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19/10/2023 | FRANCE | N°22PA03367

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 19 octobre 2023, 22PA03367


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée CD Canal a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 20 décembre 2019 par lequel le maire de Paris lui a refusé l'autorisation d'étendre deux terrasses et d'installer une nouvelle terrasse ouverte à l'intersection du n° 16 de l'avenue Richerand et du n° 47 de la rue Bichat (Xème arrondissement).

Par un jugement n° 2003888 du 20 mai 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

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r une requête, enregistrée le 20 juillet 2022, la société CD canal, représentée par Me Meilhac, ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée CD Canal a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 20 décembre 2019 par lequel le maire de Paris lui a refusé l'autorisation d'étendre deux terrasses et d'installer une nouvelle terrasse ouverte à l'intersection du n° 16 de l'avenue Richerand et du n° 47 de la rue Bichat (Xème arrondissement).

Par un jugement n° 2003888 du 20 mai 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 20 juillet 2022, la société CD canal, représentée par Me Meilhac, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2003888 du 20 mai 2022 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa requête ;

2°) d'annuler l'arrêté du 20 décembre 2019 par lequel la Ville de Paris a rejeté sa demande d'autorisation d'extension de terrasse ouverte ;

3°) d'enjoindre à la Ville de Paris, à titre principal, de faire droit à sa demande dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa demande dans un délai d'un mois ;

4°) de mettre à la charge de la Ville de Paris la somme de 2 000 euros à lui verser en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté n'est pas suffisamment motivé ;

- il est entaché d'une erreur de fait sur le calcul de la largeur utile du trottoir au droit de son établissement ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il méconnaît les dispositions des articles DG. 5 et DG. 10 du règlement municipal du 6 mai 2011 portant nouveau règlement des étalages et des terrasses installés sur la voie publique.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 juin 2023, la Ville de Paris, représentée par Me Falala, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la société CD Canal une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Diémert,

- les conclusions de M. Doré, rapporteur public,

- et les observations de Me Falala pour la Ville de Paris.

Considérant ce qui suit :

1. La société CD Canal exploite un fonds de commerce de bar-restaurant sous l'enseigne " BBP Canal " au 47 bis rue Bichat, Xème arrondissement. Le 14 octobre 2019, la société a sollicité auprès du maire de Paris la délivrance d'une autorisation d'étendre ses deux terrasses situées, d'une part au 47bis, rue Bichat, et d'autre part, au 16 avenue Richerand ainsi que d'installer une troisième terrasse au croisement de ces deux voies. Par un arrêté du 20 décembre 2019, le maire de Paris lui a refusé la délivrance de l'autorisation sollicitée. La société CD Canal ayant saisi le tribunal administratif de Paris à fins d'annulation de cet arrêté, la juridiction a rejeté cette demande par un jugement du 20 mai 2022 dont la société relève appel devant la Cour.

2. En premier lieu, l'arrêté du 19 décembre 2020, pris au visa de l'arrêté municipal du 6 mai 2011 portant nouveau règlement des étalages et des terrasses, et plus particulièrement de ses articles DG. 5 et DG. 10, relève notamment que les extensions et la création des terrasses sollicitées conduiraient à laisser une largeur utile inférieure à celle prescrite par l'article DG. 10 du règlement des étalages et des terrasses. Il relève également la présence d'un arbre, d'une grille d'arbre, d'un caniveau et d'un candélabre à l'endroit des terrasses projetées conduisant à l'impossibilité d'octroyer les autorisations sollicitées en application de l'article DG. 5 du même règlement. Il comporte ainsi les considérations de droit et de fait qui le fondent et est ainsi suffisamment motivé.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article DG. 5 de l'arrêté du maire de Paris du 6 mai 2011 portant règlement des étalages et terrasses : " La demande d'autorisation doit respecter les dispositions du présent règlement. (...) / L'autorisation peut être refusée notamment pour des motifs liés : / aux conditions locales de circulation (piétons, livraisons, accès aux bâtiments, ...) ; / à la configuration des lieux (plantations, mobilier urbain, signalisations, émergences, réseaux et concessionnaires, installations voisines, ...) ; / aux conditions de sécurité (accès aux engins de secours, bouches d'incendie, robinets de barrages de gaz, circulation automobile...) ; / à la présence permanente ou intermittente de marchés alimentaires ou de marchés spécialisés (aux fleurs, aux puces, aux livres...) ; / aux sanctions antérieures prononcées contre le demandeur, notamment en cas de retrait des autorisations qui lui ont été accordées (...) ". Aux termes de l'article DG. 10 du même arrêté : " (...) La largeur utile du trottoir est calculée à partir du socle de la devanture ou, à défaut de socle, à partir du nu du mur de la façade, jusqu'au premier obstacle situé au droit de l'établissement, tel que les entourages d'arbres (grillagés ou non), grilles d'aération du métro, stationnement autorisé ou réservé de véhicules sur le trottoir, pistes cyclables, trémies d'accès aux passages souterrains ou aux stations de transport (métro, RER, ...), abris-bus, mobiliers urbains notamment feux tricolores, panneaux de signalisation, bornes d'appel, potelets ou plots anti-stationnement, kiosques, abaissements de trottoirs à proximité de passages protégés, etc. (...) / La largeur des installations permanentes est, en règle générale, limitée au tiers de la largeur utile du trottoir, ou du premier trottoir en cas de contre-allée. Lorsque la configuration des lieux et l'importance locale de la circulation piétonne le permettent, cette largeur peut être portée au-delà du tiers du trottoir, sans pouvoir excéder 50% de la largeur utile de celui-ci. Les installations peuvent être autorisées, soit d'un seul tenant, soit scindées, sans pouvoir excéder 50 % de la largeur utile du trottoir. Une zone contiguë d'au moins 1,60 mètre de largeur doit être réservée à la circulation des piétons. (...) ".

4. S'agissant, de première part, de la demande d'extension de la terrasse située au 16, avenue Richerand, la société requérante soutient que la Ville de Paris a commis une erreur de fait ainsi qu'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que le calcul de la largeur utile du trottoir est erroné. Elle fait valoir que l'arbre et la grille d'arbre mentionnés dans l'arrêté litigieux ne sont pas situés au droit de l'établissement de sorte qu'il n'existe pas d'obstacle, conduisant à une largeur utile du trottoir de 2,71 mètres dès lors que la largeur de la terrasse projetée est de 2, 60 mètres sur une largeur totale du trottoir de 5,31 mètres. En l'espèce, il ressort du croquis produit par la Ville de Paris que la largeur totale du trottoir est de 5,26 mètres et permet ainsi, en tout état de cause, de conserver, d'une part, 50 % de la largeur du trottoir, et d'autre part, une largeur utile de 1,60 mètres, conformément aux dispositions précitées de l'article DG. 10 du règlement des étalages et des terrasses. Par ailleurs, il ressort de ce même croquis et du constat d'huissier versé par la société requérante que l'arbre et la grille d'arbre ne se situent pas au droit de l'établissement de la société requérante, de sorte qu'ils ne peuvent être regardés comme constituant un obstacle au sens des dispositions de l'article DG. 10 précité. Toutefois, en vertu des dispositions de l'article DG. 5 du même règlement, l'autorité administrative peut refuser de délivrer une telle autorisation en raison de la configuration des lieux, et notamment, des installations voisines. Or, il ressort des photographies versées par la Ville de Paris au dossier de première instance que l'espace libre entre la terrasse projetée et la grille d'arbre ne laisse subsister qu'un passage étroit, de sorte que la circulation piétonne, laquelle inclus des poussettes ainsi que des personnes à mobilité réduite, serait gravement entravée. Enfin, s'il ressort des dispositions précitées desdits articles DG. 5 et DG. 10 qu'une largeur minimale de 1,60 mètres doit être préservée, il appartient à l'administration, en raison de circonstances propres à l'espèce, de déterminer une largeur supérieure, et ce nonobstant la circonstance, à supposer établie, que la circulation piétonne serait, à l'endroit de la terrasse projetée, " quasi inexistante ". Ainsi, la circonstance que la Ville de Paris a, à tort, pris en compte l'arbre et la grille d'arbre dans le calcul de la largeur utile du trottoir laissé libre, en tant qu'ils auraient constitué un obstacle au sens du règlement des étalages et des terrasses, est sans incidence sur la légalité de la décision litigieuse.

5. S'agissant, de deuxième part, de la demande d'extension de la terrasse située au 47, avenue Bichat, la société requérante soutient que la Ville de Paris aurait commis une erreur de fait ainsi qu'une erreur manifeste d'appréciation, dès lors que l'extension ne concerne qu'une longueur de 2,40 mètres sur les 15,45 mètres de la terrasse conduisant à une largeur utile du trottoir supérieure à celle mentionnée dans l'arrêté litigieuse. Elle fait valoir que le constat d'huissier versé au dossier relève une largeur totale du trottoir à l'endroit de l'extension sollicitée de 4,85 mètres conduisant à une largeur utile de 3,35 mètres, et que le caniveau, utilisé par la Ville de Paris dans le calcul de la largeur utile du trottoir, a été qualifié de " peu pratique " par le maire d'arrondissement dans son avis du 22 octobre 2019 de sorte qu'il ne peut pas être regardé comme un obstacle dès lors qu'il présente les mêmes déclivité et consistance en pavé que l'ensemble du trottoir.

6. Toutefois, il ressort des dispositions de l'article DG. 10 du règlement des étalages et terrasses, lequel ne dresse au demeurant aucune liste exhaustive des installations susceptibles de constituer un obstacle, que le caniveau peut être regardé comme un tel obstacle lorsqu'un changement de l'enrobé marque une séparation entre deux espaces ou lorsque le trottoir s'abaisse à proximité d'un passage protégé. Dans ces circonstances, c'est à bon droit que la Ville de Paris a retenu la présence du caniveau dans le calcul de la largeur utile du trottoir. Par ailleurs, il ressort du même croquis de la Ville de Paris que la largeur totale du trottoir s'étend à 2,41 mètres, alors que le constat d'huissier relève, lui, une largeur approximative de 2,85 mètres. Or, la terrasse projetée, d'une largeur de 1,50 mètres, conduirait à ne laisser qu'une largeur utile de 0,91 mètres et à ainsi occuper plus du tiers du trottoir, en méconnaissance des dispositions de l'article DG. 10 précité. Enfin, il ressort des photographies versées au dossier de première instance et du constat d'huissier versé dans la présente instance que les dimensions de la terrasse projetée sont susceptibles d'entraver gravement la circulation des piétons, et notamment des poussettes et des personnes à mobilité réduite, les conduisant à emprunter la chaussée ainsi que les places de stationnement, réservées à l'usage des véhicules. Dès lors, la seule circonstance que le maire d'arrondissement a, dans son avis, qualifié le caniveau de " peu pratique " et non d'" obstacle ", est sans incidence sur la légalité de l'arrêté litigieux. Ainsi, c'est sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation ni d'erreur de fait que la Ville de Paris a refusé à la société CD Canal l'autorisation d'extension de terrasse sollicitée.

7. S'agissant, de troisième part, de la demande de création de terrasse à l'angle du 16, avenue Richerand et du 47, rue Bichat, la société requérante soutient que la Ville de Paris a commis une erreur de fait ainsi qu'une erreur manifeste d'appréciation, dès lors que la largeur utile du trottoir est de 5,80 mètres. Elle souligne que, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, cette intersection constitue un pan coupé.

8. Toutefois, il est constant qu'un pan coupé résulte nécessairement de la coupe d'un angle d'un mur, caractérisé par une surface plane empêchant la formation d'un angle. Or, il ressort des photographies versées au dossier que les murs forment un angle droit. Aussi, la société requérante ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article DG. 10 du règlement des étalages et des terrasses relatives aux pans coupés, et ce, bien que la décision litigieuse fasse mention d'un tel pan coupé. Par ailleurs, les dimensions prévues, soit, une longueur de 2,60 mètres sur une largeur de 1,50 mètres, conduisent, d'une part, à inclure à l'endroit de la terrasse un candélabre, et d'autre part, à étendre la terrasse jusqu'au caniveau. Ces deux circonstances sont de nature à entraver gravement la circulation des piétons, qui pourront ainsi être empêchés d'utiliser le trottoir dont la destination première est pourtant de permettre leur cheminement, alors qu'il appartient à l'administration de veiller à ce que les occupations privatives du domaine public permettent de conserver une largeur suffisante sur les trottoirs afin de garantir la circulation des piétons, et ce, même en présence d'une densité de circulation faible ou normale. Au surplus, de telles dimensions sont de nature à méconnaître manifestement les dispositions de l'article DG. 10 précité dès lors qu'elles ne permettent pas de maintenir une largeur utile de trottoir d'au moins 1,60 mètres, celle-ci étant, en l'espèce, de 1,06 mètres. Ainsi, en vertu des dispositions de l'article DG. 5 du même règlement, lequel énonce que l'autorité administrative peut refuser l'octroi d'une telle autorisation pour des motifs liés aux conditions locales de circulation, notamment des piétons, c'est sans erreur de fait, ni erreur manifeste d'appréciation que la Ville de Paris a rejeté la demande de création de terrasse à l'endroit de l'angle de la rue Bichat et de l'avenue Richerand.

9. Il résulte de tout ce qui précède que c'est sans erreur de fait, ni erreur manifeste d'appréciation que la Ville de Paris a refusé à la société CD Canal l'octroi des autorisations sollicitées. Par voie de conséquences, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ne peuvent qu'être rejetées.

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la société CD Canal, qui succombe dans la présente instance, en puisse invoquer le bénéfice. Toutefois, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à sa charge le versement à la Ville de Paris d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des mêmes dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la société CD Canal est rejetée.

Article 2 : La société CD Canal versera à la Ville de Paris une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société CD Canal et à la Ville de Paris.

Copie en sera adressée au préfet de la région d'Ile-de-France, préfet de Paris.

Délibéré après l'audience du 7 septembre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président de chambre,

- M. Diémert, président-assesseur,

- M. Gobeill, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 19 octobre 2023.

Le rapporteur,

S. DIÉMERTLe président,

J. LAPOUZADE

La greffière,

Y. HERBER

La République mande et ordonne au préfet de la région d'Île-de-France, préfet de Paris, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA03367


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22PA03367
Date de la décision : 19/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: M. Stéphane DIEMERT
Rapporteur public ?: M. DORE
Avocat(s) : MEILHAC

Origine de la décision
Date de l'import : 22/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-10-19;22pa03367 ?
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