Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler les arrêtés du 30 mars 2023 par lesquels le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de douze mois.
Par une ordonnance du 3 avril 2023, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Paris a transmis le dossier de la requête de M. A... au Tribunal administratif de Montreuil.
Par un jugement n° 2304074 du 21 juin 2023, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 13 juillet 2023, M. A..., représenté par Me Guilmoto, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 21 juin 2023 ;
2°) d'annuler les arrêtés du préfet de police du 30 mars 2023 ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de réexaminer sa situation dans un délai de trois mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle méconnaît les dispositions des articles L. 423-23, L. 435-1 et L. 435-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation ;
S'agissant de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de douze mois :
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation.
Par une ordonnance du 26 septembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 2 novembre 2023 à 12 heures.
Un mémoire, présenté par le préfet de police, a été enregistré le 21 décembre 2023, soit postérieurement à la clôture de l'instruction, et n'a pas été communiqué.
Une pièce, produite pour M. A..., a été enregistrée le 21 décembre 2023, soit postérieurement à la clôture de l'instruction, et n'a pas été communiquée.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Desvigne-Repusseau,
- et les observations de Me Guilmoto, avocat de M. A....
Des pièces, produites pour M. A..., ont été enregistrées les 10 et 11 janvier 2024, soit postérieurement à l'audience publique, et n'ont pas été communiquées.
Considérant ce qui suit :
1. Par deux arrêtés distincts du 30 mars 2023, le préfet de police a, d'une part, obligé M. A..., ressortissant srilankais, né en 1968, à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné et, d'autre part, prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de douze mois. M. A... fait appel du jugement du 21 juin 2023 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces arrêtés.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Aux termes de l'article L. 435-1 de ce code : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 / (...) ". Aux termes de l'article L. 435-2 du même code : " L'étranger accueilli par les organismes mentionnés au premier alinéa de l'article L. 265-1 du code de l'action sociale et des familles et justifiant de trois années d'activité ininterrompue au sein de ce dernier, du caractère réel et sérieux de cette activité et de ses perspectives d'intégration, peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 / (...) ".
3. Indépendamment de l'énumération donnée par les articles L. 611-3 et L. 631-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile des catégories d'étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'éloignement, qu'il s'agisse d'une obligation de quitter le territoire français ou d'une mesure d'expulsion, l'autorité administrative ne saurait légalement prendre une mesure d'éloignement à l'encontre d'un étranger que si ce dernier se trouve en situation irrégulière au regard des règles relatives à l'entrée et au séjour. Lorsque la loi prescrit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une mesure d'éloignement.
4. D'une part, M. A... soutient qu'à la date de l'arrêté attaqué, il était en situation de se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions précitées des articles L. 435-1 et L. 435-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Toutefois, le requérant ne peut utilement invoquer ces dispositions qui ne prévoient pas la délivrance d'un titre de séjour de plein droit. Par suite, les moyens tirés de ce que le préfet de police ne pouvait légalement prendre à son encontre l'obligation de quitter le territoire français attaquée sans méconnaître ces dispositions doivent être écartés.
5. D'autre part, si M. A... justifie, par les pièces produites pour la première fois en appel, qu'il est présent sur le territoire français depuis le 1er juillet 2010, soit depuis près de treize ans à la date de l'arrêté attaqué, il ressort toutefois des pièces du dossier que celui-ci a vécu dans son pays d'origine jusqu'à l'âge de 42 ans et qu'il a déclaré, lors de son audition du 30 mars 2023 par les services de la direction de la sécurité de proximité de l'agglomération parisienne, qu'il est célibataire et sans enfant à charge en France. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier, et n'est d'ailleurs pas allégué, que le requérant aurait tissé des liens amicaux ou affectifs forts depuis son arrivée sur le territoire français. Ainsi, dans les circonstances de l'espèce, et alors même que M. A... justifie exercer une activité salariée d'électricien depuis le 5 mars 2019, la décision attaquée n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, cette décision n'a pas méconnu les dispositions précitées de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
6. En second lieu, le moyen tiré d'une erreur manifeste d'appréciation de la situation de M. A... doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux exposés au point précédent.
Sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de douze mois :
7. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612-10 de ce code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français / (...) ".
8. Il ressort des termes mêmes de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux.
9. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
10. Il ressort des pièces du dossier que le préfet de police a prononcé à l'encontre de M. A... une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de douze mois au motif que, d'une part, l'intéressé allègue être entré en France en 2010, que, d'autre part, il ne peut se prévaloir de liens suffisamment anciens, forts et caractérisés avec la France dans la mesure où s'il est déclaré célibataire et sans enfant à charge et qu'enfin, il a déjà fait l'objet d'une mesure d'éloignement prise le 23 septembre 2020 par le préfet de la Seine-Saint-Denis. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 5 et compte tenu de la circonstance qu'il ressort des pièces du dossier que le requérant a déjà fait l'objet de trois mesures d'éloignement prononcées successivement par le préfet de la Seine-Saint-Denis les 23 mai 2012, 28 février 2017 et 23 septembre 2020. Il en va de même du moyen tiré de ce que la décision portant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de douze mois est entachée d'une erreur d'appréciation de la situation de M. A....
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 9 janvier 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Auvray, président de chambre,
- Mme Hamon, présidente-assesseure,
- M. Desvigne-Repusseau, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 janvier 2024.
Le rapporteur,
M. DESVIGNE-REPUSSEAULe président,
B. AUVRAY
La greffière,
C. BUOT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23PA03102