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06/10/2023 | FRANCE | N°20PA03412

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 06 octobre 2023, 20PA03412


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 11 décembre 2019 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande de renouvellement de titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

Par un jugement n° 2000586 du 13 octobre 2020, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté la demande de M. B....

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 10 novembre 2020, transmi

se par le président de la 4ème chambre de la cour administrative de Versailles, M. B..., assisté...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 11 décembre 2019 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande de renouvellement de titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

Par un jugement n° 2000586 du 13 octobre 2020, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté la demande de M. B....

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 10 novembre 2020, transmise par le président de la 4ème chambre de la cour administrative de Versailles, M. B..., assisté de Me Patureau, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montreuil du 13 octobre 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis en date du 11 décembre 2019 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement de l'article L. 313-14 ou L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ou " salarié " en application de l'article L. 313-14 du même code ;

4°) subsidiairement, d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation de séjour et de travail, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est entaché d'erreur de droit, d'erreur manifeste d'appréciation et de contradiction ;

- la décision est insuffisamment motivée en droit et en fait ;

- la décision de refus de renouvellement de titre de séjour est entachée d'un vice de procédure, faute pour la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'avoir réclamé à la société AG Développement IDF les pièces manquantes nécessaires à l'instruction de son dossier ;

- le préfet a méconnu l'étendue de sa compétence en s'estimant lié par l'avis de la direction régionale des entreprises de la concurrence de la consommation du travail et de l'emploi ;

- le préfet de la Seine-Saint-Denis a omis de se prononcer sur l'admission au séjour au titre du travail prévue à l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le requérant justifie de motifs exceptionnels ;

- le préfet de la Seine-Saint-Denis a méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du même code ;

- il a également méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la mesure d'éloignement est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

La requête a été communiquée le 25 janvier 2021 au préfet de la Seine-Saint-Denis, qui n'a pas produit de défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Soyez a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Ressortissant malien, né le 1er janvier en 1986, M. B... a bénéficié en dernier lieu d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " valable du 27 janvier 2016 au 26 janvier 2017 en qualité d'étranger malade. Le 27 février 2017, il a sollicité la délivrance d'un nouveau titre de séjour, en qualité de salarié. Par un arrêté du 11 décembre 2019, le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement. M. B... a relevé régulièrement appel auprès de la cour administrative de Versailles du jugement n° 2000586 du 13 octobre 2020, par lequel le tribunal administratif de Montreuil a confirmé cet arrêté. Par une ordonnance du 17 novembre 2020, le président de la 4ème chambre de cette cour a transmis cette requête d'appel à la Cour.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Hormis dans le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative attaquée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. M. B... ne peut donc utilement soutenir que le tribunal a entaché sa décision d'erreurs de droit relativement à l'étendue de la compétence du préfet de la

Seine-Saint-Denis, à la charge de la preuve de la réception de la demande d'informations complémentaires de la part de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE), et à l'obligation d'examiner son droit au séjour au titre de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à la date de l'arrêté litigieux. Il en va de même des moyens tirés de l'erreur manifeste d'appréciation ou de la contradiction de motifs ayant entaché le jugement entrepris.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne le refus du titre de séjour :

3. En premier lieu, il y a lieu d'écarter, par adoption des motifs retenus par les premiers juges au paragraphe 3 du jugement, le moyen repris sans changement en appel tiré du défaut de motivation de l'arrêté litigieux.

4. En deuxième lieu, lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'est pas tenu d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition de ce code, même s'il lui est toujours loisible de le faire à titre gracieux, notamment en vue de régulariser la situation de l'intéressé. A cet égard, s'il est constant que l'arrêté litigieux ne vise pas l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et n'examine pas la situation de M. B... par rapport aux dispositions de cet article, le requérant ne produit aucun élément corroborant sa demande alléguée d'admission exceptionnelle au séjour au titre d'une activité salariée sur ce fondement. En tout état de cause, ni les emplois exercés - ouvriers, conducteurs d'engins, chef d'équipe -, ni la durée alléguée de huit ans de présence régulière en France, ni la maîtrise du français, ni l'absence d'atteinte à l'ordre public ne peuvent être regardés comme des circonstances exceptionnelles ou justifiant un traitement humanitaire. Par suite, le moyen tiré d'un défaut d'examen de sa demande de titre de séjour sur ce fondement ne peut qu'être écarté.

5. En troisième lieu, d'une part, aux termes de l'article R. 5221-3 du code du travail, en vigueur à la date de la décision attaquée : " L'autorisation de travail peut être constituée par l'un des documents suivants : / (...) 8° La carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", délivrée en application du 1° de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou le visa de long séjour valant titre de séjour mentionné au 7° de l'article R. 311-3 du même code, accompagné du contrat de travail visé. / Elle autorise à exercer une activité professionnelle salariée dans le respect des termes de l'autorisation de travail accordée (...) ". Aux termes de l'article R. 5221-11 du même code, en vigueur à la date de la décision attaquée : " La demande d'autorisation de travail relevant des 4°, 8°, 9°, 13° et 14° de l'article R. 5221-3 est faite par l'employeur. / Elle peut également être présentée par une personne habilitée à cet effet par un mandat écrit de l'employeur ". D'autre part, aux termes de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration : " Lorsqu'une demande adressée à l'administration est incomplète, celle-ci indique au demandeur les pièces et informations manquantes exigées par les textes législatifs et réglementaires en vigueur. Elle fixe un délai pour la réception de ces pièces et informations (...) ".

6. Il ressort des termes de l'arrêté litigieux que la société " AG développement IDF " a sollicité, par un courrier reçu le 19 novembre 2018, l'autorisation d'employer le requérant. Si ce dernier se prévaut de l'absence d'accusé de réception au dossier pour soutenir que l'entreprise n'a pas reçu la lettre du 6 février 2019 de la DIRECCTE sollicitant des informations complémentaires, sous peine de rejet le 27 février 2019, le silence de cette direction sur la demande d'autorisation d'emploi a fait naître le 19 janvier 2019 une décision implicite de rejet. Au demeurant, à supposer que l'entreprise n'ait pas reçu la lettre du 6 février 2019, il lui était loisible de demander les motifs de cette décision avant l'expiration du délai de deux mois suivant la naissance d'une décision de rejet implicite de la demande présentée le 19 novembre 2018 et de connaître ainsi les pièces à fournir et, par suite, de solliciter un réexamen de son dossier. Au surplus, la lettre du 6 février 2019 de la Direccte mentionnées ci-dessus était jointe à l'arrêté attaqué. Il appartenait donc au requérant, s'il s'estimait fondés à le faire, soit d'attaquer à ce stade la décision implicite de rejet née le 19 janvier 2019 dans les conditions mentionnées, soit de produire les informations sollicitées et de demander au préfet de reconsidérer sa décision. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration doit être écarté

7. En quatrième lieu, lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance de titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il est loisible au préfet d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation sur le fondement d'une autre disposition de ce code. Il peut, en outre, exercer le pouvoir discrétionnaire qui lui appartient, dès lors qu'aucune disposition expresse ne le lui interdit, de régulariser la situation d'un étranger en lui délivrant le titre qu'il demande ou un autre titre, compte tenu de l'ensemble des éléments de sa situation personnelle, dont il justifierait. Ainsi, dans l'hypothèse où un étranger sollicite la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " salarié ", il est loisible au préfet, après avoir constaté que l'intéressé ne remplit pas les conditions posées par l'article

L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en vigueur à la date de l'arrêté litigieux, soit de lui délivrer un titre sur le fondement d'une autre disposition du code, s'il remplit les conditions qu'elle prévoit, soit, dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire de régularisation, de lui délivrer, compte tenu de l'ensemble de sa situation personnelle, le titre qu'il demande ou un autre titre.

8. Sur le fondement de l'article mentionné ci-dessus, le préfet de la Seine-Saint-Denis était tenu consulter la direction régionale des entreprises de la concurrence de la consommation du travail et de l'emploi. En l'absence des informations demandées par cette direction, il n'était pas suffisamment informé de la situation du pétitionnaire, pour passer outre à l'avis négatif de cette direction, et pour accorder le titre de séjour demandé. De plus, il ressort des visas et des motifs de l'arrêté litigieux, que le préfet de la Seine-Saint-Denis a vérifié s'il pouvait régulariser la situation de M. B... sur le fondement de la vie privée et familiale. Par suite, il n'apparaît pas que le préfet de la Seine-Saint-Denis se soit estimé lié par l'avis négatif de la direction régionale des entreprises de la concurrence de la consommation du travail et de l'emploi, ni qu'il ait ainsi commis une erreur de droit sur l'étendue de sa compétence.

9 En dernier lieu, si M. B... met en avant les données relatives à sa situation, mentionnées au point 4 du présent arrêt, il ne ressort pas des pièces du dossier, compte tenu de l'âge auquel il est arrivé en France, de l'absence de preuve d'intégration, et surtout de la présence au Mali de son épouse, que le refus de titre de séjour ait porté une atteinte excessive à sa vie privée et familiale. Ainsi, doivent être écartés les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, et des dispositions du 7° de l'article 313-11, en vigueur à la date de l'arrêté litigieux, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont, au demeurant, le bénéfice n'a pas été sollicité par le requérant.

En ce qui concerne la mesure d'éloignement :

10. Compte tenu de ce qui a été dit aux points 4 et 9 du présent arrêt, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de cette mesure sur la vie privée et familiale de M. B... ne peut qu'être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, doivent être également rejetées ses conclusions à fin d'annulation et d'injonction sous astreinte, ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des

outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 22 septembre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Carrère, président,

- M. Soyez, président assesseur,

- M. Simon, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 6 octobre 2023.

Le rapporteur,

J-E. SOYEZLe président,

S. CARRERELa greffière,

E. LUCE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20PA03412


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA03412
Date de la décision : 06/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. CARRERE
Rapporteur ?: M. Jean-Eric SOYEZ
Rapporteur public ?: M. SIBILLI
Avocat(s) : PATUREAU

Origine de la décision
Date de l'import : 15/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-10-06;20pa03412 ?
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