Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du
12 mai 2022 par lequel le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2212715/8 du 7 juillet 2022, le magistrat désigné du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée 8 août 2022, Mme B... représentée par Me Keufak Tameze, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris du 7 juillet 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de police du 12 mai 2022 ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ou de renouveler son récépissé de demandeur d'asile dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à son conseil au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat ou, à défaut, la somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision portant refus de titre de séjour est insuffisamment motivée et entachée d'un défaut d'examen ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions des articles L. 611-1, L. 711-2 et L. 752 et suivant du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ce que sa demande devant la Cour nationale du droit d'asile était encore pendante ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation.
Par ordonnance du 23 janvier 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 24 février 2023 à 12 heures.
Par un mémoire de production enregistré le 31 juillet 2023, le préfet de police a transmis les pièces qui lui avaient été demandées.
Le préfet de police a produit un mémoire en défense enregistré le 7 septembre 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
M. A... a présenté son rapport au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante ivoirienne, a déposé une demande d'asile qui a fait l'objet d'une décision de rejet par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 18 novembre 2021. Par un arrêté du 12 mai 2022, le préfet de police l'a obligée à quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme B... relève appel du jugement du 7 juillet 2022 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :
2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Dans les cas d'urgence (...), l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée par la juridiction compétente ou son président (...) ".
3. Mme B... déjà représentée par un avocat, ne justifie pas, à ce jour, du dépôt d'une demande d'aide juridictionnelle auprès du bureau d'aide juridictionnelle, alors que le courrier par lequel lui a été notifié le jugement attaqué mentionnait expressément qu'elle devait justifier du dépôt d'une telle demande. Aucune urgence ne justifie que soit prononcée, en application des dispositions citées au point précédent, son admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Sur le bien-fondé du jugement :
4. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / (...) / 4° La reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2, à moins qu'il ne soit titulaire de l'un des documents mentionnés au 3° ; / (...) ". En vertu des dispositions des articles L. 541-1 et L. 542-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et sous réserve des cas prévus à l'article L. 542-2, un demandeur d'asile a le droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la date de lecture, le cas échéant, de la décision de la Cour nationale du droit d'asile statuant sur sa demande.
5. Par ailleurs, en vertu du second alinéa de l'article L. 532-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les recours formés devant la Cour nationale du droit d'asile doivent l'être dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision de l'OFPRA. Aux termes des dispositions de l'article 9-4 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Devant la Cour nationale du droit d'asile, le bénéfice de l'aide juridictionnelle est de plein droit, sauf si le recours est manifestement irrecevable. L'aide juridictionnelle est sollicitée dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides. Lorsqu'une demande d'aide juridictionnelle est adressée au bureau d'aide juridictionnelle de la cour, le délai prévu [au second alinéa de l'article L. 532-1] du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est suspendu et un nouveau délai court, pour la durée restante, à compter de la notification de la décision relative à l'admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle. Ces délais sont notifiés avec la décision de l'office. Le bureau d'aide juridictionnelle de la cour s'efforce de notifier sa décision dans un délai de quinze jours suivant l'enregistrement de la demande. ".
6. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... s'est vue refuser le bénéfice de l'asile par l'OFPRA par une décision du 18 novembre 2021, notifiée le 23 décembre 2021. Elle a déposé le 28 décembre 2021 une demande d'aide juridictionnelle devant la Cour nationale du droit d'asile pour contester cette décision, soit dans le délai de quinze jours qui lui était imparti par les dispositions de l'article 9-4 de la loi du 10 juillet 1991, laquelle a eu pour effet de suspendre le délai de recours. Il ressort de la décision de la Cour nationale du droit d'asile du 20 décembre 2022 que le bénéfice de l'aide juridictionnelle lui a été accordé par une décision du 30 juin 2022 et qu'elle a introduit une requête contre la décision de l'OFPRA du 18 novembre 2021 devant la Cour le 5 juillet 2022, soit dans le délai de recours contentieux d'un mois prévu par l'article L. 532-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il en résulte qu'à la date du 12 mai 2022 à laquelle le préfet de police a décidé de l'obliger à quitter le territoire français, le délai de recours contentieux d'un mois devant la Cour nationale du droit d'asile ne pouvait être regardé comme ayant expiré. Dès lors, l'intéressée était autorisée à se maintenir sur le territoire français. Par suite, Mme B..., qui bénéficiait du droit de se maintenir en France à la date du 12 mai 2022 à laquelle le préfet de police l'a obligée à quitter le territoire français, est fondée à soutenir que cette décision est entachée d'erreur de droit au regard des dispositions des articles L. 541-1 et L. 542-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui doivent être regardées comme invoquées.
7. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 12 mai 2022 par laquelle le préfet de police l'a obligée à quitter le territoire français ainsi que, les décisions du même jour fixant à trente jours son délai de départ volontaire et le pays à destination duquel elle pourra être éloignée.
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
8. L'annulation de l'arrêté du préfet de police du 12 mai 2022, implique nécessairement que le préfet de police délivre à Mme B... une attestation de demande d'asile en procédure normale dans le délai de dix jours à compter de la date de mise à disposition du présent arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés à l'instance :
9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat le versement à Mme B... de la somme de 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2212715/8 du 7 juillet 2022 du tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : L'arrêté du 12 mai 2022 par lequel le préfet de police a fait obligation à Mme B... de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixé le pays de destination, est annulé.
Article 3 : Il est enjoint au préfet de police de délivrer à Mme B... une attestation de demande d'asile en procédure normale dans le délai de dix jours à compter de la date de mise à disposition du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera une somme de 500 euros à Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B..., au préfet de police et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Délibéré après l'audience du 12 septembre 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Ivan Luben, président de chambre,
- Mme Marie-Isabelle Labetoulle, première conseillère,
- Mme Gaëlle Mornet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 octobre 2023.
Le président-rapporteur,
I. A...L'assesseure la plus ancienne,
M-I. LABETOULLELa greffière,
N. DAHMANILa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22PA03731