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20/10/2023 | FRANCE | N°22PA03541

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 20 octobre 2023, 22PA03541


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 7 février 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a pris à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de douze mois.

Par un jugement n° 2202275 du 5 juillet 2022, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une

requête enregistrée le 29 juillet 2022, M. B..., représenté par Me Patureau, demande à la Cour :...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 7 février 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a pris à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de douze mois.

Par un jugement n° 2202275 du 5 juillet 2022, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 29 juillet 2022, M. B..., représenté par Me Patureau, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2202275 du 5 juillet 2022 du tribunal administratif de Montreuil ;

2°) d'annuler l'arrêté du 7 février 2022 du préfet de la Seine-Saint-Denis ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) à défaut, d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de procéder au réexamen de sa situation, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- l'arrêté est entaché de l'incompétence de son auteur ;

- le préfet a méconnu son droit d'être entendu, en méconnaissance de l'article

L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration et des principes généraux des droits de la défense ;

- il est insuffisamment motivé.

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

S'agissant de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation et a méconnu les dispositions des articles L. 612-6 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Un mémoire présenté par le préfet de la Seine-Saint-Denis a été enregistré le 14 juin 2023, aux fins de production de pièces.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- l'arrêt C-166/13 du 5 novembre 2014 et l'arrêt C-249/13 du 11 décembre 2014 de la Cour de justice de l'Union européenne ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé, sur sa proposition, Mme Lescaut, rapporteure publique, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Vrignon-Villalba,

- et les observations de Me Kamoun, pour M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., né le 10 juillet 1993 à Kirane (Mali), a demandé au tribunal administratif de Montreuil l'annulation de l'arrêté du 7 février 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligé à quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de douze mois. M. B... relève appel du jugement du 5 juillet 2022 par lequel le tribunal a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. En outre, ainsi que la Cour de justice l'a jugé dans ses arrêts C-166/13 et C-249/13 des 5 novembre et 11 décembre 2014, le droit d'être entendu préalablement à l'adoption d'une décision de retour implique que l'autorité administrative mette le ressortissant étranger en situation irrégulière à même de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur l'irrégularité du séjour et les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l'autorité s'abstienne de prendre à son égard une décision de retour. Il n'implique toutefois pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français ou sur la décision le plaçant en rétention dans l'attente de l'exécution de la mesure d'éloignement, dès lors qu'il a pu être entendu sur l'irrégularité du séjour ou la perspective de l'éloignement. Enfin, une atteinte au droit d'être entendu n'est susceptible d'entraîner l'annulation de la décision en litige que si la procédure administrative en cause aurait pu, en fonction des circonstances de fait et de droit de l'espèce, aboutir à un résultat différent du fait des observations et éléments que l'étranger a été privé de faire valoir.

3. En l'espèce, il ne ressort pas du procès-verbal d'audition de M. B..., suite à son interpellation et son placement en garde à vue le 6 février 2022 pour conduite sans permis de conduire, que celui-ci aurait été entendu sur l'irrégularité de son séjour, la perspective de son éloignement et les motifs susceptibles de justifier que l'autorité préfectorale s'abstienne de prendre à son égard une interdiction de retour sur le territoire. L'intéressé soutient qu'il n'a pas été mis en mesure de faire valoir ses observations, sans être contredit par le préfet qui n'a pas produit d'observations en défense. Si M. B... indique lui-même avoir sollicité un titre de séjour, par courrier en date du 5 juillet 2021, qu'il produit au dossier, il n'en est pas fait mention dans la décision attaquée, dans laquelle il est au contraire relevé que M. B... n'a fait aucune démarche pour régulariser sa situation, ce qui ne permet pas d'établir que le préfet a pris connaissance, avant de prendre la décision attaquée, des éléments exposés dans sa demande par M. B..., relatifs à sa vie privée et familiale et à son insertion professionnelle et sociale et qui, si l'intéressé avait été en mesure de les invoquer préalablement, auraient pu être de nature à influer sur le sens des décisions prises par le préfet.

4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. La présente décision n'appelle aucune mesure particulière d'exécution. Par suite, les conclusions aux fins d'injonction sous astreinte présentées par M. B... ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. B... d'une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2202275 du 5 juillet 2022 du tribunal administratif de Montreuil et l'arrêté du 7 février 2022 du préfet de la Seine-Saint-Denis sont annulés.

Article 2 : L'Etat versera à M. B... la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 28 septembre 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Vinot, présidente de chambre,

- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,

- M. Perroy, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 octobre 2023.

La rapporteure,

C. VRIGNON-VILLALBALa présidente,

H. VINOT

La greffière,

E. VERGNOL

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22PA03541 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA03541
Date de la décision : 20/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme VINOT
Rapporteur ?: Mme Cécile VRIGNON-VILLALBA
Rapporteur public ?: Mme LESCAUT
Avocat(s) : PATUREAU

Origine de la décision
Date de l'import : 29/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-10-20;22pa03541 ?
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