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03/10/2023 | FRANCE | N°22PA04059

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 03 octobre 2023, 22PA04059


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La Société Paris Go, représentée par son gérant M. B..., a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet de police de Paris a refusé d'abroger, à titre principal, l'arrêté n° 79-651 du 20 novembre 1979 portant règlement sanitaire du département de Paris et ses annexes, ou, à titre subsidiaire, les articles annexes 56 et 57 dudit arrêté.

Par un jugement n° 2006916/6-2 du 28 juin 2022, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demand

e.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, un mémoire complémentaire et un mémoire...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La Société Paris Go, représentée par son gérant M. B..., a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet de police de Paris a refusé d'abroger, à titre principal, l'arrêté n° 79-651 du 20 novembre 1979 portant règlement sanitaire du département de Paris et ses annexes, ou, à titre subsidiaire, les articles annexes 56 et 57 dudit arrêté.

Par un jugement n° 2006916/6-2 du 28 juin 2022, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique enregistrés les 2 septembre 2022, 20 mars 2023 et 25 avril 2023 la Société Paris Go, représentée par Me Zahedi, demande à la Cour :

1°) de déclarer la requête recevable ;

2°) d'annuler le jugement du 28 juin 2022 du Tribunal administratif de Paris ;

3°) d'annuler la décision implicite de rejet du préfet de police ;

4°) d'enjoindre au préfet de police d'abroger dans son intégralité l'arrêté n° 79-561 du 20 novembre 1979 portant règlement sanitaire du département de Paris et ses annexes, sous astreinte de 200 euros par jours de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, d'abroger les articles annexes 56 et 57 dudit arrêté, dans le même délai et sous la même astreinte ;

5°) dans le dernier état de ses écritures de condamner l'Etat à lui verser la somme de 15 746 079,36 euros au titre de son préjudice économique et la somme de 100 000 euros au titre de son préjudice moral, assorties des intérêts au taux légal à compter du 6 janvier 2020 ;

6°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté n° 79-561 portant règlement sanitaire du département de Paris est illégal dès lors qu'il n'a pas été pris en application d'un décret en Conseil d'Etat, en méconnaissance des dispositions combinées des articles L. 1311-1 et 1311-2 du code de la santé publique, et qu'aucune disposition législative ne l'a validé ;

- les dispositions des articles 56 et 57 méconnaissent la directive 2006/13 relative aux services dans le marché intérieur en ce qu'elles instaurent, pour l'exploitation d'un établissement hôtelier, un régime de déclaration préalable, qui doit être assimilé à un régime d'autorisation au sens de cette directive, sans pourtant que soient satisfaites les conditions posées par ladite directive pour l'instauration d'un tel régime ;

- les articles 56 et 57 dudit règlement méconnaissent le principe d'égalité et les articles 6 et 13 de la Constitution de 1958 en ce que les différents règlements sanitaires départementaux prévoient des surfaces d'occupation différentes qui ne se justifient ni par les densités de population, ni par la salubrité ;

- la société Paris Go est dès lors fondée à demander réparation de son préjudice tant économique que moral.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 mars 2023, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la société Paris Go ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 27 avril 2023, la clôture d'instruction a été reportée au 11 mai 2023 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution ;

- la directive 2006/123/CE du parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur ;

- le code de santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de Mme Dégardin, rapporteure publique,

- les observations de Me Miagkoff, représentant la société Paris Go.

Considérant ce qui suit :

1. Par une lettre en date du 2 janvier 2020, la société Paris Go a saisi le préfet de police de Paris d'une demande d'abrogation, à titre principal, de l'arrêté n° 79-561 du

20 novembre 1979 portant règlement sanitaire du département de Paris, ou, à titre subsidiaire, des articles 56 et 57 dudit règlement, et elle sollicitait également l'indemnisation des préjudices qu'elle estimait avoir subis du fait de ces dispositions. Du fait de l'intervention de la décision implicite de rejet née du silence gardé par le préfet de police, cette société a ensuite saisi le tribunal administratif de Paris d'une demande tendant aux mêmes fins. Le tribunal a toutefois rejeté cette demande par jugement en date du 28 juin 2022 dont elle relève dès lors appel.

Sur les conclusions en annulation :

2. L'article L. 1311-1 du code de la santé publique, dont les dispositions, reprenant celles de l'article L. 1 de l'ancien code, sont issues de l'article 67 de la loi du 6 janvier 1986 adaptant la législation sanitaire et sociale aux transferts de compétences en matière d'aide sociale et de santé, dispose que : " Sans préjudice de l'application de législations spéciales et des pouvoirs reconnus aux autorités locales, des décrets en Conseil d'Etat, pris après consultation du Haut Conseil de la santé publique et, le cas échéant, du Conseil supérieur de la prévention des risques professionnels, fixent les règles générales d'hygiène et toutes autres mesures propres à préserver la santé de l'homme, notamment en matière : (...) / - de salubrité des habitations, des agglomérations et de tous les milieux de vie de l'homme (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 1311-2 du même code, reprenant les dispositions de l'article L. 2 de l'ancien code, issues du même article de la loi du 6 janvier 1986 : " Les décrets mentionnés à l'article L. 1311-1 peuvent être complétés par des arrêtés du représentant de l'Etat dans le département ou par des arrêtés du maire ayant pour objet d'édicter des dispositions particulières en vue d'assurer la protection de la santé publique dans le département ou la commune ".

3. Il résulte des travaux parlementaires préparatoires à la loi du 6 janvier 1986, dont est issu l'article L. 1311-1 du code de la santé publique, que le législateur a entendu, pour les matières dont il a dressé la liste à cet article, que le pouvoir réglementaire prenne par décret les règlements ainsi prévus. A défaut de tels décrets, le représentant de l'Etat dans le département ou le maire ne peuvent, aux termes de l'article L. 1311-2, intervenir pour adopter des dispositions particulières, qui ne peuvent être prises, depuis la loi du 6 janvier 1986, qu'à titre complémentaire des prescriptions fixées par décret. Toutefois les règlements sanitaires précédemment établis par les préfets en vertu de l'article L. 1 de l'ancien code de la santé publique avant sa modification par la loi du 6 janvier 1986 sont demeurés applicables dans leur rédaction antérieure au 8 janvier 1986.

4. Ainsi l'arrêté, en date du 20 novembre 1979, portant règlement sanitaire du département de Paris, antérieur à la date du 8 janvier 1986 et édicté sur le fondement des dispositions législatives qui ont été abrogées par la loi du 6 janvier 1986 adaptant la législation sanitaire et sociale aux transferts de compétence en matière d'aide sociale et de santé et habilitant le préfet à édicter les règles relatives aux mesures sanitaires applicables à Paris concernant les hôtels et la location en meublés trouvait dès lors à s'appliquer, sans que le requérant puisse faire utilement état de l'absence d'intervention des décrets d'application de ladite loi du 6 janvier 1986. Dès lors le moyen tiré de ce que le règlement sanitaire départemental de Paris serait devenu illégal doit être écarté.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 9 de la directive susvisée du parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006: " Régimes d'autorisation ; 1. Les États membres ne peuvent subordonner l'accès à une activité de service et son exercice à un régime d'autorisation que si les conditions suivantes sont réunies:/ (...) b) la nécessité d'un régime d'autorisation est justifiée par une raison impérieuse d'intérêt général ; / c) l'objectif poursuivi ne peut pas être réalisé par une mesure moins contraignante, notamment parce qu'un contrôle a posteriori interviendrait trop tardivement pour avoir une efficacité réelle (...). ". Aux termes de son article 10 : " Conditions d'octroi de l'autorisation/ 1. Les régimes d'autorisation doivent reposer sur des critères qui encadrent l'exercice du pouvoir d'appréciation des autorités compétentes afin que celui-ci ne soit pas utilisé de manière arbitraire. 2. Les critères visés au paragraphe 1 sont : a) non discriminatoires;/ b) justifiés par une raison impérieuse d'intérêt général; / (...) e) objectifs ; (...) ".

6. Aux termes de l'article 56 du règlement sanitaire du département de Paris " Surveillance : Toute mise en exploitation d'immeuble, partie d'immeuble ou d'habitation comprenant plusieurs logements ou pièces affectés à la location en meublé, en garni ou à usage d'hôtel, doit faire l'objet d'une déclaration préalable à la Préfecture de police. Tout changement dans l'occupation ainsi que toute modification du nombre ou de la disposition des locaux doivent être également déclarés. ". Aux termes de l'article 56-1 du même règlement " Les locaux qui ne remplissent pas les conditions fixées par le présent règlement sanitaire seront en totalité ou en partie interdits à la location ou à l'hébergement. ". L'article 56-2 du règlement précise que " Les représentants du service chargés de la surveillance et de la salubrité des logements loués meublés, garnis et des hôtels, ont accès aux locaux pour y faire toutes constatations et vérifications nécessaires ; les logeurs ou responsables de ces locaux sont tenus de les recevoir et de faciliter leur mission. " Enfin, aux termes de l'article 57-2 figurant dans la section 2 " Conditions d'occupation et aménagement des locaux " du règlement sanitaire départemental, " Les chambres pour être autorisées à la location en meublé ou en garni, ou à usage d'hôtel, doivent répondre aux conditions minimales ci-après : 1. Avoir une hauteur minimale sous plafond de 2,20 mètres 2. Avoir une surface minimale au sol de 7 mètres carrés pour recevoir une personne (...).3. Satisfaire aux normes minimales d'aération et d'éclairement ci-après (...) ".

7. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que si la mise en location en meublés, garnis ou hôtels doit faire l'objet d'une déclaration préalable à la préfecture de police en application de l'article 56 du règlement sanitaire départemental, ce règlement ne peut être interprété comme subordonnant la mise en location de meublés, garnis ou hôtels à un régime d'autorisation préalable, nonobstant la circonstance que l'article 57-2 dudit règlement comporte le terme " autorisé ". En effet, il ressort des pièces du dossier, et notamment des récépissés de déclaration, que le préfet de police se borne à accuser réception des déclarations préalables sans vérifier si les locaux sont conformes ou non aux dispositions du règlement sanitaire départemental et notamment à celles de l'article 57-2. Ainsi, les locaux sont mis en location sans faire l'objet d'une autorisation ; et ce n'est qu'à la suite de contrôles sur place, à posteriori, alors que l'exploitation en location a commencé, que les services de la préfecture de police peuvent, le cas échéant, dresser des procès-verbaux de contravention à l'égard des établissements ne pouvant justifier du respect des normes fixées en particulier par les dispositions de l'article 57-2 du règlement sanitaire départemental en vue de la sauvegarde de la salubrité publique. Par suite, la société Paris Go n'est pas fondée à soutenir que les dispositions précitées du règlement sanitaire départemental de Paris instaureraient un régime d'autorisation préalable à la mise en location de meublés, garnis ou hôtels, en méconnaissance du principe de la liberté du commerce et de l'industrie et des objectifs de la directive 2006/33/CE.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article 6 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 : " La loi est l'expression de la volonté générale. Tous les citoyens ont droit de concourir personnellement, ou par leurs représentants, à sa formation. Elle doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse ". Le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des différences de situation susceptibles de la justifier.

9. D'une part, si la société Paris Go soutient que les dispositions de l'article 57-2 du règlement sanitaire du département de Paris relatives aux surface et volume des chambres méconnaitraient le principe d'égalité en prévoyant, pour Paris, des surfaces d'occupation des chambres différentes de celles prévues pour le Val-de-Marne et les Hauts-de-Seine, il résulte de l'article L1 de l'ancien code de la santé publique, en vigueur lors de l'édiction du règlement sanitaire départemental de Paris, que le législateur, en permettant l'intervention de règlementations locales en matière sanitaire, notamment pour régir les surface et densité d'occupation des établissements hôteliers, a nécessairement entendu considérer que ces établissements se trouvaient dans des situations différentes selon leur localisation, et pouvaient dès lors faire l'objet de règles différentes. De plus il n'apparait pas que cette possibilité de distinction en fonction de la localisation des établissements, qui a pour objet de permettre de s'adapter aux situations locales de chaque collectivité ne serait pas en rapport avec l'objet de la loi qui l'a instaurée. Enfin il n'est ni établi ni même allégué que les dispositions contestées du règlement sanitaire départementale litigieux ne s'appliqueraient pas de manière identique à l'établissement exploité par le requérant et aux autres établissement situés à Paris.

10. D'autre part, si la société requérante invoque également l'existence d'une rupture d'égalité entre les exploitations hôtelières et les hébergements proposés sur la plateforme Airbnb il ressort des dispositions contestées que le législateur a entendu les placer dans des situations différentes.

11. Il résulte de tout ce qui précède que la société requérante ne démontrant ni l'illégalité du règlement sanitaire départemental dans son ensemble, ni celle des articles 56 et 57du règlement sanitaire, elle n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses conclusions à fin d'abrogation.

Sur les conclusions indemnitaires :

12. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que la société requérante ne démontre pas que le règlement sanitaire du département de Paris serait entaché d'illégalité. En conséquence, elle n'est pas fondée à demander réparation des préjudices résultant selon elle de l'illégalité alléguée de ce règlement.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante en la présente instance, la somme que la société Paris Go demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la société Paris Go est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Paris Go et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 12 septembre 2023 à laquelle siégeaient :

- M. Ivan Luben, président de chambre,

- Mme Marie-Isabelle Labetoulle, première conseillère,

- Mme Isabelle Marion, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 octobre 2023.

La rapporteure,

M-I. A...Le président,

I. LUBEN

La greffière,

N. DAHMANI

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22PA04059 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA04059
Date de la décision : 03/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LUBEN
Rapporteur ?: Mme Marie-Isabelle LABETOULLE
Rapporteur public ?: Mme DÉGARDIN
Avocat(s) : GOLDWIN PARTNERS

Origine de la décision
Date de l'import : 15/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-10-03;22pa04059 ?
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