Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Les associations AEP Cinéma Lux et du Café des images ont, par deux requêtes distinctes, demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 9 octobre 2018 par laquelle le médiateur du cinéma a enjoint à la société Studio Canal de leur fournir une copie du film " Le Grand Bain " en sortie nationale à compter, seulement, de la troisième semaine de sa sortie.
Par un jugement n° 1822543-1822628 du 13 mai 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.
Procédure devant la Cour :
I. Par une requête et un mémoire enregistrés, sous le n° 22PA03192, les 12 juillet 2022 et 12 juin 2023, l'association du Café des images, représentée par la SELARL Letang avocats, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler la décision du médiateur du cinéma du 9 octobre 2018 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- sa requête est recevable ;
- sa demande devant le tribunal était recevable ;
- la décision du médiateur du cinéma est entachée d'une erreur de fait en ce qu'elle a retenu que l'absence d'attribution de copies à des cinémas indépendants en sortie de film ne nuisait pas à leur équilibre financier ;
- elle est entachée d'une erreur d'appréciation en ce qu'elle a estimé que les salles qu'elle exploite ne pouvaient contribuer au succès du film " Le grand bain " ;
- elle est entachée d'une erreur d'appréciation dès lors que, dans les faits, il y a eu une exclusivité de diffusion de ce film dans certaines agglomérations au profit des multiplexes ;
- elle est entachée d'une erreur d'appréciation en ce qu'elle n'a pas recherché si l'octroi d'une copie du film à l'un des deux exploitants des cinémas Art et essai de l'agglomération caennaise contribuerait réellement à une dilution du nombre de copies au regard du plan de sortie national du film ;
- elle est entachée d'une erreur d'appréciation en ce qu'elle a retenu que l'attribution de copies du film à des salles Art et Essai indépendantes dans des villes de petite taille est liée à une situation isolée dans leur zone de chalandise alors que de nombreux établissements qui se trouvaient dans une zone très concurrentielle ont obtenu une copie du film en sortie nationale ;
- l'appréciation de l'octroi d'une copie d'un film " grand public " ne s'apprécie pas au regard de l'antériorité de l'octroi par un même distributeur de films recommandés Art et Essai.
Par des mémoires en défense enregistrés les 30 août 2022 et 14 juillet 2023, la société Studio Canal, représentée par Me Boissard, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'association du Café des images une somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête est irrecevable en raison du défaut de qualité pour agir de la présidente de l'association ;
- la demande de première instance était irrecevable pour ce même motif, ainsi que du fait qu'une personne distincte a demandé au médiateur de prononcer une injonction, de ce que l'association est dépourvue d'intérêt à agir et de ce que sa demande est inutile ;
- les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense enregistré le 19 janvier 2023, le médiateur du cinéma conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
II. Par une requête et un mémoire enregistrés, sous le n° 22PA03193, les 12 juillet 2022 et 12 juin 2023, l'association AEP Cinéma Lux, représentée par la SELARL Letang avocats, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler la décision du médiateur du cinéma du 9 octobre 2018 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- sa requête est recevable ;
- sa demande devant le tribunal était recevable ;
- la décision du médiateur du cinéma est entachée d'une erreur de fait en ce qu'elle a retenu que l'absence d'attribution de copies à des cinémas indépendants en sortie de film ne nuisait pas à leur équilibre financier ;
- elle est entachée d'une erreur d'appréciation en ce qu'elle a estimé que les salles qu'elle exploite ne pouvaient contribuer au succès du film " Le grand bain " ;
- elle est entachée d'une erreur d'appréciation dès lors que, dans les faits, il y a eu une exclusivité de diffusion de ce film dans certaines agglomérations au profit des multiplexes ;
- elle est entachée d'une erreur d'appréciation en ce qu'elle n'a pas recherché si l'octroi d'une copie du film à l'un des deux exploitants des cinémas Art et essai de l'agglomération caennaise contribuerait réellement à une dilution du nombre de copies au regard du plan de sortie national du film ;
- elle est entachée d'une erreur d'appréciation en ce qu'elle a retenu que l'attribution de copies du film à des salles Art et Essai indépendantes dans des villes de petite taille est liée à une situation isolée dans leur zone de chalandise alors que de nombreux établissements qui se trouvaient dans une zone très concurrentielle ont obtenu une copie du film en sortie nationale ;
- l'appréciation de l'octroi d'une copie d'un film " grand public " ne s'apprécie pas au regard de l'antériorité de l'octroi par un même distributeur de films recommandés Art et Essai.
Par des mémoires en défense enregistrés les 30 août 2022 et 14 juillet 2023, la société Studio Canal, représentée par Me Boissard, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'association AEP Cinéma Lux une somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête est irrecevable en raison du défaut de qualité pour agir du président de l'association ;
- la demande de première instance était irrecevable pour ce même motif, ainsi que du fait qu'une personne distincte a demandé au médiateur de prononcer une injonction, de ce que l'association est dépourvue d'intérêt à agir et de ce que sa demande est inutile ;
- les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense enregistré le 19 janvier 2023, le médiateur du cinéma conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code du cinéma et de l'image animée ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Saint-Macary,
- les conclusions de Mme Lipsos, rapporteure publique,
- et les observations de Me Le Fouler, représentant les associations AEP Cinéma Lux et du Café des images et de Mme A..., représentant le médiateur du cinéma.
Considérant ce qui suit :
1. Les requêtes n° 22PA03192 et n° 22PA03193 sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
2. L'association AEP Cinéma Lux exploite le cinéma art et essai le Lux à Caen, et l'association Café des images exploite le cinéma Café des images à Hérouville-Saint-Clair, tous deux classés Art et essai. En prévision de la sortie du film " Le grand bain " le 24 octobre 2018, elles ont demandé à la société Studio Canal, en sa qualité de distributeur du film, de leur fournir une copie de ce film dès sa sortie nationale, prévue le 24 octobre 2018, puis ont saisi le médiateur du cinéma d'une demande de médiation. Après l'échec de cette dernière, elles ont demandé au médiateur du cinéma d'enjoindre à la société Studio Canal de délivrer une copie du film dès sa sortie nationale à l'une des deux associations. Par une décision du 9 octobre 2018, le médiateur du cinéma a rejeté leur demande mais a enjoint à la société Studio Canal de proposer une copie supplémentaire du film à l'une de ces deux salles art et essai à partir de la troisième semaine plutôt qu'en quatrième semaine comme le prévoyait la société. L'association AEP Cinéma Lux et l'association Café des images relèvent appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande d'annulation du refus du médiateur du cinéma d'enjoindre à la société Studio Canal de délivrer à l'une d'entre elles une copie du film dès sa sortie.
3. Aux termes de l'article L. 213-1 du code du cinéma et de l'image animée : " Le médiateur du cinéma est chargé d'une mission de conciliation préalable pour tout litige relatif : / 1° A l'accès des exploitants d'établissements de spectacles cinématographiques aux œuvres cinématographiques et à l'accès des œuvres cinématographiques aux salles, ainsi que, plus généralement, aux conditions d'exploitation en salle de ces œuvres, qui a pour origine une situation de monopole de fait, de position dominante ou toute autre situation ayant pour objet ou pouvant avoir pour effet de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence et révélant l'existence d'obstacles à la plus large diffusion des œuvres cinématographiques conforme à l'intérêt général (...) ". Aux termes de l'article L. 213-4 du même code : " A défaut de conciliation, le médiateur du cinéma peut émettre, dans un délai maximum de deux mois à compter de sa saisine, une injonction qui peut être rendue publique ".
4. L'effet utile de l'annulation pour excès de pouvoir du refus du médiateur du cinéma d'enjoindre au distributeur d'un film de délivrer la copie d'un film aux exploitants de salles de cinéma réside dans l'obligation, que le juge peut prescrire d'office en vertu des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, pour le médiateur du cinéma, de prononcer une telle injonction afin que les exploitants de salles de cinéma disposent de cette copie.
5. Il est constant que la société Studio Canal avait décidé, dès le départ, de délivrer une copie du film " Le Grand bain " aux associations du Café des images et AEP Cinéma Lux dès la quatrième semaine d'exploitation du film et que l'injonction prononcée par le médiateur du cinéma permettait à l'une de ces deux associations d'en obtenir une copie dès la troisième semaine. Le film " Le Grand bain " étant sorti le 24 octobre 2018, la demande d'injonction des deux associations qu'une copie du film soit délivrée à l'une entre elle dès la sortie du film avait perdu son objet à la date d'introduction de leur demande devant le tribunal, le 7 décembre 2018. Les deux requérantes ne contestent d'ailleurs pas qu'elles disposaient, à cette date, chacune d'une copie du film. Dans ces conditions, leur demande était privée d'objet dès la saisine du tribunal et, par suite, était irrecevable.
6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité de leur requête devant la Cour, que les associations du Café des images et AEP Cinéma Lux ne sont pas fondées à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté leur demande.
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que les associations du Café des images et AEP Cinéma Lux demandent sur ce fondement. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des deux associations la somme que la société Studio Canal demande sur ce même fondement.
D É C I D E :
Article 1er : Les requêtes des associations du Café des images et AEP Cinéma Lux sont rejetées.
Article 2 : Les conclusions de la société Studio Canal présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association du Café des images, à l'association AEP Cinéma Lux, à la société Studio Canal, au centre national du cinéma et de l'image animée et à la ministre de la culture.
Délibéré après l'audience du 29 septembre 2023, à laquelle siégeaient :
Mme Heers, présidente de chambre,
Mme Bruston, présidente-assesseure,
Mme Saint-Macary, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 octobre 2023.
La rapporteure,
M. SAINT-MACARY
La présidente,
M. HEERS
La greffière,
A. GASPARYAN
La République mande et ordonne à la ministre de la culture en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22PA03192-22PA03193