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25/10/2023 | FRANCE | N°22PA00402

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 25 octobre 2023, 22PA00402


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 22 juin 2020 par laquelle le directeur du groupe hospitalier universitaire Assistance publique - Hôpitaux de Paris (GHU AP-HP) Centre Université de Paris a mis fin à ses fonctions de chef de service.

Par un jugement n° 2018098/2-2 du 29 novembre 2021, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 27 janvier 2022, M. B... représenté

par Me Eve Dreyfus demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 2018098/2-2 du 29 novem...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 22 juin 2020 par laquelle le directeur du groupe hospitalier universitaire Assistance publique - Hôpitaux de Paris (GHU AP-HP) Centre Université de Paris a mis fin à ses fonctions de chef de service.

Par un jugement n° 2018098/2-2 du 29 novembre 2021, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 27 janvier 2022, M. B... représenté par Me Eve Dreyfus demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 2018098/2-2 du 29 novembre 2021 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler l'arrêté du 22 juin 2020 du directeur du groupe hospitalier universitaire Assistance publique - Hôpitaux de Paris (GHU AP-HP) Centre Université de Paris ;

3°) d'ordonner au directeur du GHU AP-HP Centre Université de Paris de le réintégrer sans délai dans ses fonctions de chef de service ;

4°) de mettre à la charge du GHU AP-HP Centre Université de Paris une somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement ne répond pas à l'intégralité de son argumentation ;

- l'arrêté litigieux est entaché de vices de procédure ;

- il est entaché d'erreur de fait, d'erreur manifeste d'appréciation et d'erreur de qualification juridique ;

- il est entaché de détournement de pouvoir, s'analyse en une sanction déguisée et en une mesure discriminatoire à raison de l'âge.

Par un mémoire en défense enregistré le 26 avril 2022, l'Assistance Publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP) représentée par la SCP Didier-Pinet, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 4 000 euros soit mise à la charge de M. B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 21 octobre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 1er décembre 2022 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- le règlement intérieur de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Jayer,

- les conclusions de M. Segretain, rapporteur public,

- et les observations de Me Dreyfus, représentant M. B....

Une note en délibéré, enregistrée le 16 octobre 2023, a été présentée pour M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., chirurgien spécialisé en chirurgie digestive, exerce à l'hôpital Cochin depuis 1991. Professeur des universités - praticien hospitalier (PU-PH) depuis 1999, il y a été nommé chef du service de chirurgie digestive, hépatobiliaire et endocrinienne par arrêté du 12 juin 2012. Par arrêté du 22 juin 2020, le directeur du groupe hospitalier universitaire (GHU) Assistance Publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP) Centre Université de Paris a décidé de mettre fin à ses fonctions de chef de service dans l'intérêt du service. M. B... relève appel du jugement du 29 novembre 2021 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. M. B... soutient que le jugement attaqué est insuffisamment motivé. Il ressort toutefois des motifs mêmes de ce jugement que le tribunal, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties, a écarté, par une motivation suffisante, tous les moyens soulevés par le requérant dans ses écritures. Par suite, ce dernier n'est pas fondé à soutenir que le jugement qu'il attaque serait irrégulier.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la légalité externe :

3. En se bornant à indiquer que " la procédure disciplinaire, qui n'a pas été celle appliquée au cas d'espèce, répond à des règles propres qui n'ont, de toute évidence, pas été respectées ", le requérant ne peut être regardé comme invoquant un moyen clairement précisé. Au demeurant, le tribunal a estimé à bon droit que l'unique moyen de légalité externe, tiré de vices de procédure entachant la décision attaquée, invoqué dans un mémoire en réplique enregistré devant lui après expiration du délai de recours, était tardif et, par suite, irrecevable.

En ce qui concerne la légalité interne :

4. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 6146-1 du code de la santé publique, dans sa version alors applicable : " Pour l'accomplissement de leurs missions, les établissements publics de santé définissent librement leur organisation interne, sous réserve des dispositions du présent chapitre. Le directeur définit l'organisation de l'établissement en pôles d'activité conformément au projet médical d'établissement. (...) Le directeur nomme les chefs de pôle. (...) La durée du mandat des chefs de pôle est fixée par décret. (...) Le directeur signe avec le chef de pôle un contrat de pôle précisant les objectifs et les moyens du pôle. (...) Le praticien chef d'un pôle d'activité clinique ou médico-technique met en œuvre la politique de l'établissement afin d'atteindre les objectifs fixés au pôle. Il organise, avec les équipes médicales, soignantes, administratives et d'encadrement du pôle, sur lesquelles il a autorité fonctionnelle, le fonctionnement du pôle et l'affectation des ressources humaines en fonction des nécessités de l'activité et compte tenu des objectifs prévisionnels du pôle, dans le respect de la déontologie de chaque praticien et des missions et responsabilités des services, des unités fonctionnelles, des départements ou des autres structures, prévues par le projet de pôle. (...) ". Aux termes de l'article R. 6146-5 du même code dans sa rédaction applicable au litige : " Il peut être mis fin, dans l'intérêt du service, aux fonctions de responsable de structure interne, service ou unité fonctionnelle par décision du directeur, après avis du président de la commission médicale d'établissement et du chef de pôle. (...) ".

5. D'autre part, en vertu de l'article 12 du règlement intérieur de l'AP - HP : " les chefs de services et les responsables d'unités fonctionnelles de DMU ou de service assurent la conduite générale du service ou de l'unité fonctionnelle dont ils sont en charge, la mise en œuvre des missions qui leur sont assignées et la coordination de l'équipe médicale de chaque praticien. Ils élaborent avec le conseil de service ou le conseil de l'unité fonctionnelle de DMU en conformité avec le contrat et le projet de DMU un projet de service ou d'unité fonctionnelle de DM qui prévoit l'organisation générale, les orientations d'activité ainsi que les actions à mettre en œuvre pour développer la qualité et l'évaluation des soins (...) Il peut être est mis fin, dans l'intérêt du service, aux fonctions de chef de service ou d'unité fonctionnelle de DMU par décision du directeur du groupe hospitalo-universitaire, après avis du président de la commission médicale d'établissement, du président de la commission médicale d'établissement locale et du directeur médical de DMU ". Il résulte de ces dispositions que, tant les chefs de pôle que les chefs d'unités fonctionnelles composant les pôles, sont investis de la mise en œuvre des directives d'organisation et de gestion du pôle ainsi que de l'encadrement des praticiens placés sous leur autorité. Ces responsabilités peuvent leur être retirées à raison de lacunes relevées dans l'exercice des missions d'organisation qui leur sont ainsi confiées.

6. Il ressort des pièces du dossier que la décision de mettre fin aux fonctions de chef de service exercées par M. B... est principalement fondée sur des divergences stratégiques majeures entre lui-même et la gouvernance médicale, universitaire et administrative du GHU AP-HP Centre Université de Paris, révélées dans le projet de service du 8 mai 2020 et compromettant, à quelques semaines de sa validation, la concrétisation du financement de l'opération et la mise en œuvre du projet de regroupement des activités chirurgicales du site Cochin au sein du bâtiment A..., ledit regroupement engageant l'avenir de plusieurs spécialités chirurgicales au sein du GHU, ainsi que les perspectives de développement de l'hôpital Cochin. Une telle prise de position a entraîné une perte de confiance vis-à-vis de l'intéressé. Si le requérant conteste la matérialité de telles divergences, il est constant que les termes du projet de service qu'il a établi critiquent ouvertement le projet dit " A... " alors que, conformément aux termes de l'annexe 17 (II-D) du règlement intérieur, ce projet de service devait définir les modalités de mise en œuvre de ce projet de regroupement. Il est tout aussi constant, qu'à la date du 8 mai 2020, la phase de consultations et de débats en vue de l'adoption du " projet A... ", phase à laquelle M. B... avait été associé et avait pu activement participer, était achevée, et que ce projet avait, implicitement mais nécessairement, été validé en commission médicale d'établissement locale, le 15 octobre 2019, dès lors qu'y était prévu le passage à la phase de concrétisation du financement du projet. Il s'en infère, qu'en s'obstinant à le critiquer, en élaborant et en diffusant un projet de service faisant état des " limites du projet A... " ou encore de " plusieurs réserves " et de difficultés générées par la mise en œuvre de ce dernier, et ce quelle que soit la pertinence de ses propositions, le requérant a pris le contre-pied de la stratégie élaborée par l'établissement auquel il appartenait, au risque de contrarier la validation et le financement de ce projet de restructuration majeur par les instances dirigeantes de l'AP-HP. En prenant pour ce motif la décision de mettre fin, dans l'intérêt du service, aux fonctions de chef de service de M. B..., lequel a d'ailleurs admis avoir été à tout le moins " maladroit ", le directeur du GHU AP-HP Centre Université de Paris n'a pas commis d'erreur de fait, d'erreur de qualification juridique des faits, ni d'erreur manifeste d'appréciation, les fonctions de chef de service emportant nécessairement obligation de collaboration étroite et dans un climat de confiance mutuelle avec les instances dirigeantes de l'établissement public de santé.

7. En deuxième lieu, et dès lors qu'il résulte de ce qui précède que la décision attaquée a été prise dans l'intérêt du service, dans le strict cadre de l'exercice du pouvoir hiérarchique et afin d'assurer la sérénité et la pérennité des actions menées au sein de l'établissement hospitalier, le requérant n'est pas fondé à soutenir qu'elle serait entachée d'un détournement de pouvoir ou constitutive d'une sanction déguisée.

8. En dernier lieu, c'est à bon droit que, dans le contexte susrappelé et au vu des pièces du dossier, les premiers juges ont estimé qu'il n'était pas établi que la décision prise aurait eu en réalité pour objet de discriminer M. B... en raison de son âge ou révèlerait des faits de harcèlement moral au sens des articles 6 et 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 susvisée. D'une part, si le requérant soutient que le but réellement poursuivi par l'AP-HP aurait été de se débarrasser d'un chef de service d'âge mûr et dérangeant par ses prises de position indépendantes, avec pour objectif de recruter un nouveau chef de service, plus jeune, il est établi que la nomination de son remplaçant n'est intervenue qu'en décembre 2020. D'autre part, la circonstance qu'une proposition de conciliation de sa part aurait été formulée en vain est inopérante, de même que les conséquences sur sa situation personnelle de la décision attaquée, ainsi que son comportement postérieurement à la décision litigieuse.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 22 juin 2020 du directeur du GHU AP-HP Centre Université de Paris.

Sur les conclusions à fins d'injonction :

10. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 22 juin 2020 du directeur du GHU AP-HP Centre Université de Paris, n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par M. B... doivent être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'AP-HP, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par M. B... au titre des dispositions précitées. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de ce dernier le versement à l'AP-HP d'une somme au titre de ces mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et à l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris.

Délibéré après l'audience du 11 octobre 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- M. Magnard, premier conseiller,

- Mme Jayer, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 octobre 2023.

La rapporteure,

M-D JAYERLe président,

I. BROTONS

Le greffier,

C. MONGIS

La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA00402


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA00402
Date de la décision : 25/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: Mme Marie-Dominique JAYER
Rapporteur public ?: M. SEGRETAIN
Avocat(s) : SCP H. DIDIER - F. PINET

Origine de la décision
Date de l'import : 29/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-10-25;22pa00402 ?
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