La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/01/2024 | FRANCE | N°21PA06168

France | France, Cour administrative d'appel, 4ème chambre, 26 janvier 2024, 21PA06168


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société Colas Rail a demandé au tribunal administratif de Paris d'établir le montant du décompte général et définitif du marché de sécurisation de la ligne 946 de Coni à

Vintimille - lot 1 : Voie, filets détecteurs, GPA à la somme de 11 236 709,74 euros hors taxes et de condamner SNCF Réseau à lui verser la somme de 6 083 782,61 euros hors taxes assortie des intérêts moratoires à compter du 31 décembre 2018 ou, à défaut, à compter du 12 avril 2019, et d

e la capitalisation des intérêts, au titre du règlement de ce marché après déduction des acomptes déjà...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Colas Rail a demandé au tribunal administratif de Paris d'établir le montant du décompte général et définitif du marché de sécurisation de la ligne 946 de Coni à

Vintimille - lot 1 : Voie, filets détecteurs, GPA à la somme de 11 236 709,74 euros hors taxes et de condamner SNCF Réseau à lui verser la somme de 6 083 782,61 euros hors taxes assortie des intérêts moratoires à compter du 31 décembre 2018 ou, à défaut, à compter du 12 avril 2019, et de la capitalisation des intérêts, au titre du règlement de ce marché après déduction des acomptes déjà versés.

Par un jugement nos 1810361,1823672,1922075/3-1 du 5 octobre 2021, le tribunal administratif de Paris a ramené le solde du marché à la somme de 2 011 003,44 euros au profit de SNCF Réseau et rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 3 décembre 2021 et le 11 janvier 2023, la société Colas rail, représentée par Lamy et associes, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 5 octobre 2021, sauf en ce qu'il a reconnu comme indues des réfactions opérées par SNCF Réseau ;

2°) d'établir le montant du décompte général et définitif du marché de sécurisation de la ligne 946 de Coni à Vintimille - lot 1 : Voie, filets détecteurs, GPA à la somme de 11 236 709,74 euros hors taxes ;

3°) de condamner SNCF Réseau à lui verser la somme de 6 083 782,61 euros hors taxes au titre du solde du marché, assortie des intérêts moratoires à compter du 11 février 2019, et de la capitalisation des intérêts ;

4°) de mettre à la charge de SNCF Réseau une somme de 10 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- ses moyens sont recevables dès lors qu'elle ne peut pas être regardée comme ayant développé, pour la première fois en appel, des moyens nouveaux fondés sur une cause juridique distincte de celle discutée en première instance ;

- les pénalités pour non-respect des délais global et partiels ne pouvaient pas lui être appliquées dès lors que le maître de l'ouvrage n'a jamais constaté les retards sur les délais partiels en cours de chantier conformément à l'article 22 du CCCG et en l'absence de preuve des retards faute de constat, dès lors que les délais partiels ont disparu du planning notifié avec l'ordre de service n° 6, lequel était en tout état de cause contradictoire et irréaliste compte tenu des évènements ayant affecté le chantier et de la modification de l'ordonnancement général du projet, et dès lors que le nouveau planning aurait dû faire l'objet d'un avenant conformément à l'article 41.1 du CCCG ;

- sa contestation des pénalités pour non-respect des délais global et partiels est recevable dès lors que le délai de l'article 2.62 précité ne concerne que les prescriptions d'un ordre de service, qu'il n'est pas prévu de procédure de contestation des décomptes mensuels et qu'en tout état de cause elle a procédé à un envoi anticipé de ses réserves par courrier électronique avant l'expiration du délai de quinze jours ;

- les pénalités en raison de retards sur la remise de documents d'exécution ne pouvaient pas lui être appliquées en l'absence de visa par le maître d'œuvre des documents généraux PAQ, PAE et programme d'études d'EXE dont dépendait le démarrage des travaux ;

- les réfactions opérées en raison de la dégradation des installations de sécurité ne sont justifiées ni dans leur principe ni dans leur montant en l'absence de document justificatif des dépenses et de démonstration de la réalité de ces dégradations et de leur imputabilité à une faute de l'entreprise, alors que les travaux ont été réceptionnés sans réserves sur l'état des équipements et alors qu'en tout état de cause aucune réfaction ne pouvait être opérée sans qu'il lui ait été préalablement demandé d'y remédier, conformément à l'article 73.23 du CCCG travaux ;

- les attachements pris en l'absence de réaction du maître d'œuvre malgré ses demandes formulées sont réputés contradictoires et acceptés et ne constituent pas des mémoires en réclamation dès lors qu'ils se situent avant tout différend puisqu'ils visent seulement à informer le maître d'œuvre et le maître d'ouvrage des difficultés rencontrées ;

- ses demandes sont recevables dès lors qu'elles sont détaillées, motivées et chiffrées ;

- sa demande de rémunération complémentaire n° 1 est recevable dès lors qu'elle a émis des réserves sur l'ordre de service n° 6 dans le délai de quinze jours, ayant procédé à un envoi anticipé de ces réserves par courrier électronique, et elle est justifiée dès lors qu'elle a été confrontée à une impossibilité d'acheminer ses trains et partant, l'ensemble de ses fournitures, en raison de la réalisation de travaux, par un tiers, sur les voies de service de la gare de

Breil-sur-Roya et qu'elle n'a eu l'autorisation de circuler sur l'ensemble des voies mises à sa disposition conformément à l'article 2.3.2 de la notice descriptive générale du lot que le

3 octobre 2017 ;

- sa demande de rémunération complémentaire n° 2 en raison des préjudices qu'elle a subis du fait des retards dans la livraison des matériels nécessaires à la réalisation des filets DCR et des travaux de voie est justifiée, dès lors qu'elle a été empêchée de procéder à l'inventaire des matériels DCR, à l'assemblage des pièces, à l'équipement des supports et matériels en amont du point de départ du démarrage des travaux et a dû se réorganiser au fur et à mesure des livraisons, ce qui a entrainé une perte de productivité et donc, de rendement des travaux ;

- sa demande de rémunération complémentaire n° 3 est justifiée en raison des pannes radio et de l'impossibilité d'accéder aux zones de travaux sans masques auto-sauveteur qui n'étaient pourtant pas obligatoires pour la seule traversée des tunnels de plus de 400 mètres, circonstances constitutives de sujétions techniques imprévues ouvrant droit à indemnisation au titre de l'immobilisation de ses moyens matériels et humains et de sa perte de productivité ;

- sa demande de rémunération complémentaire n° 4 est justifiée par la modification de la méthodologie de déchargement des rails demandée par le maître d'œuvre alors que la méthode initialement proposée dans son offre n'était pas contraire à la norme IN 0026 ;

- sa demande de rémunération complémentaire n° 5 est justifiée dès lors qu'elle correspond aux conséquences financières de la non-couverture de ses frais généraux du fait des retards dans l'exécution du marché imputables au maître d'ouvrage ;

- sa demande de rémunération complémentaire n° 6 est justifiée par la mise à disposition supplémentaire de matériel, des prix nouveaux refusés, des prix nouveaux partiellement acceptés, et des attachements non pris en compte correspondant à des immobilisations et pertes de rendement constatées en 2018 ;

- elle est fondée à demander le paiement de l'ensemble des métrés chiffrés dans le projet de décompte final dès lors qu'en cours d'exécution, aucune contestation n'a jamais été émise à propos des quantités réellement exécutées ;

- le paiement demandé au titre des prix nouveaux et plus-values notifiées est justifié par les travaux réellement exécutés ;

- la demande de paiement des fournitures sur factures non entièrement prises en compte est également justifiée ;

- elle est fondée à bénéficier d'un droit à délais ;

- le jugement doit être confirmé en ce qu'il a considéré que les réfactions au titre de la prolongation des missions des sociétés Systra et Sferis viennent sanctionner les mêmes faits que SNCF Réseau a entendu sanctionner par l'applications des pénalités de retard ;

- les intérêts moratoires courent à compter du jour où le décompte général aurait dû lui être notifié, soit le 12 février 2019 ;

- dès lors qu'elle n'a pas entendu attraire la société Systra à la procédure d'appel, sa demande au titre des frais de l'instance doit être rejetée.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 3 juin 2022 et le 9 octobre 2023, SNCF Réseau, représenté par la SELARL Symchowicz-Weissberg et associés, conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à la réformation du jugement en ce qu'il a réintégré dans le décompte général, en faveur de la société Colas Rail, la somme de 601 161 euros HT au titre des réfactions qui avaient été opérées en conséquence de l'allongement des contrats des société Sferis et Systra ;

3°) à ce que le solde du marché dû par la société Colas Rail soit fixé à la somme de 2 753 307,19 euros TTC ;

4°) à la condamnation de la société Colas Rail à lui verser le solde du marché, assorti des intérêts au taux légal à compter du 3 avril 2019, capitalisés ;

5°) à ce que la somme de 10 000 euros soit mise à la charge de la société Colas Rail au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la demande relative aux pénalités de retard sur le délai global et sur les délais partiels est irrecevable en l'absence de contestation de la déduction faite au titre de l'acompte mensuel

n° 9, conformément à l'ordre de service n° 21 du 3 août 2018, dans le délai de quinze jours suivant sa notification ;

- les nouveaux moyens soulevés par la société Colas Rail pour la première fois en appel tirés de l'absence de constat des retards, de la disparition des délais partiels et de l'absence de valeur contractuelle du planning annexé à l'ordre de service n° 6 sont irrecevables ;

- le moyen tiré de la disparition des délais partiels contractuels à la suite de la notification de l'ordre de service n° 6 est irrecevable en l'absence de réserves sur ce point formulées dans le délai de quinze jours suivant la notification des ordres de service n° 6, 7 et 21 ;

- les stipulations prévues à l'article 73.23 et 73.3 du CCCG-Travaux sont inapplicables aux dégradations constatées en cours de chantiers et auxquelles la société Colas Rail n'était pas compétente pour remédier et le moyen tiré de leur méconnaissance est donc inopérant ;

- la demande formulée au titre des prix nouveaux est tardive faute de transmission des éléments justificatifs au maître d'œuvre dans le délai d'un mois imparti par l'article 14.2 du CCCG travaux ;

- la société Colas Rail est forclose à réclamer les sommes sollicitées au titre des demandes de rémunération complémentaire n° 1 à 5 faute de contestation dans le délai de trois mois prescrit par l'article 85.1 du CCCG Travaux des décisions implicites de rejet des attachements non contradictoires qui doivent être considérés comme des réclamations formulées en cours de chantier ;

- les demandes de la société Colas Rail sont irrecevables en l'absence de justifications suffisantes assortissant le document adressé à SNCF Réseau le 15 mai 2019, permettant de qualifier l'existence d'un mémoire en réclamation ;

- par application de l'article 10.6 du CPS et de l'article 13.34 du CCCG-Travaux, le délai de paiement du solde du marché ne commence à courir qu'à compter de la présentation d'une facture et non de l'émission de réserves ;

- les moyens soulevés par la société Colas Rail ne sont pas fondés ;

- à titre incident, c'est à tort que les premiers juges ont estimé qu'il convenait de déduire du solde du marché les sommes de 341 366 euros et 259 795 euros, respectivement versées aux sociétés Systra et Sferis au titre de l'allongement de la durée du chantier, exclusivement imputable à la société Colas Rail, s'agissant d'un préjudice distinct de celui forfaitairement réparé par les pénalités prévues aux articles 11 et suivants du cahier des prescriptions spéciales.

Par un mémoire en observations enregistré le 3 mai 2022, la société Systra, représentée par Me Grenier, conclut à sa mise hors de cause en l'absence de demande à son encontre, et à ce que soit mise à la charge de tout succombant la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par ordonnance du 28 septembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au

27 octobre 2023 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code des transports ;

- le cahier des clauses et conditions générales applicables aux marchés de travaux de la SNCF du 24 octobre 2001 (version n° 3 du 1er juillet 2016) ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bruston,

- les conclusions de Mme Lipsos, rapporteure publique,

- et les observations de Me Salamand, représentant la société Colas Rail, et de

Me Keravel, représentant la société SNCF Réseau.

Une note en délibéré présentée par SNCF Réseau a été enregistrée le 16 janvier 2024.

Considérant ce qui suit :

1. Dans le cadre de l'opération générale de sécurisation de la ligne 946, allant de Coni à Vintimille, SNCF Réseau a confié à la société Colas Rail, par un marché notifié le 19 juillet 2017, le lot B1 relatif aux voie, filets détecteurs et grillages plaqués ancrés pour un montant estimatif de 4 934 267,77 euros hors taxes. Un ordre de service no 1 a fixé au 7 août 2017 le point de départ du délai global de l'ensemble des études et travaux, de deux-cent-soixante-dix jours de calendrier, lui-même décomposé en six délais particuliers, selon la portion de la voie de chemin de fer ou la nature des travaux concernés. En cours d'exécution du marché, la société Colas Rail a d'abord saisi SNCF Réseau de cinq demandes de rémunération complémentaire, adressées entre le 22 janvier 2018 et le 1er mars 2018, pour un montant total de 1 348 619,98 euros hors taxes, qui ont été implicitement rejetées. Elle a ensuite transmis une sixième demande de rémunération complémentaire, pour un montant de 4 015 827,72 euros hors taxes, correspondant à la période du 1er janvier au 31 mai 2018, également implicitement rejetée. Les travaux ont été réceptionnés le 31 mai 2018. Le 3 avril 2019, SNCF Réseau a notifié à la société Colas Rail le décompte général du marché fixant à hauteur de 4 668 658,76 euros hors taxes le montant du marché et retenant 2 172 185,15 euros de pénalités et réfactions à la charge de la société Colas Rail. Cette dernière a contesté ce décompte en présentant, le 15 mai 2019, des réserves et un mémoire de réclamation pour un montant de 6 083 782,61 euros hors taxes. Cette réclamation reprend les demandes de règlement complémentaire nos 1 à 6 précédemment notifiées. En outre, la société Colas Rail a demandé le paiement de sommes au titre des écarts de métrés et contesté l'application des pénalités de retard et réfactions infligées. Cette demande a été rejetée par une décision notifiée le

2 juillet 2019. Par un jugement du 5 octobre 2021 dont la société Colas Rail relève appel, le tribunal administratif de Paris a ramené le solde du marché à la somme de 2 011 003,44 euros et a rejeté le surplus de sa demande.

Sur les fins de non-recevoir soulevées par la société SNCF Réseau :

2. Aux termes de l'article 13.35 du CCCG Travaux : " L'entrepreneur dispose d'un délai de quarante-cinq jours pour signer et renvoyer au maître d'œuvre ce décompte général, sans ou avec réserves. / Si la signature est donnée sans réserve, cette acceptation lie définitivement les parties, sauf en ce qui concerne les intérêts moratoires ; ce décompte devient ainsi le décompte général et définitif du marché. / Si la signature est donnée avec réserves, l'entrepreneur doit motiver ces réserves dans un mémoire de réclamation joint au renvoi du décompte qui précise le montant des sommes dont il revendique le paiement et qui fournit les justifications nécessaires, en reprenant, sous peine de forclusion, les réclamations déjà formulées antérieurement et n'ayant pas fait l'objet de paiement définitif. Le règlement du différend intervient alors selon les modalités indiquées à l'article 85. Dans le cas où les réserves n'affectent qu'une partie du décompte, l'entrepreneur est lié par son acceptation implicite des éléments du décompte sur lesquels ces réserves ne portent pas. Le décompte général devient définitif lorsque l'ensemble des réclamations a été traité. ". Le mémoire du titulaire ne peut être regardé comme une réclamation que s'il comporte l'énoncé d'un différend et expose, de façon précise et détaillée, les chefs de la contestation en indiquant, d'une part, les montants des sommes dont le paiement est demandé et, d'autre part, les motifs de ces demandes, notamment les bases de calcul des sommes réclamées.

3. Il résulte de l'instruction que la société Colas Rail a contesté le décompte général notifié par SNCF Réseau en présentant, le 15 mai 2019, un mémoire de réclamation pour un montant de 6 083 782,61 euros hors taxes. Cette réclamation reprenait les demandes de règlement complémentaire nos 1 à 6 précédemment adressées au maître d'ouvrage et comportait des demandes de paiement de sommes au titre des écarts de métrés ainsi qu'une contestation de l'application des pénalités de retard et réfactions infligées. Ce mémoire expose de manière détaillée les sommes demandées et est assorti de très nombreuses explications et pièces jointes, en particulier des comptes rendus de réunions hebdomadaires, les ordres de services assortis des réserves émises par la société et des tableaux récapitulatifs des sommes demandées. Contrairement à ce que soutient SNCF Réseau, ce mémoire doit, dès lors, être regardé comme constituant un mémoire de réclamation au sens des dispositions précitées, quand bien même les justificatifs produits à l'appui de ce mémoire ont été jugés insuffisants par le maître d'ouvrage.

4. Aux termes de l'article 2.62 du CCCG Travaux : " Lorsque l'entrepreneur estime que les prescriptions d'un ordre de service appellent des réserves de sa part, il doit, sous peine de forclusion, les présenter par écrit au maître d'œuvre dans les quinze jours à compter de la notification de cet ordre ".

5. Il résulte de l'instruction que, par un courrier du 3 août 2018 intitulé " ordre de service n° 21 ", reçu le 9 août 2018, SNCF Réseau a notifié à la société Colas Rail le décompte mensuel n° 9, en lui précisant qu'il était inférieur à celui porté sur la facture d'acompte en raison de l'application de pénalités de retard. La requérante a contesté l'application de ces pénalités par un courrier recommandé du 23 août 2018 qui, s'il n'a été reçu par voie postale que le 29 août 2018, a, en tout état de cause, été doublé, ainsi que cela est mentionné dans le courrier de réserves, d'un envoi anticipé, dans le délai de quinze jours suivant la date de réception de l'ordre de service, par courrier électronique. Dès lors, la société Colas Rail est recevable, en application des dispositions précitées, à contester l'application des pénalités de retard qui ont été mises à sa charge dans le décompte général.

Sur l'établissement du décompte :

En ce qui concerne l'appel principal :

S'agissant des pénalités :

6. En premier lieu, aux termes de l'article 3 du cahier des prescriptions spéciales applicable au marché : " 3.2. Délai global de l'ensemble des travaux : En dérogation à l'article 20 du CCCG Travaux, l'ensemble des études et des travaux, les études et travaux doivent être exécutés dans un délai de 270 jours de calendrier, à partir de la date fixée par ordre de service. / 3.3. Délais particuliers : Les travaux doivent être réalisés dans les délais partiels repris à la notice descriptive et dans les annexes planning, déclenchés par ordres de services. / Délai partiel n°1 : Travaux Tunnel du col de Tende - Tende inclus 14 jours calendaires / Délai partiel n°2 : Travaux Tende - St Dalmas inclus 131 jours calendaires / Délai partiel n°3 : Travaux St Dalmas - Fontan inclus 63 jours calendaires / Délai partiel n°4 : Travaux Fontan - Breil inclus 61 jours calendaires / Délai partiel n°5 : Ripage de rails de sécurité 49 jours calendaires / Délai partiel n°6 : Suppression de lacunes 14 jours calendaires / Les délais particuliers pourront donner lieu à réception partielle et établissement de décomptes partiels conformément à l'article 1337 du CCCG Travaux. ". L'article 11.1. du même cahier, relatif aux pénalités relatives à l'exécution des travaux, stipule : " Retard dans l'amplitude globale des études et travaux : Si les études et travaux ne sont pas terminés dans l'amplitude globale définie à l'article 3, il est appliqué à l'Entrepreneur, d'office et sans mise en demeure préalable, une pénalité de 500 euros par jour de retard, et ce, dès le premier jour de retard. / Pénalités pour retard dans l'exécution des études et travaux : Délai partiel n°l : Travaux Tunnel du col de Tende - Tende inclus : Si les études et travaux ne sont pas terminés dans le délai contractuel défini à l'article 3, il est appliqué à l'Entrepreneur, d'office et sans mise en demeure préalable, une pénalité de 2 500 euros par jour de retard, et ce, dès le premier jour de retard. / Délai partiel n°2 : Travaux Tende - St Dalmas inclus : Si les études et travaux ne sont pas terminés dans le délai contractuel défini à l'article 3, il est appliqué à l'Entrepreneur, d'office et sans mise en demeure préalable, une pénalité de 2 500 euros par jour de retard, et ce, dès le premier jour de retard. / Délai partiel n°3 : Travaux St Dalmas - Fontan inclus : Si les travaux ne sont pas terminés dans le délai contractuel défini à l'article 3, il est appliqué à l'Entrepreneur, d'office et sans mise en demeure préalable, une pénalité de 2 500 euros par jour de retard, et ce, dès le premier jour de retard. / Délai partiel n°4 : Travaux Fontan - Breil inclus : Si les études et travaux ne sont pas terminés dans le délai contractuel défini à l'article 3, il est appliqué à l'Entrepreneur, d'office et sans mise en demeure préalable, une pénalité de 2 500 euros par jour de retard, et ce, dès le premier jour de retard. / Délai partiel n°5 : Ripage de rails de sécurité : Si les études et travaux ne sont pas terminés dans le délai contractuel défini à l'article 3, il est appliqué à l'Entrepreneur, d'office et sans mise en demeure préalable, une pénalité de 2 500 euros par jour de retard, et ce, dès le premier jour de retard. / Délai partiel n°6 : Suppression de lacunes : Si les travaux ne sont pas terminés dans le délai contractuel défini à l'article 3, il est appliqué à l'Entrepreneur, d'office et sans mise en demeure préalable, une pénalité de 10 000 euros par jour de retard, et ce, dès le premier jour de retard. ".

7. D'une part, il résulte de l'instruction que, par un ordre de service n° 6, réceptionné le 27 décembre 2017 par la société Colas Rail, le maître d'œuvre a notifié à l'entrepreneur un nouveau planning d'exécution, joint à ce document, accompagné d'un plan d'action comprenant notamment une inversion du sens du travail. Si ce courrier prévoit que les délais particuliers ne sont pas modifiés, la société Colas Rail a toutefois émis des réserves sur cet ordre de service par un courrier du 11 janvier 2018, en faisant valoir notamment que ce planning était en contradiction avec les durées initiales du cahier des prescriptions spéciales et en demandant au maître d'œuvre de " revoir sa position sur la durée réelle des travaux faisant l'objet de chaque délai partiel ". Si SNCF Réseau fait valoir que ce courrier a été reçu au-delà du délai de quinze jours suivant la notification de l'ordre de service, il n'est pas contesté que la société Colas Rail a procédé à un envoi anticipé de ces réserves par un courrier électronique envoyé dès le 11 janvier 2018. Dès lors, et alors que cette contestation ne se rattache pas à une cause juridique distincte de celle qui a été invoquée en première instance, la société Colas Rail est recevable à contester les prescriptions du planning notifié par ordre de service n° 6.

8. D'autre part, il résulte de l'instruction que divers travaux supplémentaires ont été demandés à la société requérante, notamment l'augmentation de l'épaisseur de ballast sain pour le porter à 220 mm alors que le bordereau de prix unitaire initial prévoyait un dégarnissage jusqu'à 15 cm sous le niveau inférieur des traverses, la réalisation d'une polygonale complète de la voie et de l'ensemble des études d'exécution, la réalisation d'études pour augmenter la vitesse de circulation commerciale à 80 km/h alors que, contrairement à ce que soutient SNCF Réseau, les travaux, qui ne concernaient que certaines parties de la voie, n'étaient initialement prévus que pour permettre la circulation à 40 km/h, des travaux supplémentaires dans le tunnel du Porcarezzo, du fait de la présence d'infiltrations, notifiés par l'ordre de service n°12 du 2 mars 2018, reçu le

5 mars 2018, ainsi que des travaux de reprise de la voie hors zones travaillées. En outre, il ressort des comptes rendus hebdomadaires produits au dossier que, jusqu'en décembre 2017, la société Colas Rail a été confrontée à des retards et à un échelonnement des livraisons des fournitures nécessaires aux travaux. Par ailleurs l'ordre d'intervention a été inversé, l'ensemble des travaux principaux de voie ayant été replanifié, en partant de la zone visée par le délai partiel n° 4 vers la zone concernée par le délai partiel n° 1, la réorganisation ainsi opérée par l'OS n° 6 étant à l'origine d'une " coactivité " plus importante avec les autres intervenants au chantier. Or il résulte de l'instruction que l'ordre de service n° 6 n'a fait que modifier rétroactivement la date de démarrage de tous les délais partiels " géographiques " au 4 octobre 2017 sans modifier les délais particuliers et sans prendre en compte l'ensemble des circonstances mentionnées ci-dessus, en particulier les délais nécessaires à la réalisation des travaux supplémentaires dont certains sont pourtant mentionnés sur le nouveau planning. Dans ces conditions, le planning initial annexé au cahier des prescriptions spécial ayant été largement modifié sans accord de l'entreprise sur un nouveau calendrier détaillé, la société Colas Rail est fondée à soutenir que ni le délai global, appliqué sans prise en compte du décalage du début du chantier et des travaux supplémentaires hors marché intervenus en fin d'exécution, ni les délais partiels calculés sur la base tant du calendrier initial, que du nouveau calendrier annexé à l'ordre de service n° 6, ne pouvaient servir à déterminer les pénalités de retard. En l'absence d'avenant au marché intervenu pour fixer de nouveaux délais tenant compte de la modification des contraintes d'exécution, la société Colas Rail est fondée à demander la décharge des pénalités de retard dans l'exécution du marché.

9. En second lieu, aux termes de l'article 11.2. du cahier des prescriptions spéciales concernant les pénalités relatives à l'organisation, au suivi ou au règlement des travaux : " Retard dans la remise du programme d'exécution : Pour tout retard dans la présentation du programme d'exécution dû par l'entrepreneur, il est retenu une pénalité de 300 euros par jour de calendrier de retard au-delà du délai précisé à l'article 6.7 / Pénalités pour retard dans la remise de documents divers : L'Entrepreneur est passible par document d'une pénalité journalière de 100 euros à partir du 1er jour de retard pour les autres documents listés à l'article 6.7. / L'entrepreneur est passible d'une pénalité journalière de 80 euros pour chaque élément manquant dans chaque document à partir du 1er jour de retard. ". L'article 6.7.2 du même cahier liste les documents à fournir avant le début d'exécution des travaux et stipule : " L'approbation des documents ci-dessus conditionne le début des travaux. / Aucun travail ne peut être entrepris avant le visa des plans d'exécutions correspondants, des notes de calcul ou encore des procédures. (...) Le titulaire dispose d'un délai de 7 jours de calendrier à compter de la réception desdits documents pour présenter des documents " Bon Pour Exécution " (BPE) ou des documents tenant compte de l'ensemble des remarques. / S'il s'agit d'un deuxième envoi de documents ou de mise au point de documents déjà examinés, le délai de traitement par la MOE, la mission environnement, et le CSPS est de 15 jours de calendrier, et le titulaire dispose alors d'un délai de 4 jours de calendrier. (...) ".

10. Si la société Colas Rail soutient que les pénalités en raison de retards dans la remise de documents d'exécution ne pouvaient pas lui être appliquées en l'absence de visa par le maître d'œuvre des documents généraux dont dépendait le démarrage des travaux, il résulte en tout état de cause des mentions du décompte général qui lui a été notifié que les pénalités mises à sa charge n'ont pas été calculées en raison du non-respect du délai de remise des documents, avant démarrage des travaux, mais visent à sanctionner les retards, non contestés, de mise au point, à la suite des observations du maître d'œuvre, de documents précédemment remis, dans le délai de quatre jours fixé par l'avant-dernier alinéa de l'article 6.7.2. précité. La société Colas Rail n'est dès lors pas fondée à demander la décharge des pénalités qui lui ont été infligées à ce titre.

S'agissant des réfactions :

11. Aux termes de l'article 58.2 du CCCG Travaux relatif aux dommages subis par le maître de l'ouvrage : " 58.21 Dommages matériels : 58.211 L'entrepreneur supporte seul les conséquences pécuniaires des dommages matériels de toute nature qui pourraient atteindre les biens du maître de l'ouvrage et de son mandataire, dont ils sont propriétaires ou détenteurs à quelque titre que ce soit. (...) / 58.212 Le maître de l'ouvrage réalise ou fait réaliser la remise en état de ses biens endommagés au cours ou à la fin de l'exécution des travaux. Les frais correspondants sont supportés par l'entrepreneur. (...). ".

12. La société Colas Rail soutient que les réfactions opérées en raison de la dégradation des installations de sécurité ne sont justifiées ni dans leur principe ni dans leur montant en l'absence de document justificatif des dépenses et en l'absence de démonstration tant de la réalité de ces dégradations que de leur imputabilité à une faute de l'entreprise. Contrairement à ce que soutient SNCF Réseau, un tel moyen est recevable dès lors qu'il ne se rattache pas à une cause juridique distincte de celles qui ont été soulevées en première instance et dès lors que le principe des réfactions opérées au titre des dégradations a été contesté par l'entreprise dans son mémoire de réclamation. Par ailleurs, si la réalité des dépenses est justifiée ainsi que leur montant par la production de la commande passée à l'établissement Legrand, la responsabilité de la société

Colas Rail dans ces dégradations n'est établie par aucune pièce du dossier, le message électronique de la société Sferis du 18 janvier 2018 faisant état d'une dégradation " Croco et pédale " à la suite du déraillement d'un engin de la société Colas Rail étant insuffisant pour démontrer, en l'absence de production de fiches d'incident ou de constats contradictoires, que la société Colas Rail, qui n'était pas seule à intervenir sur le chantier, serait à l'origine des dégradations qui ont fait l'objet de la remise à niveau des installations électriques de signalisations demandées à l'entreprise Legrand. Dans ces conditions, la société requérante est fondée à contester le principe des réfactions opérées à ce titre.

S'agissant des retards dans le démarrage du chantier :

13. La société Colas Rail demande l'indemnisation des surcoûts qu'elle estime avoir dû supporter en raison des retards dans le démarrage du chantier qu'elle impute à une mise à disposition tardive de la base travaux par le maître d'ouvrage. Elle soutient qu'elle a été confrontée à une impossibilité d'acheminer ses trains et partant, l'ensemble de ses fournitures, en raison de la réalisation de travaux, par un tiers, sur les voies de service de la gare de Breil-sur-Roya et qu'elle n'a eu l'autorisation de circuler sur l'ensemble des voies mises à sa disposition conformément à l'article 2.3.2 de la notice descriptive générale du lot que le 3 octobre 2017. Elle fait valoir qu'elle a dû, de ce fait, immobiliser des moyens en pure perte entre le 11 septembre 2017, date à laquelle les travaux auraient dû commencer, et le 3 octobre 2017. Toutefois, s'il résulte de l'instruction, en particulier des comptes rendus de réunion hebdomadaire du 27 septembre 2017 et du

4 octobre 2017 ainsi que d'un courrier électronique du 3 octobre 2017, que la société Colas Rail n'a obtenu l'autorisation de circulation sur les voies de service qu'à compter du 4 octobre 2017, il ressort de ces mêmes comptes rendus, qu'ainsi que le fait valoir SNCF Réseaux, la société Colas Rail n'avait pas remis, avant cette même date, l'ensemble des documents nécessaires au démarrage des opérations, notamment les certificats d'immatriculation et les agréments des wagons, des locomotives et des pelles rail/route, de sorte que le retard pris dans le démarrage du chantier lui est également imputable. Dès lors, la société Colas Rail n'est pas fondée à demander une indemnisation à ce titre, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée à cette demande par SNCF Réseau.

S'agissant des retards dans la livraison des matériels :

14. La société Colas Rail demande l'indemnisation de préjudices d'immobilisation et de perte de rendement qu'elle estime avoir subis du fait des retards dans la livraison des matériels nécessaires à la réalisation des filets DCR et des travaux de voie. Elle soutient qu'elle a été empêchée de procéder à l'inventaire des matériels DCR, à l'assemblage des pièces, à l'équipement des supports et matériels en amont du point de départ du démarrage des travaux et a dû se réorganiser au fur et à mesure des livraisons, ce qui a entrainé une perte de productivité et donc, de rendement des travaux. Toutefois, s'il résulte de l'instruction que des retards dans la livraison de fournitures nécessaires au chantier ont été constatés au cours de son exécution, et que les boulons à came qui lui avaient été fournis pour la réalisation des travaux d'épuration de la zone n° 1 n'étaient pas conformes et ne pouvaient être utilisés avec les traverses bi-blocs en place, la société Colas Rail ne justifie pas, en l'absence de toute production de documents comptables ou de plannings des ouvriers concernés, de la réalité des préjudices d'immobilisation, de perte de rendement et de perte de cadence qu'elle affirme avoir subis, alors qu'il est constant qu'une partie de ses moyens a été réaffectée à d'autres tâches. Dès lors, la société Colas Rail n'est pas fondée à demander une indemnisation à ce titre, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de

non-recevoir opposée à cette demande par SNCF Réseau.

S'agissant des sujétions techniques imprévues :

15. Les sujétions techniques imprévues pouvant donner lieu à indemnisation sont les difficultés matérielles lors de l'exécution d'un marché, présentant un caractère exceptionnel, imprévisibles lors de la conclusion du contrat et dont la cause est extérieure aux parties.

16. La société Colas Rail demande l'indemnisation, au titre des sujétions techniques imprévues, des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison de la perte de la couverture radio à plusieurs reprises sur le chantier entre le 31 octobre 2017 et le 6 novembre 2017. Toutefois, si la perte de la couverture radio indispensable à la poursuite des travaux en toute sécurité est avérée, et a pour origine des travaux de maintenance réalisés sur les antennes relais du réseau de téléphonie de la société Orange, extérieurs au chantier, ces circonstances ne sont pas constitutives de difficultés matérielles exceptionnelles compte tenu de la durée limitée de l'évènement et de la possibilité, pour la société requérante, d'affecter ses équipes à d'autres tâches. Dès lors, la société Colas Rail n'est pas fondée à demander une indemnisation à ce titre, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée à cette demande par SNCF Réseau.

S'agissant de l'obligation du port de masques auto-sauveteurs :

17. Aux termes de l'articles 8.3.1. du cahier des prescriptions spéciales : " généralités : (...) Pour l'accès de l'Entrepreneur, de ses préposés, véhicules et engins à ces emplacements, locaux et installations, l'Entrepreneur respecte les prescriptions particulières du plan de prévention ou du plan général de coordination. ". Aux termes de l'article 1.6.1 du plan général de coordination en matière de sécurité et de protection de la santé : " L'entreprise titulaire devra : produire un plan d'installations de chantier, en annexe à son plan particulier de sécurité et de protection de la santé (PPSPS), sur lequel sera reporté l'ensemble des installations de chantier dues au titre de son marché, notamment les balisages des postes et/ou zones d'intervention, les protections collectives (références et description) et tout autre renseignement quant aux moyens et dispositifs mis en œuvre en vue d'assurer et de garantir les sécurité des personnes (...). ". Selon l'article 5.5 de la procédure sécurité pour travaux en tunnel créée par Colas Rail le

28 septembre 2017 : " Masques auto-sauveteurs : Chaque personne entrant dans un tunnel doit être en possession d'un masque auto-sauveteur ayant une autonomie de 15 min. Il est de la responsabilité de chaque intervenant de porter ce masque à la ceinture ou de s'assurer de l'avoir à porter de main (notamment pour les conducteurs d'engin). / Ces masques auto-sauveteurs doivent permettre l'évacuation du tunnel notamment en cas d'incendie et présence de fumée (scellement du masque et pression de la bouteille). En cas de détérioration, perte ou utilisation du masque tenir informer la hiérarchie afin de procéder à son remplacement. ".

18. Il résulte de ces stipulations que, contrairement à ce que soutient la société Colas Rail, le port des masques " auto-sauveteur " devait être considéré comme obligatoire dans les tunnels de plus de 400 mètres, qu'il s'agisse d'y effectuer des travaux ou de les traverser. Elle n'est, dès lors, pas fondée, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée à cette demande par SNCF Réseau, à demander l'indemnisation du préjudice, au demeurant non justifié, qu'elle soutient avoir subi du fait de l'interdiction opposée au personnel de la société SDTP, son sous-traitant, qui n'était pas muni de ces masques, de traverser ces tunnels sans justifier du matériel de sécurité nécessaire.

S'agissant de la procédure de déchargement des rails :

19. La société Colas Rail demande l'indemnisation des surcoûts engendrés par la modification de la méthodologie de déchargement des rails demandée par le maître d'œuvre. Il résulte de l'instruction qu'elle avait proposé dans son offre une méthodologie de déchargement du rail et de stockage, très succinctement décrite, prévoyant le déchargement de deux rails par zone de 36 mètres, sur la zone d'approvisionnement, par l'arrière du wagon au moyen d'une pelle rail/route. Le 19 juillet 2017, la société Colas Rail a transmis au maître d'œuvre d'exécution des travaux, la société Systra, une procédure de déchargement fondée sur la méthodologie énoncée dans l'offre. Toutefois, la société Systra a refusé, le 5 octobre 2017, de valider la procédure qui lui était soumise, dès lors que le déchargement du rail en plaçant une pelle rail-route en fin du train travaux, qui devait alors tirer le rail du wagon et le laisser tomber sur les traverses à chaque zone de déchargement, une autre pelle rail-route devant alors le déplacer sur le côté de la voie, était susceptible de blesser le rail et les traverses, et d'être ainsi à l'origine de non-conformités sur le rail. Contrairement à ce que soutient la société requérante, la société Systra n'a pas exigé de la société Colas Rail qu'elle modifie la méthodologie proposée dans son offre mais a relevé que la procédure transmise ne permettait pas d'éviter que les rails soient faussés lors de leur déchargement, la circonstance que la procédure proposée ne serait pas contraire à la norme

IN 0026, étant à cet égard sans incidence. Il n'est d'ailleurs pas contesté que le maître d'œuvre a néanmoins proposé à la société Colas Rail une nouvelle procédure d'exécution conforme à la méthodologie proposée dans son offre, qui consistait à louer deux treuils à disposer sur les wagons du rail, permettant ainsi son déchargement en deux points, aux extrémités, au droit de chaque zone de travail prévue et directement en bord de voie, solution qui aurait permis d'exclure tout risque de blesser le rail. Si, en réponse à cette demande, la société Colas Rail a décidé d'une méthodologie différente et plus onéreuse car prévoyant le déchargement des rails dans des zones de stockage, cette situation relève du seul fait de la société Colas Rail et n'ouvre dès lors pas droit au paiement des dépenses supplémentaires exposées, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de

non-recevoir opposée à cette demande par SNCF Réseau.

S'agissant de la non-couverture des frais généraux :

20. La société Colas Rail demande réparation des conséquences financières de la

non-couverture de ses frais généraux du fait des retards dans l'exécution du marché qu'elle impute à diverses fautes du maître d'ouvrage. Toutefois, la société requérante, qui ne verse au dossier que des tableaux qu'elle a elle-même établis et qui ne sont appuyés par aucun document comptable, ne produit aucun justificatif permettant d'établir la réalité ni le bien-fondé des frais dont elle demande le paiement.

S'agissant des métrés supplémentaires, des prix nouveaux et des fournitures sur factures :

21. Aux termes de l'article 9.1.1 du cahier des prescriptions spéciales : " Les travaux sont payés aux prix unitaires du bordereau de prix joint au marché. " Aux termes de l'article 11.13 du CCCG-Travaux : " Dans le cas d'application d'un prix unitaire, la détermination de la somme due s'obtient en multipliant ce prix par les quantités élémentaires exécutées correspondantes ou par le nombre d'éléments d'ouvrage mis en œuvre. ". Aux termes de l'article 12-11 du même cahier : " A la demande de l'entrepreneur ou du maître d'œuvre, il est pris attachement, à partir des constatations faites sur le chantier, des éléments qualitatifs et quantitatifs relatifs aux travaux exécutés qui doivent être ultérieurement cachés ou inaccessibles, ainsi qu'aux prestations ou faits dont il serait ultérieurement impossible d'établir l'existence. ". Aux termes de l'article 12-17 du même cahier : " L'entrepreneur est tenu de provoquer en temps utile la prise contradictoire des attachements pour les travaux, prestations, fournitures, ou faits, qui ne seraient pas susceptibles de constatations ou de vérifications ultérieures, faute de quoi il doit, sauf preuves contraires à fournir par lui et à ses frais, accepter les décisions du maître d'œuvre. ". Selon l'article 13.31 du CCCG : " Dans les quarante-cinq jours suivant la date d'établissement du procès-verbal de réception des travaux, l'entrepreneur dresse et remet au maître d'œuvre le projet de décompte final établissant le montant total des sommes auxquelles il peut prétendre du fait de l'exécution du marché. Ce projet de décompte final est établi, comme les projets de décomptes mensuels, à partir des " prix de base ", c'est-à-dire des prix figurant dans le marché y compris les minorations ou majorations qui peuvent y être indiquées, et hors TVA. L'effet de l'actualisation ou de la révision des prix est, le cas échéant, pris en compte dans le calcul de ce montant. Le projet de décompte final comporte les différentes parties prévues au paragraphe 22 du présent article et est accompagné des pièces justificatives prévues au paragraphe 21 du présent article. Les évaluations sont faites en tenant compte des prestations réellement exécutées sur la base de métrés établis à partir des attachements ou des constatations contradictoires. "

22. D'une part, la société requérante n'établit pas, par la production de documents intitulés " attachements " qu'elle soutient avoir présentés à la signature du maître d'œuvre mais qui portent uniquement sur les préjudices allégués d'immobilisation et de perte de rendement, qu'elle aurait sollicité l'établissement d'attachements contradictoires portant sur les quantités élémentaires exécutées. Par ailleurs, elle produit, pour seuls justificatifs de sa demande tendant à l'indemnisation des écarts de métrés des travaux réalisés qui sont constatés entre, d'une part, le projet de décompte final qu'elle a adressé au maître d'œuvre et, d'autre part, le décompte général qui lui a été notifié, des tableaux établis par elle-même sans justificatif d'achat des fournitures et sans produire aucun autre document comptable. Elle ne fournit ainsi aucun élément de nature à attester de la matérialité des quantités qui sont reportées dans ces tableaux.

23. D'autre part, en se bornant à comparer les sous-détails de prix unitaires qu'elle a soumis au maître d'œuvre en cours de chantier avec les prix nouveaux provisoires qui lui ont été notifiés, sans apporter les éléments et justificatifs de nature à démontrer le bien-fondé de ses demandes, la société Colas Rail n'établit pas que les sommes versées par SNCF Réseau rémunéreraient insuffisamment les prestations correspondantes.

24. Enfin, la demande de paiement des fournitures sur factures non entièrement prises en compte n'est pas davantage justifiée.

25. Dès lors, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité de ses demandes relatives aux prix nouveaux notifiés par SNCF Réseau, la société Colas Rail n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes relatives aux écarts de métrés, aux prix nouveaux et aux fournitures sur factures.

En ce qui concerne l'appel incident :

26. Il résulte de l'instruction que la prolongation de la durée du chantier résultant notamment des travaux supplémentaires demandés à l'entreprise ne peut être regardée comme étant exclusivement imputable à la société Colas Rail. Dans ces conditions, SNCF Réseau n'établit pas l'existence d'un lien de causalité entre les fautes contractuelles qu'elle impute à la société Colas Rail et l'allongement du délai global du chantier ayant nécessité la prolongation des contrats du maître d'œuvre et de la société chargée de la gestion de la sécurité de la ligne. Dès lors, SNCF Réseau n'est pas fondé à se plaindre de ce que les premiers juges ont estimé qu'il convenait de déduire du solde du marché les sommes de 341 366 euros et 259 795 euros, respectivement versées aux sociétés Systra et Sferis au titre de l'allongement de la durée du chantier.

27. Il résulte de tout ce qui précède que le montant du décompte général doit être ramené à la somme de 5 018 514,16 euros HT, comprenant le montant hors taxes du décompte notifié, soit la somme de 4 668 658,76 euros HT, augmentée de la somme de

20 910,55 euros, correspondant à la différence entre la retenue de 42 766,15 euros opérée au décompte général et le règlement opéré auprès de la société Tetra pour un montant de

21 855,70 euros, dont SNCF Réseau admet être redevable envers la société Colas Rail, de la somme de 601 161 euros, correspondant à la rémunération complémentaire versée par SNCF Réseau aux sociétés Systra et Sferis et de la somme de 151 469 euros correspondant aux dégradations des installations de sécurité, auquel il convient de retrancher la somme de

423 685,15 euros au titre des pénalités restant dues. Les acomptes payés à l'entreprise s'élevant à la somme de 5 152 927,13 euros, la société Colas Rail reste redevable de la somme de

134 412,97 euros. Il y a lieu, par conséquent, de la condamner à payer cette somme à SNCF Réseau au titre du solde du décompte.

Sur les intérêts sur le solde du marché et la capitalisation des intérêts :

28. Il résulte de l'instruction que le décompte général du marché a été notifié à la société Colas Rail le 3 avril 2019. Dans ces conditions, SNCF Réseau est fondée à demander que la somme due par la société Colas Rail au titre du solde du marché soit assortie des intérêts au taux légal à compter de cette date qui constitue la première demande de paiement. La capitalisation des intérêts ayant été demandée pour la première fois par SNCF Réseau dans un mémoire enregistré le

3 juin 2022, date à laquelle était due plus d'une année d'intérêts, la capitalisation des intérêts échus doit être accordée à cette date puis à chaque échéance annuelle.

29. Il résulte de ce qui précède que la société Colas Rail est fondée à demander la réformation du jugement du 5 octobre 2021 du tribunal administratif de Paris en ce qu'il a fixé le solde négatif du décompte général à payer par la société Colas Rail à la somme de 2 011 003,44 euros.

Sur les frais non compris dans les dépens :

30. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Colas Rail, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par SNCF Réseau, au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de SNCF Réseau la somme de 4 000 euros à raison des frais exposés par la société Colas Rail au même titre. Il n'y a pas lieu, en revanche, de faire droit aux conclusions présentées sur le même fondement par la société Systra qui a la qualité d'observateur dans la présente instance.

D E C I D E :

Article 1er : Le solde du décompte général fixé par l'article 1er du jugement n° 1810361,1823672,1922075/3-1 du 5 octobre 2021 du tribunal administratif de Paris est ramené à la somme de de 134 412,97 euros HT à payer par la société Colas Rail.

Article 2 : La société Colas Rail est condamnée à payer à SNCF Réseau, à titre de solde du marché, la somme totale de 134 412,97 euros HT assortie des intérêts au taux légal à compter du

3 avril 2019 avec capitalisation des intérêts échus à la date du 3 juin 2022 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Paris du 5 octobre 2021 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : La société SNCF Réseau versera la somme de 4 000 euros à la société Colas Rail au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 6 : Le présent jugement sera notifié à la société Colas rail, à la société SNCF Réseau et à la société Systra.

Délibéré après l'audience du 12 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Heers, présidente,

Mme Bruston, présidente assesseure,

Mme Saint-Macary, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 janvier 2024.

La rapporteure,

S. BRUSTON

La présidente,

M. HEERS La greffière,

A. GASPARYAN

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA06168


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA06168
Date de la décision : 26/01/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: Mme Servane BRUSTON
Rapporteur public ?: Mme LIPSOS
Avocat(s) : LAMY & ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 04/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-01-26;21pa06168 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award