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17/11/2023 | FRANCE | N°23PA02074

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 17 novembre 2023, 23PA02074


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... A... a demandé au tribunal administratif de Melun d'ordonner la communication de l'ensemble des documents sur lesquels le préfet a fondé sa décision conformément à l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et d'annuler l'arrêté du 29 mars 2022 par lequel le préfet de Seine-et-Marne a refusé de lui délivrer le titre de séjour qu'il sollicitait.

Par un jugement n° 2207553 du 20 avril 2023, le tribunal administratif de Melun a rejeté la

demande de l'intéressé.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... A... a demandé au tribunal administratif de Melun d'ordonner la communication de l'ensemble des documents sur lesquels le préfet a fondé sa décision conformément à l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et d'annuler l'arrêté du 29 mars 2022 par lequel le préfet de Seine-et-Marne a refusé de lui délivrer le titre de séjour qu'il sollicitait.

Par un jugement n° 2207553 du 20 avril 2023, le tribunal administratif de Melun a rejeté la demande de l'intéressé.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 12 mai 2023, et des pièces, enregistrées le 25 octobre 2023 et non communiquées, M. A..., représenté par Me Jaslet, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2207553 du 20 avril 2023 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de Seine-et-Marne du 29 mars 2022 lui refusant la délivrance d'un titre séjour ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de Seine-et-Marne de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " sous astreinte de 200 euros par jour de retard suivant l'arrêt à intervenir ou, à défaut, de réexaminer sa situation administrative dans un délai d'un mois sous la même astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- la décision portant refus de séjour méconnaît les dispositions des articles L. 412-5 et L. 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ces dispositions ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur d'appréciation au regard de ces stipulations.

La requête a été communiquée au préfet de Seine-et-Marne, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Par décision du 5 juin 2023, la demande d'aide juridictionnelle de M. A... a été rejetée par le bureau d'aide juridictionnelle compétent.

Cette décision a été confirmée par une ordonnance du 22 juin 2023 de la présidente de la cour administrative d'appel de Paris.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Boizot a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant sénégalais né en 1974, est entré en France, selon ses déclarations, en mai 2010. Il a déposé une demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade. Par un jugement n° 2207553 du 20 avril 2023 dont il interjette régulièrement appel, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 mars 2022 par lequel le préfet de Seine-et-Marne a refusé de lui délivrer le titre de séjour qu'il sollicitait.

2. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que M. A... a été condamné, le 18 octobre 2016, par la cour d'assises du Val-de-Marne, à une peine de quatorze ans de réclusion criminelle pour violence ayant entraîné la mort sans intention de la donner sur un mineur de quinze ans par ascendant ou une personne ayant autorité sur la victime. Par un jugement du 11 juillet 2022 du tribunal judiciaire de Melun, il a été admis au bénéfice de la détention à domicile sous surveillance électronique à compter du 19 juillet 2022 jusqu'au 19 mars 2023 en raison des efforts importants engagés en détention dans le travail d'introspection pour comprendre les raisons de son geste. Au regard notamment de cet élément, M. A... fait valoir que son comportement s'est avéré exemplaire au cours de sa détention pendant laquelle il a travaillé notamment dans différentes activités, témoignant ainsi de son implication, qu'il s'est investi de manière régulière dans un suivi psychologique pour s'interroger sur son passage à l'acte, ses réactions et les éléments de sa personnalité et qu'il a obtenu durant son incarcération différentes qualifications professionnelles (un certificat de compétences de citoyen sécurité civile - PSC1, un titre professionnel d'agent magasinier et de vendeur-conseil magasin, un certificat d'aptitudes professionnelles métiers de la blanchisserie et une habilitation à conduire des chariots automoteurs de manutention à conducteur porté). L'intéressé se prévaut également des efforts de réinsertion qu'il aurait démontrés durant sa détention en occupant un emploi en prison et en remboursant la partie civile.

3. Si l'expertise psychiatrique et l'attestation produites au dossier en date des 7 janvier 2020 et 30 mars 2022 font état de ce que M. A..., qui bénéficiait depuis le 1er août 2017 d'un suivi psychologique régulier, a pris conscience de la gravité des faits pour lesquels il a été condamné et des conséquences pour la victime et son entourage, que sa dangerosité criminologique, et le risque de récidive paraissent significativement plus réduites, il ressort de l'expertise mentionnée que la poursuite du travail psychologique peut générer de nouvelles prises de conscience et donner lieu à des phases d'affaissement face aux difficultés d'intégration et à l'isolement affectif auxquels il risque de se confronter à la sortie. Par ailleurs, le jugement d'admission au bénéfice de la libération conditionnelle avec détention à domicile sous surveillance électronique probatoire précité relève que le refus de l'intéressé de se soumettre à l'expertise dernièrement ordonnée pour des motifs particulièrement obscurs interroge de même que l'absence de transparence dont il semble avoir fait l'objet à l'égard de l'association chargée du suivi de sa réinsertion. Ce jugement pose notamment comme conditions que l'intéressé se soumette à des mesures d'examen médical, de traitement ou de soins, y compris sous le régime de l'hospitalisation, au titre du suivi psychologique. Au vu de la nature et de la gravité des faits, le préfet de Seine-et-Marne a pu légalement estimer que la présence en France de M. A... constituait une menace pour l'ordre public. Par suite, les moyens tirés de la violation des dispositions des articles L. 412-5 et L. 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'erreur manifeste d'appréciation au regard de ces dispositions doivent être écartés.

4. En second lieu, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales prévoit que : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

5. M. A... fait valoir qu'il réside en France de manière stable et continue depuis le 23 mai 2010, que la pathologie dont il est atteint nécessite un suivi annuel en chirurgie ainsi qu'un traitement médicamenteux et qu'il a entrepris de nombreuses démarches de réinsertion sociale et professionnelle. S'il fait état de la durée de sa résidence en France, il a passé la majeure partie de ce temps en prison pour des faits particulièrement graves. Par ailleurs, il n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales à l'étranger, seule la présence d'une cousine étant avérée en France. De plus, les démarches d'insertion entreprises ne sont pas de nature à diminuer la gravité de la menace qu'il représente pour l'ordre public au regard des éléments mentionnés au point 3. Enfin, il ne démontre pas, par les pièces médicales produites au dossier, ni l'indisponibilité de traitements appropriés aux pathologies dont il souffre au Sénégal, ni que les institutions de santé existantes dans ce pays ne seraient pas à même de lui offrir une qualité de soins au moins équivalente à celle qui lui serait dispensée en France. Eu égard à la gravité des faits reprochés à M. A... qu'au but poursuivi, le préfet de Seine-et-Marne n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a pris la décision contestée et n'a, dès lors, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.

6. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte, ainsi que les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de la justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... A... et au ministre de l'intérieur

et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de Seine-et-Marne.

Délibéré après l'audience du 3 novembre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Carrère, président,

- M. Marjanovic, président assesseur,

- Mme Boizot, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 17 novembre 2023.

La rapporteure,

S. BOIZOTLe président,

S. CARRERE

La greffière,

C. DABERT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23PA02074 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA02074
Date de la décision : 17/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. CARRERE
Rapporteur ?: Mme Sabine BOIZOT
Rapporteur public ?: M. SIBILLI
Avocat(s) : JASLET

Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-11-17;23pa02074 ?
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