Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie de condamner la commune de Bourail à lui verser une somme de 55 200 000 francs CFP majorée des intérêts au taux légal à compter de la date de réception de sa réclamation préalable, en réparation des dommages causés par les ouvrages publics dont la commune a la garde.
Par un jugement n°2100364 du 19 mai 2022, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 22 août 2022, Mme A... représentée par Me Elmosnino, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n°2100364 du 19 mai 2022 du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie ;
2°) de condamner la commune de Bourail à lui verser la somme de 55 200 000 francs CFP portant intérêts au taux légal à compter de la date de réception de sa réclamation préalable et capitalisés ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Bourail une somme de 350 000 francs CFP sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a estimé que sa demande était irrecevable et mal dirigée dès lors, d'une part, que la responsabilité sans faute se relève d'office et, d'autre part, que la route en litige appartient bien à la commune de Bourail ;
- la responsabilité sans faute de cette dernière est engagée à son égard, en qualité de tiers au titre de dommages de travaux publics, les inondations affectant sa propriété étant causées par un sous-dimensionnement des radiers OH3 et OH4 dont la commune de Bourail a la garde, à l'origine d'un préjudice anormal et spécial ;
- elle est ainsi fondée à réclamer une indemnité à hauteur de la somme totale de 55 000 000 francs CFP correspondant à la valeur vénale de son bien, au titre des troubles de jouissance subis et des frais de destruction et de reconstruction de sa maison nécessaires à la sauvegarde de son habitation, ainsi qu'une somme de 200 000 francs CFP au titre du remboursement des frais d'études techniques et de conseil engagés.
La requête a été communiquée à la commune de Bourail qui n'a pas produit de mémoire.
Par une ordonnance du 20 avril 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 22 mai 2023 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Jayer,
- les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Selon acte authentique du 6 novembre 2002, Mme A... est devenue propriétaire d'un terrain et d'une maison d'habitation situés dans la zone littorale de Poé, sur le territoire de la commune de Bourail. Par courrier du 1er décembre 2020 reçu par son destinataire le 3 décembre suivant, elle a adressé une réclamation indemnitaire au maire de Bourail en demandant à la commune de lui allouer la somme totale de 52 500 000 francs CFP à titre de dommages-intérêts, en réparation des préjudices résultant pour elle de mentions erronées figurant, selon elle, sur le certificat d'urbanisme délivré avant qu'elle acquière ces biens immobiliers. En l'absence de réponse, elle a demandé au tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie de condamner la commune de Bourail à lui verser une somme de 55 200 000 francs CFP portant intérêts au taux légal à compter de la date de réception de sa réclamation préalable. Mme A... relève appel du jugement du 19 mai 2022 portant rejet, pour irrecevabilité, de sa demande.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision (...) / Lorsque la requête tend au paiement d'une somme d'argent, elle n'est recevable qu'après l'intervention de la décision prise par l'administration sur une demande préalablement formée devant elle. ". Il résulte de ces dispositions que, pour être recevable, la demande présentée au juge tendant à la réparation des conséquences dommageables d'un fait qui est lui imputé par l'administration doit être précédée d'une réclamation donnant lieu à une décision liant le contentieux indemnitaire à l'égard du demandeur pour l'ensemble des dommages causés par ce fait générateur, quels que soient les chefs de préjudice auxquels se rattachent les dommages invoqués par la victime et que sa réclamation ait ou non spécifié les chefs de préjudice en question. Si la victime est alors recevable à demander au juge administratif, dans les deux mois suivant la notification de la décision ayant rejeté sa réclamation, la condamnation de l'administration à l'indemniser de tout dommage ayant résulté de ce fait générateur, y compris en invoquant des chefs de préjudice qui n'étaient pas mentionnés dans sa réclamation, elle ne saurait, en revanche, saisir le juge d'une demande indemnitaire portant sur la réparation de dommages causés par un fait générateur dont elle n'a pas fait état dans sa réclamation.
3. Il résulte de l'instruction que, dans son courrier du 1er décembre 2020 demandant à la commune réparation des préjudices invoqués, Mme A... a expressément fondé ses prétentions sur la faute constituée, selon elle, par le caractère erroné du certificat d'urbanisme qui lui a été délivré le 8 novembre 2002 dans le cadre de l'acquisition de sa propriété, faisant état de ce que la parcelle qu'elle allait acquérir n'était pas inondable. Elle s'est en revanche abstenue d'y faire état d'un autre fait générateur invoqué devant les premiers juges et de ce que la responsabilité de la commune serait également engagée en raison de dommages de travaux publics causés par les radiers OH3 et OH4, dont elle estime que la garde incombait à cette collectivité. Les responsabilités successivement invoquées l'ont ainsi été, d'une part, sur le fondement de la responsabilité pour faute, du fait de l'irrégularité d'un certificat d'urbanisme et, d'autre part, sur le fondement de la responsabilité sans faute, à raison de dommages de travaux publics. Alors même que cette dernière est d'ordre public, dès lors que Mme A... se prévaut d'un fait générateur distinct de celui invoqué dans sa réclamation préalable du 1er décembre 2020 sans avoir postérieurement lié le contentieux par une nouvelle réclamation préalable, c'est à bon droit, et sans entacher leur jugement d'irrégularité, que les premiers juges ont accueilli la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de la demande dont ils étaient saisis.
Sur les frais du litige :
4. Les dispositions énoncées par l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Bourail, qui n'est pas la partie perdante dans le cadre de la présente instance, la somme que Mme A... réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et à la commune de Bourail.
Délibéré après l'audience du 20 octobre 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Anne Menasseyre, présidente,
- Mme Jayer, première conseillère,
- Mme Collet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 novembre 2023.
La rapporteure,
M-D JAYERLa présidente,
A. MENASSEYRE
Le greffier,
P. TISSERANDLa République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22PA03898