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24/01/2024 | FRANCE | N°22PA02855

France | France, Cour administrative d'appel, 7ème chambre, 24 janvier 2024, 22PA02855


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... A... a demandé au Tribunal administratif de Paris, d'une part, de condamner l'Etat (directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris) à lui verser la somme de 79 000 euros, avec intérêts à compter de sa réclamation préalable et capitalisation de ces intérêts, d'autre part, d'enjoindre au directeur régional des finances publiques de Paris, sous astreinte, de procéder à des aménagements de son poste et environnement de travail.



Par un jugement n° 2005727/6-3 du 21 avril 2022, le Tribunal administratif de Paris a condamné l'...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au Tribunal administratif de Paris, d'une part, de condamner l'Etat (directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris) à lui verser la somme de 79 000 euros, avec intérêts à compter de sa réclamation préalable et capitalisation de ces intérêts, d'autre part, d'enjoindre au directeur régional des finances publiques de Paris, sous astreinte, de procéder à des aménagements de son poste et environnement de travail.

Par un jugement n° 2005727/6-3 du 21 avril 2022, le Tribunal administratif de Paris a condamné l'Etat à verser à Mme A... la somme totale de 11 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 23 mars 2020 et de la capitalisation de ces intérêts à compter du 23 mars 2021, et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 20 juin 2022, Mme A..., représentée par Me Zard, demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 2005727/6-3 du 21 avril 2022 du Tribunal administratif de Paris en tant que, par ce jugement, celui-ci a limité à la somme de 11 000 euros l'indemnité au versement de laquelle il a condamné l'Etat ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser une somme totale de 79 000 euros, assortie des intérêts au taux légal ;

3°) d'enjoindre au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris de procéder à l'aménagement de son poste et environnement de travail, selon les prescriptions de l'ergonome, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier pour avoir omis de statuer sur l'indemnisation de son déficit fonctionnel temporaire ;

- il est irrégulier pour avoir omis de statuer sur le moyen tiré de la discrimination ;

- l'absence d'aménagement de son poste et environnement de travail depuis son entrée en fonctions, en méconnaissance des articles 6 et 23 de la loi du 13 juillet 1983, constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;

- l'accident de service qu'elle a subi le 2 août 2013, ainsi que sa rechute, ont été causés par cette faute et, par suite, elle est fondée à demander la réparation de l'intégralité des préjudices qui en résultent ;

- en tout état de cause même en l'absence de faute la responsabilité de l'administration est engagée ;

- la carence dans l'aménagement de son poste et environnement de travail constitue une discrimination à raison de son handicap ;

- elle subit, du fait de ces fautes, un préjudice moral, des douleurs physiques, un déficit fonctionnel temporaire, un déficit fonctionnel permanent et un préjudice de carrière devant être réparés à hauteur de, respectivement, 20 000, 10 000, 17 000, 22 000 et 10 000 euros ;

- elle est fondée et recevable à demander qu'il soit enjoint au directeur régional des finances publiques de Paris de procéder à des aménagements de son poste et environnement de travail.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 octobre 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 19 septembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 13 octobre 2023 à 12 heures.

Un mémoire, présenté pour Mme A..., a été enregistré le 10 novembre 2023, soit postérieurement à la clôture de l'instruction, et n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Hamon,

- les conclusions de Mme Jurin, rapporteure publique,

- et les observations de Me Nieswic pour Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... A... qui a été reconnue travailleur handicapée le 28 septembre 2007, a été titularisée dans le grade de contrôleur des impôts à effet du 1er septembre 2010 et affectée à la division des affaires foncières et régionales de la direction régionale des affaires publiques (DRFIP) de Paris, puis, le 1er mars 2012, à la division de la comptabilité. Le 2 août 2013, Mme A... a été victime d'un accident reconnu imputable au service puis, le 13 décembre 2014, d'une rechute reconnue comme étant en lien direct avec cet accident. Le 25 novembre 2019, Mme A... a adressé à la DRFIP de Paris une demande indemnitaire préalable en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison de la carence de son administration d'affectation à adapter son poste et son environnement de travail à son handicap, nécessitant, notamment, des déplacements en fauteuil roulant et l'absence de port de charges. Par un jugement du 21 avril 2022 le Tribunal administratif de Paris, saisi à la suite du rejet implicite de cette demande, a condamné l'Etat à verser à Mme A... une somme totale de 11 000 euros, assortie des intérêts et de leur capitalisation, et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande tendant à l'allocation d'une indemnité totale de 79 000 euros et à ce qu'il soit enjoint au directeur régional des finances publiques de Paris de procéder à l'aménagement de son poste et environnement de travail conformément aux préconisation de l'ergonome. Mme A... fait appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas fait droit à l'intégralité des conclusions de sa demande.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, contrairement à ce que soutient la requérante, il résulte des termes du jugement attaqué, et notamment de son point 14, que le Tribunal, en lui allouant une indemnité de 4 000 euros en réparation des troubles dans ses conditions d'existence que constituent, notamment, les arrêts de travail et consultations médicales subis, n'a pas omis de statuer sur les conclusions de la requête demandant l'indemnisation du déficit fonctionnel temporaire dont Mme A... faisait état, en invoquant sur ce point les troubles dans les conditions d'existence résultant de son accident de service et de sa rechute.

3. En second lieu, il résulte également des termes du jugement attaqué, et notamment de son point 8, que le Tribunal n'a pas omis de statuer sur le moyen, soulevé par Mme A..., tiré de ce qu'elle avait fait l'objet d'une discrimination.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la responsabilité de l'Etat :

4. En premier lieu, Mme A... reprend en appel les moyens tirés de ce que l'administration aurait commis une faute de nature à engager sa responsabilité en n'ayant pas procédé aux aménagements de son poste de travail requis par les articles 6 et 23 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et en l'ayant traitée de manière discriminatoire, sans apporter d'élément de fait ou de droit nouveau de nature à remettre en cause l'appréciation portée sur ces moyens par les premiers juges. Par suite, il y a lieu de les écarter par adoption des motifs retenus à bon droit par le Tribunal.

5. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que, pas plus en appel qu'en première instance, Mme A... n'établit que l'accident de service dont elle a été victime le 2 août 2013, au décours d'une manœuvre fortuite de son fauteuil roulant électrique dont la manette de direction a heurté son bureau et provoqué un recul brutal, aurait pour cause une quelconque faute commise par l'administration dans l'aménagement de son poste de travail.

6. En troisième lieu, ainsi que l'ont relevé les premiers juges Mme A..., victime d'un accident de service ayant entraîné une prise en charge par son employeur des frais de santé engendrés par celui-ci et par sa rechute en application de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983, peut demander à obtenir de la personne publique qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité réparant des préjudices à caractère personnel résultant de cet accident et non réparés.

En ce qui concerne les préjudices :

7. Il ne résulte pas de l'instruction que les premiers juges n'auraient pas fait une juste appréciation du préjudice moral et des souffrances physiques engendrés par son accident de service et sa rechute en lui allouant les sommes respectives de 3 000 et 4 000 euros.

8. Mme A... n'établit pas plus en appel qu'en première instance, par ses seules affirmations dépourvues de toute précision, que l'accident de service du 2 août 2013 ou sa rechute du 13 décembre 2014 lui auraient directement causé un quelconque préjudice professionnel.

9. Il résulte en revanche de l'instruction que, par un rapport établi le 7 mars 2022, dont l'Etat n'a jamais contesté les conclusions, l'expert rhumatologue désigné par l'administration pour examiner Mme A... a considéré que son accident du 2 août 2013 et sa rechute étaient à l'origine d'une atteinte à son intégrité physique et psychique à hauteur d'un taux de 15 % s'ajoutant à un taux préexistant de 45 %. S'il résulte des termes de cette expertise que ce taux de 15 % a été déterminé par l'expert en incluant le préjudice moral et les douleurs engendrées par l'accident et la rechute, Mme A... est toutefois fondée à demander l'indemnisation du surcroît de déficit fonctionnel permanent qui en résulte à hauteur d'une somme de 3 000 euros.

10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... est seulement fondée à demander que l'indemnité que le jugement attaqué a mise à la charge de l'Etat soit portée à la somme totale de 14 000 euros.

Sur les intérêts :

11. Mme A... a droit aux intérêts au taux légal sur la somme de 3 000 euros allouée par le présent arrêt à compter du 28 novembre 2019, date de réception de sa première demande indemnitaire.

Sur les frais de l'instance :

12. Il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à Mme A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : L'indemnité que l'Etat a été condamné à verser à Mme A... est portée de la somme de 11 000 euros à la somme de 14 000 euros. La somme de 3 000 euros y incluse portera intérêt au taux légal à compter du 28 novembre 2019.

Article 2 : Le jugement n° 2005727/6-3 du 21 avril 2022 du Tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Mme A... une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 9 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Auvray, président de chambre,

- Mme Hamon, présidente-assesseure,

- M. Desvigne-Repusseau, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 janvier 2024.

La rapporteure,

P. HAMONLe président,

B. AUVRAY

La greffière,

C. BUOT La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA02855


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA02855
Date de la décision : 24/01/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. AUVRAY
Rapporteur ?: Mme Perrine HAMON
Rapporteur public ?: Mme JURIN
Avocat(s) : SELAS HOWARD

Origine de la décision
Date de l'import : 28/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-01-24;22pa02855 ?
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