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20/10/2023 | FRANCE | N°22PA04565

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 20 octobre 2023, 22PA04565


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 24 février 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination d'une mesure d'éloignement et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par jugement n° 2204045 du 3 octobre 2022, le tribunal administratif de

Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregis...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 24 février 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination d'une mesure d'éloignement et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par jugement n° 2204045 du 3 octobre 2022, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 21 octobre 2022, M. C..., représenté par Me Lebriquir, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2204045 du 3 octobre 2022 du tribunal administratif de Montreuil ;

2°) d'annuler l'arrêté du 24 février 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination d'une mesure d'éloignement et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'irrégularité faute d'avoir suffisamment répondu au le moyen tiré de ce que le préfet ne mentionne pas les éléments de situation personnelle et professionnelle ;

- la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'une insuffisance de motivation ;

- en statuant sur sa demande de titre de séjour deux ans et trois mois après son dépôt, soit au-delà d'un délai raisonnable, le préfet a méconnu l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision portant refus de titre de séjour portant la mention " salarié " est entachée d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que sa présence sur le territoire ne constitue pas une menace à l'ordre public ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît la circulaire dite " Valls " du 28 novembre 2012 et le principe de fraternité.

La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Collet a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant tunisien né le 5 juin 1986 et entré sur le territoire français le 19 novembre 2015 sous couvert d'un visa de long séjour, a bénéficié d'une carte de séjour pluriannuelle portant la mention " vie privée et familiale " en qualité de conjoint de française valable du 28 octobre 2016 au 27 octobre 2018. Il a sollicité, le 21 décembre 2018, le renouvellement de son titre de séjour ou la délivrance d'un titre portant la mention " salarié ". Par arrêté du 24 février 2022, le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination d'une mesure d'éloignement et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. Par jugement n° 2204045 du 3 octobre 2022, dont M. C... relève appel, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de l'arrêté du 24 février 2022 du préfet de la Seine-Saint-Denis :

2. Aux termes de l'article L. 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La délivrance d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle ou d'une carte de résident peut, par une décision motivée, être refusée à tout étranger dont la présence en France constitue une menace pour l'ordre public ".

3. Il ressort de l'arrêté attaqué que, pour refuser de délivrer à M. B... la délivrance du titre sollicité le préfet de la Seine-Saint-Denis a considéré que le comportement de l'intéressé constituait une menace à l'ordre public dès lors qu'il avait fait l'objet le 10 avril 2019 d'une condamnation par le tribunal correctionnel de Bobigny à quatre mois d'emprisonnement pour violence sur une personne dépositaire de l'autorité publique suivie d'incapacité n'excédant pas huit jours, outrage à une personne dépositaire de l'autorité publique, menace de mort ou d'atteinte aux biens dangereuse pour les personnes à l'encontre d'un dépositaire de l'autorité publique. Toutefois, à la date de l'arrêté du 24 février 2022 attaqué, ces faits remontaient à près de trois ans et apparaissaient relativement anciens, alors que l'insertion professionnelle de l'intéressé a justifié la conversion de sa peine en jours-amende. Par ailleurs, la seule mention d'infractions sur le fichier du traitement des antécédents judiciaires, invoquée devant le tribunal et non dans la décision contestée, ne saurait suffire à établir la matérialité des faits susceptibles de caractériser la menace à l'ordre public que constituerait l'intéressé qui s'est d'ailleurs vu délivrer, postérieurement aux faits invoqués, un titre de séjour sans que son comportement apparaisse alors caractériser une menace à l'ordre public. Il suit de là que, alors que M. B... est présent en France depuis 2015, qu'il y séjournait régulièrement depuis deux ans lorsqu'il a demandé le renouvellement de son titre de séjour, qu'il y était inséré professionnellement, les éléments retenus par le préfet de la Seine-Saint-Denis quatre ans plus tard ne suffisent pas, à eux seuls, à caractériser une menace suffisamment grave pour l'ordre public justifiant le refus de changement de statut sollicité. Par suite, le requérant est fondé à soutenir qu'en refusant de lui délivrer un titre de séjour en qualité de salarié, le préfet de la Seine-Saint-Denis a fait une inexacte appréciation des dispositions de l'article L. 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et à demander l'annulation du refus de titre de séjour contesté et, par voie de conséquence, de l'ensemble des décisions contenues dans l'arrêté du 24 février 2022 du préfet de la Seine-Saint-Denis.

4. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué et de se prononcer sur les autres moyens de la requête, M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. Le présent arrêt n'implique pas, eu égard au motif d'annulation sur lequel il se fonde, que l'administration prenne une nouvelle décision dans un sens déterminé. Par suite, les conclusions du requérant tendant à ce que lui soit délivré un titre de séjour doivent être rejetées. Il y a seulement lieu d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis, ou à tout préfet territorialement compétent, de procéder au réexamen de la situation de M. C... dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais liés à l'instance :

6. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme à M. C... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2204045 du 3 octobre 2022 et l'arrêté du 24 février 2022 du préfet de la Seine-Saint-Denis sont annulés

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis, ou à tout préfet territorialement compétent, de réexaminer la situation de M. C... dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Copie en sera adressée au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Paris en application de l'article R. 751-11 du code de justice administrative.

Délibéré après l'audience du 2 octobre 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Menasseyre, présidente,

- M. Ho Si Fat, président assesseur,

- Mme Collet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 octobre 2023.

La rapporteure,

A. COLLET La présidente,

A. MENASSEYRE

Le greffier,

P. TISSERAND

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA04565


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA04565
Date de la décision : 20/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MENASSEYRE
Rapporteur ?: Mme Aude COLLET
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : LEBRIQUIR

Origine de la décision
Date de l'import : 29/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-10-20;22pa04565 ?
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