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20/10/2023 | FRANCE | N°22PA04900

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 20 octobre 2023, 22PA04900


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... et Mme B... E... C... ont demandé au tribunal administratif de Melun de les décharger, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2012, 2013 et 2014 en conséquence de la vérification de comptabilité de la Sarl E... Fong, ensemble la décharge de l'obligation de payer portée par les avis à tiers détenteur émis les 21 janvier, 21 mars et 23 mai 2018 pour recouvrer ces coti

sations.

Par un jugement n° 1808888 et 1907766 du 12 mai 2022, le tribunal admi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... et Mme B... E... C... ont demandé au tribunal administratif de Melun de les décharger, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2012, 2013 et 2014 en conséquence de la vérification de comptabilité de la Sarl E... Fong, ensemble la décharge de l'obligation de payer portée par les avis à tiers détenteur émis les 21 janvier, 21 mars et 23 mai 2018 pour recouvrer ces cotisations.

Par un jugement n° 1808888 et 1907766 du 12 mai 2022, le tribunal administratif de Melun a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 18 novembre 2022, M. A... et Mme C..., représentés par Me Puillandre, demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1808888 et 1907766 du 12 mai 2022 du tribunal administratif de Melun et de les décharger des suppléments d'imposition en litige ainsi que de l'obligation de payer portée par les avis à tiers détenteur émis les 21 janvier, 21 mars et 23 mai 2018 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à leur conseil en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Ils soutiennent que :

- la procédure d'imposition est irrégulière, faute pour l'administration d'avoir répondu à leur demande de saisine des commissions départementale ou nationale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, de la commission départementale de conciliation et du comité de l'abus de droit fiscal ;

- la comptabilité de la Sarl E... Fong n'est pas irrégulière ;

- les justificatifs mobilisés par le service pour reconstituer les recettes et les charges de la Sarl E... Fong sont douteux et la méthode est erronée ;

- les sommes prélevées dans la caisse n'ont pas été détournées à leur profit personnel, mais ont permis de rembourser des prêts familiaux ;

- il appartient à la Cour d'user de ses pouvoirs d'instruction aux fins de rechercher les éléments attestant de la régularité de la vérification de comptabilité de la société E... Fong et de l'émission des avis à tiers détenteur ;

- l'administration a mis à leur charge des pénalités fiscales qui auraient dû être remises en vertu de l'article 1756 du code général des impôts à la suite de la liquidation judiciaire de la Sarl E... Fong ;

- l'administration n'établit pas l'existence d'un manquement délibéré.

Par un mémoire en défense et des mémoires en production de pièces, enregistrés les

23 février, 14 mars et 11 septembre 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- il n'y a pas lieu à statuer sur les conclusions d'assiette à concurrence d'un montant de 7 725 euros qui a été dégrevé le 7 mars 2023 aux fins de se conformer aux obligations qui découlent de la décision n° 2016-610 du 10 février 2017 du Conseil constitutionnel ;

- les conclusions tendant à la décharge de l'obligation de payer la somme réclamée par les avis à tiers détenteur des 23 janvier, 21 mars et 23 mai 2018 sont irrecevables dès lors que ces avis ont été infructueux ;

- pour le surplus, les moyens sont infondés ou inopérants.

Par une décision du 9 septembre 2022, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris a accordé à M. A... et Mme C... le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Perroy,

- et les conclusions de Mme Lescaut, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. La Sarl E... Fong, dont M. A... est le gérant et l'associé à 50 %, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité de ses exercices 2012, 2013 et 2014, au terme de laquelle l'administration, après avoir écarté sa comptabilité, a reconstitué ses recettes. Par une proposition de rectification du 3 décembre 2015 tirant les conséquences de cette vérification, l'administration a mis à la charge de M. A... et Mme C..., son épouse, des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales en application du 1° de l'article 109-1 du code général des impôts. Pour obtenir le recouvrement de ces impositions, le comptable du pôle de recouvrement spécialisé du Val-de-Marne a notifié aux contribuables plusieurs avis à tiers détenteur les 21 janvier, 21 mars et le 23 mai 2018. Par leur requête, M. A... et Mme C... demandent à la Cour d'annuler le jugement n° 1808888 et 1907766 du 12 mai 2022 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande tendant à la décharge des suppléments d'imposition ci-avant décrits, ainsi que la décharge de l'obligation de payer résultant des avis à tiers détenteur émis en vue de leur recouvrement.

Sur les conclusions relatives au recouvrement :

2. Aux termes de l'article L. 281 du livre des procédures fiscales, " Les contestations relatives au recouvrement des impôts, taxes, redevances, amendes, condamnations pécuniaires et sommes quelconques dont la perception incombe aux comptables publics doivent être adressées à l'administration dont dépend le comptable qui exerce les poursuites (...). Les contestations relatives au recouvrement ne peuvent pas remettre en cause le bien-fondé de la créance. Elles peuvent porter : 1° Sur la régularité en la forme de l'acte ; 2° A l'exclusion des amendes et condamnations pécuniaires, sur l'obligation au paiement, sur le montant de la dette compte tenu des paiements effectués et sur l'exigibilité de la somme réclamée. Les recours contre les décisions prises par l'administration sur ces contestations sont portés dans le cas prévu au 1° devant le juge de l'exécution. Dans les cas prévus au 2°, ils sont portés : a) Pour les créances fiscales, devant le juge de l'impôt prévu à l'article L. 199 (...) ".

3. Il résulte de l'instruction que les avis à tiers détenteur notifiés les 21 janvier, 21 mars et 23 mai 2018 par le comptable du pôle de recouvrement spécialisé du Val-de-Marne n'ont pas permis d'appréhender, à l'exception d'une somme d'un montant de 373,70 euros, les fonds correspondant aux suppléments d'imposition mis à la charge des requérants dès lors que la Bank of China a indiqué ne détenir aucun compte bancaire à leur nom et que la banque Palatine n'a répondu positivement que pour 373,70 euros, le compte bancaire n'étant pas davantage provisionné. D'une part, en ne soulevant que des moyens d'assiette dans leur requête, M. A... et Mme C... ne contestent pas utilement les avis à tiers détenteur en tant que l'administration a obtenu, sur leur fondement, le recouvrement forcé d'une somme de 373,70 euros. D'autre part et pour le surplus, ces avis n'ayant pas eu d'effet sur le recouvrement des sommes qui en constituent l'objet, les requérants sont sans intérêt à agir, et par suite, irrecevables à saisir la Cour de la contestation des avis à tiers détenteur en litige.

Sur l'étendue des conclusions relatives à l'assiette :

4. Il résulte de l'instruction que, par un avis du 7 mars 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, faisant application de la décision n° 2016-610 du 10 février 2017 du Conseil constitutionnel, a dégrevé les requérants d'une somme de 7 725 euros. Par suite, leurs conclusions à fin de décharge sont dans cette mesure sans objet et il n'y a plus lieu d'y statuer.

Sur les conclusions à fin de décharge du surplus des suppléments d'imposition :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

5. En premier lieu, M. A... et Mme C..., qui ont sollicité, par courrier du 14 avril 2016 faisant suite à la réception de la réponse aux observations du contribuable, la saisine des commissions départementale ou nationale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, de la commission départementale de conciliation et du comité de l'abus de droit fiscal, soutiennent que la procédure d'imposition est irrégulière, faute pour l'administration d'avoir fait droit à leur demande. Toutefois, le comité de l'abus de droit n'était pas compétent pour se prononcer sur un redressement n'étant pas fondé sur l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, cependant que la commission de conciliation n'était pas plus que la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires compétente pour se prononcer sur l'imposition de revenus de capitaux mobiliers. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure ne peut qu'être écarté.

6. En second lieu, s'il est loisible aux requérants de contester l'ensemble des vices de la procédure d'imposition qu'ils estiment fondés, ils ne sauraient utilement demander au juge de vérifier lui-même, au besoin en sollicitant de l'administration certaines pièces, la régularité de cette procédure.

En ce qui concerne le bien-fondé des suppléments d'imposition :

7. En premier lieu, il résulte de l'instruction que l'administration a écarté la comptabilité de la société E... Fong au motif qu'existaient plusieurs séries de justificatifs des recettes pour une même période, qu'une partie des recettes-espèces avait été omise sur les exercices 2012, 2013 et 2014, que des écritures portaient deux numéros différents pour une même opération et qu'aucun inventaire physique des stocks n'était réalisé en fin d'exercice. Si les requérants soutiennent que leur expert-comptable maîtrisait mal le logiciel comptable, que leur mauvaise compréhension du français ne leur a pas permis de détecter les erreurs de saisie et que l'absence d'inventaire physique est sans incidence sur la régularité de leur comptabilité, l'ensemble des irrégularités relevées par la vérificatrice suffisait en tout état de cause à retirer à la comptabilité de la Sarl E... Fong tout caractère probant.

8. En deuxième lieu, la reconstitution des recettes se fonde sur la moyenne des pourcentages de paiements en espèces observés en août, septembre et octobre 2014, soit une période au cours de laquelle M. A... et Mme C... n'avaient pas eu le temps de les effacer en tout ou partie du fait de la visite inopinée de la police dans leur restaurant, le 14 octobre 2014. La moyenne s'établissant à 22,37 % du chiffre d'affaires, l'administration a majoré à due concurrence, pour chacune des années en litige, le pourcentage des paiements en espèces, notoirement inférieur, figurant dans la comptabilité tenue par la société. Les requérants ne contestent pas utilement cette reconstitution en soutenant, d'une part, que les justificatifs mobilisés par le service seraient " douteux " alors que les pourcentages de paiements en espèces résultent des constats effectués par la police lors du contrôle inopiné effectué au mois d'octobre 2014 et, d'autre part, que le chiffre d'affaires de l'exercice 2012 aurait été reconstitué sur la base d'un autre taux de paiements en espèces que ceux établis pour 2013 et 2014, ce qui est inexact.

9. En troisième lieu, aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : / 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital (...) ". Aux termes de l'article 110 du même code : " Pour l'application du 1° du 1 de l'article 109 les bénéfices s'entendent de ceux qui ont été retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés. (...) ". En cas de refus des propositions de rectifications par le contribuable qu'elle entend imposer comme bénéficiaire de sommes regardées comme distribuées, il incombe à l'administration d'apporter la preuve que celui-ci en a effectivement disposé. Toutefois, le contribuable qui, disposant seul des pouvoirs les plus étendus au sein de la société, est en mesure d'user sans contrôle de ses biens comme de biens qui lui sont propres et doit ainsi être regardé comme le seul maître de l'affaire, est présumé avoir appréhendé les distributions effectuées par la société qu'il contrôle.

10. Pour mettre à la charge des requérants les revenus distribués par la Sarl E... Fong, l'administration a relevé que M. A... en était l'associé et le gérant, et qu'aucune trace de la participation de l'autre associé à la gestion de la Sarl n'avait été constatée, ce dont elle a déduit qu'il devait être regardé comme le seul maître de l'affaire. En se bornant à faire valoir que les fonds sociaux ont été prélevés pour rembourser les prêts consentis par des membres de leur famille aux fins d'acquérir le fonds de commerce, M. A... et Mme C... ne contestent pas utilement la qualité de maître de l'affaire de M. A... et, par voie de conséquence, la présomption d'appréhension des revenus distribués par la société. Au surplus et en tout état de cause, la Cour d'appel de Paris a, par jugement correctionnel du 5 février 2015, condamné les époux A... et C... pour détournement d'une partie des recettes de la société.

En ce qui concerne les pénalités :

11. Il résulte de l'instruction que l'administration a assorti les suppléments d'imposition en litige de la pénalité pour omissions déclaratives prévue à l'article 1758 A du code général des impôts et des intérêts prévus à l'article 1727 de ce même code. Les requérants ne contestent pas utilement ces pénalités en sollicitant, d'une part, le bénéfice de l'article 1756 du code général des impôts, qui ne peut, le cas échéant, être sollicité que par une personne morale et, d'autre part, en soutenant n'avoir commis aucun manquement délibéré, la majoration réprimant ce comportement n'ayant pas été appliquée.

12. Il résulte de tout ce qui précède qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin de décharge de M. A... et Mme C... à concurrence d'un montant de 7 725 euros. Pour le surplus, ils ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté leurs conclusions tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont étés assujettis au titre des années 2012, 2013 et 2014 en conséquence de la vérification de comptabilité de la Sarl E... Fong, ensemble la décharge de l'obligation de payer portée par les avis à tiers détenteur émis les 21 janvier, 21 mars et 23 mai 2018. Leurs conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être également rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin de décharge à concurrence d'un montant de 7 725 euros.

Article 2 : Le surplus des conclusions présentées par M. A... et Mme C... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... et Mme B... E... C... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera délivrée à la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris.

Délibéré après l'audience du 28 septembre 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Vinot, présidente de chambre,

- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,

- M. Perroy, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 octobre 2023.

Le rapporteur,

G. PERROY

La présidente,

H. VINOT

La greffière,

E. VERGNOL

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22PA0490002


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA04900
Date de la décision : 20/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme VINOT
Rapporteur ?: M. Gilles PERROY
Rapporteur public ?: Mme LESCAUT
Avocat(s) : PUILLANDRE

Origine de la décision
Date de l'import : 29/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-10-20;22pa04900 ?
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