Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 25 janvier 2022 par lequel le préfet de police de Paris lui a retiré son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trente-six mois et l'a informé de son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen pour la durée de l'interdiction de retour.
Par un jugement n° 2214822 du 19 octobre 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 18 novembre 2022, M. B..., représenté par Me Zekri, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 19 octobre 2022 du tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler l'arrêté du 25 janvier 2022 du préfet de police de Paris ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de Paris de lui délivrer un certificat de résidence algérien d'une durée d'un an dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer, dans l'attente de ce réexamen, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les premiers juges n'ont pas répondu de manière suffisamment précise aux moyens tirés du défaut d'examen particulier de sa situation et de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 432-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, des stipulations des articles 6-1 et 6-5 de l'accord franco-algérien, des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé ;
- il est entaché d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;
- l'arrêté contesté, qui est entaché d'un vice de procédure, méconnaît les dispositions des articles L. 432-13 à L. 432-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que le préfet de police de Paris aurait dû saisir la commission du titre de séjour ;
- il est entaché d'une erreur de fait et méconnaît les dispositions de l'article L. 432-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que son comportement n'est pas constitutif d'une menace à l'ordre public ;
- il méconnaît les stipulations des articles 6-1 et 6-5 de l'accord franco-algérien et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales compte tenu de son ancienneté sur le territoire français et de son intégration personnelle et professionnelle ;
- il méconnaît les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour les mêmes motifs ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 juillet 2023, le préfet de police de Paris conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 20 juillet 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 6 septembre 2023 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Larsonnier a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant algérien né le 12 avril 1975, entré en France le 20 août 1996 selon ses déclarations, s'est vu délivrer un certificat de résidence algérien sur le fondement des stipulations du b de l'article 7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, valable du 12 mai 2021 au 11 mai 2022. Par un arrêté du 25 janvier 2022, le préfet de police de Paris a procédé au retrait de son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trente-six mois et l'a informé de son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen pour la durée de l'interdiction de retour. Par un jugement du 19 octobre 2022, dont M. B... relève appel, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article 7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Les dispositions du présent article (...) fixent les conditions de délivrance du certificat de résidence aux ressortissants algériens autres que ceux visés à l'article 6 nouveau, ainsi qu'à ceux qui s'établissent en France après la signature du premier avenant à l'accord : (...) b) Les ressortissants algériens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée reçoivent après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les services du ministre chargé de l'emploi, un certificat de résidence valable un an pour toutes professions et toutes régions, renouvelable et portant la mention " salarié " : cette mention constitue l'autorisation de travail exigée par la législation française ; (...) ".
3. Si les stipulations de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 régissent d'une manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France et y exercer une activité professionnelle, les règles concernant la nature des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés, les stipulations de cet accord ne font pas obstacle à ce que l'autorité compétente puisse procéder au retrait du certificat de résidence délivré à un ressortissant algérien lorsque sa présence en France constitue une menace pour l'ordre public.
4. Il ressort des termes de l'arrêté en litige que pour retirer à M. B... son certificat de résidence, le préfet de police de Paris s'est fondé sur la menace que sa présence en France constituait pour l'ordre public dès lors qu'il avait d'une part, tenté en 2017 d'obtenir frauduleusement une carte d'identité et un passeport français et d'autre part, qu'il avait présenté une fausse facture d'électricité en date du 19 mai 2017 comme justificatif de domicile. Il résulte de l'instruction que le 4 juillet 2017 ont été déposés auprès des services de la mairie d'Orly une déclaration de perte de carte d'identité de nationalité française ainsi qu'un formulaire de demande de délivrance d'une carte nationale d'identité et d'un passeport biométrique français. Ces documents ont été établis au nom de M. A... B... et sont revêtus de la signature de l'intéressé. Les demandes de M. B... ont été rejetées le 7 juin 2018 par les services de la préfecture de Créteil pour fraude documentaire. Il ressort de la fiche de renseignements établie au nom de M. B... versée au dossier par le préfet de police de Paris que ces faits ont fait l'objet d'un signalement auprès du procureur de la République du tribunal de grande instance de Créteil le 31 juillet 2018. M. B..., en se bornant à faire valoir que devant sa détresse de ne pas obtenir de titre de séjour, un tiers lui aurait proposé de régulariser sa situation contre une somme d'argent et qu'il aurait seulement signé les documents qui lui ont été présentés, ne conteste pas utilement la matérialité des faits qui lui sont reprochés. En revanche, alors que M. B... soutient ne pas avoir présenté de fausse facture EDF, il ne ressort pas des pièces versées aux débats qu'il aurait produit un faux justificatif de domicile en date du 19 mai 2017. Le requérant est ainsi fondé à soutenir qu'en retenant ce dernier élément, la décision contestée est entachée d'une erreur de fait. Dans ces conditions, eu égard à leur ancienneté et à leur caractère isolé, les faits consistant à souscrire une déclaration de perte d'une carte nationale d'identité et un formulaire dans le but d'obtenir frauduleusement une carte d'identité et un passeport français ne permettent pas à eux-seuls de considérer que la présence en France de M. B..., qui établit résider habituellement sur le territoire français depuis au moins 2011 et auquel un certificat de résidence a été délivré en août 2021, constitue une menace pour l'ordre public. Il s'ensuit qu'en procédant au retrait du certificat de résidence de M. B... pour ce motif, le préfet de police de Paris a commis une erreur d'appréciation. Par suite, le requérant est fondé à soutenir que la décision contestée est entachée d'illégalité et doit être annulée. Il en est de même, par voie de conséquence, des décisions portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays à destination duquel il pourra être éloigné et de celle prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trente-six mois assortie d'un signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen, qui sont ainsi dépourvues de base légale.
5. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
6. Eu égard à la nature du certificat de résidence illégalement retiré, la présente décision n'implique pas nécessairement, à la date à laquelle elle est rendue, qu'un certificat de résidence soit délivré à M. B..., mais seulement qu'il soit procédé au réexamen de sa situation. Il y a lieu d'enjoindre au préfet de police de Paris ou au préfet territorialement compétent de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt et de lui délivrer sans délai, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler. Il y a également lieu d'enjoindre au préfet de police de Paris de procéder à l'effacement du signalement de M. B... aux fins de non admission dans le système d'information Schengen.
Sur les conclusions au titre des frais liés à l'instance :
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante dans la présente instance, la somme de 1 500 euros à verser à M. B... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2214822 du 19 octobre 2022 du tribunal administratif de Paris et l'arrêté du 25 janvier 2022 du préfet de police de Paris sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de Paris ou au préfet territorialement compétent de procéder au réexamen de la situation de M. B... dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt, de lui délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler et de procéder à l'effacement du signalement de M. B... aux fins de non admission dans le système d'information Schengen.
Article 3 : L'Etat versera à M. B... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au préfet de police de Paris.
Délibéré après l'audience du 20 octobre 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Menasseyre, présidente de chambre,
- Mme Jayer, première conseillère,
- Mme Larsonnier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 novembre 2023.
La rapporteure,
V. LARSONNIER
La présidente,
A. MENASSEYRE
Le greffier,
P. TISSERAND
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 22PA04913 2