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20/10/2023 | FRANCE | N°21PA04366

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 20 octobre 2023, 21PA04366


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme (SA) A... et Compagnie a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013 ;

Par un jugement n° 1906727 du 1er juin 2021, le tribunal administratif de Paris a réduit les rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de la société A... et Compagnie au titre de la période allant du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013 à hauteur de

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme (SA) A... et Compagnie a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013 ;

Par un jugement n° 1906727 du 1er juin 2021, le tribunal administratif de Paris a réduit les rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de la société A... et Compagnie au titre de la période allant du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013 à hauteur des montants résultant de la prise en compte d'un coefficient de déduction calculé exclusion faite des intérêts des comptes courants, conformément aux dispositions du 3° b du III de l'article 206 de l'annexe II au code général des impôts, et rejeté le surplus de la requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 30 juillet 2021 et 14 avril 2022, la SA A... et Compagnie, représentée par Me Chaulin, avocat, demande à la Cour :

1°) d'annuler l'article 3 du jugement n° 1906727 du 1er juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Paris, après avoir prononcé la réduction des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période allant du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013 et mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, a rejeté le surplus de ses conclusions ;

2°) de prononcer l'intégralité de la décharge sollicitée devant le tribunal administratif ou, à défaut, la réduction des rappels au titre de la période allant du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, cette somme produisant des intérêts à compter de la décision du tribunal.

Elle soutient que :

- le jugement est entaché d'erreur de droit et de contradiction de motifs ;

- la proposition de rectification est insuffisamment motivée ; cette insuffisance de motivation présente le caractère d'une erreur substantielle au sens de l'article L. 80 CA du livre des procédures fiscales ;

- l'administration fiscale a, dans sa réponse aux observations du contribuable, modifié les modalités de calcul du coefficient d'assujettissement sans l'inviter à formuler des observations sur ce motif et lui impartir un nouveau délai de trente jours à cet effet ;

- les rappels de taxe sur la valeur ajoutée litigieux ont été pris à l'issue d'une procédure irrégulière, dès lors qu'elle n'a pu saisir la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, conformément aux garanties prévues par l'article L. 59 du livre des procédures fiscales ;

- en application de la jurisprudence européenne, la perception de dividendes n'entre pas dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée et les dividendes résultant de la détention de participations sont étrangers au système des droits à déduction ; dès lors en transférant les dividendes du coefficient de taxation dans la proposition de rectification au coefficient d'assujettissement dans la réponse aux observations du contribuable, l'administration méconnaît la règle précitée ;

- l'administration fiscale a commis une erreur de droit en réduisant globalement ses droits à déduction sur les frais généraux ;

- la méthode retenue par l'administration ne reflète pas objectivement la part d'imputation réelle des dépenses en amont en méconnaissance des règles posées par la jurisprudence européenne ;

- les intérêts perçus sur les comptes courants ouverts auprès de ses filiales ne constituent pas le prolongement direct, permanent et nécessaire de son activité de location de biens immobiliers en direct ;

- c'est à bon droit qu'elle a déduit la taxe sur la valeur ajoutée, pour un montant de 5 880 euros, des charges correspondant à une facture émise par l'EURL N. Chapel.

Par un mémoire en défense enregistré le 15 mars 2022 le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête et demande, par recours incident, l'annulation du jugement du 1er juin 2021 en tant que, par ledit jugement, le Tribunal a prononcé la réduction des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de la société A... et Compagnie au titre de la période allant du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013 à hauteur des montants résultant de la prise en compte d'un coefficient de taxation calculé exclusion faite des intérêts des comptes courants, conformément aux dispositions du 3° b du III de l'article 206 de l'annexe II au code général des impôts, ainsi que le rétablissement de l'imposition dont la décharge a ainsi été accordée.

Il soutient que :

- le jugement est entaché d'erreurs de fait, de droit et d'appréciation ;

- les moyens de la requête ne sont pas fondés ;

- les activités de mise à disposition de fonds aux filiales de la société A... ne présentent pas un caractère accessoire et doivent être regardées comme constituant le prolongement direct, permanent et nécessaire de l'activité taxable de location immobilière.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 77/388/CEE du 17 mai 1977 ;

- la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Boizot ;

- et les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La SA A... et Compagnie exerce à la fois des activités de location de biens immobiliers en direct et des activités de holding à travers la détention de participations dans des sociétés civiles immobilières. La société a fait l'objet d'une vérification de comptabilité pour les exercices 2012 et 2013, qui a conduit à des rehaussements d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, notifiés par une proposition de rectification du 2 juin 2015. Par un jugement n° 1906727 du 1er juin 2021 dont la SA A... et Compagnie interjette régulièrement appel, le tribunal administratif de Paris a réduit les rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période allant du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013 à hauteur des montants résultant de la prise en compte d'un coefficient de taxation calculé exclusion faite des intérêts des comptes courants, conformément aux dispositions du 3° b du III de l'article 206 de l'annexe II au code général des impôts, et rejeté le surplus de la requête. Le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, pour sa part, demande régulièrement, par la voie du recours incident, l'annulation dudit jugement en tant qu'il a exclu les intérêts des comptes courants du coefficient de taxation.

2. Hormis dans le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre les impositions dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. La SA A... et Compagnie peut donc utilement soutenir que le Tribunal a entaché sa décision d'erreur de droit ou de contradiction de motifs.

Sur l'appel principal :

En ce qui concerne la régularité de la procédure :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation / (...) / Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable sa réponse doit également être motivée ". Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les rectifications envisagées, de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations de façon entièrement utile.

4. Il résulte de l'instruction que la proposition de redressement adressé à la SA A... et Compagnie, qui mentionnait les impositions redressées, ainsi que les années concernées et les motifs retenus par l'administration pour fonder ces redressements, ainsi que les circonstances de droit et de fait qui les fondent, a permis à la requérante de présenter utilement ses observations, comme elle l'a d'ailleurs fait le 31 juillet 2015. Elle est ainsi suffisamment motivée au sens de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales. Le moyen tiré de ce que la proposition de rectification serait insuffisamment motivée doit être écarté.

5. Au regard de ce qui précède le moyen tiré de ce que l'insuffisante motivation de la proposition de rectification constituerait une erreur substantielle au sens de l'article L. 80 CA du livre des procédures fiscales doit être écarté.

6. En deuxième lieu, la société A... et Compagnie soutient que la réponse du service du 18 septembre 2015 à ses observations fait état d'un nouveau motif fondant les rehaussements issus de la proposition de rectification du 2 juin 2015 et que, ce faisant, elle a été privée de la faculté de faire connaître ses observations sur ce nouveau motif dans un délai de trente jours. Il résulte toutefois de l'instruction que, dans la proposition de rectification, l'administration fiscale a fixé les modalités de calcul des coefficients d'assujettissement et de taxation en prenant en compte le montant des dividendes et les reprises de provision sur valeurs mobilières, ces revenus étant situés hors du champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée. A la suite des observations du contribuable, le service a, dans sa réponse en date du 18 septembre 2015, revu son calcul du coefficient de déduction à partir du coefficient forfaitaire tel que proposé par la société, en maintenant le coefficient d'assujettissement, inclus dans le coefficient de taxation, calculé selon les mêmes modalités de celles définies dans la proposition de rectification. Il résulte ainsi de l'instruction que l'administration fiscale n'a pas pour autant modifié le fondement légal des rehaussements issus de la proposition de rectification du 2 juin 2015 dès lors qu'elle se fonde toujours sur un coefficient d'assujettissement unique pour la détermination du coefficient de déduction. En outre, si la société requérante soutient qu'en tant que l'administration n'a pas établi que les dépenses dont la déduction était remise en cause ne se rattachaient pas à une activité taxable, ou qu'elles correspondaient à des dépenses mixtes, la réponse aux observations du contribuable est insuffisamment motivée, une telle argumentation a trait au fond et non à la régularité de la procédure. Dans ces conditions, l'administration fiscale n'était pas tenue d'accorder un nouveau délai de trente jours à la société pour éventuellement présenter de nouvelles observations. Par suite, le moyen soulevé doit être écarté.

7. En dernier lieu, la SA A... et Compagnie soutient que les rappels de taxe sur la valeur ajoutée litigieux ont été pris à l'issue d'une procédure irrégulière, dès lors qu'elle n'a pu saisir la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, conformément aux garanties prévues par l'article L. 59 du livre des procédures fiscales.

8. La société soutient qu'au regard des termes employés dans la réponse aux observations du contribuable en date du 18 septembre 2015, le vérificateur a de facto repoussé le point de départ du délai de saisine de la commission en indiquant dans la réponse que " dès lors que la société apportera les justifications suffisantes du caractère accessoire de ses recettes financières, le service procédera à un nouveau calcul des coefficients de déduction ". Elle considère que cette réponse forme un " tout indissociable " avec la lettre du vérificateur du 6 novembre 2015 qui précise que " les coefficients de déduction déterminés dans la réponse aux observations du contribuable du 18 septembre 2015 demeurent inchangés ". La société requérante en déduit que le délai de saisine courrait à partir du 12 novembre 2015, date de réception de la lettre du 6 novembre qui constitue, au sens de l'article R. 59-1 du livre des procédures fiscales, celle de la réponse de l'administration à ses observations. Enfin, elle fait valoir que le désaccord doit être apprécié à la date de réception du courrier précité du 6 novembre 2015 à partir des sujets qui ressortent de la réponse du 18 septembre 2015, laquelle concerne, en plus des points relatifs au droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée, des sujets afférents à l'impôt sur les sociétés, tels les frais de repas et le profit sur le trésor, qui relèvent de la compétence de la commission.

9. Toutefois, il résulte des dispositions combinées des articles L. 57, L. 59 et R. 57-1 ainsi que de la règle aujourd'hui codifiée à l'article R. 59-1 du livre des procédures fiscales que l'administration est tenue de répondre aux observations du contribuable présentées dans le délai de trente jours imparti par la proposition de redressement et que le contribuable dispose d'un délai de trente jours à compter de cette réponse de l'administration pour demander la saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires. Ces dispositions n'ont pas pour objet d'imposer à l'administration l'obligation de répondre à de nouvelles observations présentées ultérieurement par le contribuable. Elles ne peuvent avoir non plus pour effet, lorsque l'administration répond néanmoins à de nouvelles observations du contribuable, de faire courir un nouveau délai pour la saisine de la commission départementale.

10. Il résulte de l'instruction que la société contribuable a formulé des observations le 31 juillet 2015, portant tant sur la taxe sur la valeur ajoutée que sur l'impôt sur les sociétés, notamment le profit de taxe, et que, par lettre du 13 août suivant, l'administration l'a invitée à compléter sa réponse s'agissant d'une part, du coefficient de déduction qu'elle revendiquait pour la taxe sur la valeur ajoutée grevant les frais généraux regardés par l'administration comme des dépenses mixtes à savoir 62 % pour l'année 2012 et 51 % pour l'année 2013 au lieu respectivement 23 % et 21 % retenus dans la proposition de rectification par application du coefficient d'assujettissement, et, d'autre part, du rappel relatif à la taxe sur la valeur ajoutée déduite en 2012 au titre d'une facture Antelys. Par une lettre en date du 9 septembre 2015, la société a maintenu sa position sur l'utilisation du seul prorata de déduction mais a accepté le rappel afférant à la facture Antelys. Puis, le 18 septembre suivant, par un courrier reçu le 22 septembre 2015, l'administration a répondu aux observations du contribuable en portant à 27 % pour l'année 2012 et 23 % pour l'année 2013 le coefficient de déduction à appliquer à la taxe sur la valeur ajoutée grevant les frais généraux, réduisant en conséquence les rappels de taxe envisagés correspondants, modifié en conséquence le redressement au titre du profit de taxe, et confirmé partiellement les autres rectifications contestées, faute de justifications supplémentaires. Si, par un courrier en date du 5 octobre 2015, la société requérante a formulé de nouvelles observations auxquelles l'administration a répondu le 6 novembre 2015, cette circonstance n'est pas, au regard du principe énoncé au point précédent, de nature à rouvrir les délais, l'administration ayant, au demeurant, explicitement et définitivement confirmé l'existence d'un désaccord sur les points restant en litige le 18 septembre 2015, lesquels incluaient les redressements en matière d'impôt sur les sociétés, seuls susceptibles de donner droit à saisine de la commission départementale des impôts directs et taxes sur le chiffre d'affaires en application de l'article L. 59 A du livre des procédures fiscales mentionné ci-dessus. A cet égard, la SA A... et Compagnie ne saurait utilement faire valoir que la contestation des rappels en matière de taxe sur la valeur ajoutée s'étendait nécessairement à la taxation du profit, dès lors et en tout état de cause qu'elle n'a pas présenté de contestation en matière d'impôt sur les sociétés postérieurement à la réponse du 18 septembre à ses premières observations. Ainsi, la demande de saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires que la société n'a formulée que le 12 novembre 2015, soit plus de trente jours après la réponse du 18 septembre 2015, était tardive et c'est à bon droit que l'administration fiscale a refusé de donner suite à sa demande.

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :

S'agissant de la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée consécutive à la perception de dividendes et d'intérêts obligataires :

11. D'une part, aux termes de l'article 256 du code général des impôts : " I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ". Aux termes de l'article 256 A du même code : " Sont assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée les personnes qui effectuent de manière indépendante une des activités économiques mentionnées au cinquième alinéa, quels que soient le statut juridique de ces personnes, leur situation au regard des autres impôts et la forme ou la nature de leur intervention (...) Les activités économiques visées au premier alinéa se définissent comme toutes les activités de producteur, de commerçant ou de prestataire de services, y compris les activités extractives, agricoles et celles des professions libérales ou assimilées ". Aux termes de l'article 271 du même code : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération (...) ".

12. D'autre part, aux termes de l'article 205 de l'annexe 2 au code général des impôts : " La taxe sur la valeur ajoutée grevant un bien ou un service qu'un assujetti à cette taxe acquiert, importe ou se livre à lui-même est déductible à proportion de son coefficient de déduction ". Aux termes de l'article 206 de la même annexe 2 au code général des impôts : " I. - Le coefficient de déduction mentionné à l'article 205 est égal au produit des coefficients d'assujettissement, de taxation et d'admission. / II. - Le coefficient d'assujettissement d'un bien ou d'un service est égal à sa proportion d'utilisation pour la réalisation d'opérations imposables. Les opérations imposables s'entendent des opérations situées dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée en vertu des articles 256 et suivants du code général des impôts, qu'elles soient imposées ou légalement exonérées. / III. 1. Le coefficient de taxation d'un bien ou d'un service est égal à l'unité lorsque les opérations imposables auxquelles il est utilisé ouvrent droit à déduction. / 2. Le coefficient de taxation d'un bien ou d'un service est nul lorsque les opérations auxquelles il est utilisé n'ouvrent pas droit à déduction. / 3. Lorsque le bien ou le service est utilisé concurremment pour la réalisation d'opérations imposables ouvrant droit à déduction et d'opérations imposables n'ouvrant pas droit à déduction, le coefficient de taxation est calculé selon les modalités suivantes : / 1° Ce coefficient est égal au rapport entre : / a. Au numérateur, le montant total annuel du chiffre d'affaires afférent aux opérations ouvrant droit à déduction, y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations ; / b. Et, au dénominateur, le montant total annuel du chiffre d'affaires afférent aux opérations imposables, y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations. Les sommes mentionnées aux deux termes de ce rapport s'entendent tous frais et taxes compris, à l'exclusion de la taxe sur la valeur ajoutée (...) / 3° Pour l'application des dispositions du 1°, il est fait abstraction du montant du chiffre d'affaires afférent : / a. Aux cessions des biens d'investissements corporels ou incorporels ; / b. Au produit des opérations immobilières et financières accessoires exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée. (...) ".

13. Si la Cour de justice de l'Union européenne a jugé, dans son arrêt du 16 juillet 2015 Larentia + Minerva mbH et Co. KG (C-108/14), que la taxe sur la valeur ajoutée grevant des biens et services dont les coûts font partie des frais généraux d'une société holding qui, s'immisçant dans la gestion de ses filiales, exerce, à ce titre, une activité économique doit, en principe, être déduite intégralement, il ressort d'une jurisprudence constante de cette même Cour que n'étant pas la contrepartie d'une activité économique, la perception de dividendes n'entre pas, elle-même, dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée, même dans l'hypothèse où la société holding qui perçoit les dividendes s'immisce dans la gestion de ses filiales en leur fournissant des prestations de services soumises à cette taxe. Il suit de là que les dividendes doivent, pour l'application des dispositions de l'article 206 précité du code général des impôts, être compris au numérateur du rapport prévu à cet article.

14. Si la société A... et Compagnie est une holding mixte qui perçoit des dividendes de ses filiales et réalise des prestations de services au bénéfice de ces dernières, il résulte des points 12 et 13 ci-dessus que la perception de dividendes ne constitue pas la contrepartie d'une activité économique. La société A... et Compagnie ne saurait, par suite, soutenir que les dividendes provenant de participations détenues dans des filiales dans lesquelles s'immisce la holding entrent dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée. Il suit de là que, contrairement à ce qu'elle affirme, les dividendes perçus par la société requérante devaient figurer au numérateur de ce rapport servant à déterminer la base d'assujettissement de la taxe sur les salaires.

15. En outre, si l'immixtion dans la gestion de ses filiales par la fourniture de prestations de services constitue une activité économique au sens de la taxe sur la valeur ajoutée lui ouvrant droit à déduire l'intégralité de la taxe sur la valeur ajoutée grevant ses frais généraux, le chiffre d'affaires réalisé par la société A... et Compagnie est composé, d'une part, de la rémunération des prestations de services facturées à des tiers, qui entrent dans le champ de la taxe sur la valeur ajoutée et, d'autre part, de produits financiers liés à la détention patrimoniale, qui sont exclus du champ de la taxe sur la valeur ajoutée. A ce titre, les intérêts obligataires perçus par la société A... le sont indépendamment de toute intervention économique de sa part dans la gestion des sociétés et constituent des produits financiers, liés à la détention patrimoniale de titres, n'entrant pas dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée et n'ouvrant aucun droit à déduire cette taxe. A cet égard, le service vérificateur, ayant constaté la multiplicité des activités de la société requérante - prestations de services soumise à la taxe sur la valeur ajoutée, perception de produits financiers exonérés de cette taxe, activité financière de perception de produits financiers placée hors du champ d'application de cette taxe - a demandé à la société de déterminer son coefficient d'assujettissement selon l'utilisation réelle de la dépense. En réponse à cette demande, la société requérante n'a ni déterminé la proportion d'utilisation de chaque bien ou service pour la réalisation d'opérations imposables, ni indiqué précisément quelles dépenses avaient été effectuées pour ses activités imposables et faisaient partie des éléments constitutifs du prix de ses prestations de services ouvrant droit à déduction de taxe sur la valeur ajoutée conformément aux dispositions des II et V de l'article 206 de l'annexe II au code général des impôts. Dès lors, les intérêts en cause doivent être inscrits au dénominateur du rapport d'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée et c'est à bon droit que le service a pu déterminer le coefficient d'assujettissement à partir des recettes de la société, en calculant la part des produits entrant dans le champ de la taxe sur la valeur ajoutée dans les produits totaux.

S'agissant de la facture de l'EURL N. Chapel :

16. Aux termes de l'article 271 du code général des impôts : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. ".

17. La société soutient que c'est à tort que le service a rejeté la déductibilité de la facture n° 183 établie par la société N. Chapel pour un montant de 5 880 euros au motif que le bénéficiaire de la prestation n'est pas la société requérante mais la SARL Les Jardins d'Horus, filiale de la société A... et Compagnie. Elle relève que la facture a bien été établie à son nom et qu'un contrat d'assistance a été signé avec la société N. Chapel le 30 août 2015 qui stipule en son article 1er que " le prestataire s'engage à conseiller le client afin de permettre la finalisation et la commercialisation de l'opération portées par la société Le Jardin d'Horus ". En outre, elle précise que cette dépense a été exposée dans l'intérêt de sa propre activité, sa filiale connaissant des difficultés financières importantes qui ne lui permettaient pas de recourir aux services de la société N. Chapel pour finaliser et commercialiser une opération consistant à l'édification et la vente en l'état futur d'achèvement d'une résidence de services. Dans les circonstances de l'espèce, la société A... et Compagnie qui est la société mère majoritaire dans le capital de la SARL Les Jardins d'Horus doit être regardée comme ayant exposé la dépense en cause pour les besoins de son activité imposable, et, dès lors, comme étant en droit déduite de la taxe ayant grevé les dépenses exposées à cette occasion, qui doivent être regardées comme faisant partie de ses frais généraux et entretiennent un lien direct et immédiat avec l'ensemble de son activité économique.

18. Il résulte de ce qui précède que la SA A... et Compagnie est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'article 3 du jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté le surplus de ses conclusions aux fins de décharge d'imposition, en tant que celles-ci portent sur le rappel de taxe afférent à la déduction d'une facture de 5 880 euros.

Sur l'appel incident du ministre :

En ce qui concerne la régularité du jugement :

19. Le ministre soutient, dans le cadre de l'appel incident, que le jugement est entaché d'une erreur de fait, d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation. Ces moyens, qui relèvent du bien-fondé de la décision juridictionnelle attaquée, ne constituent pas des moyens touchant à sa régularité. En tout état de cause, hormis dans le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre les impositions dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Le ministre ne peut donc utilement soutenir que le tribunal a entaché sa décision d'erreurs de fait et de droit ainsi qu'une erreur manifeste d'appréciation pour demander l'annulation du jugement attaqué.

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :

20. Aux termes de l'article 17 de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil des Communautés européennes du 17 mai 1977, repris aux articles 168 et 173 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 : " (...) 2. Dans la mesure où les biens et services sont utilisés pour les besoins de ses opérations taxées, l'assujetti est autorisé à déduire de la taxe dont il est redevable : a) la taxe sur la valeur ajoutée due ou acquittée pour les biens qui lui sont ou lui seront livrés et pour les services qui lui sont ou lui seront rendus par un autre assujetti (...) 5. En ce qui concerne les biens et les services qui sont utilisés par un assujetti pour effectuer à la fois des opérations ouvrant droit à déduction (...) et des opérations n'ouvrant pas droit à déduction, la déduction n'est admise que pour la partie de la taxe sur la valeur ajoutée qui est proportionnelle au montant afférent aux premières opérations (...) ". Aux termes de l'article 19 de la directive 77/388/CEE, repris à l'article 174 de la directive 2006/112/CE : " 1. Le prorata de déduction prévu par l'article 17 paragraphe 5 premier alinéa, résulte d'une fraction comportant : - au numérateur, le montant total, déterminé par année, du chiffre d'affaires, taxe sur la valeur ajoutée exclue, afférent aux opérations ouvrant droit à déduction (...), - au dénominateur, le montant total, déterminé par année, du chiffre d'affaires, taxe sur la valeur ajoutée exclue, afférent aux opérations figurant au numérateur ainsi qu'aux opérations qui n'ouvrent pas droit à déduction. (...) / 2. Par dérogation au paragraphe 1, il est fait abstraction, pour le calcul du prorata de déduction, du montant du chiffre d'affaires afférent (...) aux opérations accessoires immobilières et financières (...) ". Il résulte de ces dispositions qu'il est fait abstraction, pour le calcul du prorata de déduction de taxe sur la valeur ajoutée, du montant du chiffre d'affaires afférent au produit des opérations financières accessoires.

21. Il résulte de ces dispositions que, si la simple acquisition et la simple détention de parts sociales ne doivent pas être regardées comme des activités économiques, au sens de la directive, conférant à leur auteur la qualité d'assujetti, il en va différemment lorsque la participation est accompagnée d'une immixtion directe ou indirecte dans la gestion des sociétés dans lesquelles des participations sont détenues, par la mise en œuvre de transactions soumises à la taxe, telles que la fourniture de services administratifs, financiers, commerciaux et techniques à ces sociétés. Dans ce cas, la taxe sur la valeur ajoutée est déductible, d'une part, lorsque les opérations effectuées en amont présentent un lien direct et immédiat avec des opérations en aval ouvrant droit à déduction, d'autre part, même en l'absence de lien direct et immédiat entre une opération particulière en amont et une ou plusieurs opérations en aval ouvrant droit à déduction, lorsque les coûts en cause font partie des frais généraux de l'assujetti et sont, en tant que tels, des éléments constitutifs du prix des biens ou des services qu'il fournit. Par l'arrêt Beteiligungsgesellschaft Larentia + Minerva mbH et Co. KG du 16 juillet 2015 mentionné ci-dessus, la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que, dans ces conditions, les frais liés à la détention de participations dans ses filiales supportés par une société holding qui participe à leur gestion et qui, à ce titre, exerce une activité économique, doivent être regardés comme affectés à l'activité économique de cette société et que la taxe sur la valeur ajoutée acquittée sur ces frais ouvre droit à déduction intégrale. Elle a précisé que ce n'est que dans l'hypothèse où ces frais ont été affectés pour partie à d'autres filiales à la gestion desquelles cette société holding ne participait pas, que la taxe sur la valeur ajoutée acquittée sur ceux-ci ne pourrait être déduite que partiellement, selon une clef de répartition reflétant objectivement la part d'affectation réelle des dépenses en amont à chacune des deux activités, économique et non économique, de la société holding. Il s'en déduit que la taxe grevant les frais généraux des holdings qui s'immiscent dans la gestion de leurs filiales est entièrement déductible.

22. Il résulte en outre de ces dispositions telles qu'interprétées par la Cour de justice des Communautés européennes, notamment dans ses arrêts des 11 juillet 1996 (affaire C-306/94), 29 avril 2004 (affaire C-77/01), 6 mars 2008 (affaire C-98/07) et 29 octobre 2009 (affaire

C-174/08), qu'une activité économique ne saurait être qualifiée d'accessoire si elle constitue le prolongement direct, permanent et nécessaire de l'activité taxable de l'entreprise ou si elle implique une utilisation significative de biens et de services pour lesquels la taxe sur la valeur ajoutée est due.

23. Il résulte de l'instruction que l'activité lorsque la société A... et Compagnie met à disposition des fonds à ses filiales, au moyen de comptes courants d'associée, elle doit être regardée comme s'immisçant dans la gestion de ses filiales. En conséquence, les intérêts perçus sur ces comptes doivent être regardés comme correspondant à une activité économique et constituant le prolongement direct, permanent et nécessaire de son activité taxable. En conséquence, le ministre est fondé à soutenir que les recettes correspondantes ne devaient pas être exclues du dénominateur de la fraction servant à calculer le prorata de déduction.

24. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a prononcé la réduction des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de la SA A... et Compagnie au titre de la période allant du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013 à hauteur des montants résultant de la prise en compte d'un coefficient de taxation calculé exclusion faite des intérêts perçus sur les comptes courants ouverts auprès de ses filiales, conformément aux dispositions du 3° b du III de l'article 206 de l'annexe II au code général des impôts. Dès lors, le ministre est fondé à demander l'annulation de l'article 1er du jugement attaqué. En conséquence, il y a lieu de remettre à la charge de la SA A... et Compagnie la somme de 5 881 euros qui avait été dégrevée par l'administration en exécution de ce jugement au titre des années 2012 et 2013.

Sur les frais applicables au litige en appel :

25. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".

26. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser à la société A... et Compagnie au titre des frais liés à l'instance en application des dispositions de l'article L. 761 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La société A... et Compagnie est déchargée de la somme ainsi que des intérêts correspondant au rejet de la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée figurant sur la facture relative aux prestations de conseil de l'EURL N. Chapel pour un montant de 5 880 euros.

Article 2 : La somme de 5 881 euros est remise à la charge de la SA A... et Compagnie au titre des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période allant du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013.

Article 3 : Le jugement n° 1906727 du tribunal administratif de Paris du 1er juin 2021 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : L'Etat est condamné à verser à la SA A... et Compagnie la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de la SA A... et Compagnie est rejetée.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société anonyme (SA) A... et Compagnie et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à l'administratrice des finances publiques chargée de la direction régionale des finances publiques d'Île-de-France et de Paris (service du contentieux d'appel déconcentré - SCAD).

Délibéré après l'audience du 6 octobre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Carrère, président,

- M. Marjanovic, président assesseur,

- Mme Boizot, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 20 octobre 2023.

La rapporteure,

S. BOIZOTLe président,

S. CARRERE

La greffière,

C. DABERT

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 21PA04366 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA04366
Date de la décision : 20/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. CARRERE
Rapporteur ?: Mme Sabine BOIZOT
Rapporteur public ?: M. SIBILLI
Avocat(s) : CHAULIN

Origine de la décision
Date de l'import : 29/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-10-20;21pa04366 ?
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