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25/10/2023 | FRANCE | N°22PA02397

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 25 octobre 2023, 22PA02397


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Nouméa Renting a demandé au Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie de prononcer la décharge des rappels de taxe de solidarité sur les services (TSS) qui lui ont été réclamés au titre des exercices clos les 30 juin 2015, 2016 et 2017, et de la période allant du 1er juillet 2017 au 31 mars 2018, pour un montant total de 107 968 395 francs CFP.

Par un jugement n° 2100264 du 24 mars 2022, le Tribunal administratif de

Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande.

Procédur

e devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 24 mai et 24 octobre 2022, la ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Nouméa Renting a demandé au Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie de prononcer la décharge des rappels de taxe de solidarité sur les services (TSS) qui lui ont été réclamés au titre des exercices clos les 30 juin 2015, 2016 et 2017, et de la période allant du 1er juillet 2017 au 31 mars 2018, pour un montant total de 107 968 395 francs CFP.

Par un jugement n° 2100264 du 24 mars 2022, le Tribunal administratif de

Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 24 mai et 24 octobre 2022, la société Nouméa Renting, représentée par Me Pierre Carcelero, Me Julie Bazin et Me Frédéric Agez, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 24 mars 2022 du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie ;

2°) de prononcer la décharge et la restitution des impositions litigieuses ;

3°) de mettre à la charge du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie une somme de

5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle n'a pas bénéficié d'une description suffisante de la nature et de l'objet des investigations complémentaires souhaitées lui permettant d'opter pour l'une des deux modalités de réalisation des traitements en toute connaissance de cause ; l'administration ne lui a pas indiqué l'objet des investigations, notamment et en particulier le fait que les contrats inférieurs à 24 mois feraient l'objet d'un traitement particulier sur les bases retenues pour le calcul de la TSS ;

- de nouveaux traitements informatiques complexes ont été réalisés sur les fichiers résultats contenant les données détaillées de l'entreprise sans formuler de nouvelles demandes de traitements informatiques, en méconnaissance de la procédure prévue à l'article Lp 957. 1 II du code des impôts alors que la société avait choisi d'effectuer elle-même les traitements prévus ;

- la doctrine administrative référencée BOI-CF-IOR-60-40-30 précise que l'administration peut procéder à des opérations de remise en forme des résultats fournis par l'entreprise telles qu'une réorganisation des données par des tris ou des classements ou des calculs simples ;

- les traitements informatiques qui ont permis la constitution du fichier " NOUMEA RENTING - Analyse.xlsx " n'ont pas été explicités clairement dans la notification de redressement ;

- l'article 967 du code des impôts, l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et l'article R. 311-1-2 du code des relations entre le public et l'administration ont été méconnus ;

- les calculs erronés relatifs à l'année 2014 entachent d'irrégularité la procédure d'imposition ;

- les locations " simples " d'une durée égale ou supérieure à deux ans, non assorties d'une faculté d'achat pour le preneur et n'intégrant pas de rémunération financière, doivent nécessairement être considérées comme entrant dans le champ d'application de l'exonération intégrale de TSS ;

- les contrats de location de plus de deux ans ne peuvent être qualifiés de contrats de location-financement ;

- les loyers perçus à ce titre ne sauraient donc se voir artificiellement décomposés en capital et en intérêts ;

- les contrats de location d'une durée égale ou supérieure à deux ans résiliés avant leur terme peuvent bénéficier de l'exonération de TSS prévue par l'article Lp. 918 J, 11° du code des impôts de la Nouvelle-Calédonie applicable pour les contrats conclus pour une durée supérieure ou égale à deux ans ;

- l'assiette des rehaussements est erronée dès lors que l'exigibilité de la taxe de solidarité sur les services intervient au fur et à mesure de l'exécution du service et non lors de l'encaissement des loyers ; or, les loyers facturés au titre de 2014 mais encaissés les années suivantes auraient dû être exclus de l'assiette des rappels et nombre de factures émises en 2014 pour lesquelles les périodes de location sont antérieures au premier janvier 2015 ont été effectivement retenues pour le calcul des rappels de TSS associés aux contrats inférieurs à 24 mois ;

Par un mémoire en défense enregistré le 20 septembre 2022, le gouvernement de la Nouvelle Calédonie, représenté par la SARL Cabinet Briard, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la société requérante de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 modifiée et la loi n° 99-210 du 19 mars 1999, relatives à la Nouvelle-Calédonie ;

- le code des impôts de la Nouvelle-Calédonie ;

- le code de justice administrative dans sa rédaction applicable en Nouvelle-Calédonie.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Magnard,

- les conclusions de M. Segretain, rapporteur public,

- les observations de Me Carcelero, représentant la SA Nouméa Renting et de Me Masquart, représentant le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie.

Considérant ce qui suit :

1. La SA Nouméa Renting exerce en Nouvelle-Calédonie une activité de location de véhicules automobiles sous la forme de location de longue durée sans option d'achat. A la suite d'une vérification de sa comptabilité, l'administration a mis à sa charge des rappels de taxe de solidarité sur les services (TSS) au titre de la période du 1er janvier 2015 au 31 mars 2018, pour un montant total de 107 968 395 francs CFP. La SA Nouméa Renting relève appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a refusé de prononcer la décharge de ces impositions.

2. Il résulte de l'instruction que la SA Nouméa Renting a enregistré dans sa comptabilité au titre de la période du 1er janvier 2015 au 31 mars 2018 des sommes correspondant à des frais perçus lors de la location de véhicules automobiles sous la forme de location de longue durée sans option d'achat, sur lesquels elle n'a pas collecté de taxe de solidarité sur les services.

3. Aux termes de l'article Lp. 918 du code des impôts de Nouvelle-Calédonie, dans sa rédaction applicable à la période d'imposition en litige : " I. Sont soumises à la taxe les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel (...)

III- Sont notamment considérés comme des prestations de services, cette liste n'étant pas limitative : (...) - les locations de biens meubles corporels tels qu'animaux, véhicules, matériels, (...) ". Aux termes de l'article Lp. 918 J de ce code : " Sont exonérées de la taxe : (...) 11°) les locations de longue durée de biens meubles corporels, à l'exception de la partie correspondant aux intérêts et commissions dès lors que le contrat de location qui unit le propriétaire de l'immobilisation à l'utilisateur a une durée minimale de deux ans ". Par ailleurs, aux termes de l'article Lp. 919 du même code : " Le fait générateur de la taxe se produit au moment où la prestation de service est effectuée. La taxe est exigible lors de la réalisation du fait générateur (...) ".

4. La société requérante soutient, en premier lieu, que les sommes perçues en application des contrats de location de plus de deux ans n'incluent en aucune manière une part d'intérêts devant être soumis à la taxe de solidarité sur les services en application des dispositions du 11° de l'article Lp. 918 J du code des impôts de la Nouvelle-Calédonie, dans la mesure où les locations de longue durée sont des opérations sans option d'achat à l'issue du contrat et que, contrairement à ce qu'indique l'administration, ces contrats ne peuvent être qualifiés de contrats de location-financement qui transfèreraient au preneur la quasi-totalité des risques et avantages inhérents à la propriété d'un actif. La société requérante fait valoir par ailleurs qu'il n'est pas envisageable de décomposer artificiellement les loyers perçus en capital et intérêts, d'autant plus que les contrats en cause ne comportent aucune dimension financière et se limitent à prendre en compte, comme dans tout contrat de location simple, une marge commerciale, et que l'administration ne pouvait ainsi se fonder sur l'existence d'un taux d'intérêt implicite qui ne correspond en fait qu'à la marge de la société.

5. Il résulte des dispositions claires du 11° de l'article Lp. 918 J du code des impôts que, s'agissant des locations de longue durée, seuls peuvent être soumis à la TSS les intérêts et commissions. Or il ne résulte pas de l'instruction que les loyers perçus par la société requérante comportent une part correspondant à des intérêts ou commissions. La seule circonstance qu'il résulte des débats au Congrès, lors de l'examen en séance, le 27 janvier 1994, de la modification de l'article 742 du code territorial des impôts de la Nouvelle-Calédonie relatif à la TGPS, dont les dispositions du 11° de l'article Lp. 918 J constituent la reprise, que la Nouvelle-Calédonie a entendu soumettre à cette taxe à la fois les contrats de crédit-bail, de location avec option d'achat ou de location de longue durée portant sur des biens meubles, tels que les véhicules, sans faire de distinction entre ces différents contrats, ne saurait autoriser l'administration fiscale à décomposer les loyers perçus en capital et en intérêts et commissions, dès lors qu'il n'est ni établi, ni même allégué par la Nouvelle-Calédonie, que le contrat conclu puisse être regardé comme un prêt. La société requérante est, dès lors, fondée à soutenir qu'elle pouvait bénéficier de l'exonération de taxe de solidarité sur les services prévue à l'article Lp. 918 J du code des impôts de la Nouvelle-Calédonie.

6. En deuxième lieu, la société requérante soutient que les contrats de location conclus pour une durée supérieure ou égale à deux ans mais résiliés avant terme ne sauraient être soumis à la taxe de solidarité sur les services dès lors que le fait générateur de cette taxe doit s'apprécier en fonction du terme prévu à l'origine. Il résulte des dispositions claires du 11° de l'article Lp. 918 J du code des impôts que, s'agissant de locations de longue durée, seules peuvent être soumis à la TSS les intérêts et commissions dès lors que le contrat de location qui unit le propriétaire de l'immobilisation à l'utilisateur a une durée minimale de deux ans. La circonstance qu'en raison d'une résiliation anticipée, la location ne s'est pas étendue sur une durée supérieure à deux ans ne saurait affecter la nature du contrat au cours de la période où il était encore en exécution. La société requérante est dès lors fondée à soutenir qu'elle pouvait bénéficier de l'exonération de la taxe de solidarité sur les services pour les contrats conclus pour une durée supérieure ou égale à deux ans mais résiliés avant terme.

7. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que la société Nouméa Renting est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nouvelle Calédonie a rejeté sa demande. Il y a par suite lieu de prononcer la décharge des rappels de taxe de solidarité sur les services qui lui ont été réclamés au titre des exercices clos le 30 juin 2015, le 30 juin 2016, le 30 juin 2017 et de la période allant du 1er juillet 2017 au 31 mars 2018. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la Nouvelle-Calédonie la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société requérante, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que la Nouvelle-Calédonie demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2100264 du 24 mars 2022 du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie est annulé.

Article 2 : La société Nouméa Renting est déchargée des rappels de taxe de solidarité sur les services (TSS) qui lui ont été réclamés au titre des exercices clos les 30 juin 2015, 2016 et 2017, et de la période allant du 1er juillet 2017 au 31 mars 2018.

Article 3 : La Nouvelle-Calédonie versera à la société Nouméa Renting la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Nouméa Renting et au gouvernement de la Nouvelle-Calédonie.

Délibéré après l'audience du 11 octobre 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- M. Magnard, premier conseiller,

- Mme Fullana, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 octobre 2023.

Le rapporteur,

F. MAGNARDLe président,

I. BROTONS

Le greffier,

C. MONGIS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

No 22PA02397


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA02397
Date de la décision : 25/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: M. Franck MAGNARD
Rapporteur public ?: M. SEGRETAIN
Avocat(s) : SARL CABINET BRIARD

Origine de la décision
Date de l'import : 29/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-10-25;22pa02397 ?
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