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24/01/2024 | FRANCE | N°22PA02528

France | France, Cour administrative d'appel, 7ème chambre, 24 janvier 2024, 22PA02528


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société par actions simplifiée (SAS) Abivax a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge et la restitution des retenues à la source auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2015 et 2016 ainsi que des pénalités et intérêts y afférents.



Par un jugement n° 2021585/1-1 du 1er avril 2022 le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.





Procédure devant la Cour :


> Par une requête et des mémoire enregistrés le 2 juin 2022, le 19 octobre 2022, le 2 décembre 2022, le 25 décembre 2022 et le ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Abivax a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge et la restitution des retenues à la source auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2015 et 2016 ainsi que des pénalités et intérêts y afférents.

Par un jugement n° 2021585/1-1 du 1er avril 2022 le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoire enregistrés le 2 juin 2022, le 19 octobre 2022, le 2 décembre 2022, le 25 décembre 2022 et le 8 janvier 2023 la société Abivax, représentée par Me Gerard, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2021585/1-1 du 1er avril 2022 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge et la restitution des retenues à la source auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2015 et 2016 ainsi que des pénalités et intérêts de retard y afférents, pour un montant total de 249 330 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les rappels de retenue à la source sont infondés dès lors que les dépenses en cause concouraient exclusivement à la réalisation d'opérations faites avec des clients étrangers et ne répondent pas aux conditions du c) de l'article 182 B du code général des impôts ;

- elle est fondée à invoquer, en application de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, la doctrine administrative référencée BOI-IR-DOM-10-10, qui a été publiée antérieurement à la date de versement des sommes en litige et qui mentionne que les prestations utilisées en France mais qui ne sont pas fournies sur le territoire national doivent être considérées comme un revenu de source française lorsque les prestations en cause concourent à la réalisation d'opérations faites avec des clients étrangers ;

- en application de la convention fiscale conclue le 27 décembre 1974 entre la France et la Thaïlande, l'imposition des revenus en cause revient à la Thaïlande quand bien même les versements concernés par la retenue à la source ont été effectués au profit d'une société établie aux Bermudes ;

Par des mémoires en défense enregistrés le 12 août 2022, le 23 novembre 2022 et le 9 décembre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Hamon,

- les conclusions de Mme Jurin, rapporteure publique,

- et les observations de Me Gerard pour la société Abivax.

Considérant ce qui suit :

1. La société de biotechnologie Abivax est spécialisée dans la découverte, le développement clinique et la commercialisation de traitements antiviraux et de vaccins. A l'issue d'une vérification de sa comptabilité portant sur les exercices clos en 2015 et 2016, l'administration a mis à sa charge, notamment, des rappels de retenue à la source portant sur les sommes de 80 735,73 euros et 388 698,15 euros qu'elle a versées, respectivement en 2015 et 2016, à la société bermudienne Aclires en paiement d'une prestation de réalisation d'essais cliniques. La société Abivax fait appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces retenues pour un montant total, en droit et intérêts de retard, de 249 330 euros.

2. Si une convention bilatérale conclue en vue d'éviter les doubles impositions peut, en vertu de l'article 55 de la Constitution, conduire à écarter, sur tel ou tel point, la loi fiscale nationale, elle ne peut pas, par elle-même, directement servir de base légale à une décision relative à l'imposition. Par suite, il incombe au juge de l'impôt, lorsqu'il est saisi d'une contestation relative à une telle convention, de se placer d'abord au regard de la loi fiscale nationale pour rechercher si, à ce titre, l'imposition contestée a été valablement établie et, dans l'affirmative, sur le fondement de quelle qualification. Il lui appartient ensuite, le cas échéant, en rapprochant cette qualification des stipulations de la convention, de déterminer - en fonction des moyens invoqués devant lui ou même, s'agissant de la détermination du champ d'application de la loi, d'office - si cette convention fait ou non obstacle à l'application de la loi fiscale.

Au regard du droit interne :

En ce qui concerne la loi :

3. Aux termes de l'article 182 B du code général des impôts :

" I. Donnent lieu à l'application d'une retenue à la source lorsqu'ils sont payés par un débiteur qui exerce une activité en France à des personnes ou des sociétés, relevant de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt sur les sociétés, qui n'ont pas dans ce pays d'installation professionnelle permanente [...] c. Les sommes payées en rémunération des prestations de toute nature fournies ou utilisées en France ". Il résulte de ces dispositions que sont soumises à retenue à la source les sommes payées par une société qui exerce une activité en France à des personnes ou des sociétés qui n'y disposent pas d'une installation professionnelle permanente, en rémunération de prestations qui sont soit matériellement fournies en France, soit, bien que matériellement fournies à l'étranger, effectivement utilisées par le débiteur pour les besoins de son activité en France.

4. Il est constant que la société bermudienne Aclires ne dispose d'aucune installation professionnelle permanente en France. Si, pour soutenir que l'essai clinique ayant donné lieu aux paiements en litige n'a pas été effectivement utilisé pour les besoins de son activité en France, la requérante fait valoir que cet essai s'est déroulé exclusivement en Thaïlande dans la perspective d'une commercialisation, dans les seuls pays émergents, d'un traitement pour les patients porteurs du virus du HIV, elle n'établit pas par ses seules affirmations que le résultat de cette recherche n'était pas effectivement utile à son activité de découverte, de développement clinique et de commercialisation de traitements antiviraux et de vaccins, en France où se situait en 2015 et en 2016 son uniquement établissement. A cet égard, la circonstance qu'aucune demande de visa de l'agence nationale de l'autorité du médicament et des produits de santé n'ait été déposée en 2015 et 2016 concernant cette molécule est par elle-même sans incidence, dès lors qu'il n'est pas contesté que la prestation en litige ne portait que sur la réalisation de tests cliniques, dont les résultats devaient être analysés dans les laboratoires de recherche d'Abivax en France dans le but de faire progresser sa recherche sur les applications médicales de la molécule testée, alors même que la requérante soutient que les essais cliniques en cause ne se sont pas déroulés dans les conditions, notamment éthiques, posées par la directive 2001/20/CE du 4 avril 2001, ce qui fait obstacle à leur utilisation dans les pays membres de l'Union européenne, dès lors qu'il résulte de l'instruction que les essais dont s'agit relèvent de la recherche appliquée. Dans ces conditions, c'est à bon droit que le Tribunal a regardé les sommes litigieuses comme la rémunération d'une prestation utilisée par la SAS Abivax pour les besoins de son activité en France au sens des dispositions de l'article 182 B du code général des impôts.

En ce qui concerne la doctrine

5. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente ".

6. Si, contrairement à ce qu'a retenu le jugement attaqué, la société Abivax peut se prévaloir, sur le fondement des dispositions précitées, de l'interprétation donnée par le paragraphe n° 250 de l'instruction référencée BOI-IR-DOMIC-10-10, dans sa version publiée pour la première fois le 12 septembre 2012, selon laquelle " en ce qui concerne les prestations utilisées en France mais qui ne sont pas fournies sur le territoire national, on admet que la retenue à la source n'a pas à être prélevée lorsque les prestations en cause concourent à la réalisation d'opérations faites avec des clients étrangers", il ne résulte pas de l'instruction, et notamment pas des termes du contrat conclu entre Abivax et la société bermudienne Aclires, que la prestation que constitue la réalisation de l'essai clinique en cause aurait concouru à la réalisation d'une quelconque opération faite avec des clients étrangers, la requérante ne désignant aucun client au sens de cette instruction.

Au regard de la convention fiscale conclue entre la France et la Thaïlande :

7. Dès lors qu'il est constant que les sommes en litige ont été versées en exécution d'un contrat de prestation de services conclu avec une société établie aux Bermudes, la requérante ne peut utilement se prévaloir, pour demander l'application de la convention fiscale conclue en 1974 entre la France et la Thaïlande, de ce que les opérations de test clinique en cause se sont matériellement déroulées en Thaïlande sous la supervision d'une personne employée par une société de droit thaïlandais Aclires Bankok Ltd, qui serait le bénéficiaire final des paiements en litige, dès lors que ni la perception des sommes en litige, ni la qualité de résident fiscal de Thaïlande, ni même l'existence de ladite société ne sont établies par ses seules déclarations.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la société Abivax n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Abivax est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée Abivax et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Ile-de-France

Délibéré après l'audience du 9 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Auvray, président de chambre,

- Mme Hamon, présidente-assesseure,

- M. Desvigne-Repusseau, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 janvier 2024

La rapporteure,

P. HAMONLe président,

B. AUVRAY

La greffière,

C. BUOT La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA02528


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA02528
Date de la décision : 24/01/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. AUVRAY
Rapporteur ?: Mme Perrine HAMON
Rapporteur public ?: Mme JURIN
Avocat(s) : GERARD

Origine de la décision
Date de l'import : 28/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-01-24;22pa02528 ?
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