Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 19 juillet 2022 par lequel le préfet de police lui a retiré son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 2221418/8 du 28 décembre 2022, le tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 19 juillet 2022 du préfet de police et lui a enjoint de restituer à Mme A... sa carte de résident dans un délai de trois mois.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 20 janvier 2023, le préfet de police demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2221418/8 du 28 décembre 2022 du tribunal administratif de Paris ;
2°) de rejeter la demande de première instance de Mme A....
Il soutient que c'est à tort que le tribunal a estimé que l'arrêté du 19 juillet 2022 est entaché d'une erreur de droit.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 mai 2023, Mme A..., représentée par Me Canton-Fourrat conclut au rejet de la requête, à ce qu'il soit enjoint au préfet de police de lui restituer son titre de séjour sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de condamner l'Etat aux dépens.
Par une décision du 24 avril 2023, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris, a admis Mme A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Jasmin-Sverdlin a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... A..., née le 10 mai 1984, de nationalité ivoirienne, est entrée en France le 13 mai 2011. Mme A..., mère de trois enfants dont l'un de nationalité française, a bénéficié de plusieurs titres de séjour temporaires avant de se voir octroyer une carte de résidence " vie privée et familiale " d'une durée de 10 ans valable du 12 septembre 2017 au 11 septembre 2027, sur le fondement de l'article L. 423-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le 2 septembre 2021, Mme A... a fait l'objet d'un signalement par la direction de la coopérative internationale de sécurité du service de sécurité intérieur de la Côte d'Ivoire pour avoir tenté d'introduire dans l'espace Schengen un enfant mineur en usurpant la carte nationale d'identité de son fils français contre rémunération, et ce à l'occasion d'un vol reliant Abidjan et Istanbul, et dont la destination finale était l'Allemagne. Après avoir eu connaissance de ce signalement, le préfet de police, a, par lettre recommandée avec accusé de réception du 31 mai 2022, d'une part, informé Mme A... qu'il envisageait de procéder au retrait de sa carte de résident et d'autre part, invité l'intéressée à présenter ses observations écrites. Le courrier lui a été retourné avec la mention " pli avisé et non réclamé ". Par un arrêté du 19 juillet 2022, le préfet de police lui a retiré sa carte de résident, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif :
2. Aux termes de l'article L. 241-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Par dérogation aux dispositions du présent titre, un acte administratif unilatéral obtenu par fraude peut être à tout moment abrogé ou retiré. ".
3. Il ressort des dispositions précitées qu'un acte administratif obtenu par fraude ne crée pas de droits et, par suite, peut être retiré ou abrogé par l'autorité compétente pour le prendre, alors même que le délai de retrait de droit commun serait expiré. Toutefois, dès lors que les délais encadrant le retrait d'un acte individuel créateur de droit sont écoulés, il appartient à l'administration d'établir la preuve de la fraude, tant s'agissant de l'existence des faits matériels l'ayant déterminée à délivrer l'acte que de l'intention du demandeur de la tromper, pour procéder à ce retrait.
4. Pour annuler la décision contestée, le tribunal administratif de Paris a retenu que le préfet avait commis une erreur de droit dès lors que le motif exposé dans l'arrêté litigieux, soit, la tentative d'introduction d'un mineur dans l'espace Schengen au moyen de la carte nationale d'identité du fils français de l'intéressée, n'était pas par lui-même de nature à justifier le retrait de la carte de résident de Mme A... dès lors que cette utilisation frauduleuse n'a pas été de nature à induire en erreur l'administration en vue de la délivrance de son titre de séjour. Si le préfet soutient que Mme A... a commis une fraude de nature à justifier le retrait de son titre de séjour pour le motif exposé, ainsi que l'ont jugé les premiers juges, les faits commis par l'intéressée, pour gravement répréhensibles qu'ils soient, ne sont pas de nature à démontrer l'intention de Mme A... de tromper le préfet quant à l'octroi d'un tel titre de séjour. Au surplus, la circonstance que Mme A... ait fait l'objet de signalements pour des faits d'aide à l'entrée, à la circulation ou au séjour irrégulier d'un étranger en France en 2018 n'est pas de nature à justifier le retrait de son titre de séjour, dès lors que le préfet n'a motivé son arrêté qu'au seul motif de la fraude.
5. Il résulte de ce qui précède que le préfet de police n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé, pour erreur de droit, son arrêté du 19 juillet 2022 prononçant à l'encontre de Mme A... le retrait de sa carte de résident d'une durée de dix ans.
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
6. Dès lors que, par le présent arrêt, la Cour rejette les conclusions dirigées contre le jugement d'annulation, celui-ci demeure exécutoire et la décision prise pour son exécution, produit toujours ses effets. Dès lors, les conclusions présentées par Mme A... à fin d'injonction sont sans objet. Il appartient au préfet de police, s'il s'y croit fondé, de se prononcer à nouveau sur la situation de la requérante au regard de son droit au séjour.
Sur les dépens :
7. La présente instance n'ayant donné lieu à aucun dépens, les conclusions présentées à ce titre par Mme A... doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du préfet de police est rejetée.
Article 2 : Le surplus des conclusions présentées par Mme A... est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des Outre-mer et à Mme B... A....
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Lapouzade, président de chambre,
- M. Diémert, président-assesseur,
- Mme Jasmin-Sverdlin, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 novembre 2023.
La rapporteure,
I. JASMIN-SVERDLINLe président,
J. LAPOUZADE
La greffière,
Y. HERBER
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des Outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23PA00260