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20/10/2023 | FRANCE | N°22PA03841

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 20 octobre 2023, 22PA03841


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler les arrêtés du 10 mai 2021 par lesquels le préfet de police de Paris l'a obligé à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux années en le signalant aux fins de non admission dans le système d'information Schengen.

Par un jugement n° 2110358 du 12 mai 2022, le tribunal administratif de

Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistré...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler les arrêtés du 10 mai 2021 par lesquels le préfet de police de Paris l'a obligé à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux années en le signalant aux fins de non admission dans le système d'information Schengen.

Par un jugement n° 2110358 du 12 mai 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 17 août 2022, M. B... représenté par Me Mancipoz, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2110358/2-3 du 12 mai 2022 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler les décisions contenues dans les arrêtés du 10 mai 2021 du préfet de police de Paris ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de Paris de mettre fin à son signalement dans le système d'information Schengen ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve que Me Mancipoz renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

La décision portant obligation de quitter le territoire :

- est intervenue en méconnaissance du droit d'être entendu consacré par l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne ;

- méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La décision refusant un délai de départ volontaire :

- est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- est intervenue en méconnaissance du droit d'être entendu consacré par l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne ;

- est entachée d'erreur de fait ;

- est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

La décision fixant le pays de renvoi :

- méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

- est illégale en raison de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français ;

- est insuffisamment motivée ;

- méconnaît les dispositions de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- est d'une durée disproportionnée.

La " décision " de signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen :

- est illégale à raison d'illégalité de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français.

Par un mémoire en défense enregistré le 24 février 2023, le préfet de police de Paris conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 20 avril 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 22 mai 2023 à 12 heures.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 juillet 2022 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Jayer,

- et les observations de M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant algérien né le 19 septembre 1997, serait selon ses déclarations entré en France le 6 mai 2017, muni d'un visa de court séjour. Le 23 octobre 2018, il a sollicité son admission au séjour en qualité d'étranger malade. Par un arrêté du 23 août 2019, le préfet de police de Paris a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. A la suite de son interpellation pour outrage à personne dépositaire de l'autorité publique, par deux arrêtés du 10 mai 2021, le préfet de police de Paris l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans en le signalant aux fins de non admission dans le système d'information Schengen. M. B... relève appel du jugement du 12 mai 2022 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'annulation des arrêtés du 10 mai 2021 du préfet de police de Paris.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

2. En premier lieu, le droit d'être entendu préalablement à l'adoption d'une décision d'éloignement implique que l'autorité administrative mette le ressortissant étranger en situation irrégulière à même de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur l'irrégularité du séjour et les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l'autorité s'abstienne de prendre à son égard une décision de retour. Ce droit n'implique toutefois pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français, fixant le pays de son renvoi ou prononçant une interdiction de séjour, dès lors qu'il a pu être entendu sur l'irrégularité du séjour ou la perspective de l'éloignement. Par ailleurs, une atteinte au droit d'être entendu n'est susceptible d'affecter la régularité de la procédure à l'issue de laquelle une décision faisant grief est prise que si la personne concernée a été privée de la possibilité de présenter des éléments pertinents qui auraient pu influer sur le contenu de la décision.

3. Il ressort des pièces du dossier, notamment du procès-verbal d'audition signé par l'intéressé, que M. B... a été entendu par les services de police le 9 mai 2021 sur sa situation personnelle, notamment en ce qui concerne son âge, sa nationalité, sa situation de famille, ses attaches dans son pays d'origine, les raisons et conditions de son entrée en France ainsi que ses conditions d'hébergement. Le requérant a eu ainsi la possibilité, au cours de cet entretien, de faire connaître des observations utiles et pertinentes de nature à influer sur la décision prise à son encontre. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B..., qui a indiqué ne pas souhaiter retourner dans son pays d'origine, disposait d'informations tenant à sa situation personnelle qu'il a été empêché de porter à la connaissance de l'administration avant que ne soit prise à son encontre la mesure qu'il conteste et qui, si elles avaient pu être communiquées à temps, auraient été de nature à faire obstacle à l'édiction de cette décision. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision contestée méconnaîtrait le principe général du droit d'être entendu qui est au nombre des principes fondamentaux du droit de l'Union européenne doit être écarté.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...) ".

5. M. B..., qui serait entré sur le territoire français en 2017, soutient qu'il a établi en France le centre de ses intérêts privés et familiaux. Il ressort toutefois des pièces du dossier, et notamment des procès-verbaux du 9 mai 2021 que, célibataire et sans charge de famille, il n'a pas constitué de vie familiale sur le territoire national. En dépit de ses déclarations, il ne démontre pas y être inséré socialement et professionnellement, étant sans profession et sans logement à la date de la décision attaquée. Dans ces conditions, eu égard à la durée et aux conditions du séjour de l'intéressé en France, il n'est pas établi que la décision en litige du 10 mai 2021 du préfet de police de Paris ait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, elle n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En ce qui concerne la décision refusant un délai de départ volontaire :

6. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ne peut être accueilli.

7. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 2 et 3, le moyen tiré de la méconnaissance du principe général du droit d'être entendu doit être écarté.

8. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : 1° Le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ;(...) 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet. ". Aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) 5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...) 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au 3° de l'article L. 142-1, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 721-6 à L. 721-8, L. 731-1, L. 731-3, L. 733-1 à L. 733-4, L. 733-6, L. 743-13 à L. 743-15 et L. 751-5. ".

9. M. B..., qui a fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement le 23 août 2019, s'est maintenu sur le territoire français. Interpellé pour des faits d'injures à l'encontre d'officiers de police et dépourvu de documents d'identité ou de voyage, il était à la date de la décision attaquée sans ressources et sans domicile fixe. Aucune circonstance particulière n'est invoquée par le requérant de nature à établir que le risque qu'il se soustraie à la mesure d'éloignement ne serait pas établi. Par suite, la décision attaquée n'est pas entachée d'une erreur de fait et pas davantage d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

10. Aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

11. Si M. B... se prévaut de problèmes de santé, il n'établit pas ne pas pouvoir bénéficier d'un traitement approprié en Algérie. D'autre part, si d'origine kabyle, le requérant soutient qu'il serait exposé à des persécutions en cas de retour dans son pays d'origine, il ne produit aucun élément permettant d'apprécier la réalité de ces allégations. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

12. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ne peut être accueilli.

13. En deuxième lieu, la décision attaquée vise les dispositions dont elle fait application et a été prise au vu des conditions d'entrée et de séjour en France de M. B..., de sa situation familiale et de l'absence de circonstance humanitaire faisant obstacle à son prononcé. Elle relève en outre que son comportement constitue une menace pour l'ordre public et qu'il a fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement. Elle comporte ainsi les considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.

14. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. (...) ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".

15. Pour démontrer que la décision attaquée méconnaît les dispositions citées au point précédent, est entachée d'erreur d'appréciation et que la durée de l'interdiction de retour qu'elle fixe présente un caractère excessif, M. B... se prévaut des mêmes considérations que celles exposées au point 5. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés à ce point, et en l'absence de circonstance humanitaire invoquée par l'intéressé qui ne s'est pas vu accorder de délai de départ volontaire, ces trois moyens doivent être écartés.

En ce qui concerne le signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen :

16. Pour les motifs indiqués aux points 12 à 15, le moyen tiré de ce que l'illégalité de la décision d'interdiction de retour entache d'illégalité le signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen doit, en toute hypothèse, être écarté.

17. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, sa requête d'appel ne peut qu'être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de police de Paris.

Délibéré après l'audience du 2 octobre 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Anne Menasseyre, présidente,

- M. Ho Si Fat, président assesseur,

- Mme Jayer, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 octobre 2023.

La rapporteure,

M-D JAYERLa présidente,

A. MENASSEYRE

Le greffier,

P. TISSERAND

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA03841


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA03841
Date de la décision : 20/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MENASSEYRE
Rapporteur ?: Mme Marie-Dominique JAYER
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : MANCIPOZ

Origine de la décision
Date de l'import : 12/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-10-20;22pa03841 ?
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