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20/10/2023 | FRANCE | N°22PA04554

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 20 octobre 2023, 22PA04554


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Melun, à titre principal, d'annuler l'arrêté du 25 février 2020 par lequel le préfet du Val-de-Marne a refusé de renouveler son titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement, et, à titre subsidiaire, d'annuler les décisions contenues dans le même arrêté l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de

trente jours et fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement.

Par un ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Melun, à titre principal, d'annuler l'arrêté du 25 février 2020 par lequel le préfet du Val-de-Marne a refusé de renouveler son titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement, et, à titre subsidiaire, d'annuler les décisions contenues dans le même arrêté l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement.

Par un jugement n°2006384 du 22 septembre 2022, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 20 octobre 2022, Mme B... représentée par Me Shebabo, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°2006384 du 22 septembre 2022 du tribunal administratif de Melun ;

2°) d'annuler l'arrêté du 25 février 2020 du préfet du Val-de-Marne ;

3°) d'enjoindre au préfet territorialement compétent de lui délivrer un certificat de résident algérien dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, ou de réexaminer sa demande dans le même délai et sous la même astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision de refus de renouvellement de titre de séjour n'a pas été précédée d'un examen approfondi de sa situation ;

- le préfet a omis d'examiner sa demande sur le fondement des dispositions du 7° de l'articles L. 313-11 et de celles de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision est entachée d'erreur de fait, d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation au regard du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et son droit au respect de sa vie privée et familiale ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision l'obligeant à quitter le territoire méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

La requête a été communiquée à la préfète du Val-de-Marne qui n'a pas été produit de mémoire.

Par une ordonnance du 20 avril 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 22 mai 2023 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Jayer,

- et les observations de Me Shebabo , avocate de Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante algérienne née le 3 janvier 1976, est entrée en France selon ses déclarations, le 11 janvier 2015. Le 7 avril 2016, une carte de séjour temporaire lui a été délivrée en qualité d'étrangère malade sur le fondement du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Le 2 avril 2019, elle a sollicité le renouvellement de son dernier titre de séjour arrivant à expiration le 15 mai 2019. Par un arrêté du 25 février 2020 le préfet du Val-de-Marne a refusé de renouveler ce titre, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé pays de destination de la mesure d'éloignement. Mme B... relève appel du jugement du 22 septembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier, en particulier des termes de l'arrêté attaqué et notamment des mentions de fait précises y figurant, que le préfet du Val-de-Marne a procédé à l'examen particulier de la situation de droit et de fait de la requérante. Alors même que Mme B... n'établit pas avoir demandé un titre de séjour sur un autre fondement que le 7° de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles, le préfet s'est également prononcé sur son droit au séjour au regard de sa vie privée et familiale. Par suite, le moyen tiré de ce qu'il aurait procédé à un examen incomplet de la demande de Mme B... doit être écarté.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) / 7° Au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...) ". Aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version en vigueur à la date de l'arrêté contesté, dont les dispositions de procédure s'appliquent aux demandes présentées par les ressortissants algériens : " (...) le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'OFII et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé ".

4. Il résulte des stipulations précitées que, lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé(e), l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans le pays dont l'étranger est originaire et que si ce dernier y a effectivement accès. Toutefois, en vertu des règles gouvernant l'administration de la preuve devant le juge administratif, la partie qui justifie de l'avis d'un collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié et effectivement accessible dans le pays de renvoi.

5. Il ressort des pièces du dossier que, pour refuser le renouvellement du titre de séjour délivré à Mme B... en sa qualité d'étrangère malade, le préfet du Val-de-Marne s'est fondé sur l'avis du collège des médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) du 10 janvier 2020 dont il résulte que, si l'état de santé de l'intéressée nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité, celle-ci peut, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé en Algérie, y bénéficier effectivement d'un traitement approprié.

6. Pour remettre en cause l'appréciation précitée, Mme B... produit des pièces médicales dont il résulte qu'elle a souffert d'un cancer du sein diagnostiqué en février 2015 ayant nécessité la réalisation, le même mois, d'une mastectomie, suivie d'une chimiothérapie, d'une radiothérapie et de deux chirurgies de reconstruction en octobre 2016 et au printemps 2017. Elle a ensuite été traitée par hormonothérapie et a fait l'objet d'un suivi par mammographie, tous les ans. Bénéficiaire d'un titre de séjour en raison de son état de santé à compter du 7 avril 2016, renouvelé jusqu'en mai 2019, Mme B... n'établit en revanche pas, par les pièces qu'elle produit, ainsi que l'ont constaté les premiers juges, qu'à la date de la décision attaquée, soit cinq ans après la prise en charge de la maladie dont elle a souffert et en l'absence de récidive, son état de santé nécessiterait une prise en charge autre qu'un suivi annuel, la circonstance qu'au titre de l'assurance maladie elle relèverait d'une prise en charge pour maladie " ALD 30 " pour une durée indéterminée étant sans incidence sur l'appréciation de la disponibilité d'un traitement dans le pays d'origine. Les certificats émanant de deux médecins oncologues à l'hôpital intercommunal de Créteil des 10 janvier, 15 juin et 16 octobre 2020, 17 mai 2021 et 20 août 2022 se bornant à faire état de ce que son état justifie sa prise en charge dans le service pour une maladie ALD 30, sans autre précision quant à la nature des traitements, sont insuffisants pour contredire l'avis du collège de médecins de l'OFII. Enfin, les articles de presse à caractère général versés aux débats ne sauraient établir la circonstance invoquée. Ainsi, en refusant de renouveler le titre de séjour sollicité sur le fondement du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien, le préfet du Val-de-Marne n'a pas commis d'erreur de fait ni méconnu ces stipulations.

7. En troisième lieu, Mme B... ne peut utilement invoquer les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vigueur à la date de la décision attaquée, dès lors que l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 régit de manière complète les règles concernant la nature des titres de séjour qui peuvent être délivrés aux ressortissants algériens. Elle doit toutefois être regardée comme ayant entendu se prévaloir des stipulations de portée équivalente du 5° de l'article 6 de ce même accord, dont il résulte que le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : " au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ". Par ailleurs, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

8. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... n'est entrée en France qu'à l'âge de 39 ans et qu'elle y est ensuite restée, principalement pour les besoins du traitement du cancer du sein dont elle a souffert. Elle résidait ainsi sur le territoire national depuis cinq ans à la date de la décision attaquée après avoir passé l'essentiel de son existence dans son pays d'origine dans lequel elle n'est pas dépourvue de tout lien, même si elle fait état de la présence d'un frère et une sœur en France. Si la requérante se prévaut également de son insertion professionnelle, il ressort des pièces du dossier qu'elle n'a pas déclaré de revenus à l'administration fiscale en 2016, puis seulement 1 524 euros en 2017, 4 214 euros en 2018 et 15 239 euros en 2019. La demande d'autorisation de travail du 23 novembre 2022 est par ailleurs postérieure à la décision litigieuse. De telles pièces et les circonstances invoquées ne suffisent ainsi pas à démontrer que la décision contestée a porté au droit au respect de la vie privée et familiale de l'intéressée une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent dès lors être écartés.

9. En quatrième lieu, si l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable ne s'applique pas aux ressortissants algériens, dont la situation est régie de manière exclusive par l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et bien que cet accord ne prévoie pas de semblables modalités d'admission exceptionnelle au séjour, un préfet peut délivrer un certificat de résidence à une ressortissante algérienne qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit. L'administration dispose ainsi à cette fin d'un pouvoir discrétionnaire pour apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressée, l'opportunité d'une mesure de régularisation.

10. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 8 du présent arrêt, le moyen tiré de ce que le préfet du Val-de-Marne se serait abstenu à tort de régulariser la situation de Mme B... doit toutefois être écarté.

11. En dernier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ".

12. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 6 du présent arrêt, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit être écarté.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

13. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi (...) "

14. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 6 du présent arrêt, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit être écarté.

15. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, sa requête d'appel ne peut qu'être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète du Val-de-Marne.

Délibéré après l'audience du 2 octobre 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Anne Menasseyre, présidente,

- M. Ho Si Fat, président assesseur,

- Mme Jayer, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 octobre 2023.

La rapporteure,

M-D JAYERLa présidente,

A. MENASSEYRE

Le greffier,

P. TISSERAND

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA04554


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA04554
Date de la décision : 20/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MENASSEYRE
Rapporteur ?: Mme Marie-Dominique JAYER
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : SHEBAVOK

Origine de la décision
Date de l'import : 12/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-10-20;22pa04554 ?
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