Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... A... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 24 août 2022 par lequel le préfet de police lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 2218918/8 du 17 novembre 2022 le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 17 décembre 2022, M. A..., représenté par Me Keufak Tameze, demande à la Cour :
1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;
2°) d'annuler le jugement n° 2218918/8 du 17 novembre 2022 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 août 2022 par lequel le préfet de police lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ;
3°) d'annuler l'arrêté du 24 août 2022 du préfet de police ;
4°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", sous astreinte de 100 euros par jours de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois, sous la même astreinte ;
5°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 50 000 euros en réparation du préjudice moral qu'il a subi ;
6°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser à
Me Hugues Tameze en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté attaqué a été signé par une autorité incompétente ;
- les décisions portant refus de titre de séjour et fixant le pays de destination sont insuffisamment motivées ;
- le préfet de police n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;
- son droit d'être entendu garanti par l'article 41 alinéa 1 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne a été méconnu dès lors qu'il n'a pas été mis en mesure de formuler ses observations préalablement à l'édiction des décisions portant refus de titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français ;
- l'arrêté attaqué a été pris à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors que la commission du titre de séjour eût dû être saisie en application des dispositions des articles L. 435-1 et L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il justifie de motifs exceptionnels justifiant son admission au séjour ;
- il remplit les conditions prévues par la circulaire du 24 novembre 2009 pour bénéficier d'une admission exceptionnelle au séjour ;
- il a été pris en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du Tribunal judiciaire de Paris du 13 février 2023.
Par un mémoire en défense, enregistré le 2 juin 2023, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 5 juin 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 21 juin à 12 heures.
Par une lettre du 19 septembre 2023, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions tendant à la condamnation de l'Etat à verser à M. A... une somme d'argent en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi dès lors que ces conclusions n'ont pas été précédées d'une demande préalable adressée à l'administration.
Le 20 septembre 2023, M. A... a présenté des observations en réponse à cette communication.
Par un mémoire complémentaire, enregistré le 20 septembre 2023, M. A... déclare se désister de ses conclusions tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme d'argent en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis, réitère ses autres conclusions et conclut en outre à ce qu'il soit enjoint au préfet de police de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration,
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- et les observations de Me Keufak Tameze, représentant M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant tunisien né le 5 mai 1983, est entré en France le
2 avril 2011 selon ses déclarations. Il a sollicité, le 10 janvier 2022, son admission exceptionnelle au séjour. Par un arrêté du 24 août 2022, le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit d'office. M. A... relève appel du jugement du 17 novembre 2022 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur l'aide juridictionnelle provisoire :
2. Par une décision du 13 février 2023, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris a admis M. A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Dès lors, il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions du requérant tendant à son admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.
Sur les conclusions indemnitaires présentées par M. A... :
3. Par le mémoire complémentaire enregistré le 20 septembre 2023, M. A... déclare se désister des conclusions tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme d'argent. Ce désistement étant pur et simple, et dès lors que rien ne s'y oppose, il y a lieu d'en donner acte.
Sur les conclusions à fin d'annulation et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
4. Aux termes de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour qui est saisie pour avis par l'autorité administrative : (...) / 4° Dans le cas prévu à l'article L. 435-1. ". Aux termes de l'article L. 435-1 du même code : " Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14. (...) ". L'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 n'a pas entendu écarter l'application des dispositions de procédure qui s'appliquent à tous les étrangers en ce qui concerne la délivrance, le renouvellement ou le refus de titres de séjour.
5. M. A... soutient qu'il justifie, par les pièces qu'il produit, de sa présence en France depuis l'année 2011, soit depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté attaqué. Le requérant, qui justifie de la modification de son état civil opérée par un jugement du tribunal de première instance de Tataouine en date du 4 janvier 2016 et, ainsi, de ce que les documents établis au nom de M. B... le concernent, produit de nombreuses pièces constituées de documents médicaux, tels que des ordonnances, comptes-rendus opératoires, lettres de confirmation de rendez-vous à l'hôpital Lariboisière, d'avis d'impôt sur le revenu, de divers courriers émanant de l'agence solidarité transport d'Île de France, de la direction générale des finances publiques, de l'Etablissement français du sang, d'un cabinet d'huissiers et de relevés de bancaires. Il produit également de nombreux courriers adressés par le centre d'action sociale de la ville de Paris justifiant de ce que M. A... a été hébergé à compter du 23 avril 2012 au sein d'un centre d'hébergement, que son contrat de séjour a été régulièrement renouvelé et qu'il y a résidé, au moins, jusqu'au mois de septembre 2021. Ainsi, et alors même qu'au titre des années 2012, 2019 et 2021, les pièces produites par le requérant sont peu nombreuses, celui-ci établit résider habituellement en France depuis au moins dix ans à la date de l'arrêté attaqué. Dès lors, M. A... est fondé à soutenir que le refus de titre de séjour litigieux a été pris en méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en l'absence de saisine de la commission du titre de séjour et que c'est à tort que le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
6. Il résulte de ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et, par voie de conséquence, des décisions portant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de destination, contenues dans l'arrêté du 24 août 2022.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
7. Le motif d'annulation retenu implique seulement, pour l'exécution du présent arrêt, que le préfet de police réexamine la demande de titre de séjour formée par M. A.... Il y a donc lieu d'enjoindre au préfet de police de statuer à nouveau sur la demande de l'intéressé dans le délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les conclusions présentées en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
8. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Son avocat peut donc se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser au conseil de M. A..., Me Keufak Tameze, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
D É C I D E :
Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de M. A... tendant à son admission à l'aide juridictionnelle provisoire.
Article 2 : Il est donné acte du désistement des conclusions de la requête de M. A... tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme d'argent en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis.
Article 3 : Le jugement n° 2218918/8 du Tribunal administratif de Paris du 17 novembre 2022 et l'arrêté du 24 août 2022 du préfet de police sont annulés.
Article 4 : Il est enjoint au préfet de police de réexaminer la demande de titre de séjour de M. A... dans le délai de trois suivant la notification du présent arrêt.
Article 5 : L'Etat versera à Me Keufak Tameze la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve de sa renonciation à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A..., au ministre de l'intérieur, et des outre-mer, au préfet de police et à Me Keufak Tameze.
Délibéré après l'audience du 26 septembre 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Auvray, président de chambre,
- Mme Hamon, présidente assesseure,
-Mme C..., première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 octobre 2023.
La rapporteure,
N. ZEUDMI-SAHRAOUI
Le président,
B. AUVRAY
La greffière
C. BUOT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 22PA05352 2