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23/01/2024 | FRANCE | N°23PA00067

France | France, Cour administrative d'appel, 3ème chambre, 23 janvier 2024, 23PA00067


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... C... et M. D... A... ont demandé au tribunal administratif de Montreuil de condamner in solidum la société Véolia Eau d'Ile-de-France (VEDIF) et le syndicat des eaux d'Ile-de-France (SEDIF) à leur verser la somme globale de 132 364,73 euros en réparation des préjudices subis par leur habitation et de mettre les frais d'expertise à la charge de la société VEDIF et du SEDIF.



Par un jugement n° 2100311 du 7 novembre 2022, le tribunal administratif

de Montreuil a condamné le SEDIF et la société VEDIF, in solidum, à verser à Mme C... et à M. A....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... et M. D... A... ont demandé au tribunal administratif de Montreuil de condamner in solidum la société Véolia Eau d'Ile-de-France (VEDIF) et le syndicat des eaux d'Ile-de-France (SEDIF) à leur verser la somme globale de 132 364,73 euros en réparation des préjudices subis par leur habitation et de mettre les frais d'expertise à la charge de la société VEDIF et du SEDIF.

Par un jugement n° 2100311 du 7 novembre 2022, le tribunal administratif de Montreuil a condamné le SEDIF et la société VEDIF, in solidum, à verser à Mme C... et à M. A... une somme globale de 38 315,75 euros en réparation de leurs préjudices et mis les frais d'expertise ainsi que les frais annexes à la charge du SEDIF et de la société VEDIF. Par le même jugement, le tribunal a condamné in solidum les sociétés Sade et Egis Eau à garantir le SEDIF de la condamnation indemnitaire prononcée à son encontre.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête enregistrée sous le n° 23PA00067 le 6 janvier 2023, la société Egis Eau, représentée par Me Roux, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 7 novembre 2022 du tribunal administratif de Montreuil ;

2°) à titre principal, de rejeter l'ensemble des demandes présentées par Mme C... et M. A... devant le tribunal ;

3°) à titre subsidiaire, de condamner les sociétés Sade et la société VEDIF à la garantir de toute condamnation qui serait prononcée contre elle et de limiter l'indemnité globale qui serait versée à Mme C... et M. A... à la somme de 28 315,75 euros ;

4°) de condamner le SEDIF ou tout succombant à lui verser la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'appel en garantie formé par le SEDIF contre la société Egis Eau est irrecevable dès lors que les mentions relatives à la forme de la société, à son siège social, son numéro au RCS et la ville d'immatriculation, étaient erronés ;

- l'expertise à laquelle elle n'était pas partie, n'a pas retenu sa responsabilité ;

- l'experte n'a pas indiqué que les dommages portaient atteinte à la solidité de l'ouvrage ou le rendraient impropres à sa destination ; les conditions de l'engagement de la responsabilité décennale ne sont pas rassemblées ;

- aucune faute contractuelle à son encontre n'est démontrée par le SEDIF ; la date d'achèvement des travaux étant le 13 septembre 2013 et le procès-verbal de levée des réserves datant du 5 décembre 2013, la maîtrise d'œuvre ne pouvait demander la réalisation de travaux après cette date ; les travaux litigieux réalisés par la société Sade s'apparentent à un sondage réalisé postérieurement à la date d'achèvement des travaux et notamment à l'achèvement de sa mission de maîtrise d'œuvre, sous la responsabilité du maître d'ouvrage le SEDIF ;

- elle ne pouvait être condamnée in solidum avec la société Sade en l'absence de faute commune ;

- si la Cour devait confirmer sa condamnation, elle ne pourrait regarder comme établie la réalité du préjudice moral indemnisé à hauteur de 10 000 euros ;

- si la Cour devait confirmer sa condamnation, elle serait fondée à demander à être garantie par les sociétés Sade et la société VEDIF au titre de la responsabilité extracontractuelle.

Par un mémoire en défense et d'appel incident enregistré le 24 mars 2023, la société Sade - Compagnie générale de travaux hydrauliques (CGTH), représentée par Me Mel conclut au rejet de la requête de la société Egis Eau, à l'annulation du jugement attaqué en ce qu'il a retenu sa responsabilité et l'a condamnée in solidum avec la société Egis Eau à garantir le SEDIF de la condamnation prononcée à son encontre à hauteur de 38 315,75 euros en réparation des préjudices subis par Mme C... et M. A... et au versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à titre principal, au rejet de l'appel en garantie formé par le SEDIF à son encontre et à titre subsidiaire à la limitation de sa part de responsabilité à 5%, enfin à la condamnation du SEDIF à lui verser la somme de 6 000 euros au titre de la première instance et 6 000 euros au titre de l'appel en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens de première instance et d'appel.

Elle soutient que :

- l'appel en garantie formé à son encontre par la société Egis Eau pour la première fois en cause d'appel est irrecevable ;

- les conclusions du SEDIF tendant à ce qu'elle le garantisse, présentées pour la première fois dans son mémoire en défense enregistré le 9 juin 2021, étaient irrecevables dès lors que l'action du maître d'ouvrage était prescrite puisque engagée plus de cinq ans après la date de connaissance des désordres par le SEDIF en 2015 ;

- l'appel en garantie est également irrecevable dès lors que la réception de l'ouvrage sans réserve est intervenue en 2014 et qu'il ne résulte ni du rapport d'expertise judiciaire ni d'aucun élément versé au débat, que les travaux de fouille auraient compromis la solidité de l'ouvrage ou l'auraient rendu impropre à sa destination ; elle n'a réalisé aucun travaux sur l'immeuble affecté par des désordres ;

- n'ayant jamais été attraite aux opérations d'expertise judiciaire, alors que le SEDIF connaissait son intervention dans le cadre des travaux de remplacement des branchements les conclusions de ce rapport ne lui sont pas opposables ;

- aucune faute de sa part n'est démontrée ; d'une part, aux termes de l'article 5.2 du CTTP les contrôles extérieurs portant sur le contrôle du compactage sont réalisés par le maître d'ouvrage ; d'autre part l'absence de pose d'une couche d'asphalte est imputable à la commune des Lilas ;

- subsidiairement, sa part de responsabilité devra être limitée ;

- en tout état de cause, elle ne saurait être condamnée in solidum.

Par un mémoire en défense enregistré le 11 avril 2023, le Syndicat des Eaux d'Ile-de-France (SEDIF), représenté par Me Neveu conclut au rejet de la requête, à titre principal à la confirmation du jugement attaqué et à titre subsidiaire à la condamnation des sociétés Egis Eau et Sade à le garantir des condamnations prononcées à son encontre, et, en tout état de cause, à la condamnation des sociétés Egis Eau et Sade à lui verser, chacune, une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- contrairement à ce que soutient la société Egis Eau, les erreurs matérielles concernant le siège social, la forme juridique et l'adresse sont sans incidence sur la régularité du jugement attaqué et la recevabilité de l'appel en garantie dès lors qu'il était sans ambiguïté dirigé contre elle et que la maison mère d'Egis Eau a pu lui relayer sa mise en cause et qu'elle a pu relever appel du jugement dans le délai de recours ;

- contrairement à ce que soutient la société Egis Eau, cette dernière a bien la qualité de constructeur dans le cadre des travaux litigieux effectués par la société Sade au premier trimestre 2014 ; aucun procès-verbal de réception sans réserve de ces travaux n'est produit ;

- la responsabilité contractuelle de la société Egis Eau est engagée sur le fondement de l'acte d'engagement et des clauses du marché de maîtrise d'œuvre et de l'article 5. 1 du CCTP du marché de travaux ainsi que de l'article 9 du décret n°93-1268 du 29 novembre 1993 relatif aux missions de maîtrise d'œuvre ; la circonstance que l'experte judiciaire n'ait pas relevé de manquement à l'égard de la société Egis Eau est sans conséquence sur l'engagement de sa responsabilité ;

- subsidiairement, la responsabilité décennale de la société Egis Eau est engagée même sans faute, dès lors que les dommages constatés sur le trottoir ont bien rendu ce dernier impropre à sa destination ;

- à titre infiniment subsidiaire, la responsabilité contractuelle post-réception de la société Egis Eau est engagée pour manquement à son devoir de conseil du maître d'ouvrage ;

- en qui concerne l'appel incident de la société Sade :

- contrairement à ce que soutient la société Sade, les travaux en cause n'ont jamais fait l'objet d'une réception sans réserve ; la responsabilité contractuelle de la société Sade est engagée sur le fondement de l'article 5. 1 du CCTP du marché ; subsidiairement, la responsabilité de la société Sade est engagée sur le fondement de sa responsabilité décennale dès lors que les dommages constatés sur le trottoir ont bien rendu ce dernier impropre à sa destination ;

- dès lors que les fautes commises par les sociétés Sade et Egis Eau ont concouru au même dommage, le tribunal était fondé à les condamner in solidum.

Par un mémoire enregistré le 31 août 2023 et un mémoire en réponse à la communication d'un moyen d'ordre public enregistré le 9 janvier 2024, la société Véolia Eau Ile-de-France (VEDIF) représentée par Me Duval-Delavanne, conclut à titre principal à l'infirmation du jugement attaqué en ce qu'il a retenu sa responsabilité et au rejet de toute demande de condamnation ou d'appel en garantie formé contre elle, à titre subsidiaire, à l'infirmation du jugement attaqué en ce qu'il a prononcé sa condamnation in solidum, à limiter sa quote-part de responsabilité à 5 % et au rejet en conséquence de toute demande de condamnation ou d'appel en garantie formée contre elle au-delà de cette quote-part de 5 %, et en tout état de cause, à la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a évalué les préjudices des consorts C... et A... à la somme globale de 38 315,75 euros, enfin, à la condamnation de tout succombant, ou à défaut de la société Egis Eau à lui verser la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et aux dépens, comprenant les frais d'expertise.

Elle soutient que :

- ses conclusions sont recevables dès lors qu'il s'agit de conclusions d'appel incident dont la recevabilité n'est pas subordonnée à l'aggravation qu'entraînerait l'accueil de l'appel principal ;

- les conclusions d'appel en garantie de la société Egis Eau dirigées contre elle et présentées pour la première fois en appel, sont irrecevables ;

- elle est étrangère aux travaux litigieux, son intervention s'étant limitée à la fuite survenue le 12 décembre 2014 sur le branchement desservant le 17 rue de la République ;

- les opérations d'expertise n'ont pas établi de lien de causalité direct et certain entre son intervention et les dommages des consorts C... et A... ;

- si l'experte a retenu comme cause aggravante la fuite du branchement du 17 rue de la République, les désordres étaient déjà constitués avant l'apparition de la fuite qui était située de l'autre côté de la rue et n'a causé aucun désordre dans l'environnement immédiat de cette fuite ;

- subsidiairement, elle ne saurait être condamnée in solidum et pour une quote-part supérieure à 5%.

La société Sade a présenté un mémoire enregistré au greffe de la Cour le 9 janvier 2024, soit postérieurement à la clôture automatique de l'instruction intervenue trois jours francs avant la date de l'audience, conformément à l'article R. 613-2 du code de justice administrative.

Mme C... et M. A... ont présenté un mémoire enregistré au greffe de la Cour le 10 janvier 2024, soit postérieurement à la clôture automatique de l'instruction intervenue trois jours francs avant la date de l'audience conformément à l'article R. 613-2 du code de justice administrative.

II. Par une requête enregistrée sous le n° 23PA00080 le 6 janvier 2023, la société Sade-Compagnie générale de travaux hydrauliques (CGTH), représentée par Me Mel, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 7 novembre 2022 du tribunal administratif de Montreuil en ce qu'il a retenu sa responsabilité et l'a condamnée in solidum avec la société Egis Eau à garantir le SEDIF de la condamnation prononcée à son encontre à hauteur de 38 315,75 euros en réparation des préjudices subis par Mme C... et M. A... et au versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) à titre principal, de rejeter l'appel en garantie formé par le SEDIF à son encontre ;

3°) à titre subsidiaire de limiter sa part de responsabilité à 5% ;

4°) de condamner le SEDIF à lui verser la somme de 6 000 euros au titre de la première instance et 6 000 euros au titre de l'appel en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens de première instance et d'appel.

Elle soutient que :

- les conclusions du SEDIF tendant à ce qu'elle le garantisse, présentées pour la première fois dans son mémoire en défense enregistré le 9 juin 2021, étaient irrecevables dès lors que l'action du maître d'ouvrage était prescrite puisque engagée plus de cinq ans après la date de connaissance des désordres par le SEDIF en 2015 ;

- l'appel en garantie est également irrecevable dès lors que la réception de l'ouvrage sans réserve est intervenue en 2014 et qu'il ne résulte ni du rapport d'expertise judiciaire ni d'aucun élément versé au débat, que les travaux de fouille auraient compromis la solidité de l'ouvrage ou l'auraient rendu impropre à sa destination ; elle n'a réalisé aucun travaux sur l'immeuble affecté par des désordres ;

- n'ayant jamais été attraite aux opérations d'expertise judiciaire, alors que le SEDIF connaissait son intervention dans le cadre des travaux de remplacement des branchements, les conclusions de ce rapport ne lui sont pas opposables ;

- aucune faute de sa part n'est démontrée ; d'une part, aux termes de l'article 5.2 du CTTP les contrôles extérieurs portant sur le contrôle du compactage sont réalisés par le maître d'ouvrage ; d'autre part l'absence de pose d'une couche d'asphalte est imputable à la commune des Lilas ;

- subsidiairement, sa part de responsabilité devra être limitée ;

- en tout état de cause, elle ne saurait être condamnée in solidum.

Par un mémoire en défense enregistré le 24 avril 2023, le Syndicat des Eaux d'Ile-de-France (SEDIF), représenté par Me Neveu conclut au rejet de la requête, à titre principal à la confirmation du jugement attaqué et, à titre subsidiaire, à la condamnation des sociétés Egis Eau et Sade à le garantir des condamnations prononcées à son encontre, et, en tout état de cause, à la condamnation des sociétés Egis Eau et Sade à lui verser, chacune, une somme de 2000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- contrairement à ce que soutient la société Sade, les travaux en cause n'ont jamais fait l'objet d'une réception sans réserve ;

- la responsabilité contractuelle de la société Sade est engagée sur le fondement de l'article 5. 1 du CCTP du marché dès lors que le rapport d'expertise a relevé que les désordres subis par le trottoir ont résulté de l'absence de compactage de la terre lors du rebouchage de la fouille et de l'absence de revêtement de cette fouille par la société Sade ;

- contrairement à ce que soutient la société Sade, cette action n'est pas prescrite puisque conformément à l'article 1792-4-3 du code civil, le délai de prescription est de dix ans ;

- subsidiairement, la responsabilité de la société Sade est engagée sur le fondement de sa responsabilité décennale dès lors que les dommages constatés sur le trottoir ont bien rendu ce dernier impropre à sa destination ;

- dès lors que les fautes commises par les sociétés Sade et Egis Eau ont concouru au même dommage, le tribunal était fondé à les condamner in solidum.

Par un mémoire enregistré le 31 août 2023, et un mémoire en réponse à la communication d'un moyen d'ordre public enregistré le 9 janvier 2024, la société Véolia Eau Ile-de-France (VEDIF) représentée par Me Duval-Delavanne, conclut à titre principal à l'infirmation du jugement attaqué en ce qu'il a retenu sa responsabilité et au rejet de toute demande de condamnation ou d'appel en garantie formé contre elle, à titre subsidiaire, à l'infirmation du jugement attaqué en ce qu'il a prononcé sa condamnation in solidum à hauteur de 50 %, à limiter sa quote-part de responsabilité à 5 % et au rejet en conséquence de toute demande de condamnation ou d'appel en garantie formée contre elle au-delà de cette quote-part de 5 %, et en tout état de cause, à la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a évalué les préjudices des consorts C... et A... à la somme globale de 38 315,75 euros, enfin, à la condamnation de tout succombant, ou à défaut de la société Sade à lui verser la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et aux dépens, comprenant les frais d'expertise.

Elle soutient que :

- ses conclusions sont recevables dès lors qu'il s'agit de conclusions d'appel incident dont la recevabilité n'est pas subordonnée à l'aggravation qu'entraînerait l'accueil de l'appel principal ;

- elle est étrangère aux travaux litigieux, son intervention s'étant limitée à la fuite survenue le 12 décembre 2014 sur le branchement desservant le 17 rue de la République ;

- les opérations d'expertise n'ont pas établi de lien de causalité direct et certain entre son intervention et les dommages des consorts C... et A... ;

- si l'experte a retenu comme cause aggravante la fuite du branchement du 17 rue de la République, les désordres étaient déjà constitués avant l'apparition de cette fuite qui était située de l'autre côté de la rue et qui n'a causé aucun désordre dans son environnement immédiat ;

- subsidiairement, elle ne saurait être condamnée in solidum et pour une quote-part supérieure à 5%.

La société Sade a présenté un mémoire enregistré au greffe de la Cour le 9 janvier 2024, soit postérieurement à la clôture automatique de l'instruction intervenue trois jours francs avant la date de l'audience, conformément à l'article R. 613-2 du code de justice administrative.

Mme C... et M. A... ont présenté un mémoire enregistré au greffe de la Cour le 10 janvier 2024, soit postérieurement à la clôture automatique de l'instruction intervenue trois jours francs avant la date de l'audience, conformément à l'article R. 613-2 du code de justice administrative.

Par un courrier du 4 janvier 2024, la cour a informé les parties, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la décision à intervenir était susceptible d'être fondée sur un moyen soulevé d'office tiré de l'irrecevabilité des conclusions d'appel provoqué présentées par la société Véolia (VEDIF), en l'absence d'aggravation de sa situation que l'admission de l'appel principal entraînerait pour elle.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Julliard,

- les conclusions de Mme Dégardin, rapporteure publique,

- les observations de Me Goget, représentant la société Egis Eau,

- les observations de Me Mercier, représentant la société Véolia Eau d'Ile-de-France (VEDIF),

- les observations de Me Meresse, représentant le Syndicat des Eaux d'Ile-de-France (SEDIF),

- et les observations de Me Brauge, représentant la société Sade - Compagnie générale de travaux hydrauliques (CGTH).

Connaissance prise des deux notes en délibéré enregistrées le 16 janvier 2024 présentées pour le SEDIF par Me Neveu.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... et M. A... sont propriétaires d'un lot à usage d'habitation dans un immeuble en copropriété sis 8/10 rue de la République aux Lilas. En 2013, des travaux de fouille ont été réalisés au droit du branchement de cet immeuble, sous la maîtrise d'ouvrage du syndicat des eaux d'Ile-de-France (SEDIF) qui a délégué l'exploitation du service d'eau potable à la société Véolia Eau d'Ile-de-France (VEDIF). Ces travaux ont été réalisés par les sociétés Sade et Egis auxquelles les marchés publics de travaux et de maîtrise d'œuvre ont respectivement été confiés. La fouille a été rebouchée au cours du printemps 2014. A partir de l'été 2014, des dommages sont apparus dans l'immeuble de Mme C... et M. A.... L'assureur de l'immeuble a diligenté une expertise amiable dont le rapport a été remis le 20 avril 2015, puis a ensuite saisi le tribunal administratif de Montreuil d'une requête en référé expertise. Par une ordonnance en date du 14 septembre 2015, le tribunal a diligenté une expertise aux fins notamment de rechercher l'origine des désordres, de fournir les éléments de nature à permettre la détermination des responsabilités et, le cas échéant, d'évaluer les préjudices. Par une ordonnance du 24 novembre 2015, les opérations de l'expertise ont été étendues au lot appartenant à

M. A... et Mme C.... L'expert a remis son rapport le 12 octobre 2016. Après avoir formulé auprès du SEDIF et de la société Véolia une demande d'indemnisation préalable, Mme C... et M. A... ont saisi le Tribunal administratif de Montreuil d'une demande de condamnation solidaire du SEDIF et de la société Véolia à leur verser la somme globale de 132 364,73 euros en réparation des préjudices qu'ils affirment avoir subis. Par un mémoire en défense enregistré le 9 juin 2021, le SEDIF a demandé, en cas de condamnation, à être garanti par les sociétés Sade et Egis. Par un jugement du 7 novembre 2022, le tribunal a condamné le SEDIF et la société Véolia Eau d'Ile-de-France, in solidum, à verser à Mme C... et à M. A... une somme globale de 38 315,75 euros en réparation de leurs préjudices et mis les frais d'expertise ainsi que les frais annexes à la charge du SEDIF et de la société Véolia Eau d'Ile-de-France. Par le même jugement, le tribunal a condamné in solidum les sociétés Sade et Egis Eau à garantir le SEDIF de la condamnation indemnitaire prononcée à son encontre. Ces deux sociétés relèvent appel de ce jugement par deux requêtes qu'il y a lieu de joindre.

Sur la condamnation des sociétés Sade et Egis Eau à garantir le SEDIF :

2. En application des principes dont s'inspirent les articles 1792 à 1792-5 du code civil, est susceptible de voir sa responsabilité engagée de plein droit, avant l'expiration d'un délai de dix ans à compter de la réception des travaux, à raison des dommages qui compromettent la solidité d'un ouvrage ou le rendent impropre à sa destination, toute personne appelée à participer à la construction de l'ouvrage, liée au maître de l'ouvrage par un contrat de louage d'ouvrage ou qui, bien qu'agissant en qualité de mandataire du propriétaire de l'ouvrage, accomplit une mission assimilable à celle d'un locateur d'ouvrage, ainsi que toute personne qui vend, après achèvement, un ouvrage qu'elle a construit ou fait construire.

3. Il ne ressort ni du document " EXE 9 " daté du 6 janvier 2014, et mentionnant un procès-verbal de levée des réserves du 5 décembre 2013 qui n'est signé ni par le maître d'œuvre, la société Egis Eau, ni par le maître d'ouvrage, le SEDIF, ni d'aucune pièce produite par ce dernier, que la réception des travaux du marché de remplacement de branchement en plomb sur le territoire du syndicat des eaux d'Île-de-France, comprenant la ville des Lilas et dont le lot n° 3 a été attribué à la société Sade, et à la société Egis Eau en tant que maître d'œuvre, aurait été prononcée sans réserve, ce qu'admet au demeurant le SEDIF dans ses écritures. Par suite, les deux sociétés ne pouvaient voir engager leur responsabilité décennale à raison des dommages causés à des tiers par ces travaux et c'est à tort que le tribunal a fait droit aux conclusions d'appel en garantie présentées sur ce fondement pas le SEDIF.

4. Il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner le moyen tiré de la responsabilité contractuelle des sociétés Sade et Egis Eau soulevé par le SEDIF devant le tribunal.

5. Il ressort en effet des écritures de première instance que le SEDIF a également appelé en garantie les sociétés Egis Eau et Sade sur le fondement de la responsabilité contractuelle en se prévalant de fautes commises dans l'exécution du lot n° 3 du marché. Il fait grief à la société Sade d'avoir méconnu les stipulations du CCTP s'agissant du remblaiement des fouilles, de la qualité du compactage ainsi que de la mise en place d'une couverture adéquate de la fouille une fois rebouchée et à la société Egis Eau, d'avoir manqué à ses obligations dans le suivi de l'exécution du chantier et notamment lors de sa réception. Il résulte de l'instruction que si la société Sade indique avoir procédé à la fouille au niveau de l'immeuble situé au 8/10 de la rue de la République dans le cadre du lot n° 3 du marché, sous la maîtrise d'œuvre de la société Egis Eau, cette dernière conteste que la fouille réalisée au droit de l'immeuble sinistré ait été réalisée dans le cadre du lot n°3 et soutient que ces travaux n'ont pu être réalisés par la société Sade qu'à la demande du SEDIF, en dehors de sa mission de maîtrise d'œuvre. Il résulte également de l'instruction, alors qu'aucun ordre de service relatif à la réalisation de travaux de fouille au niveau du 8/10 de la rue de la République n'est produit par le SEDIF, que la société Egis Eau produit un récapitulatif des travaux de remplacement des branchements exécutés ou annulés sur lequel ne figure pas le branchement au droit de l'immeuble sinistré ainsi qu'un procès-verbal des opérations préalables à la réception des travaux signés du maître d'œuvre et de la société Sade mentionnant une date d'achèvement des travaux le 13 septembre 2023 soit avant même la réalisation de la fouille à l'origine des désordres qui est intervenue, selon l'expert, à la fin de l'année 2013. Par suite, le SEDIF n'établit pas que les travaux litigieux auraient été exécutés en application du lot n° 3 du marché sous la maîtrise d'œuvre de la société Egis Eau et n'est, par suite, pas fondé à demander l'engagement de la responsabilité contractuelle des sociétés Sade et Egis Eau.

6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens des requêtes et sur les fins de non-recevoir opposées aux conclusions subsidiaires d'appel en garantie formées par la société Egis Eau contre les sociétés Sade et VEDIF, que les sociétés Sade et Egis Eau sont fondées à soutenir que leur responsabilité ne saurait être engagée et que l'appel en garantie formé à leur encontre par le SEDIF doit être rejeté.

Sur les conclusions de la société VEDIF :

7. Par un mémoire enregistré le 31 août 2023 au greffe de la Cour, la société VEDIF présente des conclusions tendant à l'infirmation du jugement attaqué en ce qu'il a retenu sa responsabilité et au rejet de toute demande de condamnation ou d'appel en garantie formé contre elle, à titre subsidiaire, à l'infirmation de ce jugement en ce qu'il a prononcé sa condamnation in solidum avec le SEDIF, à limiter sa quote-part de responsabilité à 5 % et au rejet en conséquence de toute demande de condamnation ou d'appel en garantie formée contre elle au-delà de cette quote-part de 5 %, et en tout état de cause, à la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a évalué les préjudices des consorts C... et A... à la somme globale de 38 315,75 euros. Toutefois, de telles conclusions, présentées après l'expiration du délai de recours contentieux, et qui, contrairement à ce que soutient la société VEDIF, ont le caractère d'un appel provoqué, ne peuvent qu'être rejetées comme irrecevables dès lors que l'admission des appels principaux des sociétés Sade et Egis Eau n'a pas pour effet d'aggraver sa situation.

Sur les frais de l'instance :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice font obstacle à ce que les sociétés Sade et Egis Eau, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, versent au SEDIF ou à la société VEDIF la somme qu'ils demandent au titre des frais de l'instance. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge du SEDIF le versement d'une somme de 1 500 euros chacune, aux sociétés Sade et Egis Eau sur le fondement de ces dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n°2100311 du 7 novembre 2022 du Tribunal administratif de Montreuil est annulé en ce qu'il a condamné in solidum les sociétés Sade et Egis Eau à garantir le SEDIF de la condamnation indemnitaire prononcée à son encontre.

Article 2 : Les conclusions de la société Véolia Eau Ile-de-France (VEDIF) sont rejetées.

Article 3 : Le SEDIF versera aux sociétés Sade et Egis Eau une somme de 1 500 euros chacune sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société anonyme Sade-CGTH, à la société anonyme Egis Eau, au Syndicat des eaux d'Ile-de-France (SEDIF), à la société Véolia Eau Ile-de-France (VEDIF), à Mme B... C... et à M. D... A....

Délibéré après l'audience du 12 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Ivan Luben, président de chambre,

- Mme Marianne Julliard, première conseillère,

- Mme Gaëlle Mornet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 janvier 2024.

La rapporteure,

M. JULLIARDLe président,

I. LUBEN

Le greffier,

E. MOULIN

La République mande et ordonne au préfet de la Seine-Saint-Denis, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23PA00067, 23PA00080


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA00067
Date de la décision : 23/01/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LUBEN
Rapporteur ?: Mme Marianne JULLIARD
Rapporteur public ?: Mme DÉGARDIN
Avocat(s) : SCP LACOURTE RAQUIN TATAR

Origine de la décision
Date de l'import : 28/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-01-23;23pa00067 ?
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