Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 13 juin 2023 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a assigné à résidence sur le territoire de la commune des Lilas pour une durée de quarante-cinq jours, renouvelable une fois.
Par un jugement n° 2307440 du 30 juin 2023, la magistrate désignée par le président du Tribunal administratif de Montreuil, après avoir admis M. A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire, a annulé l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 13 juin 2023, a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser à Me Mapche Tagne au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 26 juillet 2023, le préfet de la Seine-Saint-Denis demande à la Cour :
1°) d'annuler les articles 2 et 3 de ce jugement du 30 juin 2023 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le Tribunal administratif de Montreuil.
Il soutient que :
- il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de M. A... dès lors que l'arrêté du préfet des Hauts-de-Seine du 22 juin 2023 l'assignant à résidence sur le territoire de la commune de Meudon a emporté l'annulation de l'arrêté du 13 juin 2023 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis l'avait assigné à résidence sur le territoire de la commune des Lilas ;
- le motif d'annulation retenu par la magistrate désignée par le président du Tribunal administratif de Montreuil n'est pas fondé ;
- les autres moyens soulevés en première instance par M. A... ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 octobre 2023, M. A..., représentée par Me Mapche Tagne, conclut au rejet de la requête et demande à la Cour :
1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;
2°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de procéder sans délai au retrait de son signalement aux fins de non-admission au système d'information Schengen ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le motif d'annulation retenu par la magistrate désignée par le président du Tribunal administratif de Montreuil est fondé ;
- les moyens soulevés par le préfet de la Seine-Saint-Denis ne sont pas fondés.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de ce qu'en vertu de l'autorité de chose jugée dont est revêtu le jugement n°s 2308564, 2308589 du 4 juillet 2023, devenu définitif, du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, l'annulation par ce tribunal de l'arrêté du préfet de police du 13 juin 2023 faisant obligation à M. A... de quitter le territoire français sans délai sur le fondement duquel l'arrêté attaqué a été pris, emporte, par voie de conséquence, l'annulation de l'arrêté à l'origine du litige.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du Tribunal judiciaire de Paris du 28 novembre 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Desvigne-Repusseau a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier, notamment des pièces produites pour la première fois en appel, que, par un arrêté du 13 juin 2023, notifié le même jour, le préfet de police a obligé M. A..., ressortissant ivoirien, né en 2002, à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné et l'a placé en rétention administrative. Le juge des libertés et de la détention du Tribunal judiciaire de Paris ayant mis fin à son placement en rétention par une ordonnance du 16 juin 2023, confirmée en appel par une ordonnance du 19 juin 2023 du premier président de la Cour d'appel de Paris, le préfet de la Seine-Saint-Denis a assigné l'intéressé à résidence sur le territoire de la commune des Lilas (Seine-Saint-Denis) par un arrêté du 13 juin 2023, notifié le 19 juin 2023, et le préfet des Hauts-de-Seine a assigné la même personne à résidence sur le territoire de la commune de Meudon (Hauts-de-Seine) par un arrêté du 22 juin 2023. Par un jugement n°s 2308564, 2308589 du 4 juillet 2023, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé le surplus des décisions contenues dans l'arrêté du préfet de police du 13 juin 2023 ainsi que l'arrêté du préfet des Hauts-de-Seine du 22 juin 2023. Le préfet de la Seine-Saint-Denis fait appel du jugement du 30 juin 2023 par lequel la magistrate désignée par le président du Tribunal administratif de Montreuil a annulé l'arrêté du 13 juin 2023 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a assigné M. A... à résidence sur le territoire de la commune des Lilas pour une durée de quarante-cinq jours, renouvelable une fois.
Sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :
2. Aux termes de l'article 8 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique " Toute personne admise à l'aide juridictionnelle en conserve de plein droit le bénéfice pour se défendre en cas d'exercice d'une voie de recours ".
3. M. A... ayant été admis au bénéfice provisoire de l'aide juridictionnelle par le jugement attaqué, il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions renouvelant cette demande.
Sur l'exception de non-lieu opposée par le préfet de la Seine-Saint-Denis :
4. Aux termes de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut assigner à résidence l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, dans les cas suivants : / 1° L'étranger fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, prise moins d'un an auparavant, pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé / (...) ". Aux termes de l'article R. 732-1 de ce code : " L'autorité administrative compétente pour assigner un étranger à résidence en application de l'article L. 731-1 est le préfet de département où se situe le lieu d'assignation à résidence et, à Paris, le préfet de police ".
5. D'une part, un recours pour excès de pouvoir dirigé contre un acte administratif n'a d'autre objet que d'en faire prononcer l'annulation avec effet rétroactif. Si, avant que le juge n'ait statué, l'acte attaqué est rapporté par l'autorité compétente et si le retrait ainsi opéré acquiert un caractère définitif faute d'être critiqué dans le délai du recours contentieux, il emporte alors disparition rétroactive de l'ordonnancement juridique de l'acte contesté, ce qui conduit à ce qu'il n'y ait lieu pour le juge de la légalité de statuer sur le mérite du recours dont il était saisi. Il en va ainsi, quand bien même l'acte rapporté aurait reçu exécution. Dans le cas où l'administration se borne à procéder à l'abrogation de l'acte attaqué, cette circonstance prive d'objet le recours formé à son encontre, à la double condition que cet acte n'ait reçu aucune exécution pendant la période où il était en vigueur et que la décision procédant à son abrogation soit devenue définitive.
6. D'autre part, en l'absence de toute disposition contraire le pouvoir de retirer ou d'abroger une décision d'assignation à résidence d'un étranger appartient au préfet de département où se situe le lieu d'assignation à résidence et, à Paris, au préfet de police.
7. Au soutien de sa requête, le préfet de la Seine-Saint-Denis fait valoir que, postérieurement à l'arrêté attaqué du 13 juin 2023 et antérieurement au jugement attaqué du 30 juin 2023, le préfet des Hauts-de-Seine a assigné M. A... à résidence sur le territoire de la commune de Meudon par un arrêté du 22 juin 2023, de sorte que ce dernier arrêté aurait emporté l'annulation de l'arrêté attaqué avant que la première juge n'ait à statuer sur la demande de M. A.... Toutefois, l'arrêté du préfet des Hauts-de-Seine du 22 juin 2023 ne peut être regardé comme ayant retiré ou abrogé l'arrêté attaqué au cours de la première instance dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, et n'est d'ailleurs pas allégué, que le préfet de la Seine-Saint-Denis, qui est la seule autorité compétente pour le faire, aurait retiré ou abrogé l'arrêté attaqué, qui a au demeurant reçu un début d'exécution. Par suite, l'exception de non-lieu opposée par le préfet de la Seine-Saint-Denis ne peut, en tout état de cause, qu'être écartée.
Sur le fond du litige :
8. Il ressort des pièces du dossier qu'en application des dispositions précitées du 1° de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'arrêté du 13 juin 2023 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a compétemment assigné M. A... à résidence sur le territoire de la commune des Lilas, située en Seine-Saint-Denis, a été pris en se fondant sur l'arrêté du même jour par lequel le préfet de police a fait obligation à l'intéressé de quitter le territoire français sans délai. Par un jugement n°s 2308564, 2308589 du 4 juillet 2023, devenu définitif faute d'avoir été contesté, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé l'arrêté du préfet de police du 13 juin 2023. Ainsi, en vertu de l'autorité de chose jugée qui s'attache à ce jugement, l'annulation de l'arrêté du préfet de police du 13 juin 2023 emporte, par voie de conséquence, celle de l'arrêté du même jour par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a assigné M. A... à résidence sur le territoire de la commune des Lilas.
9. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens soulevés par M. A... devant le Tribunal administratif de Montreuil et devant la Cour, que le préfet de la Seine-Saint-Denis n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du Tribunal administratif de Montreuil a annulé l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 13 juin 2023.
Sur les conclusions à fin d'injonction présentées en appel par M. A... :
10. Aux termes de l'article L. 613-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel est notifiée une interdiction de retour sur le territoire français est informé qu'il fait l'objet d'un signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen, conformément à l'article 24 du règlement (UE) n° 2018/1861 du Parlement européen et du Conseil du 28 novembre 2018 sur l'établissement, le fonctionnement et l'utilisation du système d'information Schengen (SIS) dans le domaine des vérifications aux frontières, modifiant la convention d'application de l'accord de Schengen et modifiant et abrogeant le règlement (CE) n° 1987/2006 / (...) ".
11. Les conclusions de M. A... tendant à ce que la Cour enjoigne au préfet de la Seine-Saint-Denis de procéder sans délai au retrait de son signalement aux fins de non-admission au système d'information Schengen ne peuvent qu'être rejetées, dès lors que l'assignation à résidence d'un étranger n'implique pas un tel signalement. Du reste, il résulte de l'instruction que, par le jugement n°s 2308564, 2308589 du 4 juillet 2023, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a enjoint au préfet des Hauts-de-Seine ou à tout autre préfet territorialement compétent de procéder à la suppression du signalement de M. A... aux fins de non-admission au système d'information Schengen.
Sur les frais liés au litige :
12. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme demandée au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur la demande de M. A... tendant à être admis, à titre provisoire, au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Article 2 : La requête du préfet de la Seine-Saint-Denis est rejetée.
Article 3 : Les conclusions présentées en appel par M. A... sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. B... A....
Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis, au préfet de police et au préfet des Hauts-de-Seine.
Délibéré après l'audience du 9 janvier 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Auvray, président de chambre,
- Mme Hamon, présidente-assesseure,
- M. Desvigne-Repusseau, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 janvier 2024.
Le rapporteur,
M. DESVIGNE-REPUSSEAULe président,
B. AUVRAY
La greffière,
C. BUOT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 23PA03342