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25/10/2023 | FRANCE | N°22PA05431

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 25 octobre 2023, 22PA05431


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté n° MCC-0000043128 du 3 septembre 2019 par lequel la ministre de la culture a procédé à son recrutement et à son classement dans le corps des maîtres de conférences des écoles nationales supérieures d'architecture à compter du 1er septembre 2019 en tant que cet arrêté l'a classée au 1er échelon de la 2ème classe de ce corps avec une ancienneté conservée de 11 mois et 29 jours ainsi que la décision implicite de rejet de

son recours gracieux, d'annuler l'arrêté n° MCC-0000066535 du 5 novembre 2021 par ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté n° MCC-0000043128 du 3 septembre 2019 par lequel la ministre de la culture a procédé à son recrutement et à son classement dans le corps des maîtres de conférences des écoles nationales supérieures d'architecture à compter du 1er septembre 2019 en tant que cet arrêté l'a classée au 1er échelon de la 2ème classe de ce corps avec une ancienneté conservée de 11 mois et 29 jours ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux, d'annuler l'arrêté n° MCC-0000066535 du 5 novembre 2021 par lequel cette même autorité administrative l'a classée dans le 3ème échelon de la 2ème classe, sans ancienneté conservée à compter du 2 septembre 2021 et d'enjoindre à cette autorité de réexaminer sa situation, de procéder à un nouveau classement et de reconstituer sa carrière à compter du 1er septembre 2019.

Par un jugement n° 2003912/5-1 du 21 octobre 2022, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 21 décembre 2022 et des mémoires enregistrés les 19 janvier et 7 août 2023, Mme B... représentée par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 2003912/5-1 du 21 octobre 2022 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler les arrêtés des 3 septembre 2019 et 5 novembre 2021 de la ministre de la culture ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux, en tant qu'ils ne tiennent pas compte de l'intégralité de l'ancienneté dont elle pouvait se prévaloir ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier faute de signature de sa minute conformément aux dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;

- un vice de procédure entache les arrêtés attaqués en l'absence de consultation préalable de la commission administrative paritaire du corps auquel elle appartient ;

- ils sont entachés d'erreur de fait et de droit comme intervenus en méconnaissance des dispositions des articles 16 et 18 du décret n° 2018-105 du 15 février 2018 ;

- les décisions litigieuses sont illégales, par exception d'illégalité du décret n° 2018-105 du 15 février 2018 qui en est la base légale, dont les dispositions :

* méconnaissent celles de l'article L. 612-7 du code de l'éducation faute de prévoir la possibilité pour les maîtres de conférences de se prévaloir, au titre de l'ancienneté pouvant être reprise, du diplôme de doctorat qu'ils ont acquis ;

* méconnaissent celles du 4ème alinéa de l'article L. 412-1 du code de la recherche qui prévoient la prise en compte, pour le classement de fonctionnaires issus du concours interne, de l'expérience professionnelle de recherche sanctionnée par le doctorat par les statuts particuliers de chaque corps, faute de prise en compte de l'obtention d'un tel diplôme lors du reclassement ;

* méconnaissent le principe d'égalité de traitement des agents publics appartenant à un même corps, dès lors que les dispositions relatives à la détermination de l'ancienneté reprise en cas de nomination dans le corps des maîtres de conférences de 2ème classe des écoles nationales supérieures d'architecture sont moins favorables que celles du décret n° 2009-462 du 23 avril 2009 applicables aux maîtres de conférence relevant du ministre chargé de l'enseignement supérieur, une telle différence de traitement n'étant justifiée par aucune différence objective de situation ; il en va de même pour les agents ayant précédemment exercé des fonctions d'enseignant de l'enseignement supérieur à l'étranger et de ceux ayant été recrutés en qualité d'agents publics non titulaires du niveau de la catégorie A ;

* ne prévoient pas, à l'article 17, les ratios de prise en compte, totale ou partielle, de la durée des fonctions d'enseignant de l'enseignement supérieur exercées à l'étranger, ou à tout le moins les limites hautes et basses de la fourchette à l'intérieur de laquelle ces services sont susceptibles d'être pris en compte par l'administration lors du classement dans le corps ;

* sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation ;

- ce même décret porte atteinte au droit de toute personne au respect de ses biens garanti par l'article 1er du protocole additionnel n° 1 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, combiné avec l'article 14 de cette convention.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 juillet 2023, la ministre de la culture conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que le moyen soulevé par le requérant n'est pas fondé.

Une pièce a été enregistrée pour la ministre de la culture le 14 septembre 2023 qui a été communiquée.

Un mémoire et des pièces, présentées pour Mme B..., ont été enregistrés le 28 septembre 2023. Ils n'ont pas été communiqués.

Par une ordonnance du 15 septembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 29 septembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;

- le code de l'éducation ;

- le code de la recherche ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 2009-462 du 23 avril 2009 ;

- le décret n° 2018-105 du 15 février 2018 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Jayer,

- les conclusions de M. Segretain, rapporteur public,

- et les observations de Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., titulaire d'un doctorat, qui avait précédemment exercé en qualité agent public non titulaire, a intégré le corps des maîtres de conférences des écoles nationales supérieures d'architecture (ENSA) à l'issue du concours interne ouvert pour l'année 2019. Par un arrêté du 3 septembre 2019 de la ministre de la culture, elle a été nommée à compter du 1er septembre 2019 au 1er échelon du grade de 2ème classe (IB 541-IM 460) avec reprise d'ancienneté du 11 mois et 29 jours et a été affectée à l'ENSA de Paris-La Villette. Par un second arrêté du même jour, elle a bénéficié d'un avancement au 2ème échelon de son grade à compter du 2 septembre 2019. Le recours gracieux qu'elle a formé le 19 octobre suivant contre ces arrêtés, en tant qu'ils concernent son classement, a été implicitement rejeté. Par un arrêté du 5 novembre 2021, elle a bénéficié d'un avancement au 3ème échelon de son grade à compter du 2 septembre 2021. Contestant l'absence de prise en compte du temps consacré à la recherche sanctionnée par le diplôme de doctorat ainsi que l'intégralité de la fraction correspondante des services accomplis préalablement en qualité d'agent public non titulaire et celles de fonctions exercées dans le privé, Mme B... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler dans cette mesure les arrêtés des 3 septembre 2019 et 5 novembre 2021 ainsi que la décision de rejet de son recours gracieux dirigé contre l'arrêté initial. Le Tribunal administratif de Paris, par un jugement du 21 octobre 2022 dont Mme B... relève appel, a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement :

2. Il résulte de la combinaison des articles R. 741-7, R. 751-2 et R. 751-4-1 du code de justice administrative que seule la minute du jugement doit comporter la signature manuscrite du président de la formation de jugement, du rapporteur et du greffier, et que sont notifiées aux parties des expéditions qui ne mentionnent que les noms et fonctions des trois signataires. Il suit de là que le jugement attaqué n'est pas irrégulier pour avoir été notifié sous forme d'expéditions dépourvues de signatures manuscrites, la minute en étant revêtue. La minute du jugement attaqué, produite devant le juge d'appel, ayant été signée par le président, le rapporteur et le greffier d'audience, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ne peut donc qu'être écarté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

3. En premier lieu, il y a lieu d'écarter, par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal, le moyen tiré de l'absence de consultation de la commission administrative, que Mme B... se borne à reproduire en appel.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 14 du décret du 15 février 2018 portant statut particulier du corps des professeurs et du corps des maîtres de conférences des écoles nationales supérieures d'architecture : " Les personnes nommées dans (le corps des maîtres de conférences des ENSA) sont classées au 1er échelon de la 2e classe du corps au titre duquel un recrutement a été ouvert, sous réserve des dispositions des articles suivants. ". Aux termes de l'article 16 du même décret : " Les personnes nommées dans (le corps des maîtres de conférences des ENSA) qui, avant leur nomination, avaient la qualité d'agent non titulaire de l'État, des collectivités locales ou de leurs établissements publics sont classées à un échelon de la 2e classe de ce corps déterminé en prenant en compte, sur la base des durées de service fixées pour l'avancement dans chacun des échelons de ce corps, une fraction de leur ancienneté de service, dans les conditions suivantes : 1° Les services accomplis dans un emploi du niveau de la catégorie A sont retenus à raison de la moitié de leur durée jusqu'à douze ans et à raison des trois quarts au-delà de cette durée (...) / Les dispositions du présent article sont applicables aux agents qui possédaient la qualité d'agent non titulaire pendant au moins deux mois au cours de la période de douze mois précédant la date de clôture des inscriptions aux concours (...) / Les dispositions du présent article ne peuvent avoir pour effet de placer les intéressés dans une situation plus favorable que celle résultant du classement à un échelon comportant un traitement égal ou, à défaut, immédiatement supérieur à celui perçu dans le dernier emploi d'agent non titulaire ". Et aux termes de l'article 18 du même texte : " Lorsque des personnes sont nommées dans (le corps des maîtres de conférences des ENSA) après avoir exercé dans des organismes privés des fonctions d'un niveau équivalent à celui des fonctions exercées par les membres de ce corps, une fraction de la durée de ces services est prise en compte pour le calcul de l'ancienneté des intéressés dans ce corps, à raison du tiers de la durée de ces services si celle-ci est inférieure à douze ans et de la moitié de cette durée si elle excède douze ans. Le niveau de fonctions est apprécié par le conseil national des enseignants-chercheurs des écoles nationales supérieures d'architecture. / Les intéressés sont classés à un échelon de la 2e classe du corps déterminé en fonction des durées de service fixées pour l'avancement à l'ancienneté dans chacun des échelons ".

5. De telles dispositions n'emportent ainsi pas obligation, pour le classement d'un maître de conférences des ENSA, de cumuler les différents services et fonctions antérieurement accomplis, la reprise partielle d'ancienneté reposant sur le principe de non cumul de l'ancienneté acquise dans le secteur privé et dans le secteur public ainsi que sur l'absence de droit à une reprise intégrale des services à retenir. En tout état de cause, le cumul de reprise d'activités se heurte à l'interdiction, posée par le dernier alinéa de l'article 16, de prononcer un reclassement à un échelon qui ne serait pas égal ou immédiatement supérieur à celui du dernier emploi de non titulaire.

6. Il ressort des pièces du dossier que, pour le calcul de l'ancienneté conservée par la requérante au 1er septembre 2019, l'administration a, en définitive retenu, en application des dispositions de l'article 16 du décret du 15 février 2018, une fraction égale à la moitié des services accomplis dans un emploi du niveau de la catégorie A à raison de la moitié de sa durée jusqu'à douze ans, pour une durée totale de 4 033,651 jours soit une fraction retenue de 2 016,8255 jours. Mme B... conteste l'absence de reprise de l'ancienneté qu'elle aurait acquise avant son recrutement au titre du temps consacré à la recherche sanctionnée par la délivrance du diplôme de doctorat, d'emplois d'enseignante au sein de différentes ENSA ainsi que d'emplois en qualité de dessinatrice d'exécution au sein de la " direction technique spectacle " de l'Etablissement public du parc et de la grande halle de la Villette et comme chargée d'études vacataire au sein du département d'histoire de l'architecture et d'archéologie de Paris rattaché à la direction des affaires culturelles de la ville de Paris.

7. Si Mme B... se prévaut de la période consacrée à la recherche sanctionnée par la délivrance d'un doctorat, il ne ressort pas des pièces du dossier que ce diplôme n'aurait pas été pris en considération et qu'en tout état de cause, sa prise en compte aurait eu une incidence sur le calcul de la reprise d'ancienneté effectuée selon les modalités et dans les limites précitées, dès lors que l'intéressée a bénéficié du reclassement le plus favorable auquel elle pouvait prétendre compte tenu de la limite fixée au dernier alinéa de l'article 16 précité du décret. Il s'en infère, qu'en l'état du dossier, la requérante n'est pas fondée à soutenir que l'administration aurait commis une erreur de fait en ne tenant pas compte de cette activité de recherches. Par ailleurs, si elle se prévaut de la fraction réglementaire de périodes durant lesquelles elle a travaillé par contrat de droit privé dans un établissement public et commercial pour un total de 673,50 heures, entre le 25 avril 2007 et le 21 juin 2008, il n'est pas établi que de telles fonctions auraient été d'un niveau équivalent à celui des fonctions exercées par les membres du corps des maîtres de conférences des ENSA au sens de l'article 18 précité, et pas davantage, que leur prise en compte aurait pu avoir une incidence sur l'appréciation de l'hypothèse la plus favorable pour l'intéressée, qui a bénéficié d'une reprise d'ancienneté de onze mois et vingt-neuf jours. S'il ressort également des pièces du dossier que la requérante a été recrutée par la Ville de Paris en qualité de vacataire du 1er octobre 2008 au 31 janvier 2010, il n'est pas établi que de tels services auraient été accomplis dans un emploi du niveau de la catégorie A au sens des dispositions précitées de l'article 16. Enfin, dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que les fonctions de maître de conférences associé exercées à temps plein par la requérante au sein d'ENSA du 1er septembre 2016 au 31 août 2019 ont été prises en considération, la circonstance que Mme B... y aurait également été employée en qualité d'enseignante à temps partiel sur plusieurs périodes allant du 6 octobre 2011 au 30 septembre 2016 sans que ces contrats soient répertoriés est sans incidence, dès lors que le cumul de reprise d'activités se heurte à l'interdiction précitée du dernier alinéa de l'article 16. Par suite, les moyens tirés de ce que les décisions litigieuses seraient entachées d'erreur de fait et de droit doivent être écartés.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 612-7 du code de l'éducation, dans sa rédaction alors applicable : " (...) Le diplôme de doctorat est accompagné de la mention de l'établissement qui l'a délivré ; il confère à son titulaire le titre de docteur. Ce titre vaut expérience professionnelle de recherche qui peut être reconnue dans les conventions collectives. (...) ". Contrairement à ce que soutient la requérante, les dispositions précitées n'imposent pas que le décret du 15 février 2018 prévoit, pour déterminer le classement dans le corps des maîtres de conférences des écoles nationales supérieures d'architecture, une prise en compte du temps consacré antérieurement à la recherche en vue de la préparation du doctorat. Il résulte au surplus de ce qui précède que l'expérience professionnelle de recherche dont elle se prévaut a bien été prise en compte.

9. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 412-1 du code de la recherche, dans sa rédaction résultant de sa modification par la loi n° 2013-660 du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et à la recherche : " (...) Les concours et procédures de recrutement dans les corps et cadres d'emplois de catégorie A relevant du statut général de la fonction publique sont adaptés, dans les conditions fixées par les statuts particuliers des corps et cadres d'emplois concernés, afin d'assurer la reconnaissance des acquis de l'expérience professionnelle résultant de la formation à la recherche et par la recherche lorsqu'elle a été sanctionnée par la délivrance du doctorat. / Les statuts particuliers de chaque corps ou cadre d'emplois prévoient les modalités de prise en compte de cette expérience professionnelle pour le classement effectué lors de la nomination ou de la titularisation en leur sein, sans distinguer les modalités contractuelles de réalisation des recherches ayant été sanctionnées par la collation du grade de docteur. / (...) ". Les dispositions précitées des 3ème et 4ème alinéas de l'article L. 412-1 du code de la recherche doivent être regardées comme indissociables, le premier traitant de l'ouverture aux docteurs de l'accès aux corps et cadres d'emplois de catégorie A grâce à l'adaptation des concours et procédures de recrutement, et le second, après cet accès, des modalités présidant au classement du lauréat dans son nouveau corps ou cadre d'emplois.

10. Il est constant que le pouvoir réglementaire a prévu de satisfaire l'objectif d'ouverture du recrutement de maître de conférences des ENSA aux titulaires d'un doctorat en adoptant les dispositions de l'alinéa 1er de l'article 31 du décret du 15 février 2018. En revanche, il n'était pas tenu de modifier les modalités de reclassement dans les corps ou cadres d'emplois par la voie de la promotion interne, sauf à porter atteinte au principe d'égalité (cf. avis du Conseil d'Etat du 4 septembre 2014). En l'espèce, il ressort des pièces du dossier, d'une part, que la requérante s'est présentée au concours interne et, d'autre part, ainsi qu'il a été dit au point 7 et comme l'ont relevé à bon droit les premiers juges, la période durant laquelle elle était " doctorante allocataire " a bien été prise en compte pour le calcul de la reprise d'ancienneté. Dès lors, le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité du décret du 15 février 2018, ne peut qu'être écarté.

11. En cinquième lieu, le principe d'égalité de traitement ne trouvant à s'appliquer qu'aux agents appartenant à un même corps, Mme B... ne peut utilement se prévaloir de dispositions plus favorables de reprise d'ancienneté ouvertes par le décret susvisé du 23 avril 2009 portant statut particulier des enseignants-chercheurs de l'enseignement supérieur, quand bien même que les fonctions de maître de conférences de ce statut présenteraient de nombreuses analogies avec celles de maître de conférences des ENSA.

12. En sixième lieu, le principe d'égalité n'implique pas que des personnes placées dans des situations différentes soient traitées de manière identique. Dès lors que les personnes concernées respectivement par les articles 16 à 18 du décret du 15 février 2018, dont les dispositions ne sont pas cumulables, se trouvent dans des situations objectivement différentes du fait de leurs activités antérieures à leur intégration, c'est en tout état de cause sans méconnaître le principe d'égalité de traitement entre les fonctionnaires d'un même corps que le pouvoir réglementaire a prévu, pour ces personnes, des modalités de classement différentes. Les dispositions contestées du décret du 15 février 2018 ne sont, dès lors, entachées d'aucune erreur manifeste d'appréciation.

13. En dernier lieu, aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international / Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes. ". Une personne ne peut prétendre au bénéfice de ces stipulations que si elle peut faire état de la propriété d'un bien qu'elles ont pour objet de protéger et à laquelle il aurait été porté atteinte. A défaut de créance certaine, l'espérance légitime d'obtenir une somme d'argent doit être regardée comme un bien au sens de ces stipulations. D'autre part, aux termes de l'article 14 de cette même convention : " La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation ".

14. En l'absence de principe imposant, lors de la titularisation dans un corps, de reprendre tout ou partie de l'ancienneté antérieure pour déterminer l'ancienneté dans le nouveau corps, le fait que les dispositions du décret du 15 février 2018 ne permettent pas une prise en compte cumulée des services précédemment accomplis et interdisent d'être placé dans une situation plus favorable que celle résultant du classement à un échelon comportant un traitement égal ou, à défaut, immédiatement supérieur à celui perçu dans le dernier emploi d'agent non titulaire, ne saurait permettre de reconnaître l'existence d'une espérance légitime d'obtenir une somme d'argent et, dès lors, d'un bien au sens de l'article 1er du premier protocole additionnel. Par ailleurs, ne pouvant se prévaloir d'un bien dont le respect serait garanti par ces stipulations, Mme B... ne peut utilement invoquer celles de l'article 14 de la même convention, qui prohibent les discriminations dans la jouissance des seuls droits et libertés que cette convention reconnaît.

15. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés des 3 septembre 2019 et 5 novembre 2021 de la ministre de la culture ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à A... B... et à la ministre de la culture.

Délibéré après l'audience du 11 octobre 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- Mme Jayer, première conseillère,

- Mme Fullana, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 octobre 2023.

La rapporteure,

M-D JAYERrLe président,

I. BROTONS

Le greffier,

C. MONGISLa République mande et ordonne à la ministre de la culture en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA05431


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA05431
Date de la décision : 25/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: Mme Marie-Dominique JAYER
Rapporteur public ?: M. SEGRETAIN
Avocat(s) : SCP THOUVENIN, COUDRAY, GREVY

Origine de la décision
Date de l'import : 29/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-10-25;22pa05431 ?
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