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10/11/2023 | FRANCE | N°22PA05167

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 10 novembre 2023, 22PA05167


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 14 février 2022 par lequel le préfet de police de Paris lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné à l'issue de ce délai.

Par un jugement n° 2210567 du 21 juillet 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une req

uête, un mémoire et des pièces complémentaires enregistrés les 6 décembre 2022, 19 janvier 2023, 20 ja...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 14 février 2022 par lequel le préfet de police de Paris lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné à l'issue de ce délai.

Par un jugement n° 2210567 du 21 juillet 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, un mémoire et des pièces complémentaires enregistrés les 6 décembre 2022, 19 janvier 2023, 20 janvier 2023 et 16 mars 2023, M. A..., représenté par Me Rochiccioli, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris du 21 juillet 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 14 février 2022 par lequel le préfet de police a rejeté sa demande de délivrance d'un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours ;

3°) d'enjoindre aux services préfectoraux de lui délivrer une carte de séjour mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation dans le même délai et dans cette attente, de lui délivrer un récépissé de demande de titre ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros hors taxe au bénéfice de Me Rochiccioli, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de renonciation à la part contributive de l'Etat.

Il soutient que :

S'agissant de la décision portant refus de titre de séjour :

- l'avis du collège des médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration a été rendu au terme d'une procédure irrégulière, en l'absence de démonstration du caractère effectif d'une délibération collégiale et faute de production dans le cadre du débat contradictoire des données précises susceptibles de retenir l'effectivité d'une prise en charge de sa pathologie au Sénégal ;

- cette décision a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en l'absence de possibilité de prise en charge de la pathologie dont il souffre au Sénégal ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- cette décision est illégale, par voie d'exception, en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour sur laquelle elle se fonde ;

- elle méconnaît les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

Par des mémoires enregistrés le 7 février 2023 et le 18 avril 2023, l'Office français de l'intégration et de l'immigration a produit, en qualité d'observateur, d'une part, à la demande de la Cour, le dossier médical de M. A... et, d'autre part, des observations.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 mai 2023, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 octobre 2022.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n°2020-1717 du 28 décembre 2020 ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de leurs missions, prévues à l'article L. 313-11 (11°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Lorin,

- et les observations de Me Bahic, substituant Me Rochiccioli, représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant sénégalais né le 29 septembre 1981, a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en raison de son état de santé. Par un arrêté du 14 février 2022, le préfet de police a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné. M. A... relève régulièrement appel du jugement du 21 juillet 2022 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. (...). ". Aux termes de l'article R. 425-11 du même code : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'office et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. ". Aux termes de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 pris pour l'application de ces dispositions : " (...) Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège. ".

3. En premier lieu, il résulte de ces dispositions que lorsque l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration porte la mention " Après en avoir délibéré, le collège des médecins de l'OFII émet l'avis suivant ", cette mention du caractère collégial de l'avis fait foi jusqu'à preuve contraire. En se bornant à soutenir que la démonstration du caractère collégial de cette délibération n'est pas rapportée par la seule signature de l'avis rendu le 11 octobre 2021 par les médecins composant le collège compte tenu de leur éloignement géographique, M. A... n'apporte aucun commencement de preuve susceptible de remettre en cause l'existence de cette délibération collégiale conformément à la mention figurant sur cet avis, laquelle peut se tenir au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle, aucune disposition n'imposant qu'elle se déroule en présentiel. Par ailleurs, il ne résulte d'aucune disposition législative ou réglementaire que le collège de médecins ait l'obligation de communiquer les éléments qui lui ont permis de rendre son avis, en particulier les informations sur lesquelles il s'est fondé pour prendre sa décision. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision de refus de séjour aurait été édictée à l'issue d'une procédure irrégulière ne peut qu'être écarté.

4. En deuxième lieu, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, et s'il peut bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La partie à laquelle l'avis du collège de médecins de l'OFII est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger, et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.

5. Pour refuser la demande de titre de séjour formée par M. A..., le préfet de police s'est notamment fondé sur l'avis émis le 11 octobre 2021 par le collège de médecins de l'OFII. Selon cet avis, si l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il peut néanmoins, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans son pays d'origine, bénéficier d'un traitement approprié au Sénégal. Pour contester cette appréciation, M. A... qui souffre d'hydrocéphalie obstructive entrainant une hypertension intracrânienne, soutient que cette pathologie et les complications ophtalmiques générées par l'intervention chirurgicale qu'il a subi le 24 juin 2020, nécessitent un suivi spécialisé et régulier en ophtalmologie, neurochirurgie et une rééducation orthoptique indisponibles dans son pays d'origine. Il ressort des pièces du dossier que l'intéressé a gardé des séquelles de l'intervention pratiquée au mois de juin 2020, en particulier des céphalées, un ptosis bilatéral et une paralysie du nerf III bilatéral. Toutefois, aucune des pièces médicales produites à l'instance établies par les praticiens de l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière au sein duquel M. A... est pris en charge, ne se prononce sur l'indisponibilité dans son pays d'origine d'un traitement et d'un suivi approprié à son état de santé. Si dans un rapport établi le 18 août 2022, un médecin du service de neurochirurgie de l'hôpital principal de Dakar relève que le tableau neurologique qu'il présente ne pourrait être pris en charge correctement au Sénégal où le plateau technique est limité, les termes de ce rapport ne sont pas suffisamment précis et documentés pour contredire l'avis émis par le collège des médecins de l'OFII et retenir que les infrastructures médicales de ce pays ne seraient pas adaptées à sa prise en charge. L'intéressé ne démontre pas davantage l'absence effective d'accès aux soins au Sénégal par la production d'articles de presse qui témoignent des insuffisances du système de soins dans ce pays, compte tenu du caractère généraliste de cette présentation qui ne permet pas d'infirmer l'appréciation portée sur l'existence de traitements et de possibilités de suivis adaptés dans son pays d'origine. Par ailleurs, si l'intéressé soutient que les traitements qui lui sont prescrits par l'administration quotidienne de Vismed, Azyter et Zalerg ou leurs principes actifs ne figurent pas sur la liste nationale des médicaments essentiels publiée par le gouvernement sénégalais, il ne démontre par aucune pièce médicale qu'il ne pourrait disposer d'un traitement sous une forme équivalente au regard de la commercialisation de médicaments dont les principes actifs seraient disponibles au Sénégal, la liste nationale des médicaments et produits essentiels du Sénégal versée au dossier (édition 2018) faisant état de la disponibilité de nombreux collyres qualifiés de " préparations utilisées en ophtalmologie ". S'il produit deux courriels de laboratoires précisant l'absence de commercialisation au Sénégal des collyres Vismed et Zalerg, il ne conteste pas que le premier d'entre eux peut être remplacé par des larmes artificielles disponibles dans toutes les pharmacies et que le second, qui est un collyre antiallergique, ne pourrait être substitué par l'un produit équivalent à usage ophtalmologique également disponibles dans son pays. Par suite, M. A... qui n'apporte aucun élément de nature à contredire l'avis du collège des médecins, et n'est pas fondé à soutenir que la documentation de référence de l'OFII rendrait impossible, en raison de son insuffisance technique, la production au contentieux d'éléments de nature à permettre de remettre en cause ses avis, n'est pas fondé à soutenir qu'en prenant la décision contestée de refus de séjour sur la base de cet avis, le préfet de police aurait méconnu les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...) ".

7. Si M. A... fait valoir la durée de son séjour en France depuis le mois de novembre 2016, la présence de plusieurs de ses oncles et tantes ainsi que ses activités associatives et la poursuite d'une formation d'initiation au numérique, il ne conteste pas que sa femme et ses quatre enfants mineurs résident au Sénégal où il a vécu jusqu'à l'âge de trente-cinq ans. Par suite et alors qu'il ne démontre pas que son état de santé nécessiterait la poursuite d'une prise en charge médiale en France, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de police aurait porté une atteinte disproportionnée au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

8. En quatrième lieu, en l'absence d'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de cette décision, soulevé à l'appui des conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français, doit être écarté.

9. En cinquième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 6 du présent arrêt.

10. En dernier lieu et pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 6 et 8 du présent arrêt, il ne ressort pas des pièces du dossier que la mesure d'éloignement en litige serait entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé.

11. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du préfet de police du 14 février 2022. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre des frais liés à l'instance doivent également être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er: La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de police et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

Délibéré après l'audience du 20 octobre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Carrère, président,

- M. Soyez, président assesseur,

- Mme Lorin, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour le10 novembre 2023.

La rapporteure,

C. LORIN

Le président,

S. CARRERE

La greffière,

E. LUCE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22PA05167 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA05167
Date de la décision : 10/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. CARRERE
Rapporteur ?: Mme Cécile LORIN
Rapporteur public ?: M. SIBILLI
Avocat(s) : ROCHICCIOLI

Origine de la décision
Date de l'import : 19/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-11-10;22pa05167 ?
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