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17/11/2023 | FRANCE | N°23PA01798

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 17 novembre 2023, 23PA01798


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 19 avril 2021 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2106448 du 16 novembre 2022, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté la demande de l'intéressée.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le

28 avril 2023 Mme B..., représentée par Me Brocart, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 19 avril 2021 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2106448 du 16 novembre 2022, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté la demande de l'intéressée.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 28 avril 2023 Mme B..., représentée par Me Brocart, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2106448 du 16 novembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 19 avril 2021 lui refusant le renouvellement de son titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois suivant l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer immédiatement une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail et de procéder au réexamen de sa situation administrative, dans un délai d'un mois suivant l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Elle soutient que :

- la décision lui refusant le renouvellement de son titre de séjour est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;

- elle a méconnu les dispositions de l'alinéa 4 de l'article L. 431-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'illégalité de la décision de refus de séjour prive de base légale l'obligation de quitter le territoire français.

La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris en date du 16 mars 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Boizot a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., de nationalité comorienne, née le 31 décembre 1986, a été admise au séjour en France au titre du regroupement familial et est entrée à ce titre sur le territoire français le 26 décembre 2017. Elle a sollicité le 8 février 2019 le renouvellement de son titre de séjour. Par un arrêté du 19 avril 2021, pris sur le fondement de l'article L. 431-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté cette demande au motif que l'intéressée ne justifie plus d'une communauté de vie avec son époux et ne remplit donc plus les conditions du regroupement familial pour continuer à séjourner en France. Par voie de conséquence, le préfet l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de destination. Par un jugement n° 2106448 du 16 novembre 2022 dont elle interjette régulièrement appel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de l'arrêté précité.

2. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la

Seine-Saint-Denis n'aurait pas examiné la situation de la requérante au regard des éléments dont il avait connaissance, quand bien même la décision en litige ne mentionne pas les violences conjugales alléguées par la requérante dans le courriel du 10 novembre et le courrier du 14 novembre 2018 adressés par l'association La Cimade à la préfecture de la Seine-Saint-Denis antérieurement à sa demande de renouvellement de titre de séjour. En outre, si la requérante soutient avoir annexé à sa demande de renouvellement de titre de séjour déposée le 8 février 2019 un courrier où elle exposait de manière précise et détaillée les violences conjugales dont elle a été victime de la part de son époux, elle n'établit pas que ce courrier aurait été reçu par les services de la préfecture de

la Seine-Saint-Denis. Par suite, le moyen tiré de l'absence d'examen particulier de la situation de la requérante doit être écarté.

3. En deuxième lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 431-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable : " Les membres de la famille entrés en France régulièrement au titre du regroupement familial reçoivent de plein droit une carte de séjour temporaire, dès qu'ils sont astreints à la détention d'un titre de séjour ". Aux termes de l'article L. 431-2 du même code : " 1. En cas de rupture de la vie commune ne résultant pas du décès de l'un des conjoints, le titre de séjour qui a été remis au conjoint d'un étranger peut, pendant les trois années suivant l'autorisation de séjourner en France au titre du regroupement familial, faire l'objet d'un retrait ou d'un refus de renouvellement. / (...) 4 En outre, lorsque l'étranger a subi des violences familiales ou conjugales et que la communauté de vie a été rompue, l'autorité administrative ne peut procéder au retrait du titre de séjour de l'étranger admis au séjour au titre du regroupement familial et en accorde le renouvellement. En cas de violence commise après l'arrivée en France du conjoint mais avant la première délivrance de la carte de séjour temporaire, le conjoint se voit délivrer, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ".

4. Pour l'application des dispositions précitées, la notion de violences conjugales inclut non seulement les violences physiques et sexuelles mais également les violences psychologiques et économiques, au nombre desquelles figurent la privation de ressources financières et la privation d'accès au domicile conjugal.

5. Par ailleurs, si ces dispositions ouvrent droit à un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " au conjoint d'un étranger, vivant en France dans le cadre d'un regroupement familial et victime de violences conjugales, il incombe à l'autorité préfectorale, saisie d'une telle demande, d'apprécier, sous l'entier contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'intéressé justifie la délivrance du titre à la date où il se prononce, en tenant compte, notamment, des éléments probants relatifs aux violences conjugales.

6. Mme B... soutient avoir été victime de comportements humiliants et injurieux de la part de son époux et que la vie commune a été rompue en raison des violences psychologiques que lui aurait fait subir celui-ci qui l'ont obligée à quitter le domicile conjugal. Comme il a été indiqué au point 4 du présent arrêt, des violences psychologiques peuvent constituer des violences conjugales au sens de l'article L. 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au même titre que des violences physiques. Pour étayer ses dires, la requérante produit une main courante en date du 10 juillet 2018 mentionnant que son époux l'a obligée à quitter le domicile familial le 22 juin 2018 et que, depuis cette date, elle réside chez une amie, deux attestations en date des 22 janvier et 30 novembre 2018 établies par la sage-femme coordinatrice de la Maison des femmes de Saint-Denis qui précisent que Mme B... bénéficie d'un suivi médical et psychologique ainsi qu'un accompagnement personnalisé au regard des humiliations dont elle s'est déclarée victime de la part de son époux, ainsi qu'une attestation en date du 26 octobre 2018 rédigée par l'équipe du lieu d'accueil et d'orientation SOS Femmes 93 faisant état de sa participation à l'accueil collectif depuis juin 2018, un courrier du 1er juin 2018 établi par la coordinatrice de consultation pour femmes victimes de violence de la Maison des femmes qui mentionne que l'époux de Mme B... refuse de lui fournir les documents nécessaires à ses démarches administratives et de subvenir à ses besoins quotidiens, et des certificats médicaux en date du 29 octobre 2018 et du 22 novembre 2018, le premier établi par un médecin généraliste - au demeurant presque identiques à l'attestation précitée, le second par une psychologue de l'unité médico-judiciaire. Toutefois, ces certificats et attestations, lesquels se bornent à reprendre les affirmations de la requérante, ne permettent de tenir pour établie la réalité des violences qu'elle n'allègue ni de vérifier leur imputabilité au comportement adopté par son époux en l'absence de tout autre élément de nature à établir l'existence des violences conjugales alléguées. Dès lors, la communauté de vie entre Mme B... et son conjoint ne peut être regardée comme ayant été rompue en raison de violences conjugales au sens de l'article L. 431-2, de sorte que Mme B... ne remplissait pas la condition de communauté de vie entre époux prévue tant par l'article L. 431-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté.

7. En dernier lieu, la décision de refus de titre de séjour n'étant pas illégale, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de cette décision doit par suite être écarté.

8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'annulation et d'injonction, ainsi que les conclusions présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de la justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur

et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 3 novembre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Carrère, président,

- M. Marjanovic, président assesseur,

- Mme Boizot, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 17 novembre 2023.

La rapporteure,

S. BOIZOTLe président,

S. CARRERE

La greffière,

C. DABERT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA01798
Date de la décision : 17/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. CARRERE
Rapporteur ?: Mme Sabine BOIZOT
Rapporteur public ?: M. SIBILLI
Avocat(s) : BROCARD

Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-11-17;23pa01798 ?
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