mai 2022, dont M. A... relève appel en tant que l'indemnisation accordée est inférieure à sa demande, le tribunal administratif de Paris a condamné la Banque de France à verser la somme de 4 500 euros à M. A... et a mis à sa charge le versement de la somme de 1 500 euros à l'intéressé au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. Lorsque la requête tend au paiement d'une somme d'argent, elle n'est recevable qu'après l'intervention de la décision prise par l'administration sur une demande préalablement formée devant elle. (...) ".

3. La décision par laquelle l'administration rejette une réclamation tendant à la réparation des conséquences dommageables d'un fait qui lui est imputé lie le contentieux indemnitaire à l'égard du demandeur pour l'ensemble des dommages causés par ce fait générateur, quels que soient les chefs de préjudice auxquels se rattachent les dommages invoqués par la victime et que sa réclamation ait ou non spécifié les chefs de préjudice en question. Par suite, la victime est recevable à demander au juge administratif, dans les deux mois suivant la notification de la décision ayant rejeté sa réclamation, la condamnation de l'administration à l'indemniser de tout dommage ayant résulté de ce fait générateur, y compris en invoquant des chefs de préjudice qui n'étaient pas mentionnés dans sa réclamation.

4. En revanche, si une fois expiré ce délai de deux mois, la victime saisit le juge d'une demande indemnitaire portant sur la réparation de dommages causés par le même fait générateur, cette demande est tardive et, par suite, irrecevable. Il en va ainsi alors même que ce recours indemnitaire indiquerait pour la première fois les chefs de préjudice auxquels se rattachent les dommages, ou invoquerait d'autres chefs de préjudice, ou aurait été précédé d'une nouvelle décision administrative de rejet à la suite d'une nouvelle réclamation portant sur les conséquences de ce même fait générateur. Il n'est fait exception à ce qui est dit au point précédent que dans le cas où la victime demande réparation de dommages qui, tout en étant causés par le même fait générateur, sont nés, ou se sont aggravés, ou ont été révélés dans toute leur ampleur postérieurement à la décision administrative ayant rejeté sa réclamation.

5. Il résulte de l'instruction que M. A... n'a pas saisi la Banque de France d'une demande indemnitaire préalable tendant à la réparation des préjudices qu'il estime avoir subis en raison du non-respect par la Banque de France du délai de deux jours ouvrables suivant son embauche pour lui transmettre, en application de l'article L. 1242-13 du code du travail, ses contrats à durée déterminée pour les périodes du 8 au 17 novembre 2018, du 3 au 8 décembre 2018 et du 23 au 26 décembre 2018. Contrairement à ce que soutient M. A..., le non-respect de ce délai de transmission des contrats de travail constitue un fait générateur distinct de celui dont il s'est prévalu dans le courrier électronique et la lettre qu'il a adressés à la Banque de France les 27 mars 2020 et 16 juin 2020, à savoir la violation du principe d'égalité de traitement avec la personne qu'il a remplacée et avec celle qui lui a succédé dans le poste et l'exécution déloyale de son contrat de travail. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré qu'en l'absence, à la date à laquelle ils ont statué, de toute décision de la Banque de France rejetant une demande indemnitaire fondée sur le non-respect du délai de transmission des contrats de travail, les conclusions de M. A... présentées pour la première fois le 15 mars 2021 devant le tribunal administratif de Paris et tendant à la condamnation de la Banque de France à lui verser une indemnité à ce titre étaient irrecevables. Ainsi, le moyen selon lequel le jugement attaqué serait entaché d'irrégularité pour ce motif ne peut qu'être écarté.

Sur les conclusions à fin d'indemnisation :

6. D'une part, aux termes de l'article L. 7211-2 du code du travail : " Est considérée comme concierge, employé d'immeubles, femme ou homme de ménage d'immeuble à usage d'habitation, toute personne salariée par le propriétaire ou par le principal locataire et qui, logeant dans l'immeuble au titre d'accessoire au contrat de travail, est chargée d'en assurer la garde, la surveillance et l'entretien ou une partie de ces fonctions ". Aux termes de l'article 18 de la convention collective nationale des gardiens, concierges et employés d'immeubles : " Les salariés relevant de la présente convention se rattachent : A. Soit au régime de droit commun (catégorie A) lorsqu'ils travaillent dans un cadre horaire de 151,67 heures, correspondant à un emploi temps complet ; l'horaire mensuel contractuel (H) devant être précisé sur le contrat de travail (...) B. Soit au régime dérogatoire (catégorie B) défini par les articles L. 7221-1 et L. 7211-2 du code du travail (excluant toute référence à un horaire) lorsque leur emploi répond à la définition légale du concierge. Leur taux d'emploi étant déterminé par l'application du barème d'évaluation des tâches en unités de valeur (UV) constituant l'annexe I à la convention ". Selon cet article, les salariés se rattachant au régime dérogatoire (catégorie B) occupent un emploi à service complet lorsqu'ils totalisent entre 10 000 UV et 12 000 UV de tâches selon une amplitude horaire maximale de 47 heures 30, un emploi à service permanent lorsqu'ils totalisent au moins 3 400 UV et moins de 9 000 UV de tâches et qu'ils assurent la permanence de présence vigilante, hors le temps consacré à l'exécution de leurs tâches pendant la durée de l'amplitude horaire maximale de 47 heures 30 et un emploi à service partiel lorsqu'ils totalisent moins de 9 000 UV de tâches et n'exercent pas de permanence. Par ailleurs, en application de cet article, les tâches des gardiens en service partiel sont limitées à l'entretien et au nettoyage des parties communes de l'immeuble, à la sortie et à la rentrée des poubelles, à la distribution du courrier le matin une demi-heure après le passage du facteur et le soir avant 19 heures, éventuellement à la perception des loyers. Enfin, en vertu de ce même article et de l'article 11 de la convention, pour les salariés relevant de la catégorie B, le détail et le décompte des unités de valeur (selon le modèle joint au paragraphe VII de l'annexe I à la convention) doivent être annexés au contrat de travail.

7. D'autre part, aux termes de l'article 26 de la même convention collective, relatif au remplacement du salarié en congé : " L'employeur détermine les conditions dans lesquelles l'éventuel remplacement du salarié en congé devra en tout ou partie être assuré : - soit, quel que soit le statut du titulaire du poste, par un ou des salariés engagés, en contrat à durée déterminée, à temps complet ou partiel (catégorie A), à service partiel, permanent ou complet (par roulement, équipe de suppléance) pour les salariés de catégorie B (dans la limite de 12 500 unités de valeur) (...) Le salarié logé a la possibilité de choisir son remplaçant conformément aux dispositions de l'article L. 7213-2 du code du travail. Ce choix doit recevoir l'agrément de l'employeur dans les conditions des articles L. 7213-6 et R. 7213-8 du code du travail. (...) Les remplaçants, lorsqu'ils sont salariés de l'employeur du titulaire du poste, perçoivent une rémunération décomptée en fonction de la qualification exigée et du taux d'emploi (nombre d'heures ou d'unités de valeur), par application exclusivement des articles 21, 22.2 a et, éventuellement, 22.2 c de la convention. La rémunération ainsi établie est majorée de l'indemnité légale de fin de contrat (10 %), de l'indemnité compensatrice de congés payés, du prorata de gratification (" 13e mois "). Pour tout remplacement d'une durée inférieure à 2 mois, une indemnité conventionnelle de 10 % s'ajoute aux majorations précédentes. ". L'article 21 de la convention précise la classification des postes et des qualifications professionnelles tandis que l'article 22.2 a de la convention définit le salaire global brut mensuel contractuel d'un salarié par l'addition du salaire minimum brut mensuel conventionnel définit au paragraphe 1 du même article, multiplié par le taux d'emploi, c'est-à-dire le nombre d'heures pour les salariés relevant de la catégorie A rapporté au nombre d'heures du travail à temps plein (151, 67 heures) et, pour les salariés de la catégorie B, le nombre d'UV sur le nombre d'UV du service complet (10 000 UV). L'article 22.2 c de cette convention prévoit l'existence d'un éventuel salaire supplémentaire contractuel (augmenté de tous éléments qualitatifs de rémunération convenus au contrat de travail et incluant notamment l'indemnité différentielle acquise en application d'une clause d'avantages acquis, ou le maintien du salaire conforme à l'article 12 de la convention collective nationale des gardiens, concierges et employés d'immeubles), multiplié par le taux d'emploi.

Sur la demande de rappels de rémunérations :

8. Aux termes de l'article L. 3221-2 du code du travail : " Tout employeur assure, pour un même travail ou pour un travail de valeur égale, l'égalité de rémunération entre les femmes et les hommes ". L'article L. 3221-3 du même code précise que : " Constitue une rémunération au sens du présent chapitre, le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum et tous les autres avantages et accessoires payés, directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l'employeur au salarié en raison de l'emploi de ce dernier ". Aux termes de l'article L. 1242-15 du même code : " La rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, perçue par le salarié titulaire d'un contrat de travail à durée déterminée ne peut être inférieure au montant de la rémunération que percevrait dans la même entreprise, après période d'essai, un salarié bénéficiant d'un contrat de travail à durée indéterminée de qualification professionnelle équivalente et occupant les mêmes fonctions ". Enfin, l'article 11 de la convention collective nationale des gardiens, concierges et employés d'immeubles prévoit que : " (...) Conformément à l'article L. 3221-2 du code du travail, les femmes et les jeunes sont, à égalité de fonctions, de travail et d'aptitude professionnelle, rétribués à égalité avec le personnel masculin ".

9. Selon le principe " à travail égal, salaire égal " qui découle des articles précités, l'employeur est tenu d'assurer l'égalité de rémunération entre tous les salariés pour autant que ceux-ci sont placés dans une situation identique. Un employeur peut néanmoins prévoir des mesures particulières réservées à certains de ses salariés à condition que celles-ci s'appliquent à tous les salariés de l'entreprise placés dans une situation identique et que les règles qui les encadrent aient été préalablement définies et puissent être contrôlées. Pour l'attribution d'un avantage particulier, une différence de statut juridique entre des salariés placés dans une situation comparable au regard dudit avantage, ne suffit pas, à elle seule, à exclure l'application du principe d'égalité de traitement. Il appartient ainsi à l'employeur de démontrer que la différence de traitement entre des salariés placés dans la même situation au regard de l'avantage litigieux repose sur des raisons objectives dont le juge doit contrôler la réalité et la pertinence. L'agent qui invoque la méconnaissance de ce principe doit présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une inégalité de rémunération. Au vu de ces éléments, il incombe à l'employeur de prouver que la différence de rémunération entre des personnes effectuant un même travail ou un travail de valeur égale est justifiée par des éléments objectifs dont il revient au juge de contrôler la réalité et la pertinence.

En ce qui concerne la différence de rémunération par rapport à Mme A... :

10. En premier lieu, il résulte de l'instruction que Mme A..., que M. A... a remplacée en qualité de gardien concierge, était titulaire d'un contrat à durée indéterminée, pour l'exercice d'un emploi à service permanent relevant de la catégorie B avec une rémunération conventionnelle de base fixée par référence à un taux d'emploi correspondant à 7 200 unités de valeur. Les contrats à durée déterminée par lesquels la Banque de France a recruté et employé M. A... se bornent à indiquer qu'il assure un remplacement partiel avec pour missions l'entretien des parties communes, le service du courrier, des ordures ménagères, la surveillance générale de l'immeuble et les visites éventuelles d'appartements à louer en contrepartie d'une rémunération brute journalière de 48,96 euros sans indiquer comme le prévoit l'article 18 de la convention collective précitée aucun décompte des unités de valeur. Ces contrats ne permettent pas de déterminer si l'intéressé relève de la catégorie A ou B et quel est son taux d'emploi. Toutefois, la comparaison des fonctions énumérées dans le contrat de travail de Mme A... et celles confiées à M. A... qui sont détaillées dans la fiche de fonctions, laquelle a bien été paraphée par la Banque de France contrairement à ce qu'il soutient, et qui est annexée à ses contrats de travail montre que ses tâches sont à la fois moins nombreuses et moins fréquentes et ne comprennent pas la permanence de la loge. Dès lors, même si M. A... justifie avoir exécuté des tâches supplémentaires non prévues par son contrat de travail, ces dernières ne peuvent être regardées comme ayant été réalisées en exécution de son contrat de travail ou ne l'ont été que de manière très ponctuelle à la demande de son employeur. Ainsi, si M. A... établit avoir assuré la tenue de la permanence de la loge pendant ses périodes de remplacement, il résulte de l'instruction que cette tâche ne relevait ni de ses contrats de travail ni d'une demande de son employeur. Par ailleurs, il ne résulte pas davantage de l'instruction que M. A... aurait occupé du 28 février 2017 au 1er juin 2019 un emploi à temps plein ou en service permanent ou complet. Il s'ensuit que dès lors que M. A... n'était pas placé dans une situation identique à celle de Mme A..., qu'il remplaçait, il n'est pas fondé à solliciter le bénéfice d'une égalité de rémunération conventionnelle par rapport à cette dernière en se fondant sur le principe " à travail égal, salaire égal " qui découle des articles précités.

11. En second lieu, dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction que M. A..., gardien concierge remplaçant se trouvait dans une situation identique à celle de Mme A..., gardienne concierge titulaire, il n'est pas fondé à solliciter une indemnisation au titre de la prime de tri sélectif, de la prime de travaux supplémentaires réguliers, de la prime d'allocation de vacances et de la prime " étrennes de Noël " perçues par Mme A... en plus de sa rémunération conventionnelle.

En ce qui concerne la différence de rémunération par rapport à la personne qui a succédé à M. A... :

12. En premier lieu, il résulte de l'instruction que le contrat à durée déterminée signé entre la Banque de France et la personne qui a succédé à M. A... sur le même poste à compter du 3 juin 2019 pour assurer le remplacement provisoire de Mme A... a prévu une rémunération brute journalière de 75,07 euros, supérieure à celle de 48,96 euros accordée à M. A.... Toutefois, les tâches confiées ne sont pas strictement identiques puisqu'elles comprennent en plus la permanence de la loge. Il s'ensuit que dès lors que M. A... n'était pas placé dans une situation identique à celle de son successeur, il n'est pas fondé à solliciter le bénéfice d'une égalité de rémunération conventionnelle par rapport à ce dernier en se fondant sur le principe " à travail égal, salaire égal " qui découle des articles précités.

13. En second lieu, contrairement à ce que soutient M. A..., il résulte de l'instruction et notamment de la comparaison de ses contrats de travail avec celui de la personne qui lui a succédé, que la différence de rémunération précitée est liée à la mission supplémentaire confiée à savoir la tenue de la permanence de la loge de sorte que M. A... ne peut se prévaloir de l'existence d'une différence de traitement non justifiée à son égard.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est ainsi pas fondé à solliciter qu'une indemnité représentant les compléments de salaires des mois de mars 2017 à décembre 2019, l'indemnité compensatrice de congés payés sur les rappels de salaire pour la même période et la prime de 13ème mois pour l'année 2019 lui soit versée.

Sur la demande relative à l'indemnité légale de fin de contrat :

15. Aux termes de l'article L. 1243-8 du code du travail : " Lorsque, à l'issue d'un contrat de travail à durée déterminée, les relations contractuelles de travail ne se poursuivent pas par un contrat à durée indéterminée, le salarié a droit, à titre de complément de salaire, à une indemnité de fin de contrat destinée à compenser la précarité de sa situation. Cette indemnité est égale à 10 % de la rémunération totale brute versée au salarié. Elle s'ajoute à la rémunération totale brute due au salarié. Elle est versée à l'issue du contrat en même temps que le dernier salaire et figure sur le bulletin de salaire correspondant ". Selon l'article L. 1243-10 du même code : " L'indemnité de fin de contrat n'est pas due : (...) 4° En cas de rupture anticipée du contrat due à l'initiative du salarié (...) ". L'article 26 précité de la convention collective prévoit que les gardiens remplaçants ont droit au versement de cette indemnité au terme de leur contrat.

16. D'une part, si la Banque de France soutient que la rupture du contrat de travail de M. A... est intervenue à son initiative dès lors qu'il aurait trouvé un emploi à durée indéterminée et qu'il aurait d'ailleurs proposé sa remplaçante, ce que conteste ce dernier qui soutient que ses missions devaient être confiées à une société prestataire de services et son contrat non reconduit, la preuve de la rupture de ce lien de travail à la demande de M. A..., non corroborée par les pièces produites par la Banque de France, n'est pas établie.

17. D'autre part, il ne résulte pas de l'instruction et notamment d'aucun bulletin de salaire de l'intéressé, que contrairement à ce que soutient la Banque de France, le montant de l'indemnité de précarité ou indemnité légale de fin de contrat dont M. A... sollicite le bénéfice, ait été intégré par erreur dans sa rémunération mensuelle.

18. Il résulte de ce qui précède que les premiers juges lui ont à juste titre octroyé une somme au titre de l'indemnité légale de fin de contrat due par la Banque de France à M. A.... Alors que l'intéressé a droit, en application de l'article L. 1243-8 du code du travail précité, à 10 % de la rémunération totale brute qui lui a été versée, il ressort des bulletins de salaire produits par M. A... que la rémunération brute qu'il a perçue s'est élevée au cours de la période allant de janvier 2017 à juin 2019 à un montant de 44 495,68 euros. Dès lors, en lui allouant au titre de l'indemnité de fin de fonction fixée à 10 % de ce montant, une somme de 4 500 euros, les premiers juges n'en ont pas fait une évaluation insuffisante.

Sur la demande indemnitaire fondée sur l'exécution déloyale du contrat de travail :

19. Aux termes de l'article L. 1222-1 du code du travail : " Le contrat de travail est exécuté de bonne foi ".

20. D'une part, si M. A... demande la réparation du préjudice économique lié à l'exécution déloyale de son contrat de travail par la Banque de France en raison du non-respect du principe " à travail égal, salaire égal ", toutefois, il résulte de ce qui précède que ce principe n'a pas été méconnu. Aucune indemnité ne peut ainsi lui être alloué à ce titre. D'autre part, si M. A... demande la réparation du même préjudice sur le même fondement en raison du défaut de versement de l'indemnité légale de fin de contrat, il ne justifie toutefois pas avoir subi un préjudice financier distinct de celui déjà réparé par la condamnation de la Banque de France à lui verser cette indemnité légale de fin de contrat.

21. Enfin, si M. A... sollicite l'indemnisation du préjudice moral qu'il estime avoir subi suite aux manquements précités, il n'apporte aucun élément à l'appui de ses prétentions permettant de considérer qu'il pourrait se prévaloir d'un tel préjudice alors d'ailleurs qu'il n'a effectué des démarches pour contester ses conditions de rémunération qu'un an après la fin de son contrat.

22. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris a limité la condamnation de la Banque de France au versement de la somme de 4 500 euros.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

23. Le présent arrêt qui ne fait pas droit à la demande de rappels de salaires présentée par M. A... n'implique, en tout état de cause, pas qu'il soit enjoint à la Banque de France de lui transmettre une attestation Pôle emploi modifiée. Par ailleurs, s'il n'est pas contesté que la Banque de France n'a pas transmis un solde de tout compte à M. A..., aucune demande de réparation n'a été sollicitée ou obtenue à ce titre, les conclusions de ce dernier tendant à ce qu'il soit enjoint à la Banque de France de lui transmettre un solde de tout compte doivent également être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

24. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la Banque de France, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamnée à verser à M. A... la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A..., par application des mêmes dispositions, la somme que la Banque de France demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

Sur les dépens :

25. Aucun dépens n'ayant été exposé au cours de l'instance d'appel, les conclusions présentées par M. A... à ce titre ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la Banque de France, présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la Banque de France.

Délibéré après l'audience du 15 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Menasseyre, présidente,

- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,

- Mme Collet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 5 février 2024.

La rapporteure,

A. COLLET La présidente,

A. MENASSEYRE

Le greffier,

P. TISSERAND

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA03165


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA03165
Date de la décision : 05/02/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme MENASSEYRE
Rapporteur ?: Mme Aude COLLET
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : BACHELET

Origine de la décision
Date de l'import : 11/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-05;22pa03165 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award