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10/11/2023 | FRANCE | N°23PA01678

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 10 novembre 2023, 23PA01678


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 28 décembre 2021 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office.

Par un jugement n° 2209148 du 10 janvier 2023, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une

requête enregistrée le 21 avril 2023, M. A..., représenté par Me Petit, demande à la Cour :

1°) d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 28 décembre 2021 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office.

Par un jugement n° 2209148 du 10 janvier 2023, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 21 avril 2023, M. A..., représenté par Me Petit, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2209148 du 10 janvier 2023 du tribunal administratif de Montreuil ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 28 décembre 2021 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative et de lui délivrer, dans l'attente de ce réexamen, une autorisation provisoire de séjour, dans les mêmes conditions de délai ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- l'arrêté est insuffisamment motivé ;

- le tribunal a inversé la charge de la preuve en rejetant les moyens tirés de l'irrégularité de l'avis médical du collège des médecins de l'Office français de l'intégration et de l'immigration (OFII), sans en demander au préfet la communication ;

- la procédure est irrégulière et il est impossible de vérifier l'existence et la complétude des mentions que doit comporter de l'avis du collège des médecins de l'OFII ;

- les médecins signataires de l'avis médical sont incompétents ;

- l'arrêté méconnaît les stipulations du 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- l'arrêté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- l'arrêté méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- les considérants 14 à 16 du jugement, qui valident la légalité d'une interdiction de retour sur le territoire français que n'a pas prononcée le préfet, sont infondés.

La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas produit de mémoire en défense, ni déféré à la mesure d'instruction tendant à la production de l'avis du collège des médecins de l'OFII du 3 décembre 2021.

Par une décision du 16 mars 2023, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Paris a admis M. A... à l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22,

R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Perroy a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., né le 26 septembre 1966, de nationalité algérienne, est entré en France en 2015 selon ses déclarations. Le 5 octobre 2021, il a sollicité la délivrance d'un certificat de résidence pour raison de santé. Par un arrêté du 28 décembre 2021, le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. A... relève appel du jugement du 10 janvier 2023 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur le bien fondé du jugement :

2. Aux termes de l'article R. 425-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'office et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé ". Aux termes de l'article R. 425-12 du même code : " Le rapport médical visé à l'article R. 425-11 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre (...) Le médecin de l'office peut solliciter, le cas échéant, le médecin qui suit habituellement le demandeur ou le médecin praticien hospitalier. Il en informe le demandeur. Il peut également convoquer le demandeur pour l'examiner et faire procéder aux examens estimés nécessaires. (...). Il transmet son rapport médical au collège de médecins. / Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical. (...) / Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. (...) / L'avis est rendu par le collège dans un délai de trois mois à compter de la transmission par le demandeur des éléments médicaux conformément à la première phrase du premier alinéa. (...) / L'avis est transmis au préfet territorialement compétent, sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ". L'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 susvisé prévoit que : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; d) la durée prévisible du traitement. Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. Cet avis mentionne les éléments de procédure. Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège ".

3. Il ressort de la motivation de l'arrêté attaqué qu'il se fonde sur un avis rendu le 3 décembre 2021 par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) sur l'état de santé de M. A.... Si l'arrêté contesté mentionne qu'une copie de l'avis est jointe en page 4 de la décision, M. A..., qui produit la décision attaquée comportant 4 pages, cette 4ème page étant le bordereau de transmission de l'avis du collège des médecins de l'OFII et non l'avis lui-même, conteste sans être contredit par le préfet de la Seine-Saint-Denis, qui n'a pas produit d'écritures en défense, avoir été destinataire de cet avis. Alors que le requérant soutient, pour la première fois en appel, qu'il n'est pas en mesure de vérifier la régularité de cet avis, et notamment pas s'il comporte effectivement le renseignement des différents items prévus par l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016, et qu'il n'est pas davantage en mesure de vérifier que le préfet l'a retranscrit sans erreur matérielle, le préfet de la Seine-Saint-Denis, qui n'a produit aucune observation en défense, ni en première instance, ni en appel, n'établit pas la régularité de cet avis au regard des dispositions précitées. A défaut que soit ainsi établi que le préfet de la Seine-Saint-Denis a repris, sans erreur matérielle, les mentions portées sur un avis régulier du collège de médecins de l'OFII, M. A... doit être regardé comme ayant été privé d'une garantie.

4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 décembre 2021 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :

5. Eu égard au motif d'annulation précédemment retenu et sous réserve d'un changement de situation, il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de réexaminer la situation de M. A..., dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de mettre à la charge de l'Etat le versement au conseil de M. A..., Me Petit, d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés dans l'instance, sous réserve que Me Petit renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2209148 du 10 janvier 2023 du tribunal administratif de Montreuil est annulé.

Article 2 : L'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 28 décembre 2021 est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de réexaminer la situation de M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'État versera à Me Petit, avocat de M. A..., une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Petit renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Vinot, présidente de chambre,

- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,

- M. Perroy, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 novembre 2023.

Le rapporteur,

G. PERROY

La présidente,

H. VINOT

La greffière,

A. MAIGNAN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23PA0167802


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA01678
Date de la décision : 10/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme VINOT
Rapporteur ?: M. Gilles PERROY
Rapporteur public ?: Mme LESCAUT
Avocat(s) : PETIT

Origine de la décision
Date de l'import : 19/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-11-10;23pa01678 ?
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