Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société SARL Jett a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge en droits, intérêts de retard et majorations, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des rappels de cotisations sur la valeur ajoutée des entreprises mis à sa charge au titre des exercices clos les 31 décembre 2015 et 2016, ainsi que de l'amende mise à sa charge en application de l'article 1759 du code général des impôts.
Par un jugement n° 2102134 du 19 septembre 2022, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette requête.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 20 novembre 2022 la société SARL JETT, représentée par Me Creac'h, demande à la Cour :
1°) d'annuler jugement n° 2102134 du 19 septembre 2022 du tribunal administratif de Montreuil ;
2°) de prononcer la décharge des impositions supplémentaires ainsi que des pénalités et majorations y afférentes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La société SARL Jett soutient que :
- la proposition de rectification qui lui a été adressée n'explicite pas les modalités de calcul et est insuffisamment motivée, en violation de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ;
- la méthode de reconstitution mise en œuvre par le service est radicalement viciée, dès lors que les produits échantillonnés pris en compte sont insuffisamment représentatifs et que le taux de marge retenu est excessif ; en outre la méthode de reconstitution ne prend pas en compte les pertes, les offerts à la clientèle, les consommations personnelles ;
Par un mémoire en défense, enregistré le 2 janvier 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens invoqués par la SARL Jett ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Dubois ;
- et les conclusions de M. Perroy, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. La société par actions simplifiée SARL Jett, dont l'objet social est le commerce de produits alimentaires, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité du 18 décembre 2017 au 20 juillet 2018 portant sur la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2016 à l'issue de laquelle une proposition de rectification a été émise le 24 juillet 2018 portant, selon procédure de rectification contradictoire, sur des rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour un montant de 65 983 euros en droits et 31 157 euros en pénalités, des rappels de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises pour un montant de 7 251 euros en droits et 475 euros en pénalités, ainsi que sur un complément d'impôt sur les sociétés pour un montant de 355 452 euros en droits et 164 346 euros en pénalités, outre deux amendes de 555 010 euros, au titre de l'année 2015, et 567 505 euros au titre de l'année 2016. La réclamation de la SARL Jett en date du 28 juin 2020 a été rejetée par décision du 15 décembre 2020. La société relève appel du jugement n° 2102134 du 19 septembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande de décharge de ces impositions.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation ". L'article R. 57-1 du même code dispose que : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée ". Il résulte de ces dispositions que pour être régulière, une notification de redressement doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler utilement ses observations.
3. En l'espèce, la proposition de rectification du 24 juillet 2018 fait état des raisons pour lesquelles la comptabilité de la société a été considérée comme non-probante rendant nécessaire la mise en œuvre d'une reconstitution de recettes. A cet égard, elle précise notamment que la société n'a pas conservé les documents ayant permis l'établissement des factures récapitulatives pour les particuliers, le service ne disposant en conséquence pas de données fiables. Contrairement à ce que soutient la société requérante, la proposition de rectification n'avait pas à comporter la provenance d'éléments de comparaison issus d'autres entreprises, dès lors que le coefficient de marge appliqué aux chiffres d'affaires retenus pour chacune des deux années en cause a été déterminé à partir du rapport entre le prix moyen d'achat et le prix moyen de vente sur une sélection de produits et de familles de produits variés dont le vérificateur a estimé qu'ils étaient représentatifs du chiffre d'affaires réalisé par la société pendant les périodes concernées. La proposition de rectification énonçait donc de façon complète les motifs sur lesquels l'administration a entendu se fonder pour opérer les redressements en cause et permettait au contribuable de formuler ses observations de façon utile. Le moyen tiré de ce que la proposition de rectification ne serait pas suffisamment motivée, en méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales manque ainsi en fait et ne peut qu'être écarté.
Sur le bien-fondé de l'imposition :
4. Aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge (...) ".
5. La société SARL Jett ne conteste pas les graves irrégularités affectant sa comptabilité ayant conduit le service à écarter celle-ci et à procéder à une reconstitution de recettes. Dès lors que les rectifications en cause ont été rendus conformément à l'avis rendu par la commission départementale des impôts, il lui appartient d'apporter la preuve de l'exagération des impositions en litige.
6. Il résulte de l'instruction que, pour déterminer le coefficient de marge à appliquer aux ventes ressortant des données commerciales de la société, le service a sélectionné un échantillon de produits alcoolisés, secs ou frais, représentant respectivement 52,06 % et 50,21 % du chiffre d'affaires déclaré par la société au titre des exercices clos en 2015 et 2016. Pour chaque famille d'achat ou produit figurant dans cet échantillon, dont il n'est pas contesté qu'il est représentatif, a été évalué le prix moyen d'achat et de vente à partir des données relatives au montant total des ventes ou des achats et des quantités, afin de déterminer, en tenant compte de l'importance relative de chaque produit ou famille de produit dans la composition du chiffre d'affaires, le taux de marge moyen à retenir pour chacun des deux exercices 2015 et 2016. Les taux de marge ainsi arrêtés ont ensuite été appliqués aux montants des achats de marchandise afin de reconstituer le chiffre d'affaires.
7. D'une part, si la société requérante conteste les taux de marge arrêtés par le service à 1,41 pour l'année 2015 et 1,39 pour l'année 2016, la production d'un article de presse reprenant les taux de marge constatés par l'Insee pour les années 2009 à 2012 dans le secteur du commerce alimentaire de détail ne permet pas de remettre en cause les taux arrêtés par le service, dès lors que la société SARL Jett exerce sur le marché de gros et que les redressements dont elle fait l'objet concernent les années 2015 et 2016. Et si la société produit un tableau de ses marges pour le mois de mars 2015, elle n'apporte aucun élément tendant à établir la fiabilité des données qui y sont retranscrites. D'autre part, si la société requérante soutient que la méthode de reconstitution mise en œuvre par le service ne tient pas compte des offerts, des pertes et des consommations personnelles qu'il conviendrait de déduire du chiffre d'affaires, elle n'assortit son argumentation d'aucune précision permettant d'établir la réalité et l'importance en proportion du chiffre d'affaires des pertes ou offerts dont le service aurait dû tenir compte. Par suite, la société SARL Jett n'apporte pas la preuve qui lui incombe de l'exagération des bases d'impositions résultant de la méthode de reconstitution appliquée par l'administration fiscale.
8. Il résulte de ce qui précède que la SARL Jett n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Ses conclusions à fins d'annulation et de décharge doivent dès lors être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SAS SARL Jett est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS SARL Jett et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à la Direction spécialisée de contrôle fiscal d'Ile-de-France.
Délibéré après l'audience du 11 janvier 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Vinot, présidente de chambre ;
- M. Marjanovic, président assesseur ;
- M. Dubois, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 2 février 2024.
Le rapporteur,
J. DUBOISLa présidente,
H. VINOT
La greffière,
E. VERGNOL
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 22PA04911 2