Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au Tribunal administratif de la Polynésie française d'annuler l'arrêté du 4 octobre 2021 par lequel le maire de la commune de Papeete l'a révoqué, à compter du 15 octobre 2021, de ses fonctions de sapeur relevant du cadre d'emplois " exécution " de la fonction publique communale de la Polynésie française, d'enjoindre à la commune de Papeete de le réintégrer rétroactivement dans ses fonctions, de condamner la commune de Papeete à lui verser un rappel des traitements qu'il aurait dû percevoir à compter de la date d'effet de sa révocation et jusqu'au jour de sa réintégration effective, et de mettre à la charge de la commune de Papeete une somme de 150 000 francs CFP en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 2100488 du 26 avril 2022, le Tribunal administratif de la Polynésie française a annulé l'arrêté du maire de la commune de Papeete du 4 octobre 2021, a enjoint à la commune de Papeete de procéder à la reconstitution de la carrière et des droits sociaux de M. A... à compter du 15 octobre 2021 dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, et a rejeté le surplus des conclusions de la demande de M. A....
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 21 juillet 2022, la commune de Papeete, représentée par Me Quinquis, demande à la Cour :
1°) d'annuler les articles 1er et 2 de ce jugement du 26 avril 2022 ;
2°) de rejeter les conclusions de la demande de M. A... présentée devant le Tribunal administratif de la Polynésie française auxquelles il a été fait droit en première instance ;
3°) de mettre à la charge de M. A... une somme de 150 000 francs CFP en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le motif d'annulation retenu par les premiers juges n'est pas fondé ;
- les autres moyens soulevés en première instance par M. A... ne sont pas fondés.
La requête a été communiquée à M. A..., qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ;
- l'ordonnance n° 2005-10 du 4 janvier 2005 ;
- l'arrêté n° 1119 DIPAC du 5 juillet 2012 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Desvigne-Repusseau,
- et les conclusions de Mme Jurin, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Alors que M. A... était employé sous contrat par la commune de Papeete (Polynésie française) en qualité de sapeur-pompier professionnel depuis le 1er février 2011, le maire de cette commune a nommé l'intéressé, par un arrêté du 17 octobre 2019, en qualité de fonctionnaire titulaire au grade de sapeur dans la spécialité " sécurité civile " relevant du cadre d'emplois " exécution " de la fonction publique communale de la Polynésie française à compter du 1er novembre 2019. Par un courrier du 4 mai 2021, le maire a saisi le conseil de discipline de faits susceptibles de justifier que soit prononcée une sanction disciplinaire à l'encontre de M. A..., qui était affecté à la direction de la protection civile et de lutte contre l'incendie de la commune de Papeete depuis le 1er février 2011. Par un arrêté du 4 octobre 2021, pris à la suite de l'avis du conseil de discipline du 4 août 2021, le maire de la commune de Papeete a prononcé la révocation de l'intéressé à compter du 15 octobre 2021. La commune de Papeete fait appel du jugement du 26 avril 2022 en tant que le Tribunal administratif de la Polynésie française a annulé l'arrêté du maire du 4 octobre 2021 puis a enjoint à la commune de Papeete de procéder à la reconstitution de la carrière et des droits sociaux de M. A... à compter du 15 octobre 2021.
Sur le motif d'annulation retenu en première instance :
2. D'une part, aux termes de l'article 23 de l'ordonnance n° 2005-10 du 4 janvier 2005 portant statut général des fonctionnaires des communes et des groupements de communes de la Polynésie française ainsi que de leurs établissements publics administratifs : " Tout fonctionnaire, quel que soit son rang dans la hiérarchie, est responsable de l'exécution des tâches qui lui sont confiées. Il doit se conformer aux instructions de son supérieur hiérarchique sauf dans le cas où l'ordre donné est manifestement illégal et de nature à compromettre gravement un intérêt public / Il n'est dégagé d'aucune des responsabilités qui lui incombent par la responsabilité propre de ses subordonnés ". Aux termes de l'article 24 de cette ordonnance : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale / (...) ". Aux termes de l'article 63 de la même ordonnance : " Les sanctions disciplinaires (...) sont réparties en quatre groupes : / (...) / 4° Quatrième groupe : / La révocation / (...) ".
3. D'autre part, aux termes du IV de l'article 3 de l'arrêté n° 1119 DIPAC du 5 juillet 2012 fixant le statut particulier du cadre d'emploi " exécution " : " Les fonctionnaires du cadre d'emplois " exécution " appartenant à la spécialité " sécurité civile " sont des sapeurs-pompiers professionnels et participent aux missions opérationnelles dévolues aux services d'incendie et de secours communaux, intercommunaux ou d'un établissement public. Ces missions relèvent des missions dites de tronc commun (secours à personnes, lutte contre les incendies, accidents de toute nature et opérations diverses) ou des missions dites de spécialités pour lesquelles une formation spécifique est nécessaire (risque chimique, feux de forêt, sauvetage-déblaiement ...). En outre, les fonctionnaires appartenant à la spécialité " sécurité civile " occupent selon leur grade deux emplois : l'un fonctionnel et l'autre opérationnel. Les emplois opérationnels ne peuvent être exercés que sous réserve de l'obtention d'unités de valeur en " gestion opérationnelle et commandement (GOC) " / 1° Le sapeur exerce ses fonctions dans les services d'incendie et de secours des communes, des groupements de communes de la Polynésie française ainsi que de leurs établissements publics administratifs. Sur le plan opérationnel, il participe aux opérations de secours en qualité d'équipier opérationnel et dispose d'une attestation de formation qualifiante d'équipier opérationnel confirmé. Il participe aux activités de formation et peut se voir confier des tâches de gestion administrative et technique du service d'incendie et de secours auquel il est affecté / (...) ".
4. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.
5. Pour prononcer la révocation de M. A..., le maire de la commune de Papeete s'est fondé sur les circonstances que l'intéressé a quitté son poste de travail sans autorisation le 26 décembre 2019, qu'il ne s'est pas présenté à son poste de travail sans autorisation de sa hiérarchie ni justifications les 19, 20 et 21 février 2020 ainsi que les 16 et 17 mars 2020, qu'il a eu un comportement irrespectueux et a proféré des menaces verbales envers sa hiérarchie le 5 août 2020, que ses absences répétitives non autorisées ont perturbé l'organisation et le bon fonctionnement du service, alors que la Polynésie française rencontrait des difficultés sanitaires exceptionnelles, et qu'enfin, la manière de servir de M. A... n'est pas irréprochable depuis l'année 2015 dès lors que, d'une part, un avertissement lui a été infligé, le 16 mars 2015, en raison de son comportement irrespectueux et que, d'autre part, il a eu un comportement irrespectueux et désinvolte le 11 mars 2019.
6. Pour annuler cette révocation, le Tribunal administratif de la Polynésie française a considéré que, si les griefs, retenus par le maire de la commune de Papeete, tirés des absences irrégulières et du comportement irrespectueux ponctuel de M. A... dans le cadre du service, dont la matérialité des faits n'est pas sérieusement contestée par l'intéressé, sont constitutifs d'un manquement grave et fautif de M. A... à ses obligations professionnelles justifiant une sanction disciplinaire, la sanction de révocation prise à son encontre est toutefois disproportionnée au regard de ces seuls griefs.
7. Tout d'abord, la commune de Papeete fait valoir en appel que M. A... s'est comporté de manière irrespectueuse à l'égard de sa hiérarchie les 16 mars 2015, 11 mars 2019 et 5 août 2020, et non ponctuellement. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'arrêté du 16 mars 2015 infligeant un avertissement à l'intéressé est effectivement fondé sur des faits de comportement irrespectueux, dès lors que la commune de Papeete ne produit pas plus en appel qu'en première instance le rapport du 13 octobre 2014 ayant conduit à l'édiction de cet arrêté et que ni cet arrêté ni le courrier du 14 octobre 2014 convoquant M. A... à un entretien préalable n'expose de manière précise et circonstanciée les faits qui seraient à l'origine de cet avertissement, lesquels faits sont, en tout état de cause, relativement anciens à la date de la sanction de révocation attaquée. Il ne ressort pas non plus des pièces du dossier que les faits de comportement irrespectueux reprochés à M. A... le 11 mars 2019 sont établis. En revanche, l'intéressé ne conteste pas sérieusement l'altercation qu'il a eue le 5 août 2020 avec le chef du centre de secours à l'occasion d'une sortie non autorisée ainsi que les propos insultants et menaçants qu'il a pu tenir. Dans ces conditions, il ne peut être reproché à M. A... d'avoir eu de manière récurrente un comportement irrespectueux vis-à-vis de sa hiérarchie.
8. Ensuite, si M. A... s'est absenté irrégulièrement les 19, 20 et 21 février 2020, il ressort toutefois des pièces du dossier que ces absences ont été régularisées, le 27 février 2020, par la prise rétroactive de trois jours de congé annuel, de sorte que l'intéressé ne peut être regardé comme ayant été en situation d'absence injustifiée. Par ailleurs, si l'intéressé ne conteste pas sérieusement ses absences irrégulières du 26 décembre 2019 ainsi que des 16 et 17 mars 2020, il n'est pas établi, contrairement à ce que soutient la commune de Papeete, que ces trois jours d'absence irrégulière ont perturbé gravement l'organisation et le bon fonctionnement du service d'incendie et de secours, alors que, d'une part, il ressort des pièces du dossier que M. A... n'occupe pas au sein de ce service des fonctions opérationnelles de sapeur-pompier professionnel depuis qu'il a été déclaré, le 22 août 2019, physiquement inapte à exercer de telles fonctions ni ne fait partie du bureau administratif de ce service et que, d'autre part, l'état d'urgence sanitaire en Polynésie française, dont la commune de Papeete fait état, a été mis en œuvre du 24 mars 2020 au 10 juillet 2020 puis du 17 octobre 2020 au 1er juin 2021, soit après les absences irrégulières de l'intéressé.
9. Ainsi, compte tenu du caractère isolé du comportement irrespectueux de M. A... le 5 août 2020, et eu égard à la circonstance que ses absences irrégulières du 26 décembre 2019 ainsi que des 16 et 17 mars 2020 ne présentent pas un caractère de gravité particulière au regard du fonctionnement du service ni de répétition excessive, l'autorité investie du pouvoir disciplinaire doit être regardée, dans les circonstances de l'espèce et au regard du pouvoir d'appréciation dont elle disposait, comme ayant pris une sanction disproportionnée en infligeant à M. A..., en raison des faits mentionnés au présent point qui constituent une faute de nature à justifier une sanction disciplinaire, la sanction de révocation.
10. Il résulte de ce qui précède que la commune de Papeete n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de la Polynésie française a annulé l'arrêté à l'origine du litige puis l'a enjointe de procéder à la reconstitution de la carrière et des droits sociaux de M. A... à compter du 15 octobre 2021.
Sur les frais liés au litige :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. A..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la commune de Papeete demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la commune de Papeete est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au maire de la commune de Papeete et à M. B... A....
Copie en sera adressée au haut-commissaire de la République en Polynésie française.
Délibéré après l'audience du 9 janvier 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Auvray, président de chambre,
- Mme Hamon, présidente-assesseure,
- M. Desvigne-Repusseau, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 janvier 2024.
Le rapporteur,
M. DESVIGNE-REPUSSEAULe président,
B. AUVRAY
La greffière,
C. BUOT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22PA03370