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10/11/2023 | FRANCE | N°21PA06691

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 10 novembre 2023, 21PA06691


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A... B... ont demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2012 et 2013 ainsi que des intérêts et majorations correspondants.

Par un jugement n° 2005936 du 12 novembre 2021, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en réplique enregis

trés le 30 décembre 2021 et le 14 mars 2022, M. et Mme B..., représentés par la Selas Fasquel e...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A... B... ont demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2012 et 2013 ainsi que des intérêts et majorations correspondants.

Par un jugement n° 2005936 du 12 novembre 2021, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés le 30 décembre 2021 et le 14 mars 2022, M. et Mme B..., représentés par la Selas Fasquel et Duglue, prise en la personne de Me Fasquel, avocat, demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2005936 du 12 novembre 2021 du tribunal administratif de Montreuil ;

2°) de prononcer la décharge des impositions contestées, en droits et pénalités.

Ils soutiennent que :

- ils ont apporté la justification des frais de déplacement ainsi que de mission et de réception remboursés par les différentes sociétés du groupe ICM, conformément aux dispositions du 1° de l'article 81, précisées par les commentaires de l'instruction référencée 5F-23-84 III B.2 du 24 octobre 1984 ainsi que ceux du n° 14 de l'instruction référencée

5F-1151 du 10 février 1999, aux dispositions des a et b de l'article 80 ter du code général des impôts, précisées par les commentaires figurant au n° 18 de l'instruction référencée 4 C 4453 du 30 octobre 1997, confirmés au paragraphe 66 de l'instruction référencée BOI 5F-1-04 du 6 février 2004 et repris au paragraphe 330 de l'instruction référencée BOI-IS-BASE-30-20-10-20 et à la jurisprudence ;

- la décision de l'interlocuteur départemental en date du 21 février 2011 concernant les impositions des années 2006 et 2007 constitue une prise de position formelle de l'administration opposable en application de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales ;

- la majoration pour manquement délibéré est injustifiée, compte tenu de la liberté du contribuable de gestion de son patrimoine financier et de l'absence de volonté d'égarer l'administration.

Par un mémoire en défense enregistré le 17 février 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. et Mme B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Vrignon-Villalba ;

- les conclusions de Mme Lescaut, rapporteure publique ;

- et les observations de Me Fasquel, pour M. et Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme B... ont fait l'objet d'un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle, qui a porté sur les années 2012 et 2013. A l'issue de cette procédure, l'administration les a informés qu'elle envisageait de procéder à des rectifications fondées sur la prise en compte de revenus distribués révélés, d'une part, par la vérification de comptabilité dont la société ICM, dont M. B... est le président directeur général et Mme B... la directrice générale adjointe, a fait l'objet au titre des mêmes années, d'autre part, par l'existence de crédits injustifiés sur les comptes bancaires de M. B.... Elle a par voie de conséquence déterminé au titre de chacune de ces années des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux assortis de majorations de 40 % pour manquement délibéré, par une proposition de rectification en date du 4 décembre 2015. Consécutivement à cette proposition de rectification M. et Mme B... ont présenté des observations par un courrier en date du 2 février 2016. Dans sa réponse apportée à ces observations le 26 juillet 2016, l'administration a réduit le montant des revenus distribués résultant de la vérification de comptabilité de la société ICM, procédé à une substitution de la base légale d'imposition de ces revenus et maintenu les impositions envisagées pour le surplus. Par une réclamation en date du 22 novembre 2017, M. et Mme B... ont contesté les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de prélèvements sociaux ainsi que les majorations correspondantes mises à leur charge. Par une décision d'acceptation partielle en date du 22 mai 2018, l'administration a procédé à une nouvelle réduction du montant des revenus distribués résultant de la vérification de comptabilité de la société ICM, et rejeté le surplus de cette réclamation. Par une réclamation en date du 9 août 2019, M. et Mme B... ont contesté les impositions supplémentaires restant à leur charge. Cette réclamation a été rejetée par une décision du 24 février 2020. M. et Mme B... relèvent appel du jugement du 12 novembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux ainsi que les majorations correspondantes mises à leur charge au titre des années 2012 et 2013.

Sur le bien-fondé des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

2. Aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : (...) / c. Les rémunérations et avantages occultes (...) ". Lorsqu'une société a pris en charge des dépenses incombant normalement à un tiers sans que la comptabilisation de cette opération ne révèle, par elle-même, l'octroi d'un avantage, il appartient à l'administration, si elle entend faire application des dispositions du c de l'article 111 du code général des impôts pour imposer, dans les mains du tiers, cette somme, d'établir, d'une part, que la prise en charge de cette dépense ne comportait pas de contrepartie pour la société, et d'autre part, qu'il existait une intention, pour celle-ci, d'octroyer, et pour le tiers, de recevoir, une libéralité.

3. L'administration fiscale a relevé, lors de l'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle dont M. et Mme B... ont fait l'objet, qu'au titre des années 2012 et 2013, ceux-ci disposaient de crédits bancaires non identifiés de montants respectifs de 77 705 euros et de 74 575 euros, dont il a été établi qu'ils provenaient de sommes versées par des sociétés dans lesquelles M. B... occupait des fonctions de dirigeant ou de mandataire social ou dont les intéressés étaient associés. Au regard des éléments apportés par ces derniers pour justifier de la régularité de ces versements, l'administration en a déduit, dans un premier temps, que ces sommes ne constituaient pas des remboursements de frais professionnels, qui ne seraient pas soumises à l'impôt en vertu des dispositions du 1° de l'article 81 du même code, ainsi que le font valoir M et Mme B..., et qu'elles présentaient le caractère de distributions occultes imposables sur le fondement des dispositions précitées du c de l'article 111 du code général des impôts.

4. M. et Mme B... soutiennent que M. B..., qui dirige plusieurs sociétés, effectue à ce titre des déplacements professionnels sur les sites d'exploitations des entreprises ou pour rencontrer des tiers liés à ces activités, de sorte que les sommes remboursées couvrent, d'une part, des frais de déplacement réalisés au moyen du véhicule personnel de l'intéressé, qui sont calculés sur la base du taux des indemnités kilométriques fixé par l'administration, des distances parcourues et de la puissance du véhicule et d'autre part, des frais de réception et des frais annexes, qui sont remboursés pour leur montant réel sur production de pièces justificatives. Ils estiment ainsi que les sommes correspondantes ne sauraient relever des dispositions de l'article 80 ter du code général des impôts, en vertu desquelles les indemnités, remboursements et allocations forfaitaires pour frais versés aux dirigeants de sociétés doivent être soumis à l'impôt sur le revenu, mais doivent être exonérées de toute imposition en application des dispositions de l'article 81 du code général des impôts, selon lesquelles : " Sont affranchis de l'impôt : / 1° Les allocations spéciales destinées à couvrir les frais inhérents à la fonction ou à l'emploi et effectivement utilisées conformément à leur objet. (...) ".

5. Il appartient aux contribuables qui entendent bénéficier des dispositions du 1° de l'article 81 à raison de sommes que leur a versées l'entreprise de justifier que ces sommes ont couvert des frais qu'ils ont réellement exposés, ainsi que l'exigeaient leurs fonctions au sein de l'entreprise, dans l'intérêt de cette dernière.

6. En premier lieu, s'agissant des remboursements effectués, d'une part, en 2012, pour des frais exposés en 2010 pour la société ICM et en 2011 par les sociétés GDSA, Industrelec et Odic, d'autre part, en 2013, pour des frais exposés en 2012 pour les sociétés ICM, GDSA, Industrelec, Odic, Odic Finance, ACLS, Centre d'affaires Messine, G'M, Omnium d'investissement Askea technologie, Compagnie Askea technologie, Guyancourt et Laugier, M. et Mme B... soutiennent qu'ils ont apporté toutes les justifications nécessaires en réponse à la demande d'éclaircissement et de vérification permettant d'en justifier. Au soutien de leurs allégations ils versent aux débats, pour justifier des remboursements intervenus en 2012, des notes de frais établies par M. B... accompagnées de factures adressées à la société ICM au titre du mois de décembre 2011, à la société Industrelec au titre du mois d'octobre 2011 et à la société GDSA au titre des mois de septembre à décembre 2011 et, pour les remboursements intervenus en 2013, des notes de frais du même auteur accompagnées de factures adressées à la société ODIC au titre des mois de janvier à mars 2012 et à la société GDSA au titre des deuxième, troisième et quatrième trimestres 2012.

7. D'une part, s'agissant des sommes dont l'administration conteste le caractère de remboursement de frais kilométriques, M. et Mme B... produisent à l'appui de leurs écritures un tableau retraçant, pour chaque déplacement, l'identité des clients rencontrés ainsi que les dates et lieux et objets des rencontres. L'administration reconnaît en défense que pendant les opérations de contrôle, M. et Mme B... ont produit des états de frais adressés aux diverses sociétés du groupe ICM indiquant le kilométrage, la date et le lieu du déplacement, ainsi que le client rencontré. Il résulte toutefois de l'instruction qu'aucun justificatif (péage, essence, entretien du véhicule...) n'est produit de nature à établir l'effectivité de l'utilisation par M. B... de son véhicule personnel dans le cadre des déplacements professionnels allégués, ni le fait qu'il aurait, pour ce faire, engagé et supporté des frais justifiant l'application du barème kilométrique et les remboursements effectués. Par ailleurs, le vérificateur a relevé qu'un nombre important de trajets étaient effectués par M. B... entre les villes de Courbevoie, Saint-Denis ou Paris et la commune de Préaux, dans le département de la Mayenne, où se situe la résidence secondaire des requérants. Si les requérants font valoir que la maison d'habitation dont ils ont la disposition fait partie d'un ensemble immobilier dont la SCEA G'M est la locataire, et qui se compose aussi de terrains agricoles et d'un bâtiment principal utilisé par les sociétés ICM, SCCR, Centre d'affaires Messine, GDSA, et que M. B... utilise également la maison d'habitation lors de ses déplacements pour exercer ses fonctions de magistrat au tribunal de commerce de Laval, ils n'apportent aucun élément susceptible de distinguer les déplacements effectués à titre professionnel de ceux effectués à titre personnel. Il résulte en outre de l'instruction que des sommes ont été versés à M. B..., en 2012 et 2013, au titre de remboursement de frais de déplacements vers la commune de Préaux, par les sociétés Industrelec, ODIC, LD2l, CAT, Financière Vauban, IMG, ACLS, SNC CAM, SCI Laugier et SAIC, dont il n'est pas établi qu'elles auraient une activité dans cette localité. Dans ces conditions, les seules mentions des tableaux susmentionnés ne peuvent suffire à établir la réalité des dépenses correspondant aux remboursements en cause.

8. D'autre part, s'agissant des sommes dont l'administration conteste le caractère de remboursement de frais de mission et de réception, l'administration indique en défense que M. et Mme B... ont produit des notes de frais d'hôtel et de restaurant, pour la somme de 22 398 euros en 2012 et 14 647 euros en 2013. Mais elle relève, dans la proposition de rectification du 4 décembre 2015, que les dépenses figurants dans les états de frais communiqués ne peuvent être rattachées à aucun débit bancaire, en particulier pour les hôtels et les restaurants. Elle indique en outre, en défense que certains des frais allégués ont été payés par la carte American express de la société ICM détenue par M. et Mme B..., pour des montants respectifs de 6 247 euros en 2012 et 7 458 euros en 2013. Elle fait également valoir, sans être contestée, le caractère illisible de certaines notes de frais, pour un montant total de 15 640 euros en 2012 et 6 749 euros en 2013, et l'absence de caractère professionnelle de certaines dépenses figurant dans les états de frais (restaurants les dimanches et jours fériés, achats de crayons de couleurs, de vêtements enfants, d'une draisienne...).

9. Pour expliquer l'absence de rattachement des notes de frais à un débit bancaire, M. et Mme B... soutiennent qu'au cours des années 2012 et 2013, M. B... a retiré mensuellement de son compte bancaire une somme dont le montant a évolué de 5 000 euros à 7 000 euros, soit un montant total de 86 000 euros en 2012 et de 98 000 euros en 2013, avec laquelle il payait les dépenses inhérentes à sa fonction et à son emploi ainsi que ses dépenses personnelles. Si les paiements en espèces sont autorisés dans le respect du plafond fixé par l'article D. 112-3 du code monétaire et financier, de telles modalités de paiement rendent difficilement identifiable le lien entre des ressources à des dépenses. L'administration pouvait, donc, sans commettre d'illégalité, en tirer toutes les conséquences pour apprécier le caractère probant des éléments produits par les requérants.

10. En l'espèce, eu égard à ce qui a été dit aux points 7 à 9 ci-dessus, c'est à bon droit que l'administration a considéré que les seuls tableaux d'indemnités kilométriques et notes de frais établies par M. B... et les factures qui y étaient jointes ne suffisent pas à établir que les frais invoqués auraient été engagés dans l'intérêt des sociétés en cause ni qu'ils auraient été supportés par M. B....

11. En deuxième lieu, M. et Mme B... soutiennent que les versements effectués en 2012 par les sociétés ACLS, d'un montant de 3 936 euros, SEA G'M, d'un montant de 7 872 euros, LD2l, d'un montant de 319,80 euros, Compagnie Askea Technologie, d'un montant de 7 560,00 euros, SNAMM, d'un montant de 801,50 euros, Financière Vauban, d'un montant de 3 837,60 euros et IMG, d'un montant de 15 973,23 euros, inscrits au compte n° 455201 détenu par M. B... auprès de la société ICM, correspondent à des remboursements par ces sociétés de dépenses professionnelles engagées par M. B... au cours des années 2008 à 2010, initialement payées par des chèques qui ont ensuite été annulés faute d'avoir été encaissés dans le délai légal. Toutefois, quand bien même les requérants justifient de l'existence des chèques annulées ainsi que des virements, de montants identiques à ceux portés sur les chèques en cause, effectués en 2012 par les sociétés émettrices sur le compte bancaire détenu par la société ICM, une telle circonstance ne suffit pas à établir que ces sommes correspondraient à des dépenses de caractère professionnel qui auraient été engagées par M. B... et qui lui seraient remboursables, à défaut là encore de pièce susceptible d'établir la réalité de ce caractère. Au surplus, les requérants n'apportent pas la moindre explication sur les motifs les ayant conduits, de manière récurrente, à s'abstenir d'encaisser des chèques, pourtant de montants significatifs, dans un bref délai.

12. En troisième lieu, M. et Mme B... soutiennent que la somme de 1 158 euros portée au crédit du compte n° 455201 détenu par M. B... auprès de la société SCCR correspond au remboursement par cette société à M. B... d'une somme équivalente au dépôt de garantie que celui-ci a remboursée à sa place aux locataires d'un appartement qu'elle louait dans la commune d'Argenteuil. Ils produisent des documents établissant l'existence du bail locatif, du versement de la garantie par les locataires et de son encaissement par la société SCCR, ainsi que des pièces comptables desquelles il ressort que le 31 décembre 2012 la somme de 1 158 euros a été débitée du compte ouvert au nom des locataires et créditée au compte n° 455201 mentionné ci-dessus. Toutefois, M. et Mme B... n'apportent pas d'élément permettant d'établir de manière probante la matérialité du remboursement qui aurait été effectué par M. B..., la quittance qu'ils produisent ne comportant aucune référence au bail et à l'appartement loué ni de date certaine dès lors qu'y figure uniquement la mention de l'année 2012, sans autre précision. Dans ces conditions, l'administration a pu à bon droit estimer que le crédit portant sur la somme de 1 158 euros était injustifié.

13. En dernier lieu, si M. et Mme B... font valoir que, dans le cadre de la vérification de comptabilité dont la société ICM a fait l'objet au titre des années 2012 et 2013, l'administration a admis des remboursements de frais de déplacement effectués par cette société, il ne résulte pas de l'instruction que les rectifications opérées à la suite de l'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle de M. B... seraient en contradiction avec celles issues de cette vérification de comptabilité, qui ont d'ailleurs été abandonnées par décision du 22 mai 2018.

14. Au vu de ce qui précède, l'administration doit être regardée comme démontrant que les sommes versées par les sociétés susmentionnées à M. et Mme B..., prétendument au titre de remboursements de frais kilométriques et de frais de mission et de réception, ne comportent pas de contrepartie pour les sociétés concernées, et qu'elles sont constitutives d'un avantage en nature. Dès lors qu'il est constant que les versements en cause n'ont pas été explicitement inscrits dans la comptabilité des sociétés comme des avantages en nature, c'est à bon droit que l'administration fiscale les a imposés en tant que rémunérations et avantages occultes, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, sur le fondement des dispositions précitées du c de l'article 111 du code général des impôts.

En ce qui concerne l'interprétation administrative de la loi fiscale :

15. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au litige : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration ". Aux termes de l'article L. 80 B du même livre : " La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable : / 1° Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal (...) ".

16. En premier lieu, les requérants invoquent, en ce qui concerne la mise en œuvre des dispositions du 1° de l'article 81 du code général des impôts, citées au point 4 du présent arrêt, les énonciations de l'instruction référencée 5F-23-84 III B.2 du 24 octobre 1984 et celles du paragraphe 14 de l'instruction référencée 5F 1151 du 10 février 1999, reprises au point n° 120 de l'instruction référencée BOI-RSA-CHAMP-20-50-10, qui prévoient la nécessité que les frais invoqués soient confortés par des justifications suffisamment précises pour en établir la réalité et qu'il soit démontré qu'ils ont été exposés dans l'intérêt de l'entreprise, en tout état de cause, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, les frais invoqués par les requérants ne sont pas suffisamment justifiés. S'ils se prévalent, en ce qui concerne l'application des dispositions des a et b de l'article 80 ter du code général des impôts, mentionné au point 4 du présent arrêt, des commentaires figurant au paragraphe 18 de l'instruction 4C 4453 du 30 octobre 1997, repris au paragraphe 330 de l'instruction référencée BOI-IS-BASE-30-20-10, selon lesquels " (...) il y a lieu de considérer que les indemnités (...) accordées aux dirigeants et aux cadres à raison de l'utilisation de leur voiture personnelle à des fins professionnelles constituent des remboursements de frais réels ", d'une part, il est précisé dans l'instruction que c'est sous réserve, notamment, qu'elles soient effectivement calculées en fonction du nombre exact de kilomètres parcourus, qu'il convient donc de justifier, d'autre part et en tout état de cause, M. et Mme B... ne peuvent pas utilement invoquer ces instructions qui se rapportent aux charges déductibles pour la détermination des bénéfices des entreprises, Ils ne peuvent par ailleurs pas non plus, en tout état de cause, se prévaloir utilement des commentaires du paragraphe 66 de l'instruction référence

BOI 5F-1-04 du 6 février 2004, selon lesquels les indemnités kilométriques versées pour utilisation d'un véhicule personnel pour déplacements professionnels sont réputées utilisées conformément à leur objet à concurrence des montants résultant de l'application du barème du prix de revient kilométrique publié chaque année par l'administration, qui concernent les seuls salariés.

17. En second lieu, les requérants soutiennent que la réponse qui leur a été adressée le 21 février 2011 par l'interlocuteur départemental à la suite de l'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle de M. B... au titre des impositions des années 2006 et 2007 constitue une prise de position formelle opposable à l'administration, dès lors que les dispositions fiscales mises en œuvre ainsi que les conditions de règlement des dépenses, de versement des indemnités kilométriques et de remboursement des frais de réception au cours des années 2012 et 2013 sont identiques à celles au regard desquelles le service s'était alors prononcé. Toutefois, la réponse de l'interlocuteur départemental mentionnée ci-dessus, qui se borne à indiquer que compte tenu des éléments présentés il ne sera pas " insisté " sur les rectifications portant sur les remboursements de frais de déplacement, de missions et de réception, ne contient aucune prise de position formelle sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal au sens de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales. Les requérants ne sont donc pas fondés à se prévaloir de la garantie accordée par cet article.

Sur la majoration de 40 % :

18. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ".

19. L'administration a relevé que M. B... a utilisé ses fonctions de dirigeant dans plusieurs sociétés du groupe ICM pour se faire rembourser sans justificatifs probants des frais de déplacements qui, pour une partie d'entre eux, se rapportent en outre à des trajets effectués pour rejoindre la résidence secondaire familiale, et pour utiliser la trésorerie de la société ICM à des fins personnelles, réitérant ainsi des manquements déjà constatés lors de précédents examens contradictoires de sa situation fiscale personnelle qui avaient entrainé des rectifications et qu'il ne pouvait donc ignorer. Elle a constaté en outre que M. et Mme B... ont utilisé une carte de paiement de la société ICM pour effectuer certaines dépenses qu'ils se sont ensuite fait rembourser. Elle a enfin estimé que M. B... utilisait des méthodes ayant pour conséquence d'égarer les services dans leur pouvoir de contrôle en déclarant procéder au paiement en espèces de ses frais professionnels sur la base de retraits mensuels globaux et pour avoir sciemment différé l'encaissement de chèques émanant de sociétés dans lesquelles, pour un bon nombre, il exerçait des fonctions de direction, afin d'obtenir, une fois le délai d'encaissement prescrit, le paiement de la somme équivalente au moyen de virements financiers effectués par ces mêmes sociétés. Au regard de l'ensemble de ces éléments, l'administration justifie le bien-fondé de l'application de la majoration de 40 % prévue par les dispositions de l'article 1729 du code général des impôts sans qu'ait d'incidence à cet égard le comportement adopté par les contribuables durant l'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle mis en œuvre.

20. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande. Par suite, leurs conclusions aux fins d'annulation et de décharge doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Mme C... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction spécialisée du Contrôle Fiscal Île-de-France.

Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Vinot, présidente de chambre,

- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,

- M. Dubois, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 novembre 2023.

La rapporteure,

C. VRIGNON-VILLALBALa présidente,

H. VINOT

La greffière,

A. MAIGNAN

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 21PA06691 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA06691
Date de la décision : 10/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme VINOT
Rapporteur ?: Mme Cécile VRIGNON-VILLALBA
Rapporteur public ?: Mme LESCAUT
Avocat(s) : CONSEILS REUNIS

Origine de la décision
Date de l'import : 19/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-11-10;21pa06691 ?
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