Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil :
1°) à titre principal, de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus auxquelles elle a été assujettie, au titre de l'année 2013, à hauteur de la somme de 482 217 euros en droits et pénalités ;
2°) à titre subsidiaire, de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle d'une part et de transmettre au Conseil d'Etat une demande d'avis en application de l'article L.113-1 du code de justice administrative d'autre part ;
3°) en tout état de cause, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 10 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1902695 du 6 avril 2021, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté la demande de Mme B....
Procédure devant la Cour :
Par une requête, et des mémoires complémentaires enregistrés respectivement le 12 mai 2021, le 17 août 2021 et le 26 juin 2023, Mme B..., représentée par Me Bornhauser, avocat, demande à la Cour :
- d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montreuil du 6 avril 2021 ;
- de surseoir à statuer jusqu'à ce que la Cour européenne des droits de l'homme se soit prononcée, sur requêtes n° 45443/21 et 45483/21, sur la compatibilité avec les articles 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 1er du premier protocole additionnel à ladite convention de la discrimination à rebours à l'encontre des résidents français dont la plus-value réalisée sur les titres, à l'occasion d'une opération d'apport au profit d'une autre société française, a fait l'objet, sur option en application de l'article 92 B, II, ancien du code général des impôts, d'un report d'imposition exclu du bénéfice de l'abattement pour durée de détention de l'article 150-0 D du CGI dont ils auraient bénéficié en l'absence d'un tel apport, alors que des personnes placées dans une situation " européenne " auraient pu en bénéficier ;
- de transmettre à la Cour de justice de l'Union européenne une question préjudicielle tendant à savoir si, lorsqu'une loi nationale transpose une directive instaurant un différé d'imposition en cas d'échange de titres en traitant indifféremment les situations relevant du champ d'application de la directive et les autres, l'article 20 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne s'oppose à ce qu'elle traite les contribuables concernés différemment, dans ses conséquences, lorsque le différé d'imposition prend fin ;
- de limiter à un montant net de 498 145 euros l'assiette de l'imposition supplémentaire mise à sa charge de la Requérante au titre des revenus de l'année 2013 et prononcer en conséquence la décharge d'une somme 482 217 euros (dont 414 275 € en principal et 67 941 euros au titre des majorations et intérêts de retard ;
- de condamner l'Etat à lui verser la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du Code de Justice Administrative.
Elle soutient que :
- les dispositions combinées, d'une part, du III de l'article 17 de la loi n° 2013-1278 de Finances pour 2014 et, d'autre part, du II de l'article 92 B du Code général des impôts et du I ter de l'article 160 du même code, dans leur rédaction applicable aux plus-values réalisées antérieurement au 1er janvier 2000, telles que précédemment interprétées par le Conseil d'Etat, sont contraires à l'article 20 de la charte de droits fondamentaux de l'Union européenne;
- en vertu des arrêts n° C-28/95 du 17 juillet 1997 et n° C-634/18 du 11 juin 2020 de la Cour de justice de l'Union européenne, même dans une situation régie exclusivement par le droit interne, le texte de droit interne, fondement d'un litige national, constituant la transposition d'un texte d'origine européenne, en l'occurrence la directive 90/434/CE du Conseil du 23 juillet 1990 désormais reprise par la directive 2009/133/CE du 19 octobre 2009, doit être interprété de manière uniforme, que les situations soient purement internes ou placées dans le champ de cette directive ;
- ces plus-values en report d'imposition antérieures au 1er janvier 2013, résultant d'opérations hors du champ d'application de la Directive, plus précisément d'opérations purement internes, doivent bénéficier de l'application des abattements pour durée de détention prévus par l'article 150-0 D du CGI ;
- ces dispositions combinées sont également contraires aux stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales lues en combinaison avec l'article 1er de son premier protocole additionnel relatif au droit au respect de des biens en ce qu'elles privent les plus-values d'échange de titres réalisées entre le 1er janvier 1992 et le 31 décembre 1999 des abattements pour durée de détention visés à l'article 150-0 D du CGI.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 août 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- selon la jurisprudence, les justiciables ne peuvent se prévaloir de la charte des droits fondamentaux de l'union européenne que lorsque les Etats mettent en œuvre le droit de l'union européenne et non des situations régies par le droit interne ;
- la circonstance que le texte applicable de droit interne soit la transposition de la directive européenne ne suffit pas à faire entrer les situations internes dans le champ du droit communautaire ;
- les stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de et de son article 1er du premier protocole ne concernent pas le type de discrimination d'ordre fiscal allégué ;
- en tout état de cause, la loi nationale relative au report d'imposition de plus-values d'échange visant à éviter que le contribuable ne soit contraint de céder ses titres pour acquitter l'impôt, les modifications introduites par le droit communautaire n'ont d'autre objet que de renforcer la neutralité fiscale de ces échanges, et introduisent des différences de traitement qui sont fondées sur une différence de situation, mais restent conformes à l'objet initial de la loi nationale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Constitution, notamment son article 62 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la directive 90/434/CE du Conseil du 23 juillet 1990 ;
- la directive 2009/133/CE du Conseil du 19 octobre 2009 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- la loi n° 91-716 du 26 juillet 1991 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier ;
- la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 portant loi de finances pour 2014 ;
- l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 17 juillet 1997 (C28/95) ;
- l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 18 septembre 2019 (C662/18 et C-672/18) ;
- l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 11 juin 2020 (C-634/18) ;
- la décision n° 2016-538 QPC du Conseil constitutionnel du 22 avril 2016 ;
- les décisions n° 2019-832/833 QPC du Conseil constitutionnel du 3 avril 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Soyez, président-assesseur ;
- les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public ;
- et les observations de Me Mascarell, substituant Me Bornhauser, pour Mme B....
Une note en délibéré, enregistrée le 23 octobre 2023, a été présentée pour Mme B... par Me Bornhauser.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... a procédé, lors d'une fusion en date du 9 novembre 1998, à l'échange d'actions de la société de Noyange qu'elle détenait, contre des actions Carrefour. Cette opération lui a procuré une plus-value d'un montant de 2 914 398 euros, pour laquelle elle a exercé l'option de report d'imposition prévue à l'article 92 B, II du code général des impôts alors en vigueur. En 2013, la requérante a cédé les 64 721 actions Carrefour déjà mentionnées, sans déclarer la plus-value conformément au régime d'imposition institué par la loi du 29 décembre 2013 de finances pour 2014 en ce qui concerne les plus-values réalisées antérieurement au 1er janvier 2013. A l'issue d'une procédure de redressement contradictoire l'administration a procédé à un rehaussement de son impôt sur le revenu d'un montant de 1 622 757 euros, en droits et pénalités, pour l'année 2013, au titre de la plus-value en question. L'administration a accordé l'imputation de la moins-value de cession finale sur la plus-value en report d'imposition attachée à l'échange effectué en 1998, et rejeté le surplus de la réclamation de la contribuable. Il s'est ensuivi une réduction de 1 491 127 euros de l'assiette de la rectification. En outre, conformément à la décision du Conseil Constitutionnel n° 2016-538 QPC du 22 avril 2016, elle a diminué la base imposable de la plus-value au barème progressif de l'impôt sur le revenu, en retenant un coefficient d'érosion monétaire, s'élevant en l'espèce à 4 514 euros. Le tribunal administratif de Montreuil a rejeté la demande en décharge de la contribuable, par un jugement en date du 6 avril 2021, dont appel.
2. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article 20 de la charte des droits fondamentaux de l'union européenne : " Toutes les personnes sont égales en droit ". Et aux termes du 1 de l'article 51 de cette charte : " Les dispositions de la présente Charte s'adressent aux institutions et organes de l'Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu'aux Etats membres uniquement lorsqu'ils mettent en œuvre le droit de l'Union. En conséquence, ils respectent les droits, observent les principes et en promeuvent l'application, conformément à leurs compétences respectives ". Il résulte de ces stipulations combinées que les principes énoncés par cette charte ne s'appliquent aux Etats membres lorsqu'ils mettent en œuvre le droit de l'Union européenne et non aux situations seulement régies par le droit interne.
3. D'autre part, aux termes du II de l'article 92 B du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux plus-values réalisées antérieurement au 1er janvier 2000 : " 1. A compter du 1er janvier 1992 ou du 1er janvier 1991 pour les apports de titres à une société passible de l'impôt sur les sociétés, l'imposition de la plus-value réalisée en cas d'échange de titres résultant d'une opération d'offre publique, de fusion, de scission, d'absorption d'un fonds commun de placement par une société d'investissement à capital variable réalisée conformément à la réglementation en vigueur ou d'un apport de titres à une société soumise à l'impôt sur les sociétés, peut être reportée au moment où s'opérera la cession, le rachat, le remboursement ou l'annulation des titres reçus lors de l'échange (...) ". Aux termes du I ter de l'article 160 du même code, dans sa rédaction applicable aux plus-values réalisées antérieurement au 1er janvier 2000 : " 4.L'imposition de la plus-value réalisée à compter du 1er janvier 1991 en cas d'échange de droits sociaux résultant d'une opération de fusion, scission, d'apport de titres à une société soumise à l'impôt sur les sociétés peut être reportée dans les conditions prévues au II de l'article 92 B. ".aux termes du 2 de l'article 200 A du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux revenus perçus à compter du 1er janvier 2013 et résultant de la loi du 29 décembre 2012 de finances pour 2013, les gains nets obtenus dans les conditions prévues à l'article 150-0 A sont pris en compte pour la détermination du revenu net global soumis au barème progressif de l'impôt sur le revenu. ".L'article 150-0 D du code général des impôts dispose, dans sa version issue de la loi du 29 décembre 2013 de finances pour 2014, au deuxième alinéa de son 1, que : " Les gains nets de cession à titre onéreux d'actions, de parts de sociétés, de droits portant sur ces actions ou parts, ou de titres représentatifs de ces mêmes actions, parts ou droits, mentionnés au I de l'article 150-0 A, ainsi que les distributions mentionnées aux 7, 7 bis et aux deux derniers alinéas du 8 du II du même article, à l'article 150-0 F et au 1 du II de l'article 163 quinquies C sont réduits d'un abattement déterminé dans les conditions prévues, selon le cas, au 1 ter ou au 1 quater du présent article ". En vertu de ces dernières dispositions, l'abattement est déterminé en fonction de la durée de détention des titres ayant fait l'objet d'un échange.
4. Enfin, aux termes de l'article 8 de la directive 2009/133/CE du Conseil du 19 octobre 2009 concernant le régime fiscal commun applicable aux fusions, scissions, scissions partielles, apports d'actifs et échanges d'actions intéressant des sociétés d'États membres différents, qui reprend les dispositions de l'article 8 de la directive 90/434/CEE du Conseil du 23 juillet 1990 concernant le régime fiscal commun applicable aux fusions, scissions, apports d'actifs et échanges d'actions des sociétés d'Etats membres différents : " 1. L'attribution, à l'occasion d'une fusion, d'une scission ou d'un échange d'actions, de titres représentatifs du capital social de la société bénéficiaire ou acquérante à un associé de la société apporteuse ou acquise, en échange de titres représentatifs du capital social de cette dernière société, ne doit, par elle-même, entraîner aucune imposition sur le revenu, les bénéfices ou les plus-values de cet associé. / (...) 6. L'application des paragraphes 1, 2 et 3 n'empêche pas les États membres d'imposer le profit résultant de la cession ultérieure des titres reçus de la même manière que le profit qui résulte de la cession des titres existant avant l'acquisition. ". Par ailleurs, par l'arrêt n° C-662/18 et n° C-672/18 du 18 septembre 2019 visé ci-dessus, la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que les dispositions citées au point précédent doivent être interprétés en ce sens que, dans le cadre d'une opération d'échange de titres, elles requièrent que soit appliqué, à la plus-value afférente aux titres échangés et placée en report d'imposition ainsi qu'à celle issue de la cession des titres reçus en échange, le même traitement fiscal, au regard du taux d'imposition et de l'application d'un abattement fiscal pour tenir compte de la durée de détention des titres, que celui que se serait vu appliquer la plus-value qui aurait été réalisée lors de la cession des titres existant avant l'opération d'échange, si cette dernière n'avait pas eu lieu.
5. Par suite, les plus-values réalisées antérieurement au 1er janvier 2013 et placées de plein droit en report d'imposition en application du II de l'article 92 B et du I ter de l'article 160 de ce même code et afférentes à des opérations entrant dans le champ matériel et territorial de la directive " fusions " du 19 octobre 2009 bénéficient, en cas d'imposition au barème progressif de l'impôt sur le revenu, de l'application de l'abattement pour durée de détention prévu au 1 de l'article 150-0 D du code général des impôts, dans les conditions énoncées, alors que celles afférentes à des opérations qui ont été placées, sur option, en report d'imposition au titres des mêmes dispositions, lorsqu'elles ne mettent en cause que des sociétés établies en France, n'en bénéficient pas.
6. À l'appui de ses conclusions tendant au bénéfice de l'abattement pour durée de détention sur le fondement de l'article 20 de la Charte précitée, Mme B... soutient que la plus-value réalisée caractérise une situation régie par le droit communautaire, nommément par la directive mentionnée ci-dessus. Toutefois, l'objet initial du régime de report d'imposition des plus-values d'apport en cas d'échange des titres dégageant plus-value a été introduit dans le code général des impôts par la loi de finances initiale pour 1981, dans le but d'inciter les personnes physiques à transformer leurs entreprises individuelles en sociétés. Jusqu'alors, si l'apport de parts de la société dégageait une plus-value, l'apporteur devait acquitter l'impôt correspondant à la plus-value, alors même qu'il en avait pas nécessairement les moyens. Pour remédier à cette situation, l'article 151 octies du même code a ouvert aux exploitants qui procédaient à l'apport en société de leur entreprise individuelle le droit d'opter pour un report d'imposition de leur plus-value, jusqu'à la cession des droits sociaux reçus en rémunération de l'apport, au rachat de ces droits par la société ou à la cession par la société des biens concernés. L'objet initial de la loi nationale relative au report d'imposition est donc d'éviter que le contribuable ne soit contraint de céder ces titres pour acquitter l'impôt sur les plus-values. L'objectif de la législation communautaire, tel qu'il ressort des différentes directives pertinentes antérieures à la directive dite fusions, est d'assurer la neutralité de la taxation des plus-values résultant d'une opération intermédiaire d'échanges par rapport à celle qui aurait frappé la plus-value sans cette opération intermédiaire. Ces directives communautaires intervenues en 1990 et 2009, transposées par la loi du 26 juillet 1991 visée ci-dessus dont est issu l'article 92 B du code général des impôts applicable en l'espèce, n'ont pas altéré cet objet initial de la loi de finances pour 1981, mais l'ont complété par des dispositions destinées à renforcer la neutralité fiscale des opérations transfrontalières d'échange de titres. Or, à cet égard, si l'introduction de l'abattement pour durée de détention revendiqué, par la loi de finances pour 2014 visée ci-dessus, a eu une incidence sur le régime de report d'imposition ainsi applicable, cette incidence résulte d'une modification de la législation interne française qui n'a pas pour objet de mettre en œuvre le droit communautaire. Mme B... ne saurait donc utilement se prévaloir du principe d'égalité affirmé par l'article 20 de la charte des principes fondamentaux de l'Union européenne, pour contester l'imposition à laquelle ont été soumises ces plus-values réalisées en 2013, sans abattement pour durée de détention.
7. En second lieu, aux termes de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation ". Et aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les États de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes. ".
8. Si Mme B... expose que ces stipulations garantissent l'espérance légitime d'obtenir une somme d'argent, sauf motif d'intérêt général suffisant susceptible de justifier une atteinte à cette espérance, elle ne précise pas en quoi le maintien de règles de taxation des plus-values de valeurs mobilières peut être assimilé à l'obtention d'une somme d'argent. Elle ne démontre pas davantage que la modification de ces règles, pour des plus-values de valeurs mobilières relevant de situations internes, porte atteinte à une espérance légitime. De plus, si l'objet de la loi, telle qu'interprétée dans le respect du droit de l'Union européenne, est de garantir, que soient en cause des opérations purement internes ou des opérations entrant dans le champ de la directive du 19 octobre 2009, la neutralité fiscale des opérations d'échange de titres en évitant que le contribuable soit contraint de céder ses titres pour acquitter l'impôt, cet objet n'est pas remis en cause, alors même que la loi ultérieure, relative à l'imposition à l'impôt sur le revenu des plus-values des particuliers, interprétée dans le respect du droit de l'Union européenne, a introduit une différence de traitement entre opérations réalisées entre sociétés françaises et sociétés d'autres Etats membres, d'une part, et entre sociétés françaises d'autre part. Par suite, en raison d'un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but poursuivi, la différence de traitement en cause peut être regardée comme répondant à une justification objective et raisonnable. Ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations combinées de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er de son premier protocole additionnel, doit être écarté.
9. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de surseoir à statuer jusqu'à la décision susvisée de la Cour européenne des droits de l'homme, ni de poser à la Cour de justice de l'Union européenne la question préjudicielle susvisée, que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, doivent être rejetées ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à l'administrateur des finances publiques chargé de la direction des impôts des non-résidents.
Délibéré après l'audience du 20 octobre 2023, à laquelle siégeaient :
M. Carrère, président,
M. Soyez, président-assesseur,
Mme Lorin, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 10 novembre 2023.
Le rapporteur,
J-E. SOYEZLe président,
S. CARRERE
Le greffier,
E. LUCE
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 21PA02584 2